"Il était une fois..." Pfff ... ça n'existe pas !

Chapitre 3 : L'Ogre

4470 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 25/02/2022 10:23

Le lendemain matin, bien avant l'aube, Ryo se réveilla en sursaut après un horrible cauchemar. Il avait rêvé qu'il était devenu fou, que Kaori avait été transformée en Princesse spécialiste en arts martiaux, qu'elle tombait amoureuse de Falcon qui ressemblait à un ogre et qu'il avait passé tout un après-midi à palabrer avec un âne qui lui faisait penser à Mick Angel.


Affreux. Déroutant. Pénible et dramatique. Il en avait encore le dos humide et les mains moites d'angoisse. 


Quelles ne furent pas sa frayeur et sa déception quand il constata qu'il était toujours dans ce monde de fous et que tout ça n'avait rien d'un rêve. Oh non ! Il était bel et bien perdu au Royaume de Duloc avec un ogre tout vert, une Princesse pas commode et un âne-moulin à paroles ... Ryo ne put retenir ses jurons tant et si bien que l'Âne se réveilla et lui lança, à moitié endormi :

- "T'es obligé de faire tout ce ramdam de bon matin, Chasseur ? Si c'est une tradition de chez toi, c'est détestable, je te le dis, moi !"

- "C'est juste que ..."

- "Que quoi ? Tu vois pas que le soleil n'est pas encore levé ? Change de position et dors !"


Ryo le regarda tourner en rond pour se rouler en boule dans l'autre sens et se rendormir. Il maugréa :

- "Me rendormir, me rendormir, il en a de bonnes le bourricot ... Comme si je pouvais dormir alors que tout est ..."

- "Je t'entends toujours, Chasseur. Dors !" Répliqua l'Âne sans ouvrir les yeux.

- "Mais ..."

- "Pas de mais ! Dors !"


Contrarié, Ryo se leva brusquement et ses lombaires se manifestèrent vivement. Il grimaça de douleur. Il avait dormi à la belle étoile près d'un feu de camp, à même le sol, comme dans son enfance de guérillero dans la jungle colombienne. Son dos lui rappelait cruellement qu'il n'avait plus vingt ans. Il décida de s'éloigner un peu, histoire de laisser l'Âne dormir et se dirigea vers  la forêt pour ramasser du bois tout en maudissant sa situation, sa présence ici dans ce monde insolite, son mal de dos, son impuissance. 


Ryo maugréait tout en récupérant les branches mortes qui croisaient son chemin.

- "Me voilà coincé ici à attendre qu'une princesse demande à son mari de me filer un coup de main ! A moi ! Ryo Saeba, le Numéro Un des Tueurs de tout le Japon ? Nan mais sans blague ..."


Il soupira mais, à force de réfléchir à sa situation, il finit par songer qu'il n'avait pas beaucoup d'options. Pour rentrer dans son monde, comme il se retrouvait perdu dans un univers dont il ignorait absolument les codes, il ne lui restait qu'à faire confiance à ses compagnons de route et surtout à Fiona. Et à attendre ... 


Attendre ... Pas trop son genre. Lui, il préférait prendre les choses en main, agir, monter des plans, prendre des risques pour sauver les autres ... Alors attendre qu'une princesse le sauve ... 

- "Ouais, mais j'ai pas vraiment le choix ..."


Marcher commençait à lui faire du bien. 

- "Un putain de conte de fées ... Mais merde, fallait que ça tombe sur moi ... Si y'a bien un truc que je connais pas du tout, c'est les histoires pour mioches. Moi, tout ce qu'on m'a raconté étant gamin, c'est comment astiquer des putains de rangers et remonter un fusil d'assaut. Pas comment trouver des magiciens !"


Soudain, son humeur redevint sombre :

- "Faut dire que tout ça serait nettement moins compliqué si l'autre mégère de Kaori n'en faisait pas toute une maladie pour un mot de travers ! Normal que j'ai pété un plomb et que j'ai balancé un truc qui lui a pas plu quand elle a fait ses allusions, là, quand Falcon et Miki ont annoncé leur mariage ! Elle n'a pas arrêté avec ses : "C'est meeerveilleux pour Eux ! Mais quelle chance ! Comme c'est booo un homme qui assume ses sentiments !" Et gna gna gna ... Pfff  ... il assume rien du tout, il se passe la corde au cou, oui ! Fidélité jusqu'à ce que la mort nous sépare, quelle tristesse !"


