Si j'avais

Chapitre 12

Chapitre final

4431 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 02/04/2019 21:57

Quartier de Shinjuku,

Ruelle Est du Quartier de Harajuku,


Ryô s'engagea dans la venelle sombre, d'un pas silencieux et assuré. Tous ses sens étaient en alerte, exacerbés par ce sentiment de haine et de représailles qui lui dévorait l'esprit depuis qu'il avait appris la funeste vérité, deux mois plus tôt.


Le corps tendu à l'extrême, il glissait avec une agilité presque arrogante entre les vieilles caisses et les vieux cageots remplis de nourritures avariées que les restaurateurs du coin jetaient ici et là, trop fatigués de les mettre aux ordures. Des mouches tournoyaient autour des poubelles surchargées de poids, les chats et chiens errants fouinant ici et là à la recherche de leur repas du soir. L'odeur était forte, écœurante, montant vicieusement au nez lui arracher une grimace de dégoût.


Pourtant, cette atmosphère lui était familière. D'une banalité affligeante même.


Les sourcils froncés, Ryô ralentit le pas, songeant spontanément à sa partenaire et au nombre de fois où elle l'avait découvert, lui, complètement ivre, après une nuit de beuverie et d'égoïsme flagrant, dans une ruelle comme celle-ci. Il s'imagina aisément avachi dans un de ces gros sacs poubelles, attendant comme un clochard lobotomisé, l'apparition de douce Kaori pour le sortir de sa torpeur éthylique.

Un léger sourire s'esquissa sur ses lèvres.


Puis il la vit. Elle. Kaori. Tremblant comme un petit animal apeuré au milieu de ces détritus avilissants. Pleurant toutes les larmes de son corps après avoir été violée et abandonnée dans cet endroit hostile. Cherchant à comprendre comment sa vie avait basculé dans l'horreur aussi brutalement.


Le sourire s'effaça se tordant en une grimace amère.


Sous la cruauté de l'image, Ryô grinça des dents, ses poings se serrant brutalement dans l'espoir de refouler le malaise qui lui étreignait subitement l'estomac.


" Je te la confie, Ryô... Veille bien sur elle..."


Promesse faite à Makimura. Promesse faite à Mick. Et promesse faite à lui-même.


Pourtant à trop vouloir la protéger de son monde à lui, il en avait oublié les menaces de l'autre monde, celui qu'il qualifiait de normal.


Kaori n'avait pas été meurtrie dans sa chair et dans son âme par un ancien ennemi, par un autre tueur avide de devenir le numéro un de la profession. Non, elle avait été agressée par un homme pitoyablement banal qui se complaisait dans cette vie normale qu'il espérait tant pour elle.


Son sentiment de culpabilité revint à la surface, le plongeant dans les méandres du supplice.


" Je te promets Kaori, qu'à partir de ce soir, je ne t'imposerai plus ce genre d'endroit... plus jamais " , ces mots, sortis dans un souffle, reflétaient une sincérité bouleversante.


Alors, plus déterminé que jamais à en finir, Ryô hâta le pas, le brouhaha de la rue s'atténuant peu à peu à ses oreilles, laissant place à un silence des plus malsains.


Les minutes s'écoulaient dangereusement.


Ryô s'enfonçait encore et encore dans le tunnel malodorant et obscure, à l'affût du moindre bruit ou du moindre petit indice qui lui démontrait que ce couple avait bien emprunté le même chemin que lui.


Plus il avançait et plus son désir de vengeance se faisait impérieux et exigeant. Tellement insatiable qu'il lui paraissait aussi vitale que l'air qu'il respirait et aussi indélébile que l'amour et la tendresse qu'il ressentait pour sa précieuse Kaori.


En fait, c'était comme si sa nature primitive cherchait à reprendre le dessus sur son humanité et qu'il redevenait le tueur froid et sanguinaire qu'il était avant qu'elle n'entre dans sa vie.

