C.H.C.H. ou Courtes Histoires de City Hunter

Chapitre 5 : Un soir, près du tunnel de Shirogane

3453 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 11/10/2022 13:56

Ce chapitre participe au défi d’écriture du forum de fanfictions .fr - septembre - octobre 2022 : LE LIEU SACRE. Vous trouverez une petite présentation par ici : Défi LE LIEU SACRÉ (septembre octobre 2022) - Ateliers et défis - Forum Fanfictions.fr




Un soir, près du tunnel de Shirogane



J'étais en train de rentrer chez moi après une journée de boulot relativement chargée quand un vacarme monumental m'a fait sursauter. Si j'avais encore un cœur, je pense qu'il se serait emballé au point de s'arrêter de battre ... Je me retourne donc et là, je découvre quoi ? Deux véhicules accidentés juste à l'entrée de mon tunnel.

Mais qu'est-ce que des bagnoles foutent là ? Non mais ... Il n'y a plus de tradition de nos jours. C'est un endroit hanté, quoi, merde ! Et c'est pas comme si c'était une nouveauté en plus. Le tunnel de Shirogane de Tokyo est connu depuis quelques temps pour être la passerelle des Shinigamis entre le monde des vivants et celui des morts. J'ai veillé personnellement à ce que les humains le comprennent bien en jouant plusieurs fois les clowns effrayants d’ailleurs. C'est un endroit particulier, ça mérite un peu de respect tout de même ! Qu'on le traverse de jour, passe encore, en ne trainant pas évidemment mais de là à venir écraser sa voiture contre le mur en pleine nuit ... Est-ce que je viens m'encastrer dans l'allée de leurs maisons, moi ? 


Prêt à aller coller la trouille de leur vie à ces importuns, je revêts mes traits les plus abjectes et repoussants, me drape de noir et m'avance d'un pas flottant vers les voitures ... C'est alors que je reconnais un des véhicules.

- "Non ... ne me dites pas que ..."

Ce rouge brillant, cette plaque l'immatriculation, ce grand gaillard qui est au volant et qui fait grincer la portière en sortant du véhicule brinquebalant ...

- "Mais c'est pas vrai ... Ryo Saeba ?"

Le type épouste sa veste puis me dévisage avant de siffler entre ses dents :

- "Salut, Seigneur Shinigami, t'as sorti le grand jeu ce soir. T'es vraiment pas beau à voir."


Je ne réponds pas, me contenant de réajuster mon drap noir pour y emballer ma dignité avant de m'en débarrasser, vu le peu d'effet qu'il produit. Je le remplace, bon gré, mal gré, par ma tenue de travail habituelle : costard sombre et gueule de comptable à lunettes. Discret, passe-partout, pratique et surtout, dents de taille normale. Ryo Saeba m'interroge avec insistance sur mes techniques de déshabillage. Je fais mine de l'ignorer pour dissimuler le fait que je ne comprends absolument rien à ses problèmes. En plus, ce n'est pas le moment des bavardages, j'ai des âmes à vérifier et je me dirige vers les deux voitures accidentées. Dans celle de Ryo Saeba, Kaori Makimura est évanouie sur le siège passager. Je passe la main sur son visage et visualise ses bougies de vie. Elle en a perdu une mais elle a de quoi tenir. Son destin est resté le même. Je m'en doutais un peu mais je préfère vérifier. C'est que je commence à les connaître, elle et sa famille. Les Makimura sont du genre à bousculer les prévisions de mes supérieurs pour à peu près toutes les personnes qu'ils croisent, alors, il vaut mieux être prudent quand on a affaire à un membre de cette famille.


Je flotte vers l'autre voiture accidentée dont le capot, transformé en accordéon fumant, a percuté l’arrière de la petite voiture rouge. Je jette un œil aux passagers.

- "Qu'est-ce que tu m'amènes cette fois ?"

- "Des gros vilains qui nous ont pris en chasse parce que Kaori a balancé leur cargaison de drogue droit dans le port." Me répond Ryo Saeba.

- "Pas malin, ça."

- "Bah, tu la connais ? Quand elle se met en rogne ..."

Je le regarde. Bizarre, ce ton faussement détaché. Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas croisés mais je suis presque sûr que ce n’est pas dans ses habitudes, que ça sonne faux. 