Il poursuivit, sa colère renaissant peu à peu :

- "Et Mademoiselle prend la mouche et rétorque qu'elle veut se barrer ! Bah qu'elle s'en aille ... C'est peut-être même mieux comme ça. On est trop différents, elle et moi. C'est comme Shrek et Fiona. Il n'a aucune chance ! Oui, c'est mieux comme ça ... Peut-être que je devrais rester ici, ça simplifierait les choses."


Il secoua vivement la tête, fâché contre lui même, se frappant le front plusieurs fois :

- "Et mais ça va pas la tête ! Moi, rester ici ? Non, non, non ! Je rentre. Je veux retrouver mon chez-moi, mon arme, les cabarets, la lingerie normale et les mini-jupes ! Et Kaori ... bah, advienne que pourra ! Elle est libre, elle fait ce qu'elle veut après tout !"


Les rayons du soleil commencèrent à poindre au-dessus de la ligne d'horizon quand il entendit la Princesse appeler Shrek. 

- "Bordel, quel con !" S'écria-t-il en laissant tomber son bois sec avec fracas. "C'est pas parce ça ressemble à un rêve que c'est sans danger ! Je ne détecte pourtant aucune aura agressive !"


Maudissant son inconséquence, il se précipita au moulin. Mais, fort heureusement, il avait paniqué pour rien et son instinct ne l'avait pas trompé. La Princesse n'était pas en danger. Elle allait même très bien, puisqu'elle était en train de se disputer sérieusement avec l'ogre sous les yeux étonnés de l'Âne. Shrek désigna soudain derrière lui une délégation étrange qui s'approchait d'eux : un homme à cheval, flanqué de six chevaliers à pied, tout en armures, lances, épées et étendards éblouissants dans la lumière du matin. Ryo n'en crut pas ses yeux ...

- "Oh ! Bordel de merde, c'est pas possible ! Des chevaliers ? Avec des armures et tout le tintouin ... Je rêve !" 


Il se pinça le bras, qui, à force, était couvert d'ecchymoses légères mais, encore une fois, rien ne changea. Il faudrait peut-être à un moment qu'il se rende à l'évidence et qu'il réalise enfin que, oui, il se trouvait indubitablement dans un monde parallèle, un monde magique, un monde de princesses, de chevaliers, de sorciers et de toute la panoplie allait avec.


Il écouta la discussion entre Fiona, l'ogre et celui qui se présenta comme étant Lord Farquaad. Quand ce dernier fut descendu de sa monture par deux de ses hommes qui le déposèrent au sol, Ryo éclata bruyamment de rire. Le Lord avait à peine la taille d'un enfant :

- "Oh punaise ! Un truc à compenser ! Un truc à compenser ! Et l'Âne, tu m'étonnes qu'il a un truc à compen..."


Une lance d'un chevalier en armure, vint lui picoter les côtes, lui coupant toute envie de rire ... Enfin jusqu'à ce que Farquaad se mette à genoux devant Fiona, tirant sur sa main, l'obligeant ainsi à se pencher en avant alors qu'il lui faisait très officiellement sa demande en mariage. La lance le piqua un peu plus et il retrouva son sérieux ... Ce n'était pas le moment de se faire embrocher ou de provoquer une bagarre ...


A la grande surprise de Ryo, Fiona insista auprès de Farquaad pour célébrer leur union le plus rapidement possible. Pendant ce temps, Shrek, toujours fâché, inspectait un parchemin reçu un instant plus tôt : un ordre d'évacuation pour se débarrasser définitivement des squatteurs du marais qu'il chérissait tant. Ce qu'il attendait depuis si longtemps ...


