Si j'avais

Chapitre 1

2593 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 02/04/2019 20:58

Rue de Harajuku,

Quartier de Shinjuku, Tokyo



" La compagnie Tokyo-taxi est désolée de vous informer que tous ses taxis sont actuellement en course. Veuillez rappeler ultérieurement."


Contrariée par la tournure que prenaient les événements, Kaori Makimura raccrocha violemment le combiné téléphonique et sortit en grommelant de la cabine.


" Et comment je fais faire maintenant ? Je ne vais tout de même pas rentrer à pieds ! " pensa tout haut la jeune femme.


Tout en se frottant les bras pour tenter de se réchauffer et d'oublier la fraîcheur naissante de la nuit, Kaori laissa son regard vagabonder dans la grande rue de Harajuku, appelée communément "la rue de la drague". La nuit était étrangement calme et, à part quelques poivreaux qui chantonnaient sur les trottoirs, il n'y avait pas âme qui vive. A croire que tous les habitants de Shinjuku étaient tranquillement chez eux ou alors trop occupés à faire la fête dans les divers cabarets qui faisaient la réputation sulfureuse du quartier pour pointer leur nez dehors!


Le regard balayant distraitement les alentours, Kaori réfléchissait à la situation. Deux choix se présentaient maintenant à elle. Soit, elle persévérait dans l'attente d'un taxi et restait à se geler sur place et ne manquerait pas, dans cette éventualité, d'attraper un bon rhume, soit elle rentrait à pieds et économisait une course qui n'était, soit dit en passant, vraiment pas nécessaire.


Machinalement, la jeune femme lança un coup d'œil à sa montre. 2h31. Kaori fronça les sourcils. Elle ne s'était pas rendue compte qu'il était si tard. Elle était crevée et n'avait qu'une envie : dormir. Un dernier regard autour d'elle et Kaori engagea le pas. Après tout, elle avait tout au plus 25 minutes de marche avant d'arriver chez elle et vu le quiétude de la nuit, elle ne courait pas de grands dangers.

Kaori marchait maintenant d'un pas de plus en plus pressé. Une légère brise se leva et fit frissonner la jeune femme. Instinctivement, elle tira sur sa robe noire qu'elle trouvait décidément un peu trop courte. Elle qui ne jurait que par les pantalons et par les tenues faciles et décontractées, elle avait la désagréable impression d'être déguisée en une sorte de pin-up des beaux quartiers. Mais ce n'était qu'une fausse impression. Car de part sa coupe à la fois raffinée et classique, cette robe conférait à Kaori l'élégance et le charme qui lui manquait habituellement, selon les propres dires de son partenaire. Kaori ne s'en était pas aperçu mais Eriko l'avait transformée une fois de plus en une magnifique jeune femme. Et un bon nombre d'hommes l'avait bien remarqué eux-aussi.


Kaori frémit de nouveau. Elle regretta une nouvelle fois de ne pas avoir emporter avec elle un gilet ou une petite veste pour se couvrir un peu plus. De plus en plus agacée, elle tira une nouvelle fois sur le bas de sa robe. Elle n'était décidément pas à l'aise dans cette tenue. Elle avait pourtant tout fait pour convaincre Eriko de lui prêter un des magnifiques ensemble-pantalon qu'elle venait de créer pour sa nouvelle collection mais son amie, aussi têtue qu'elle d'ailleurs, lui avait rétorqué que ce serait un sacrifice de ne pas montrer ses longues jambes fines et galbées. Alors comme d'habitude, Kaori avait cédée. Pour qui, pour quoi ? Kaori grimaça. Pour cet imbécile de Ryô Saeba bien sûr !


Ryô Saeba.