Mais lui ne voulait redevenir cet homme là.


Alors il faisait des efforts surhumains pour se maîtriser.


Perdu dans ses pensées, Ryô ne réalisa pas tout de suite qu'il était arrivé à la croisée des chemins. Les traits tendus, il regarda autour de lui, lançant un rapide coup d'œil au couloir de gauche puis à celui de droite. " Dis moi Kaori... A droite ou à gauche ?", questionna-t- il sans s'en rendre compte.


Son attitude lui arracha un petit sourire. Même loin de lui, il avait l'impression que Kaori était auprès de lui.


Le silence devenait étouffant, gardant précieusement de nombreux secrets cachés dans son mutisme troublant. Mécontent, Ryô se passa une main dans les cheveux. Il n'était pas devin et constata dans un grognement rauque que même le meilleur des tueurs professionnels pouvait avoir ses propres limites.


Soudain un cri retentit. Il était strident. Métallique. A la limite du soutenable.


" NOOOOOON ! " c'était un hurlement qui trahissait une peur panique. Ryô tourna spontanément la tête vers la droite, fermant quelques instants les yeux pour localiser précisément l'endroit d'où provenait cet appel au secours.


Son instinct de chasseur se mit alors à fonctionner au quart de tour.


" Non ! Pitié !... Arrêtez !" Un deuxième cri résonna dans la nuit, se transformant peu à peu en long sanglot apeuré. Une voix déchirante qui prenait dangereusement le timbre de celle de Kaori. " Kaori ? ", le prénom tant aimé s'échappa de ses lèvres. Troublé, Ryô bougea furieusement la tête essayant de retrouver son sang froid habituel et de sortir la voix de sa partenaire de son esprit.


Quelques secondes passèrent.


Le nettoyeur s'engagea vers le tunnel droit, longeant le mur avec précaution et discrétion, dans une attitude des plus félines. Arrivé près d'une pile de caisse, il s'agenouilla instinctivement, penchant légèrement la tête pour s'informer de la situation. L'allée donnait sur une petite cour fermée, envahie de caisses, de journaux et de vieux cartons délaissés à, n'en pas douter, par des anciens sans domiciles fixes


Le femme cria une nouvelle fois avant de se taire brutalement.


Caché derrière les caisses, Ryô remarqua les silhouettes de l'homme et de la femme, qui se battaient sous le regard d'une lune débordante de luminosité. Il tendit l'oreille, distinguant dans un frisson de dégoût et de rage, le bruit de vêtements qui se déchiraient et de gémissements étouffés.


" Le plus petit cri ou la plus petite plainte et je te coupe la gorge. Compris, trésor ? ", la voix était d'une perversité sans nom et Ryô n'attendit pas une seconde de plus pour faire taire cette âme monstrueuse.


Alors sans bruit, Ryô pénétra dans la petite cour.


La femme brune était maintenant plaquée contre un mur, écrasée par un corps qui s'offusquait de ne pas avoir le droit de se fondre en elle. La main gauche de l'agresseur s'était déjà insinuée sous sa jupe tandis que de sa main droite, il s'acharnait à couper les bretelles de son fin débardeur à l'aide d'un long couteau. " Je vous en prie... Nonnnnnnnn !", le victime hurla une nouvelle fois, essayant de refréner et de protéger son être des ces assauts lubriques.


" Ferme la ! T'as compris ?... Encore un mot et tu pourras dire au revoir à ton joli minois " , tout en parlant, le tortionnaire fit glisser la lame brillante de son couteau sur ses joues ravagées de larmes.

Le visage de la jeune femme se décomposa en un instant, recouvrant un masque de terreur indescriptible.


Alors, sachant pertinemment qu'elle n'aurait jamais le dessus sur la folie de ce monstre, elle capitula dans un sanglot convulsif. L'homme se mit alors à rire durement avant de l'allonger avec violence sur un long carton qui gisait sur le sol, près d'une vieille vitre ternie.