Je passe la main devant les visages des malfrats. Ils sont effectivement complètement sonnés eux aussi mais pas prêts à passer de l'autre côté avec moi. Pas de boulot pour moi, ce soir, je ne ferai pas d'heure sup'. J'en profite cependant pour détailler leur grosse berline allemande toute blanche. Depuis peu, je m'intéresse aux véhicules des humains. Je m'amuse à faire des statistiques. Les marques, les couleurs, les profils des conducteurs, les causes des accidents, tout ça. Ça ne mène pas à grand-chose mais ça me distrait. J'ai toujours aimé les mathématiques.

- "Alors ?" M'interpelle Ryo. "Tu prends quelqu'un aujourd'hui ?"


Quelque chose dans sa voix m'intrigue vraiment. Cette fois, j'arrête d'inspecter la voiture blanche pour me planter devant lui, collant mon visage au sien pour mieux l'observer. Ses mâchoires sont crispées, sa bouche pincée, une fine sueur voile le haut de ses lèvres et fait briller son front. Son regard est chargé de défi. En baissant les yeux, je note qu'il a les poings serrés, gonflant ainsi les poches de sa veste. Jambes légèrement fléchies, le dos droit, il semble prêt au combat. 

- "Ne sois pas ridicule, Ryo Saeba. Même toi, tu ne ferais pas le poids !"


Je m'éloigne en riant de son agressivité injustifiée et flotte encore un peu d'un véhicule à l'autre. Je joue. Je le lorgne en biais. A chaque fois que je me détourne, il regarde sa passagère. Kaori ... 

Ahhh ! C'est donc ça ! Pfff, les hommes... Tous pareils ... Même celui-là. Au fil des années, il est devenu comme les autres. 

Pour être honnête, je ne comprends rien aux émotions des humains. Je les observe, les analyse, les identifie -oui, j'en ai fait aussi quelques statistiques, totalement inutilisables celà dit- mais je ne compatis pas. J'ai bien essayé mais quand ça veut pas, ça veut pas ; que voulez-vous ? Peut-être les ai-je comprises un jour et peut-être ressenties mais c'était il y a tellement longtemps que je ne m'en souviens plus. 

Comme la réaction de Ryo Saeba m'amuse, je poursuis, je simule l'hésitation, passe d'un véhicule à l'autre, inspecte les personnes présentes, repasse ma main devant les visages.

- "Qui prends-tu ?" Gronde-t-il.


Quand je me présente aux mourants, en général, ils flippent. Pour peu que j'ajoute un petit vent glacé et ils se ratatinent sur eux-mêmes, tremblent, claquent des dents, bégaient, suent, me fixent avec des yeux exorbités. Lui, c'est une autre histoire. Même lors de notre première rencontre, alors qu'il était tout minot et que je suis venu guider plus d'une centaine d'âmes après un crash aérien, il n'avait pas eu peur de moi. Je m'étais même demandé s'il ne souhaitait pas que je l'emmène ... mais son destin était clair : il ne devait pas mourir ce jour-là. Cependant il était tellement seul ... C'est ce qui m'avait incité à le garder sous mon aile, si je puis dire. J'ai continué à garder un œil sur lui. C'était pas du luxe d'ailleurs, parce que le gamin en question avait le don de se mettre dans des situations pas possibles. Alors oui, de temps à autre, j'ai déplacé quelques pions pour ne pas avoir à aller le chercher. Vous allez me dire que ce n'est pas très réglo avec ma hiérarchie ni avec le respect des lignes du destin et tout le tintouin mais bon ... Un spécimen par-çi par là, c'est comme les statistiques, ça passe le temps. Et le temps est long quand on bosse depuis une éternité sans perspective d'avancement ou de retraite. 

- "Tu n'as pas répondu à ma question, Shinigami. Qui prends-tu aujourd'hui ?"


Je me tourne vers lui et là, j'éclate de rire :

- "Me menacer avec ton arme est totalement futile, tu le sais bien. Garde ça pour ceux qui craignent de perdre leur existence." 