Enthousiasmé par l'empressement de la princesse, Lord Farquaad fut remis par ses hommes sur son cheval et Fiona s'installa derrière lui avec une souplesse et une élégance déconcertante. Avant qu'ils se mettaient en route, elle aperçut Ryo et se rappela soudain sa promesse :

- "Attendez, Lord Farquaad ..."

- "Oui, Princesse ?"


Elle désigna Ryo :

- "Je vous présente le Chasseur Ryo Saeba. Il vient d'un Royaume lointain et a moultes anecdotes édifiantes."

- "Parfait. Qu'il aille les conter à la prochaine taverne pour quelques piécettes." Répondit Le Lord avec désinvolture.

- "Non ... Heuuu ... Je ... Je lui suis redevable, en quelque sorte. J'aimerai beaucoup qu'il soit présent à nos noces."

- "Redevable ?"

- "Oui ... Heu ... Il ... Il ... Il m'a protégée de ... de ... de l'ogre ! Voyez-vous, avec ces créatures sans coeur, on n'est jamais trop prudent ..." Mentit-elle en lançant un regard noir à Shrek qui lui tournait maintenant le dos un peu plus loin, serrant les poings.


Ryo n'avait aucune idée de ce que ces deux-là avaient pu se dire mais visiblement, ils n'étaient pas prêts d'enterrer la hache de guerre. Ce qui n'était pas sans lui rappeler quelque chose ...


Perché sur sa monture, Farquaad réfléchit quelques instants et finit par accepter :

- "Soit. Qu'il nous suive à pied dans ce cas..."


Le cheval de Farquaad partit au pas, encadré par son cortège d'armures. Ryo suivit à contre-coeur, sous la menace des lances, déçu, contre tout attente, de ne pouvoir saluer l'Ogre Shrek et ce Bourricot d'Âne qui s'éloignaient déjà dans l'autre direction. Il les aurait bien rattrapés mais il devait rester en bons termes avec Farquaad : il voulait rentrer chez lui. 


Le temps, au château de Duloc, passa vite. On lui attribua une petite chambre, froide et austère qui ne lui servit qu'à faire un brin de toilette à l'aide d'une petite bassine d'eau froide et à manger une sorte de gruau, qui, à défaut d'être goûtu fut au moins nourrissant. Il trouva aussi dans sa chambre des vêtements pour la cérémonie mais quand il découvrit de quoi il s'agissait, il les laissa choir sur le sol :

- "Hors de question ! Je n'enfilerai jamais des collants avec un short bouffant ! Faut pas déconner, là !" Maugréa-t-il pour lui-même avant de quitter la petite pièce. "Je veux rentrer chez moi ! Les jupes trop longues, ça passe encore mais ça ... Ah non, non, non et re-non !"


D'un pas pressé, il descendit les escaliers en colimaçon et se retrouva vite dehors, dans la cour du château. Là, l'organisation du mariage allait bon train. Quelque chose attira immédiatement son attention : tout semblait avoir été pensé et mesuré au millimètre près. Pas d'agitation, de précipitation ou de signe de joie. Pas d'improvisation, de rigolades, de fantaisie. 


Tout était propre et net. Même les serviteurs et les badauds étaient propres et nets. Trop propre. Trop net. Trop lisse. Trop parfait. Pas étonnant que les créatures telles que Shrek et l'Âne ne soient pas tolérées dans un tel pays. 


Ne sachant trop quoi faire ni où aller, il trouva un petit muret en retrait pour s'y asseoir et se contenta d'observer ce qu'il se passait autour de lui. Il ne lui restait qu'à attendre. Attendre le  lendemain de la cérémonie, attendre qu'une jeune femme qu'il connaissait à peine demande une faveur à son nouvel époux, attendre qu'un nabot daigne ouvrir les portes de sa prison pour lui faire rencontrer celui ou celle qui pourrait le ramener chez lui. Son instinct lui murmurait doucement à l'oreille que ce plan était trop aléatoire ... Mais bon, il soupira et joua avec des petits cailloux qui s'égrainaient du mur sur lequel il était assis, perdu dans ses pensées. 


Il voulait rentrer chez lui. Rien de plus.