Impuissante face à la force de son tortionnaire, la jeune femme s'effondra sur la grand morceau cartonné dans une plainte étouffée. L'homme était dressé devant elle, les yeux éclatés par sa propre folie.


Ryô n'attendit pas plus longtemps.


Silencieusement, le nettoyeur se rapprocha de l'homme et posa fermement sa main sur son épaule droite. Impassible, il y enfonça douloureusement ses doigts, contrôlant froidement son envie de la briser en mille morceaux.


D'un geste vif et puissant, il tira l'individu en arrière et se retourna pour lui faire face.


Et c'est là qu'il découvrit son regard. Qu'il découvrit son visage. Un regard vitreux et aussi sombre que les ténèbres. Un visage dont chacun des traits reflétait la psychose tortueuse qui rongeait inexorablement l'humanité de cette âme.


C'était cet homme.


C'était ce malade qui avait volé à tout jamais l'innocence de Kaori. Qui l'avait condamné à vivre avec ce sentiment méprisable et destructeur tout le reste de sa vie.


C'était lui. Il était là. Devant lui. A seulement quelques centimètres.


La mâchoire de Ryô se contracta douloureusement, sa colère et sa haine se déversant, sur cet être dépravé, dans une ruée de coups précis et déterminés .


Pris par surprise, l'agresseur ne comprit pas immédiatement d'où provenait cette force presque surnaturelle qui lui terrassa le ventre et lui écrasa la mâchoire à plusieurs reprises. Les coups étaient insistants, maîtrisés. Suffisamment musclés pour maltraiter un corps mais pas assez pour le briser.


A moitié sonné, l'homme tituba méchamment sur ses jambes. Il ne réalisa pas tout de suite que le bruit sourd et sec qui parvint rapidement à ces oreilles était celui de sa tête heurtant brutalement le sol bétonné. Les yeux écarquillés par la violence du choc, il resta étendu sur le sol, ne sachant pas si les voix qu'il percevait étaient bien le fruit de son imagination ou le reflet de la réalité.


Des gémissements atterrées accaparèrent alors l'attention de Ryô.


Recroquevillée dans le coin d'un mur, la tête baissée et les bras serrés convulsivement sur sa poitrine presque dénudée, la jeune femme posa un regard noyé de larmes et de terreur sur l'homme qui venait de sauver son corps et son âme .


"Mademoiselle ?", la voix de Ryô se voulut douce et rassurante mais le jeune femme ne bougea pas.


Inquiet de son manque de réaction, Ryô lui tendit doucement la main, se raidissant imperceptiblement lorsque le visage défait de la femme prit les traits de sa précieuse Kaori.


Des images défilèrent alors sous ces yeux. Plus brutales. Plus choquantes les unes que les autres.


Il devina Kaori sous l'emprise de cet homme, endurant sa perversité, le cœur meurtri et déchiré. Il ressentit sa peur, sa souffrance et l'horreur de ce qu'elle avait subi. Il l'entendit l'appeler encore et encore, s'accrochant désespérément à son nom comme à sa dernière chance de survie.

" Ryôooo ! Ryôooo ! Aide-moi ! "


Et c'était peut-être ça le plus difficile à accepter. Le plus difficile à tolérer.


Ryô ferma amèrement les yeux. Encore ce malaise. Encore ce sentiment.


Il ne l'avait pas sauvée. Il ne l'avait pas arrachée aux griffes de ce monstre. Il n'avait pas su la préserver de l'immondice humaine.


Et, même si Kaori lui répétait inlassablement qu'il ne devait pas s'en vouloir, Ryô savait pertinemment qu'il devra vivre avec ce sentiment de culpabilité tout le reste de sa vie.


Un grognement rauque brisa les sombres pensées du nettoyeur. Lentement, son regard ténébreux se porta une nouvelle fois sur le violeur de Shinjuku. Cette ordure qui avait meurtrie à jamais sa douce Kaori.