Après s'être plainte, une fois encore et auprès d'Eriko en plus, de l'indifférence de Ryô, cette dernière lui avait conseillé de sortir, de s'amuser et d'attiser par la même la jalousie de son partenaire. Au début, Kaori avait refusé - son orgueil de femme l'interdisait de tomber aussi bas - mais après avoir essuyé, pour la centième fois de la journée, les moqueries et le désintéressement affligeant de son partenaire, elle s'était jetée, tête baissée, sur le téléphone et avait supplié son amie de l'aider. Et voilà le résultat ! Une soirée mortelle, avec des hommes plus obsédés par la taille de votre poitrine que par votre Q.I, qu'elle avait fui dès que l'occasion s'était présentée pour se retrouver dans le froid glaciale de la nuit. Kaori soupira de dépit. Elle maudissait son impulsivité. Et son caractère influençable. Ryô avait raison sur ce point. Elle ne savait pas dire non.


Un homme brun sortit d'une ruelle, écrasant nonchalamment une cigarette sur le sol et remarqua avec un intérêt non dissimulé la jeune femme qui se hâtait, seule, dans la grande rue quasiment déserte.

Perdue dans ses pensées, Kaori heurta violemment un ivrogne dont le but essentiel dans la vie était de vider le plus de bières possible en un temps record. Le pauvre homme s'étala par terre et jura, dans un langage créé par ses soins, sur la maladresse de la jeune femme. Kaori haussa les épaules et tendit la main pour l'aider à se relever. Il ne semblait pas méchant. Il lui faisait même un peu pitié. La jeune femme réprima même un fou rire quand elle s'aperçut qu'il n'arrivait plus à tenir sur ses jambes tellement il était saoul.


" Oh, excusez-moi... je ne vous avez pas vu !", lança-t-elle dans un sourire.


Mais son sourire s'effaça lorsque le vieil alcoolique invita un de ses potes à venir s'amuser avec le "joli morceau de chair féminine" qui venait de lui tomber dans les bras. Kaori vit alors un homme barbu, de constitution robuste et apparemment beaucoup moins saoul que le premier, sortir de l'ombre. Il affichait un sourire malsain.


" Alors ma jolie, on se promène ? ", la voix était abîmée par l'excès d'alcool et de la cigarette.


Kaori grimaça. Elle connaissait bien ce genre d'individus. Grande gueule mais pas excessivement dangereux. Un bon coup de marteau bien placé et elle en serait vite débarrassée.


" Alors gros porc, on cuve son vin ? ", répliqua-t-elle du tac-au-tac.


L'homme n'eut pas l'air d'apprécier la petite réflexion de la jeune femme. Kaori se pinça la lèvre inférieure. Elle n'aurait peut-être pas du dire ça. Non, vraiment pas. L'homme fronça des sourcils et, après avoir craqués bruyamment ses doigts, s'approcha de la jeune femme. BANG ! Un énorme marteau s'écrasa sur le pauvre homme qui n'avait rien vu venir. Son acolyte se mit à rigoler et s'agenouilla près de lui pour lui demander s'il avait mal. Kaori en profita alors pour filer à toute vitesse.


Le souffle court et les pieds en compote, Kaori s'arrêta pour reprendre haleine. Elle ne s'était jamais imaginée qu'il était si difficile de courir avec des talons hauts. C'était une véritable torture. Perplexe, elle se demanda comment Saeko, toujours si impeccablement sexy, s'y prenait pour ne pas tomber en pleine course avec ce genre de chaussures. Un sourire ironique apparut sur ses lèvres. Après tout, peut-être qu'il existait des cours de police qui enseignaient "l'art et la manière de rester sexy et efficace en cas poursuite policière. De et part l'inspecteur Saeko Nogami." Tout à fait le style de Saeko ! Pff... N'importe quoi ! Kaori se mit à rire. Voilà qu'elle commençait à délirer toute seule ! C'était sûrement à cause des deux verres de martini qu'elle avait bu au cours de la soirée. Il ne fallait pas chercher plus loin...