Je fonds sur lui et, de mon doigt décharné, j'appuie sur le canon de son revolver pour le faire descendre. En réponse, il réajuste sa visée et colle l'arme à feu dans mon nez de comptable. Je presse à nouveau sur le haut de son arme. Il insiste. Je comprends qu'il est temps d'arrêter :

- "T'as pas d'humour ... Pfff, pour une fois que je peux me marrer un peu. T'as bien failli me faire mourir de rire, tu sais ?"

Il me dévisage, silencieux. 

- "Mourir de rire ... Pour moi, un esprit de la mort ... Tu piges ?"

Il reste imperturbable. Je viens de me prendre un bide. Je soupire ... enfin, je simule un soupir car ça fait bien longtemps que mes poumons ne contiennent plus d'air.

- "Les meilleures blagues sont les plus courtes, c'est ça ?"


Il hoche la tête. J'en profite pour reculer un peu. Même si une balle dans le crâne ne me tuerait pas, ça pourrait me causer des tracasseries dont je me passerais volontiers. 

- "Personne ne m'intéresse aujourd'hui."

Ses épaules se relâchent, il expire profondément et se tourne vers sa voiture.

- "Tu es sûr ? Personne ?"

- "Oui. Je n'en prendrai aucun. Les deux là n'ont pas consumé toutes leurs bougies de vie, même si, pour un des deux, on n'est pas loin. Quant à Kaori et toi, vous avez encore tout un stock. J'y veille, d'ailleurs. Au fait, j'y pense ... On n'avait pas fait un marché ?" 

Et oui. A force de changer les pions de place pour dévier mon spécimen de quelques issues funestes, il a fallu compenser. Donc, je me suis permis de lui demander un petit coup de main et de me rapporter certaines âmes pour me décharger un peu de ma masse de travail. Une formalité, un passage obligé on va dire pour me permettre de garder un œil sur lui sans que ma hiérarchie ne me tombe dessus. Mais ces derniers temps, il est moins assidu ... et j'ai bien l'intention de savoir pourquoi maintenant que je l'ai sous la main.

- "Ca fait un moment que tu ne m'as amené personne d'intéressant. Comment ça se fait ?"


Ah ? 

Tiens ? 

Voilà qu'il danse d'un pied sur l'autre maintenant. Il se gratte le crâne, ajuste le col de sa veste, il bégaie :

- "Ah ... ça ... c'est que ..."

- "C'est que quoi ?"

- "Bah tu sais ... en ce moment ..."

- "En ce moment quoi ?"

Il se reprend soudain, affiche un air détaché et assuré en rengainant son arme. Très classe. J'admire l'effet dramatique qui semble parfaitement maîtrisé. Il sort une clope et se l'allume sous mon nez :

- "Les affaires ne sont pas très florissantes."

- "Vous venez de balancer de la drogue dans le port, c'est que vous avez du boulot."

- "Oui, enfin, non ..."

- "Tu sais, c'est toi qui es venu me voir. Si vous ne vous étiez pas beugnés sur le mur de mon tunnel, je ne me serais pas déplacé pour rien. Mais comme tu es là ... j'en profite pour faire un brin de causette ..."

- "Ton tunnel ?"

- "Oui, oui, mon tunnel. C'est ma porte d'entrée, bien planquée dans un coin au milieu, vers la sortie de secours. Enfin ... ma porte d'entrée ... c'est plutôt un portail. Parce que, de l’autre côté, ça fait plus la taille d'une grande villa avec parc arboré que celle d'un minuscule appart, je dois avouer. On a de l'espace, nous autres Shinigami. Et plein de pied-à-terre un peu partout."

- "Vous êtes nombreux ?"

- "Assez oui."

- "Oh ... J'avais jamais remarqué."

- "Il faut dire qu'on se ressemble tous un peu ... Et puis quand tu as rencontré un Shinigami, en général, tu renouvelles rarement l'expérience, si tu vois de quoi je parle ... Sauf toi, t'es un peu un cas à part, on va dire. Non, non, je ne pourrais jamais faire tout ce boulot tout seul. Comment veux-tu ? Détacher les âmes des corps après s'être assuré que c'est le bon moment, les diriger vers le passage qui leur est réservé, éviter qu'elles ne s'échappent et se paument, ça c’est galère quand il y en a une qui part en vadrouille … et puis tenir les comptes en équilibre, tout ça ... C'est pas faisable sans une équipe soudée et une bonne organisation. Ce qui n'empêche pas d'avoir des journées bien remplies, crois-moi ! Et là, tu vois, j'étais en train de rentrer tranquillement quand vous avez ... débarqué sans être invités.

