Entretien avec un Chasseur

Chapitre 8 : Une belle équipe

3808 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 14/02/2023 09:44


- "Waouw ! Sacrée nana cette Saeko ! Alors, laissez-moi deviner ... elle s'est infiltrée dans le commissariat, après son éviction pour faire une copie du dossier qu'elle avait monté avec Hideyuki, c'est ça?"

Je secoue la tête :

- "Hummmm ... Elle n'en a pas fait de copie, elle a pris les originaux !"

Mon interlocuteur manque de s'étouffer de surprise.

- "Mais… Ils ont bien dû se rendre compte que le dossier était manquant ? C'était risqué !"

Je souris :

- "En fait, le dossier était officiellement parti pour destruction. Et Saeko a fait usage de ses meilleures armes pour le récupérer."

Mon acolyte se tasse au fond de son siège et m'adresse un sourire de connivence, sûr d'avoir raison :

- "Elle a fait intervenir son père, n'est-ce pas ?"

J'explose de rire.

- "Pas vraiment, non. Elle a utilisé une arme beaucoup, beaucoup plus dévastatrice !"

- "Laquelle ?"

- "Son corps !" réponds-je, les yeux et la bouche en cœur.

Je reprends mes esprits et mon sérieux pour ajouter :

- "Elle m'a raconté plus tard qu'elle avait réussi à s'introduire dans le commissariat à la faveur de la nuit. Elle est arrivée sans être vue à la porte des archives destinées à destruction. Quand elle a croisé le gardien, elle l'a charmé, a détourné son attention en lui présentant son décolleté aguicheur et ses jambes interminables ... Et elle a subtilisé le dossier. Elle a ensuite falsifié le registre quand le type est allé chercher je ne sais quoi dans son casier ... Et hop, elle s'est volatilisée."

Il me regarde avec des yeux ronds :

- "Et comme le type a commis une faute professionnelle, je suppose qu'il s'est bien gardé de dire qu'elle était venue lui rendre une petite visite ?"

Je claque des doigts dans sa direction :

- "Bien vu !"

- "Elle a du cran ..."

- "Oh pas que ... Elle a beaucoup de choses ..."

 

Je dis ceci avec une certaine fierté dans la voix. Je suis fier de connaître Saeko et je n'avais aucune honte à l'avouer dans mes mots. Cette femme est exceptionnelle.

Je reste songeur, il s'en rend compte et demande, légèrement taquin, me désignant avec son crayon :

- "Vous, vous avez l'air sous le charme !"

- "Qui ne le serait pas ? On voit bien que vous ne l'avez pas rencontrée ..." Dis-je en rigolant.

- "Il s'est passé quelque chose entre vous ?" Me demande-t-il d'un ton faussement innocent.

J'hésite à répondre. Certaines choses peuvent être dites, d'autres moins, je choisis une voie entre les deux :

- "Croyez-moi, si ça avait été le cas, je m'en souviendrais"

Ce n'est même pas réellement un mensonge. Mais ce n'est pas vraiment non plus la vérité. La réalité est toute autre. Pour tout dire, j'aimerais vraiment m'en souvenir. Mais ce soir-là, je n'ai été que le jouet de ce cher Hideyuki…

 

****

 

Le lendemain matin, je m'éveillai avec une drôle de sensation. Sans être une vraie migraine, un mal de tête pulsait telle une petite pointe insidieuse à l'arrière de mon crâne. Je n'arrivais pas à me repérer. Je ne reconnaissais ni le lit dans lequel je m'éveillai, ni la chambre autour de moi.

J'essayai de fouiller dans ma mémoire mais c'était comme si je sortais d'anesthésie et mon esprit avait occulté les dernières heures. Je ne me rappelais plus de rien. Mais surtout, je sentais que mon corps était fatigué de la nuit alors que mon esprit était en total décalage.