A l'heure dite, les cloches sonnèrent à la volée et tout le monde entra dans la cathédrale du château. A sa grande surprise, Ryo avait une place réservée parmi les spectateurs de marque. On lui lançait des regards intrigués mais personne n'osa lui poser de question ou lui adresser la parole : le silence était règle d'or dans l'église et les hommes de Farquaad ne manquaient de rappeler le public à l'ordre. 

- "Putain, mais on est en pleine dictature ..." Songea tristement Ryo.


A peine la cérémonie eut-elle commencé qu'il s'ennuyait déjà à mourir : d'abord, il détestait les mariages, ensuite, cela lui rappelait le petit carton d'invitation aux noces de son ami Falcon, sa dispute avec Kaori et son départ ... Pour achever son humeur massacrante, les jolies filles étaient trop vêtues pour être attrayantes avec leurs longues robes et pour couronner le tout, le prêtre balbutiait les formules consacrées d'une voix chevrotante et à peine audible. De quoi ronfler tout à fait en moins de deux ...


Et le pompon de ce spectacle était les hommes de Farquaad qui indiquaient au public, à l'aide de panneaux, les réactions qu'ils devaient exprimer. Pire que tout. Sans aucun enthousiasme, Ryo méla cependant sa voix à celle du public tout en songeant :

- "Manquerait plus que Farquaad m'ait dans le collimateur ... C'est que je veux rentrer chez moi. Putain, j'en ai marre d'être dans ce pays de dingues !"


Soudain, sur l'estrade devant lui, il vit Fiona s'impatienter. 

- "Franchement, je ne comprendrai jamais rien aux femmes." Pensa Ryo. "Comment peut-on avoir envie d'épouser un nabot aussi ridicule. Roi ou pas, ça ne change rien. Il est moche et arrogant ... en plus d'être si ridiculement petit ..."


Un énorme bruit résonna brusquement derrière lui et tout le monde se retourna vers la porte. Il se figea de surprise, il n'en croyait pas ses yeux : Shrek venait de faire son entrée en criant :

- "Je m'y oppose ! Je m'y oppose !"


Ryo pesta entre ses dents :

- "Hein ! Mais qu'est-ce qu'il lui prend, bordel !"


Devant l'autel, Lord Farquaad enragea : 

- "Rahh ! Que fait-il encore là celui-là !"


La foule d'invités, impressionnée par l'ogre, se mit à chuchoter. Le voisin de Ryo bredouilla, les yeux emplis d'angoisse :

- "Mais c'est un ogre ! Nom d'une Fée, il est complètement fou ! Ou bien serait-il enragé ? Farquaad va le faire étriper, c'est sûr ! "


Ryo répliqua, retenant le volume de sa voix autant que possible :

- "Non mais ça va pas la tête ? Il est tout à fait normal ! Enfin ... un peu mal élevé de débarquer comme ça mais ..." Il suspendit ses mots, et les yeux écarquillés, il demanda : "Etriper ? Vous avez bien dit : étriper ?"


Son voisin le lorgna de pied en cape d'un oeil suspicieux et répliqua d'un ton sévère : 

- "S'il y a bien un truc que le Lord déteste, c'est les ogres. Encore plus que les crapauds magiques, les vilaines sorcières à nez crochus ou Rumpelstilzchen. On voit bien que vous n'êtes pas du coin, vous." 


Ryo se crispa, comprenant que la situation allait être bien plus compliquée encore. De son côté, avançant dans la nef, Shrek levait les mains en signe d'apaisement et lançait, un peu embarrassé par les murmures inquiets et l'agitation craintive des invités :

- "Salut à vous citoyens ! Ouais, c'est chouette, y'a de l'ambiance aujourd'hui. J'adore Duloc, c'est très propre ... Très chic !"

- "Que faites-vous là, Shrek ?" Lui demanda Fiona.


Ryo répondit pour lui-même :

- "Oui, bonne question, ça. Qu'est-ce que tu fous là, mon vieux ? Tu veux tout faire capoter ou quoi ?"