- "Alors c'est vrai ? Le tunnel de Shirogane est bien un passage vers l'au-delà ? Je croyais que c'était une légende urbaine."

- "Bah, les légendes urbaines, tu sais comment c'est, n'est-ce pas ? Difficile de savoir laquelle est vraie et laquelle n'est qu'un leurre. "

- "Et multiplier les leurres est la meilleure des dissimulations." Complète-t-il en souriant.

- "T'as tout compris. Bon, je compte sur toi pour garder ça entre nous ? On ne va pas donner l'adresse à tout le monde, hein. Sinon, c'est le début du n'importe-quoi. D'autant plus que je ne sais pas si mes collègues supporteront souvent un tel manque de respect." Dis-je en désignant les véhicules. "C'est un endroit spécial tout de même, faut se comporter comme il faut."

- "Pardon pour ça. Ce n'était vraiment pas voulu."

- "Oui, oui, allez ... Quand les dépanneurs viendront ramasser tout ce bazar, j'en profiterai pour apparaître et leur faire peur. Un bon courant d'air en prime et le tour sera joué. Plus personne ne viendra ici. En attendant, je rentre chez moi, si tu veux bien, j'en ai plein les pattes."


Je m'en vais donc tranquillement quand soudain, je me rappelle qu'il n'a pas répondu à ma question. L'aurait-il fait exprès ? Toutes ces questions ... 

Ohhh ! 

Je me retourne, penchant la tête et levant mon index vers le ciel :

- "Auuu faiiit, j'ai failli oublier ..."

- "Quoi donc ?"

- "Tu ne m'as pas dit pourquoi tu ne remplis plus ta part du contrat ? Tu es censé m'amener ceux qui méritent de mourir, non ?"

- "C'est que ... tu l'as dit toi-même, il faut une sacrée organisation pour faire ce job et, voilà, j'ai été pris par ... par mes obligations ... tu sais ce que c'est, hein ? On dit oui à tout le monde, on accumule les engagements et hop, on ne voit pas la semaine passer ... héhéhé ..."

- "Tes engagements ? Tu as donc des engagements plus importants que celui envers moi ?"

- "Ah, heu ... non, non, non ... C'est pas ce que je voulais dire ..."


Revoilà qu'il danse, se gratte le nez, rit bêtement ... Désespérant. On ne va pas y arriver.

- "Viens en au fait, Ryo Saeba. On ne ment pas à l'esprit de la mort. Ça ne se fait pas."

Une fois encore, il reprend brusquement son sérieux et darde son regard sombre dans ce qui me sert d'yeux. Son assurance me fait sourire. Il m'amuse bien mon spécimen. 

- "J'ai changé, Seigneur Shinigami. Je ne suis plus le même homme. Elle m'a changé et c'est bien comme ça."

Elle ? Ben, tiens. Je lui dis que je l'aurais parié ? 


Je croise les bras. Cependant, sa défection ne me vexe pas. Je me doutais bien qu'un jour ou l'autre, notre petit arrangement ne serait plus d'actualité. C'est sans importance, j'ai bien aimé papoter avec lui. Honnêtement, je n'avais pas vraiment besoin de lui, c'était juste une façon de passer le temps. 

Je l'observe alors qu'il reste immobile, silencieux, me défiant du regard. J'ai bien envie de rire. Il m'aura fait ma soirée, finalement. Ça valait bien deux tas de ferraille encastrés devant chez moi. Mais comme je ne veux pas plier trop facilement et paraître trop magnanime -ça serait un comble pour un esprit de la mort- je fais semblant d'hésiter et je vais à nouveau inspecter la passagère de sa voiture accidentée.

- "Qu'est-ce que tu fais ?" Me lance-t-il de loin d'un ton mordant, presque agressif.

- "Détends toi. J'observe, c'est tout. J'ai bien le droit d'aller regarder de plus près la responsable de ce revirement de personnalité chez toi, Ryo Saeba." 