Je me tournai sur le dos et posai mon coude sur mon front, soulevant une odeur de jasmin. Ma peau sentait le jasmin ? Je reniflai davantage mes bras. Mais oui, je sentais le jasmin !

Cela finit de me réveiller complètement et je me rendis compte que je percevais parfaitement la sensation de fraîcheur des draps en satin sur mon corps.

Tout mon corps.

Je soulevai les draps et ce que je vis confirma ce dont je commençais à me douter.

J'étais dans un lit inconnu, complètement nu…

Je tournai lentement la tête vers l'autre côté du lit et j'aperçus des cheveux noirs épars sur l'oreiller. Je ne distinguais pas le visage, alors mon regard partit en exploration, le cœur battant, et découvrit la silhouette d'un corps qui me tournait le dos, soulevé par une respiration régulière. Un corps qui semblait fort harmonieux et dont la vue des courbes affriolantes finit de réveiller la partie basse de mon anatomie.

Saeko.

Je n'osais y croire. Tout semblait le prouver pourtant : je venais de me réveiller, nu, aux côtés d'une des plus belles femmes qu'il m'avait été donné de rencontrer, mais rien. J'avais beau essayer de me souvenir de quelque chose, je ne me rappelais absolument de rien.

Je l'entendais respirer doucement. Elle semblait endormie, aussi, je décidai d'en profiter pour découvrir son corps plus en détail. Peut-être cela raviverait-il des souvenirs, après tout ? J'allais soulever le drap quand une voix me fit sursauter :

- "Il est parti ?"

 

Il ? Qui ça Il ?

 

Puis en analysant la tristesse qui perlait dans cette simple question, j'avais compris. Hideyuki.

- "Salopard ! Mais quel salopard, ce type ! Il a tout gardé pour lui et rien pour moi. Sale égoïste !" Pensai-je, en me remémorant ce que je savais des possessions par les fantômes.

En effet, ces derniers ne s'embêtaient pas à préserver le libre arbitre de leurs hôtes, contrairement aux anges ou aux démons. Ils entraient simplement en vous et balançaient votre conscience aux oubliettes. Oui, voilà ce qu'il s'était passé : sans aucun égard pour moi, Hideyuki avait occupé mon corps, envoyant mon esprit valdinguer au plus profond de moi avec la délicatesse d'un tsunami et en avait profité pour passer une nuit d'amour avec sa belle ...

- "Nan mais quel enfoiré !" Mais ces mots ne sortirent bien évidemment pas de ma bouche.

Car, malgré sa fourberie, je n'arrivais pas à lui en vouloir : j'avais pu entrevoir ce qu'il ressentait pour elle. Et j'avoue que j'en avais été ... étonné, désarçonné, impressionné. Il était prêt à tout pour elle. Juste pour être avec elle. Pour avoir la chance de l'aimer. Et, en un sens, je pense que j'aurais agi comme lui, à sa place, même si, à cet instant, j'avais du mal à envisager un amour aussi entier pour une seule et unique femme, aussi belle et remarquable soit-elle.

 

Puis la voix de Saeko me fit à nouveau sursauter :

- "Alors ? Tu crois qu'il est parti ?"

Comme je ne percevais plus du tout la présence d'Hideyuki, je décidai alors de répondre simplement à Saeko ce que je sentais au fond de moi :

- "Oui. Il est parti. J'en suis sûr. Il est en paix."

- "Il a dit quelque chose ?" Souffla-t-elle d'une toute petite voix.

Je fouillai dans ma mémoire mais ne trouvant rien, j'inventai. Après tout, depuis que j'avais partagé ses pensées, je le connaissais comme un frère. J'étais sûr qu'il lui aurait dit ça. Et, qui n'aurait pas voulu entendre :

- "Oui. Il a dit qu'il t'aime et qu'il t'attendra le temps qu'il faudra. Qu'il t'interdisait de te presser pour le rejoindre."

Je l'entendis renifler et étouffer quelques sanglots sur son oreiller. Je lui laissai quelque temps pour se reprendre et me perdis dans mes pensées.