L'ogre bomba le torse et ne se laissa pas impressionner par la démonstration de force des hommes de Farquaad autour de lui alors qu'il s'avançait lentement vers l'autel. Le futur marié s'indigna : 

- "Vous me faites déjà l'affront d'être en vie, alors que votre vue fait horreur à tous ! Mais vous inviter à une noce à laquelle vous n'êtes pas convié ..."


Shrek l'ignora : 

- "Fiona ! Il faut que je vous parle ! Ecoutez-moi !"


Ryo leva les yeux au ciel :

- "Ah bah ça y est, j'ai compris. Il veut se faire zigouiller ! On n'a pas idée de dire des trucs pareils à une princesse sur le point de se marier à un type qui hait les ogres, non mais franchement !" 


Devant l'autel, Fiona dévisageait Shrek, visiblement contrariée :

- "Oh, vous voulez me parler maintenant ? Je suis navrée mais c'est trop tard, mon cher. Si vous voulez bien m'excuser ..."

- "Oui, voilà ..." Songea Ryo. "Reprenez où vous en étiez, comme ça, demain je pourrais peut-être rentrer chez moi ..."


Fiona se pencha pour embrasser Farquaad mais Shrek tira la princesse par le bras : 

- "Vous ne pouvez pas l'épouser!"

- "Ah bon ? Et pourquoi ça ?" Chuchota Ryo en croisant les bras, assis sur son banc.


Fiona se dégagea de l'emprise de Shrek et lui lança fièrement : 

- "Tiens donc ! Et pourquoi ?"

- "Ah voilà ... Merci Princesse de poser les bonnes questions." Concéda Ryo à voix basse, satisfait.

 - "Parce que ... Parce qu'il ne vous aime pas ! Il ne vous épouse que pour être roi !" Lança Shrek, sûr de lui.

- "Quoi ? Sérieux ? Juste pour être roi ?" Commenta Ryo à voix basse.

- "Sacrebleu,  faut tout vous expliquer, à vous !" Lui murmura son voisin. "Farquaad n'est qu'un simple Lord. Seule l'union avec une princesse officielle peut lui conférer le titre de roi. C'est pour ça qu'il épouse la Princesse Fiona."

- "Et bah, Shrek n'a pas tord. Se marier, c'est déjà nul, mais alors juste pour avoir un titre en plus, c'est archi-nul."


Son voisin voulut répliquer mais il fut interrompu par le glapissement de rage de Lord Farquaad :

- "Quel insolent outrage ! Fiona, ne l'écoutez pas !


Shrek insista auprès de la mariée :

- "Ce n'est pas lui votre véritable amour ..." 

- "Et que connaissez-vous de l'amour véritable ?" Lança la princesse, amère à l'attention de l'ogre.

- "Aïe." Conclut Ryo en pensée. "Ça fait mal ça, Princesse. Comme dirait l'autre : C'est vilain, de dire des trucs pareils. Très vilain. ".


Shrek hésita. Ryo serra les dents, le coeur lourd, imaginant bien le désarroi de l’ogre alors que Lord Farquaad se moquait ouvertement, riant à gorge déployée : 

- "Voici qui frise le ridicule ... Hahaha ! Voilà que l'ogre est tombé amoureux de la princesse ... Hahaha !"


Fiona se tourna vers l'ogre pour lui demander d'une voix douce :

- "Shrek ... Est-ce la vérité ?"


Le nabot tira la princesse par le bras :

- "Ahhh ! Grotesques balivernes et foutaises que cela ! Fiona, mon amour, nous ne sommes qu'à un baiser du bonheur éternel, embrassez-moi !"


Ryo sentit que tout ça allait définitivement mal tourner quand la princesse se dégagea et se tourna vers les vitraux et désigna le soleil couchant. Il retint son souffle alors qu'elle prononçait tristement :

- "Le jour sourira, la nuit pleurera ... J'ai voulu vous le montrer ce matin  ..." 


Et soudain, alors que le soleil disparaissait à l'horizon, une lumière pailletée d'or entoura délicatement la jeune femme et Fiona se transforma. Sa peau prit une teinte verte, ses oreilles se firent trompettes, son nez s’élargit et s'aplatit, sa silhouette grandit ... Elle devint ... Ogresse.