Je ris et je profite de mon apparence de comptable humain pour lui lancer un clin d'œil que je sais parfaitement explicite. Je passe ensuite à travers la portière et lorgne Kaori de plus près, au sens propre du terme. Même si je me fiche royalement des attraits physiques des femmes en particulier et des êtres humains en général, je sais que mon geste fera réagir mon spécimen alors je n'hésite pas. Je tire un peu sur les boutons du chemisier de la jeune rouquine pour mieux mesurer son décolleté :

- "C'est ça qui t'a fait changer d'avis ... ou ces gambettes-là ?"

- "A ta place, je ne ferais pas ça ..." Entends-je dans mon dos.

Je n'ai pas le temps de demander d'explication à Ryo quant à sa menace qu'un impact violent me percute de plein fouet. J'entends ma mâchoire claquer sous le choc et un écho assourdissant se répercute entre les tempes de ma tête vide de toute substance vitale. Mon corps heurte violemment le sol alors qu'un rugissement me parvient dans tout ce vacarme crânien :

- "Non mais vous vous prenez pour qui, le pervers binoclard ?!?"


C'est moi, le pervers binoclard ? Non mais, hé ... Je tente bien de me relever mais mon corps chancelle, craque, grince. C'est bien la première fois que ça m'arrive. J'entends vaguement les deux humains qui parlent au-dessus de moi :

- "Kaori ..." 

- "Quoi ? Tu en veux une toi aussi ?"

- "Pourquoi ? J'ai rien fait, moi !"

- "T'as laissé faire, c'est pareil."

- "Hé ho ... C'est pas si simple."

- "C'est qui, lui ? Il sort d'où ?"

- "Heuuu ... Bonne question, tiens. C'est un ... un ami. De longue date. Oui, on va dire ça comme ça."

- "Un pote de beuverie ?"

- "Non, c'est pas ça ..." Soupire-t-il. "Je dirais même que c'est quelqu'un de haut placé ... et merde ! Il fallait que tu l'assommes avec une de tes massues ? Je sais pas comment je vais pouvoir rattraper le coup, moi."

- "Hey ! J'allais pas me laisser tripatouiller comme ça, pendant que je suis évanouie, ça va pas la tête ! Haut placé ou pas, ça se fait pas, point !"

- "Allez, viens, on se sauve." Ordonne-t-il en ouvrant brusquement la portière qui couine horriblement, ce qui me fait frémir comme si ce son affreux se répercutait douloureusement dans chacun de mes vieux os.

- "Heuuu ... On laisse la bagnole ?"

- "Oui, oui, ne t'inquiète pas. Fais-moi confiance, il vaut mieux qu'on se mette au vert pendant quelque temps."

J'entends alors leurs pas s'éloigner et je grince des dents avant de laisser échapper un murmure qui sonne comme le crissement de la portière .

- "Oui, oui, faites donc ça ..."


Pendant que je commence à me relever, sentant enfin mon squelette se remettre brusquement en place -non d'une pipe, ça déménage- j'aperçois Ryo Saeba qui revient prestement sur ses pas pour me glisser discrètement :

- "Pardon, pardon, pardon, Seigneur Shinigami ... faut pas nous en vouloir. Mais je t'avais prévenu, oublie surtout pas que j'ai voulu te protéger, hein ?"

- "Hummm ..." 

- "T'es sûr que ça va ?"

- "Hummm ..."

- "Tu comprends ce que je vis quand elle se met en colère ? Moi, c'est presque deux fois par semaine que je m'en prends une ..."

Comment cela est-ce possible ? Je poserais bien la question mais finalement j'y renonce. Je crois que je n'ai même pas envie de le savoir. Je veux rentrer chez moi pour oublier cette cuisante humiliation, c'est tout. 

- "Va-t'en, Ryo Saeba, va-t'en. Pars avec Kaori Makimura et que je ne vous revoie plus de sitôt ..."


Je me dirige vers mon entrée cahin-caha en grommelant :

- "Assommer un vénérable et effroyable Shinigami avec une vulgaire massue, on aura tout vu ... Il n'y a vraiment plus de respect de nos jours, moi je vous le dis."



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