 

C'était une situation totalement inédite pour moi et je tentais de reconstituer ce qui c'était passé une fois assis sur le canapé en face de deux regards inquisiteurs : celui de Saeko et celui de son fantôme de partenaire qui se tenait juste derrière elle, me menaçant du regard, protecteur de sa belle.

Bien sûr la première chose que j'avais eu à expliquer avait été ma rencontre étrange avec Kaori.

Hideyuki avait alors été très inquiet et j'avais dû faire preuve de beaucoup de persuasion pour l'empêcher de sortir de l'appartement de Saeko pour se rendre chez lui retrouver l'âme de sa petite sœur. Si Kaori le rencontrait sous cette forme, il était fort probable qu'elle envisagerait de le suivre. Et ça ... Ce n'était vraiment pas une bonne idée car cela signifiait renoncer définitivement à son corps.

Devant son insistance, j'avais dû expliciter ma pensée et mon argument avait fait mouche : si Hideyuki la rejoignait et si Kaori le suivait, ce qu'elle ferait sans aucun doute, elle mourrait.

J'avais ajouté :

- "Je veux l'aider. Même si je ne sais pas encore trop comment, je sais que je peux y arriver. Je suis chasseur de fantômes après tout, je suis sensé vous envoyer, toi et tes semblables, dans le monde des esprits et pas faire en sorte qu'une âme retrouve son corps, MAIS ..."

Hideyuki avait tiqué et avait fait un pas vers moi alors que je l'avais regardé sans faiblir :

- "Oui, je chasse les êtres comme toi ..."

Saeko avait suivi mon regard, nerveuse, ses yeux ne rencontrant que le vide alors que j'avais continué à m'adresser au fantôme de son partenaire :

- "D'ailleurs, je peux aussi t'aider à passer de l'autre côté en terminant ton œuvre ici. Par expérience, rester aux côtés de vivants en repoussant l'inéluctable ne donne rien de bon. Il te faudra tourner la page ... au risque de corrompre ton âme et te condamner à l'errance perpétuelle. Mais, ce n'est pas le sujet, non ?"

Le fantôme avait hoché la tête et j'avais répété, insistant bien sur mes intentions :

- "Je VEUX aider ta petite sœur, OK ? Et je SAIS que je PEUX l'aider. Mais, pour ça, vous devez m'en dire plus." Je les avais désignés du doigt tour à tour : "Tous les deux ..."

 

Saeko avait regardé encore un moment dans le vide, là où se trouvait Hideyuki :

- "Pourquoi est-ce que je ne peux pas le voir ?"

- "La vraie question est : pourquoi est-ce que moi, je peux le voir ... Et c'est une malédiction que je ne souhaite à personne."

Elle m'avait sondé de son beau regard myosotis et j'avais eu l'impression de rapetisser :

- "Il peut m'entendre ?"

- "Oui. Il vous voit aussi ..."

Elle avait serré sa robe de chambre élimée autour d'elle, puis lissé un peu ses cheveux, baissant les yeux, manifestement honteuse.

- "Je suis désolée ..." Avait-elle murmuré.

- "Je suis sûr que vous n'avez absolument pas à l'être, Saeko. Un deuil est toujours compliqué. Il en a conscience."

 

Comme elle avait gardé la tête baissée, je m'étais tourné vers Hideyuki :

- "Et si vous me racontiez les circonstances de votre assassinat ..." Avais-je demandé en désignant les photos de son cadavre, qui trainaient sur la table basse.

Le policier avait ouvert la bouche mais Saeko avait répondu plus vite que lui, reprenant le dessus sur ses émotions. Elle avait tourné son magnifique regard myosotis vers moi et m'avait résumé leur enquête.