" Ne vous inquiétez plus mademoiselle... ce monstre ne vous fera plus de mal... ni à vous ni à aucune autre ", articula calmement Ryô mais avec la dureté de l'acier. Rien ne laissait entrevoir la tension qui l'habitait si ce n'étaient ses poings qu'il serrait encore et encore, continuant tant bien que mal à se contrôler.


La jeune femme accueillit ces mots avec un tel soulagement que ses larmes redoublèrent d'intensité et qu'un sourire proche de l'hystérie se dessina sur ses lèvres. " Merci ", réussit-elle à balbutier entre deux sanglots.


L'agresseur, qui reprenait ses esprits, se mit sur son séant, son bras droit paralysé par la douleur. Son bras gauche, replié sur son torse, indiqua à Ryô qu'il devait souffrir des côtes.


" Merci... Oh mon dieu... si vous n'étiez pas intervenu, il .. il ... Oh mon dieu !", la jeune femme ne put finir sa phrase tant son corps était secoué de spasmes. Elle semblait sur le point de craquer. Proche de la crise de nerf.


Ryô comprit tout de suite l'urgence de la situation. Il fallait qu'elle quitte cet endroit Qu'elle quitte cet enfer. Et tout de suite.


Alors sans perdre de temps, il récupéra le gilet de la jeune femme qui gisait péniblement sur le sol et le posa délicatement sur ces épaules dénudées avant de lui murmurer quelque chose à l'oreille. La jeune femme retint son souffle. Puis serrant viscéralement les pans de son vêtement contre sa poitrine, elle baissa le regard et après quelques secondes, hocha timidement de la tête.


Sous les yeux rassurés du nettoyeur, elle entreprit alors de faire un premier pas, vérifiant que ses jambes seraient assez fortes pour la porter loin d'ici. Un peu chancelante, elle en fit ensuite un second avant de s'enfuir, aussi vite qu'elle put, de ce lieu maudit.


Ryô contempla la silhouette de la jeune femme disparaître dans l'obscurité. Il n'avait peut-être pas réussi à sauver Kaori mais il avait réussi à soustraire cette fille de la cruauté de cet homme. Et même si ça ne changerait rien à l'atroce réalité, il savait à quel point sa partenaire aurait été fière de lui et de sa décision.


Une ombre bougea derrière lui.


Plus concentré que jamais, le nettoyeur perçut le cliquetis d'un couteau qui tapait maladroitement contre un mur et le ricanement malsain d'un malade. " Tu te prends pour un héros, c'est ça ?", en entendant ces mots, les lèvres de Ryô se tordirent en un sourire cruel. " Un héros des temps moderne ?", continua-t-il d'une voix saccadée.


Ryô se retourna lentement, faisait face à son adversaire.


" C'est ça, hein? Moi j'aime pas les héros... Ils me répugnent ! ", hurla-t-il avant de s'élancer, couteau en main contre City hunter.


Ryô se régalait d'avance. Il attendait ce moment depuis trop longtemps déjà.


L'homme s'élança sur lui comme un bête enragée. Assurance impertinente ou inconscience illusoire, Ryô ne bougea pas, attendant la dernière minute pour esquiver avec une facilité déconcertante la première attaque. L'homme, complètement aveuglé par sa folie meurtrière, réitéra une seconde fois, inconscient de son erreur.


Sans le moindre problème, Ryô évinça le second assaut. Un sourire dédaigneux aux coins des lèvres, il attrapa le bras de l'individu et le tordit dans son dos, avec une cruauté sans nom. "Ahhh... " Immobilisé, l'assaillant se mit à gémir de douleur, lâchant par la même occasion son arme blanche qui tomba, dans un petit bruissement, sur le sol bétonné.


L'homme blêmit sous la douleur.