D'abord médusée, la foule s'agita et des murmures inquiets se firent entendre. Sidéré, comme tous les autres, Ryo lâcha :

- "Bah merde alors ... Ca je l'ai pas vu venir ! Il m'auront tout fait, ces deux-là !" 


Shrek sourit, heureux :

- "Eh bah ... ça explique des tas de choses ..."


Ryo, lui, observait Farquaad qui affichait une mine dégoûtée. Tout en se faufilant sous le banc d'en face pour sortir de la foule et s'approcher discrètement de l'autel, il chuchota plus pour lui que pour l'ogre :

- "Tu m'étonnes ! Par contre, je sens que ça ne va pas plaire à Petit Nabot Grincheux, mais alors pas du-tout-du-tout ..."


Lord Farquaad s'écria :

- "Pouah, c'est écoeurant ! Gardes ! Gardes ! Jetez-moi ça au cachot ! Saisissez-vous de ces choses ! Emmenez-les ! Emmenez-les tous les deux !" Il saisit la couronne qui était posée derrière lui sur un coussin écarlate et l'ajusta sur sa grosse tête : "Ce mariage est consacré, ce qui fait de moi, le Roi ! Le Roi !"


Les gardes se ruèrent sur les ogres mais se trouvèrent face à Ryo qui venait de s'interposer entre eux. Surpris par l'allure de cet homme étrange, les soldats en armures se figèrent pendant quelques secondes. Il n'en fallut pas plus à Ryo pour sortir un petit caillou de sa poche, un de ceux qu'il avait égrainé du muret quelques heures auparavant. D'une pichenette, il l'envoya directement dans l'œil d'un garde dont la visière était relevée. Ce dernier cria de douleur et porta les mains à son visage, lâchant sa lance qui atterrit dans la main de Ryo.


Il ne se sentait pas aussi à l'aise qu'avec son revolver mais ça ferait bien l'affaire. N'ayant pas d'armure, il devait absolument esquiver les coups d'épées mais ça ne lui faisait pas peur. Il en avait vues d'autres.


Il ancra ses pieds dans le sol, fit tournoyer sa lance et ne put s'empêcher de sourire. Il pouvait enfin utiliser ses aptitudes. Il pouvait agir. Se battre. Protéger. Protéger ses amis. Derrière lui, il sentit la présence de Shrek qui tenait Fiona par la main. Ryo s'appuya contre le corps massif de l'ogre. Sans un mot, ils se comprirent : dos à dos, ils se tenaient prêts au combat.


Pendant ce temps, Farquaad trépignait de rage, exigeant par ici, ordonnant par là, menaçant partout ... Le chef des gardes leva son glaive, hurla pour rameuter ses troupes et s'élança vers les trois amis, suivis par toute sa garnison. 


Du haut de son impressionnante carrure, l'ogre envoya un certain nombre d'hommes au tapis faisant sonner les armures comme des boîtes de conserve. De son côté, Ryo esquivait souplement les coups, cognait du bout de sa lance, là dans une mâchoire, ici, dans le dos, faisant un croche-pied. Fiona n'était pas en reste, utilisant ses prises de Kung-Fu avec virtuosité ou assommant les hommes en fracassant les casques les uns contre les autres. Malgré leur infériorité numérique, ils prirent rapidement le dessus et la deuxième escouade hésita à se lancer à l'assaut. 


Farquaad mugit de rage, tapant des pieds :

- "J'ai dit : saisissez-les et enfermez-leees ! Otez ces ignominies de ma vue ! Je le veux, je l'exige, je l'ordonne ! Je suis le Roi, le Roi, le Roi ! Et je vous garantis que je punirai personnellement tous ceux qui n'exécuteront pas mes or..."


Il ravala ses mots quand une lance se planta devant ses petits pieds, la pique en acier clouant la pointe de ses chaussures au sol et le manche oscillant bruyamment devant son nez.


Le silence s'abattit brusquement dans la cathédrale. Tous retenaient leur souffle. Personne n'avait jamais osé un tel affront. Même les soldats en restèrent pétrifiés. Ryo s'avança vers le Roi, le menaçant de toute sa hauteur, furieux :

- "Vous allez la fermer, espèce de nabot orgueilleux ! 