Tout avait commencé lors d'un contrôle de routine au cours duquel ils avaient découvert une nouvelle drogue qui commençait à être mise sur le marché. Elle avait été baptisée d'un nom qui voulait tout dire :

- "L'Angel-Dust ..., un nom bien pompeux si vous voulez mon avis," avait dit Saeko. "

Hideyuki avait enchaîné :

- "C'est un dérivé du PCP. Elle annihile les zones du cerveau qui contrôlent la gestion de la douleur, l'instinct de survie, les battements de cœur ... En gros, les personnes shootées à l'Angel-Dust planent tellement qu'elles n'ont même plus conscience d'être vivantes ou mortes."

Sans avoir entendu ce que son partenaire avait pu dire, Saeko avait continué :

- "Sous Angel-Dust, vous pourriez devenir une sorte de mort-vivant ... Techniquement, je me demande encore comment c'est biologiquement possible. Mais ce qui est inédit, c'est que les clans ne veulent pas le monopole de la commercialisation de cette substance, mais plutôt détenir le monopole de la consommation."

- "Oh ... je suppose qu'ils veulent ainsi en obtenir des combattants hors norme ? " Avais-je murmuré, me rappelant les rêves et les fantasmes guerriers de mon père adoptif.

- "Yep .. " Avait soufflé Hideyuki. "Imaginez un peu le carnage, si un clan de yakuza parvenait à s'octroyer cette substance ..."

- "Oui, des combattants invincibles, des ninjas des temps modernes ... Indestructibles, ces hommes continueraient à combattre même au-delà de la mort ..." Avait continué Saeko, bien évidemment sourde aux remarques de son partenaire. "On ne sait pas encore comment est créée cette drogue mais elle est importée d'Amérique Centrale."

 

Pour finir, Saeko m'avait raconté comment elle et Hideyuki avaient découvert une affaire de corruption à grande échelle. Ils soupçonnaient qu'un membre du gouvernement avait fait un marché avec un cartel colombien portant curieusement le nom asiatique d'Union Teope, dirigée par un certain "Ultimo Satanas".

- "Le Dernier Satan en espagnol, rien que ça ..." Avais-je songé en me frottant les tempes. "Tout un programme ..."

Ce politicien véreux qu'ils n'étaient pas parvenus à identifier, avait fait pression sur le ministre de l'intérieur pour qu'il ferme les yeux concernant le trafic d'Angel-Dust, en échange de droits d'exploitation miniers sur des terrains aurifères fournis par le gouvernement colombien lui-même au frère du ministre. En gros, il s'agissait d'un échange de bons procédés qui enrichissait chaque partie de quelques millions de dollars.

Depuis, ce politicien essayait de monter les clans les uns contre les autres, en ravivant les tensions, en versant des pots de vin, en faisant courir de fausses rumeurs, afin de créer un besoin vital pour les familles : avoir des combattants plus forts que ceux des clans rivaux ... et tous les oyabuns se tournaient vers l'Union Teope pour tenter de s'accaparer la miraculeuse substance. Les enchères grimpaient à une vitesse affolante, atteignant des sommes faramineuses et les heureux gagnants allaient bientôt recevoir leur cargaison ... Le traître et ses complices allaient probablement être largement arrosés par L'Union Teope au passage.

Je m'étais senti bouillir en songeant :

- "Proposez aux hommes de s'enrichir ou de gagner en pouvoir et vous voilà le maître du monde en deux temps trois mouvements. Le chef de l'Union Teope porte bien son nom, finalement ... Le dernier Satan qui amène l'Apocalypse ... El Ultimo Satanas ... Enculé de ta race, oui ..."

Pendant ce temps, Saeko avait poursuivi ses explications :

- "Nous avons peu à peu identifié les intermédiaires et les ramifications étaient longues. Nous avons décidé de rester le plus discrets possible, craignant d'éventuelles implications au sein même de la police. Nous nous sommes promis de ne nous fier à personne d'autre que nous deux. Nous pensions ainsi maîtriser les risques, trouver les preuves pour démasquer ce traître et empêcher ces salauds de s'en mettre plein les poches en ..."