Les mains sur les hanches, Kaori inspecta les horizons et vérifia que ces deux acolytes ne l'avaient pas suivie. Rassurée sur ce point, Kaori jeta un œil sur sa montre. 2h20. Ses yeux commençaient à se fermer tout seul. Il était vraiment temps qu'elle retrouve son lit. C'est alors qu'elle sentit une main se posait sur son épaule.


Instinctivement, Kaori brandit une énorme massue, pensant que son assaillant l'avait finalement rattrapée, mais coupa net son geste lorsqu'elle s'aperçut que l'homme en question était un parfait étranger. Le poids de la massue l'entraînant irrémédiablement vers le sol, Kaori se retrouva dans les bras de l'inconnu.


"Vous n'êtes pas blessée, mademoiselle ? ", demanda-t-il dans un sourire relevant des dents aussi blanches que celles de Mick.


Rouge de confusion, Kaori se dégagea maladroitement de l'étreinte de l'homme et fit mine de mettre de l'ordre dans sa tenue pour ne pas rencontrer le regard moqueur de son sauveur.


" Non... mais merci de vous en être inquiété ", répondit-elle les joues rouges et les yeux empreint de confusion.


Quelques minutes passèrent sans que l'un ou l'autre ne prononce un seul mot.


Un peu intimidée, Kaori observa avec un détachement qu'elle était loin de ressentir, l'homme qui lui souriait. Il était séduisant. Très beau même avec ses yeux d'un noir métallique et ses épais cheveux bruns. Vêtu d'un complet sombre de couleur bleu, il respirait l'élégance et le savoir-vivre. Apparemment, c'était un homme du monde.


" Vous allez peut-être me trouver indiscret mais je me demandais ce qu'une ravissante jeune femme comme vous pouvez bien faire dans le quartier le plus chaud de Tokyo et à une heure aussi tardive ? "

Kaori hésita avant de répondre. Après tout, elle ne connaissait pas cet individu et elle ne voyait pas l'intérêt de lui raconter sa vie. Mais le sourire chaleureux et amical de l'inconnu fit fondre ses dernières réticences.


" Je reviens d'une soirée ennuyeuse et comme je n'ai pas réussi à trouver de taxi, je me suis décidée à rentrer à pieds."


Kaori sentit qu'il la détaillait des pieds à la tête. Elle comprit tout de suite qu'elle lui plaisait. Elle en était convaincue. Un sourire timide se dessina alors sur les lèvres de la jeune femme tant le compliment lui faisait plaisir.


" Alors mademoiselle, vous permettez que je vous raccompagne ? "

Visiblement cet homme avait envie de la séduire et tout ça ne l'enchantait guère. Même si elle était flattée d'être le centre d'attention de cet homme élégant et délicat, Kaori n'en était pas moins consciente qu'il serait injuste de lui donner quelques faux espoirs. Elle avait beau tout faire pour oublier Ryô, il restait le seul homme qui trouvait grâce à ses yeux. Kaori agita doucement la tête et lui expliqua qu'elle habitait tout près, à deux rues d'ici.


" Ce ne sera pas nécessaire. Je suis presque arrivée... Mais merci encore !"


Sans se préoccuper de l'homme, Kaori se remit en marche et fut un peu décontenancée de voir que ce dernier lui emboîtait le pas. Il se cala immédiatement sur son rythme de marche.


" Je vous raccompagne quand même. Je ne serais pas rassuré de vous savoir seule dans les rues à cette heure avancée de la nuit ", insista-t-il sur un ton qui se voulait sans réplique.


La jeune femme ne répondit rien. Il était du genre téméraire. Mais bon ! Après tout s'il voulait perdre son temps avec elle, c'était son problème à lui et pas le sien. Elle lui ferait bien comprendre assez tôt qu'il n'aurait rien à attendre d'elle et que c'était la seule et unique fois qu'ils se voyaient et qu'ils se parlaient. Et s'il insistait encore pour la revoir, elle lui dirait qu'elle avait un petit ami. Parfait.