Interloqué, Farquaad dévisagea Ryo qui reprit, calmement cette fois :

- "Tout le monde va respirer un grand coup et tout sera bien qui finit bien. Shrek repartira dans son marais et vous laisserez Fiona faire ce que bon lui semble."

- "Je ... Non, Fiona est ..." 


Ryo ne le laissa pas poursuivre et s'exprima avec enthousiasme, un peu forcé certes mais il était impératif de faire diminuer la tension :

- "Bah, soyez pas triste, Lord Farquaad ! C'est pas les princesses qui manquent, non ? Vous ne connaissiez pas Fiona avant ce matin, donc, votre petit cœur devrait rapidement guérir de ce chagrin d'amour, non ?"

- "Quoi ?"

- "Alors, oui, je sais, c'était votre princesse, Votre Amouur Véritaaable mais bon, il faut se rendre à l'évidence, Mon Cher Petit Lord, elle est toute verte, donc voilà. Soit vous l'acceptez comme elle est, soit vous la laissez tranquille. Pas la peine d'user de la force de vos gardes, hein. On peut régler ça tranquillement, croyez pas ?"


Farquaad le dévisagea, la mine déconfite : 

- "Elle ? Mais, c'est une aberration, comme l'autre monstre. Elle ... Ils ... Ils ne sont pas comme nous, enfin !"

- "Et ?"

- "Ils méritent le cachot." Affirma le Lord, d'un ton condescendant.


Ryo sursauta :

- "Et pourquoi, dites-moi ? Quel est leur crime ?"


Farquaad sourit froidement et dit d'une voix doucereuse :

- "Et bien, ce sont des monstres, tous les deux. Ils doivent disparaître comme tous ceux de leur espèce car je ne m'entoure que de la perfection, ici, au Royaume de Duloc."


Le visage de Ryo changea brusquement. Devenu sombre, dur et froid, son regard se vida de toute trace de joie et d'espièglerie. Impressionné, Farquaad déglutit nerveusement quand Ryo s'avança vers lui, le dominant de toute sa hauteur :

- "La perfection ? La perfection ? Non mais vous vous êtes regardé ? Franchement !"

- "Comment osez-vous ?" Siffla Farquaad entre ses dents, vert de rage.


Ryo laissa sa colère éclater. Ce petit pédant de Lord avait besoin d'une bonne leçon et il n'allait pas se priver du plaisir de lui rabattre son caquet, tant pis s'il devait trouver une autre solution pour rentrer chez lui. Ryo Saeba ne le laisserait s'en tirer si facilement après avoir proférer de telles horreurs :

- "Comment j'ose ? Comment j'ose ? Bah comme ça ..." Il s'avança encore et ascena une pichenette sur le front du Lord, pour l'humilier.


Puis, collant son index sur le nez retroussé de Farquaad, il ajouta, menaçant : 

- "Et je vais vous dire encore un truc : heureusement qu'ils ne sont pas comme vous, vous Petit Lord Farquaad du Royaume de Duloc. Ils sont grands et verts, poilus, mangeurs de rats de motte et de limaces ou de n'importe quoi d'autres, monstrueux ou roteurs ou péteurs ou tout ce que vous voulez, ils ne vous paraissent pas parfaits mais ils le sont pour moi. Et vous savez pourquoi ? Parce qu'ils ont quelque chose que vous n'avez pas : une âme. Et grâce à ça, ils ont une chose que vous n'aurez jamais : des amis."


Farquaad le dévisagea, serra les poings et tira sur sa chaussure tellement fort qu'elle se déchira, laissant un bout de cuir accroché à la pointe de la lance. Son visage devint écarlate, il tapa du pied et hurla de rage :

- "Gaaardes ! Tuez-le !"


Les soldats se regardèrent, hésitants, craignant de rejoindre le tas de soldats hors service qui gisaient un peu plus loin. Farquaad reprit, pointant Ryo du doigt :

- "Tuez-le ! Tuez-le ! Tueeez-leee !"



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