- "... faisant payer le prix du sang aux habitants de cette ville ..." Avait complété Hideyuki.

- "... faisant payer l'addition à un nombre incalculable d'innocents." Avait conclu Saeko, sans entendre la réplique de son ancien partenaire.

 

Je n'avais pas pu me retenir de sourire : ce n'était pas la première fois qu'ils complétaient ainsi la phrase de l'autre et mon regard devait souvent passer de l'un à l'autre, me donnant l'impression de suivre un match de tennis. Leur alchimie était unique, leur complémentarité aussi. Je m'étais senti honoré d'en être le témoin. Et presque un peu honteux aussi de m'être immiscé ainsi entre eux.

Soudain, Saeko avait pris les photos du cadavre d'Hideyuki dans ses mains. J'avais noté qu'elle n'avait pas tremblé une seule fois. Elle savait parfaitement rester maître de ses émotions :

- "Ce soir-là, Hideyuki avait rendez-vous avec un homme. Je m'étais opposé à cette rencontre. Et, bien sûr, Hide n'en a fait qu'à sa tête. On s'est disputés et il a finalement refusé de m'en dire plus, prétendant que mon anxiété était uniquement liée au fait que nous étions ensemble, que je n'étais plus objective, ce genre de conneries ... Le type prétendait être un indic mais je n'avais jamais entendu parler de son pseudo dans l'organisation. Un certain "Diable Noir". Il prétendait être le second d'El Ultimo Satanas mais je craignais un faux plan. J'avais un mauvais pressentiment, une intuition, un manque de confiance, une peur irrationnelle, peu importe, appelez ça comme vous voulez. J'ai bien essayé de retrouver ce type mais en vain. Je n'ai pas réussi à établir à nouveau le contact. J'en ai déduit qu'il sait pourquoi je veux le retrouver et donc, que c'est bien lui qui a fait assassiner ..." Elle avait suspendu ses mots puis s'était tournée brusquement vers son partenaire : "Alors c'était qui ? Qui est le Diable Noir?"

 

Hideyuki avait rentré sa tête dans les épaules en maugréant :

- "Le Diable Noir n'est autre que ..."

 

***

Mon petit binoclard me dévisage, ébahi :

- "Haaaaannn !!! Attendez, attendez, attendez ... Le Diable Noir ! Nooooon ? CE Diable Noir - là ? LE vrai ? Alors ... Hideyuki a rencontré Okino Hirokumi, le conseiller du Ministre de l'Intérieur ! C'est ce Diable là ? Sérieusement ?"

Je hoche la tête et je souris :

- "Vous avez bonne mémoire ... "

Je me tourne un peu sur ma chaise, étends mes jambes sur le côté et m'allume une cigarette. Je regarde la fumée monter vers le plafond, dégustant mon plaisir d'avouer enfin à quelqu'un que j'avais ma petite part de responsabilité dans cette affaire qui avait défrayé la chronique il y a presque trois ans de ça, rebattant définitivement les cartes de la vie politique japonaise. Mon amie policière avait fait la une des journaux et avait reçu une promotion inédite pour une femme au sein des forces de l'ordre.

Mon camarade me regarde, ébahi, admiratif :

- "Alors, là ... Si je m'attendais à ça ! Et Saeko alors ... son vrai nom, c'est M ..."

- "Chut ! " Dis-je en le menaçant de mon index tendu juste devant ses lunettes rondes trop grandes pour lui. "Certaines choses doivent rester secrètes, mon vieux !"

- "On avait dit "toute la vérité, Monsieur Saeba, toute la vérité", c'est pas correct ce que vous faites !" S'exclame le bonhomme, en croisant les bras, boudeur. "Ou alors vous ne me faites pas confiance ..."

 

Son attitude si sincère me fait éclater de rire et je murmure ensuite, seulement à moitié moqueur :

- "Ce n'est pas que je ne vous fais pas confiance, ne vous méprenez pas ... Mais si vous révélez les véritables identités de mes amis, je serai obligé de vous tuer. Compris ?"