Loin d'en avoir fini, Ryô tourna encore plus violemment le bras jusqu'à entendre un petit craquement sinistre, signe évident que l'épaule avait cédée sous la pression de ses muscles.


Alors lentement, il lâcha prise et l'homme vacilla péniblement sur ses jambes.


" Alors, c'est tout ce que tu sais faire ? ", lança Ryô, la mine boudeuse. " Je suis déçu... Très déçu même..." continua-t-il sur le même ton. " Tsss... Ça va être facile... peut-être même un peu trop facile ", ajouta-t-il en bougeant la tête d'un air faussement navré.


L'agresseur était aussi pâle qu'un linge, son bras meurtri pendant lamentablement le long de son corps. Visiblement, il ne comprenait ce qui lui arrivait.


" Tu disais que des types comme moi te répugnent... ", Ryô fit craquer ses doigts dans une attitude menaçante. " Moi ce sont les violeurs qui me dégoûtent... Alors un petit conseil : prépare-toi à rejoindre l'enfer... parce que c'est là qu'est ta véritable place ", articula-t-il d'une voix tranchante.


Sous le choc des mots, l'agresseur retint son souffle, son regard paniqué balayant la sol de la cour à la recherche de son couteau.


Avec une rapidité animale, Ryô lui asséna un coup de pieds magistral dans les côtes, à l'endroit précis où ses poings avaient frappé quelques minutes plus tôt. A l'expression de souffrance atroce qui défigura le visage de son adversaire, il comprit immédiatement que ses côtes étaient belles et bien cassées. L'homme se courba de douleur, tombant lamentablement sur ses genoux.


Ryô s'avança lentement vers lui.


Le violeur ne bougea pas, trop préoccupé par sa propre souffrance. Ses épaules se soulevaient dans un rythme frénétique comme si ses poumons n'avaient plus assez d'air. Il émit des petits cris de douleur.

" Tu souffres ? Tu as mal ? ", questionna Ryô, l'air imperturbable. " Ou alors c'est juste la peur de mourir qui te paralyse ? "


Pas de réponse.


Esquissant un sourire mauvais, Ryô le releva une nouvelle fois, lui envoyant son poing droit dans sa figure et le regarda s'affaler par terre.


Un grand bruit. Puis plus rien.


Le silence était entrecoupé des lamentations sordides. A plusieurs reprises, le satyre de Shinjuku tenta de se relever mais sans succès.


Indifférent à ces souffrances, Ryô s'adossa contre un mur, les mains croisées sur son torse. "Je me suis longtemps demandé ce que je te ferais subir lorsque je t'aurais retrouvé...", expliqua Ryô, l'air aussi innocent qu'un enfant de cœur. " Pour être tout à fait honnête, j'ai pensé à plusieurs choses... hum... Te tirer une balle dans le ventre et te laisser te vider de ton sang, ici même, dans ces ruelles que tu affectionnes tant... mais non... pas assez distrayant à mon goût! " tout en parlant, Ryô retira la poussière qui salissait sa belle veste." Et si je continuais à te ruer de coup pour mieux t'abandonner à ton agonie ? Les rats s'en donneraient à cœur joie, c'est évident... ou plus drôle encore, je te tranche lentement la gorge comme tu as menacé de le faire avec elle..", les mots sortaient un à un, méthodiquement et avec toute la froideur d'un professionnel. " Alors que préfères-tu ? ", demanda Ryô.


Toujours pas de réponses. Juste le bruit d'une respiration rapide et sifflante.


Ryô ne cilla pas. Il observait, haineux, l'être qui geignait péniblement à terre.


" Tu ne réponds pas ? ", s'exclama Ryô, visiblement déçu par le manque de répondant de son adversaire. " Tu étais beaucoup plus bavard avec la fille, tout à l'heure... quand tu menaçais de la défigurer ! ", rappela Ryô en récupérant le couteau qui traînait à ses pieds, le glissant dans la poche de sa veste.