Kaori avait la situation bien en main.


Un peu surprise, la jeune femme sentit la main de l'homme se poser délicatement sur le bas de son dos pour la faire tourner dans un petit passage.


" Coupons par cette ruelle. C'est un raccourci."


Sans protester, Kaori suivit l'inconnu dans la petite ruelle étroite trop contente de regagner son appartement et son lit plus rapidement que prévu. Pourtant, elle sentit que quelque chose n'allait. Comment cet homme pouvait connaître un raccourci alors qu'il ne savait même pas où elle habitait ?


L'homme stoppa net dans sa course et se planta dans la minuscule rue pour l'empêcher de passer. Kaori tiqua. Son cœur s'emballa subitement. Son cerveau lui intima de rester sur ses gardes et de faire très attention.


La ruelle était mal éclairée et il n'y avait pas un chat dehors. Le silence était pesant. Et Kaori était seule. Seule avec un inconnu dont elle n'arrivait même pas à discerner l'expression du visage.

" Il y a un problème ?", demanda Kaori d'une voix un peu tremblante.


L'homme s'approcha lentement de la jeune femme. Il affichait un sourire à la limite de la perversité. Kaori était comme tétanisée. Il avait quelque chose dans sa main. Un objet long et brillant. Kaori frémit d'horreur quand elle reconnut un couteau. Elle devait fuir. S'échapper. Car elle savait pertinemment qu'elle n'était pas de taille à lutter contre cet homme.


"Aucun problème maintenant que tu es là ", la voix était dure, cassante et pleine de malveillance.


Kaori n'avait jamais entendu de voix aussi effrayante de toute sa vie. Elle n'avait jamais ressenti une telle peur. Son sang se glaça littéralement dans ses veines. Ses jambes refusaient de bouger. Elle était complètement pétrifiée et n'arrivait pas à aligner deux idées cohérentes.


D'une rapidité presque animale, l'homme l'agrippa par les épaules et la plaqua contre le mur. Il l'écrasa de tout son poids. Kaori pouvait à peine respirer. Tremblante, la jeune femme sentit son souffle saccadé tout contre son oreille.


"Ne t'avise pas de bouger, ma jolie... Sinon tu risques de le regretter."


Le cœur de Kaori battait à un rythme effréné. A tel point qu'elle avait l'impression qu'il pouvait s'arrêter d'un instant à l'autre. Terrifiée, elle sentit la lame froide du couteau frôler la fine peau de son cou.

" Le moindre cri ou la moindre plainte et je te coupe la gorge. Compris, trésor ?"


Sanglotant silencieusement, Kaori approuva d'un signe de la tête. Un bout de bois dépassant d'une des caisses empilées sur sa droite lui meurtrissait le bas du dos alors que la lame du canif se promenait maintenant sur le haut de sa robe. Kaori retint sa respiration.


" S'il vous plaît !... Non ... Ne faites pas ça ! ... je vous donnerai tout ce que vous voudrez ... de l'argent, des bijoux... mais pitié..." Ses larmes redoublèrent d'intensité lorsqu'elle sentit des mains soulevaient sa jupe et se posaient sur ses cuisses.


" Non, arrêtez ! ... S'il vous plaît... Tout... Tout mais pas ça !... Pitié! Non !... Ryôooooo !... Ryôooo ! Aide-moi ! "


L'homme plongea des yeux meurtriers dans les yeux embués de la jeune femme et pressa une fois de plus le couteau contre sa gorge. Kaori se tut immédiatement et ferma les yeux. Elle comprit qu'elle n'avait pas le choix. Si elle ne voulait pas mourir, elle n'avait pas d'autre choix que de se taire et de se laisser faire. L'homme afficha alors un sourire empreint de sadisme et de perversité et posa ses lèvres sur celles de la jeune femme.


"C'est bien, ma jolie... Tu sais quoi, trésor ? je crois qu'on va bien s'amuser tous les deux ! "



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