Dans un gémissement plaintif, le violeur roula sur le dos.


Les yeux fermés, l'homme resta étendu par terre, la main droite reposant sur ses côtes gauches dans un geste de protection inutile. "hahhha... A l'aide ! !" Il hurla une première fois avec une virulence non contenue. La respiration haletante, il essaya de se remettre en position assise en prenant appui sur le mur qui se trouvait derrière lui, à quelques centimètres.


Il avait la nausée et l'impression que sa tête allait éclater d'un instant à l'autre.


" Aidez-moi, je vous en prie ! Cet... Cet homme veut me tuer ! ", cria-t-il d'une voix sourde et saccadée. Ses appels au secours se firent de plus en plus chaotiques, la douleur qui lui vrillait les côtes l'empêchant de respirer convenablement et de retrouver son souffle. Le visage perlant de sueur, il referma alors les yeux, comme si ce geste avait le pouvoir d'atténuer ses souffrances.

Ryô ne broncha pas, dévisageant avec une indifférence cinglante le visage décomposé de l'homme. De cet être immonde qui commençait à ressentir ce qu'était la véritable peur. " Appelle à l'aide autant que tu voudras... Mais ce n'est pas ça qui te sauvera ", annonça Ryô d'une voix implacable.


Les secondes passèrent dans un silence mortifiant avant que l'individu ne se décide à rouvrir les yeux.


Ryô était toujours adossé contre le mur, face à lui. Il l'observait de son regard tranchant et paralysant, comme un prédateur qui contemple sa proie avant de se fendre sur elle pour mieux la dévorer.

" Mais qu'est-ce que tu me veux à la fin ?", gémit l'homme alors qu'il luttait contre la peur qui lui glaçait les veines. "Mais qu'est ce que je t'ai fait bon dieu ? " , souffla-t-il au bord de l'évanouissement.

Ryô était à présent devant lui, le dominant de sa haute taille et de sa force sauvage.


" De l'argent ?... C'est de l'argent que tu veux ? Je peux t'en donner... Beaucoup ..." réussit-il à articuler entre deux grimaces. " Mais pitié ne me tue pas... Je te donnerai tout ce que tu veux !", implora-t-il une nouvelle fois.


" Pitié ? ", Ryô tiqua.


Comment un individu aussi vil et monstrueux pouvait quémander une quelconque clémence ? Comment ?


" Pitié ?! " répéta un Ryô qui contrôlait de plus en plus difficilement sa colère. "Pitié ?!... Pourquoi aurai-je pitié de toi alors que toi tu...? Ryô ne put finir sa phrase tellement l'écœurement lui broyait la gorge.

Ryô le détailla, plus menaçant que jamais. Le corps du violeur fut prit de violents tremblements.


Il tremblait. Mais pas de douleur. Non. Il tremblait de peur.


" Ce n'était pas de ma faute... Ce sont elles qui l'ont cherché... Leur attitude, leur façon de s'habiller, leur manière de me regarder... Elles ne demandaient que ça, ces garces ! ", hurla-t-il tout en essayant désespérément de se soustraire à la force brute du nettoyeur.


C'en était trop.


A ces paroles, le regard de Ryô se voila, devenant deux lacs sombres illuminés par la flamme du dégoût. Il pensa à Kaori. A ses cris. A ses pleurs. Son cœur se remit à saigner. Toujours aussi fort. Toujours aussi douloureusement.


" Dis-moi... combien de fois t'a-t-elle imploré ?", grogna Ryô en s'accroupissant avec une lenteur féroce auprès de l'individu. " Combien de fois t'a-t-elle supplié de la laisser ? De ne pas la toucher ? ", continua-t-il, ses yeux transperçant cet être diabolique alors que ses mains empoignèrent vivement son col de chemise.


" COMBIEN ? ? " hurla Ryô dans un accès de fureur.


Pour la première fois depuis des années, Ryô perdit le contrôle. Il sentit une rage innommable envahir chaque parcelle de son être. Se fondant dans son esprit et dans sa chair comme la pire des brûlures, menaçant de le transformer en une bête assoiffée de vengeance.


Des images de Kaori en proie à la violence de cet homme le torturèrent une nouvelle fois, ravivant la rage destructrice qui menaçait de le consumer tout entier.


Ne maîtrisant plus sa rancœur , il le souleva par le col de chemise l'écrasant de toute sa force contre le mur, bien décidé à lui faire endurer milles souffrances." Je veux te voir souffrir, tu entends ?... Je veux que tu me supplies encore et encore de te laisser la vie sauve comme tu l'as fait avec elle ! " vociféra Ryô en le pressant encore plus contre la cloison en pierre.


Le visage de l'homme se tordit en une grimace atroce, le choc contre le mur accentuant la douleur déjà insoutenable de son corps cassé.


"Pourquoi aurai-je pitié d'un pourriture comme toi ? "cracha Ryô à sa figure. " Tu sais ce que je fais à des individus comme toi ? Tu sais ce que je fais aux violeurs ? ", argua-t il, les mains savamment collés autour de son cou.


Un sourire carnassier sur les lèvres, Ryô croisa ses mains robustes autour de son cou, appuyant volontairement de ses pouces sur la base de sa gorge. Le visage impassible, il accentua dangereusement la pression. Lentement et savamment.


" Agrrrr !" L'homme se mit à tousser frénétiquement puis à suffoquer bruyamment, souffrant à la fois du manque d'air et des blessures de ses côtes et de son épaule. il réussit tant bien que mal à articuler. " Pitié !"


Aveuglé par la haine et le dégoût, Ryô projeta sans ménagement son fardeau contre une pile de boites en bois. Le choc fut d'une telle rudesse que l'homme poussa un cri strident, vacillant quelques instants avant de finir sa chute sur la vieille vitre ternie que Ryô avait remarquée en arrivant.


Le bruit du verre, qui se brisait, couvrit dans un premier temps les cris de souffrance et de peur.


Gémissant et le corps démoli, l'homme était couché sur le ventre, n'osant esquisser le moindre mouvement de crainte que les morceaux de verre ne s'enfoncent encore plus profondément dans sa chair et ne lui entaillent cruellement la peau.


Les pas de Ryô écrasèrent quelques bouts de verres, dans un crissement aiguë.


Le regard noir et vidé de toute compassion, Ryô s'agenouilla près du blessé et, l'attrapant par les épaules, le retourna rapidement pour voir son visage. " Donne moi une raison, espèce de salaud... Donne moi une seule raison de ne pas t'achever ! "


Mais le violeur de Shinjuku ne répondit pas.


Son visage était coupé à divers endroits. Les plaies n'étaient pas très profondes mais elles étaient suffisamment ouvertes pour maculer de sang ses joues pâles. Sa bouche saignait étrangement. Son oeil droit tuméfié n'enlevait en rien la perversité de son regard.


Mais même défiguré, tout en lui respirait le mal et la cruauté.


" Tu as signé ton propre arrêt de mort, le jour où tu as posé tes mains sur elle ", articula Ryô comme pour légitimer ce qu'il avait l'intention de faire.


Alors la lame brillante approcha dangereusement de sa gorge. Elle s'approcha encore et encore comme aspirée par le perversion qui provenait de ce corps meurtri.


Plus que quelques centimètres.


Plus que quelques centimètres et le monde serait débarrassé de cet être monstrueux.


Ryô pensa à Kaori. A son innocence perdue. A cette blessure qu'elle gardera à jamais au fond de son cœur.


Sa décision était prise.


Il savait qu'elle comprendrait.


Il savait qu'elle ne lui en voudrait pas.


Il savait que leur amour serait plus fort que tout. Même plus fort que la mort.


FIN


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