Je le vois pâlir et se ratatiner sur sa chaise pendant que je penche vers lui :

- "Alors, on va dire que vous allez faire en sorte de ne pas retenir leurs véritables noms, entendu ?"

Il me répond d'un timide :

- "Oui oui !!"

J'enchaine :

- "Les noms que j'ai inventés : Saeko, Reïka, Kaori et Hideyuki, ça sera très bien ! On est d'accord ?"

- "Heuuu ..."

Je fronce les sourcils et le voit opiner du chef furieusement :

- "Oui !! On est d'accord, on est d'accord !!"

Je pointe mon index vers lui, le gratifiant d'un regard noir qui laisse peu de doute sur la menace qui accompagne mes paroles :

- "Oubliez pas que, moi, je saurai parfaitement où vous trouver ..."

Il reste pétrifié. Je souris. J'aime bien parfois abuser de ma force et de mon pouvoir de persuasion. J'en connais une qui m'aurait littéralement explosé le crâne si elle avait entendu ça et je ne pus m'empêcher de sourire en pensant à elle.

Satisfait, je reprends le fil de mon récit :

 

***

- "Le Diable Noir n'est autre que Okino Hirokumi en personne." Avait dit Hideyuki dans un souffle.

Je n'avais pu retenir un :

- "Waouw ..." Avant de transmettre sa révélation à Saeko qui était restée sans voix.

Hideyuki avait alors poursuivi son récit alors que Saeko et moi étions encore sous le choc de cette révélation :

- "Hirokumi m'a proposé un énorme pot de vin pour cacher le trafic d'Angel Dust et détourner l'attention des flics. Il avait entendu dire, de sources sûres, que j'acceptais souvent ce genre de petits arrangements, c'est pour ça qu'il m'avait contacté. Apparemment, un clan allait décrocher le jackpot et les doses tant convoitées allaient être fabriquées expressément. J'ai réussi à le faire parler et le salaud a fini par lâcher le morceau."

 

Pendant ce temps, ignorant ce que son partenaire était en train de me confier, Saeko s'exclamait :

- "Tu te rends compte maintenant ? Que c'était une connerie, hein !!! Tu aurais dû y aller avec un micro, une protection, une solution de repli ... Et pas faire cavalier seul ! On est une équipe, merde !"

J'avais alors pris la parole :

- "Il en est tout à fait conscient. Par contre, il me dit qu'il a réussi à obtenir des aveux d'Hirokumi et qu'il avait bien un micro ..."

- "Quoi ?"

J'avais dû jouer les intermédiaires et répéter chaque mot du policier défunt à son ancienne partenaire qui m'avait regardé avec respect et compréhension. Peu à peu s'effaçait la lueur de mépris qui avait éclairé son regard quand elle m'avait tenu en joue à sa porte d'entrée.

Au cours de sa conversation avec Hideyuki, Le Diable Noir avait annoncé sans détour être une des têtes pensantes du trafic et avait proposé une part conséquente sur les bénéfices si Hideyuki s'engageait à faire disparaître certaines preuves ... et à en créer d'autres pour servir les intérêts de sa cause.

- "Si je refusais, il menaçait de s'en prendre à ta carrière, Saeko et à celle de ton père. J'ai fait semblant d'accepter ... Et puis, on a entendu un bruit et ..." Sa voix s'était enrouée et il avait dû tousser, certainement pour me dissimuler son trouble.

- "Kaori, c'est ça ?" Avais-je demandé.

Saeko avait sursauté :

- "Elle avait suivi son frère n'est-ce pas ? J'avais senti au fond de moi que quelque chose n'allait pas quand je l'avais croisée quelques jours plus tôt. Donc, Kaori l'avait suivi à ce fameux rendez-vous avec Hirokumi, le Diable Noir ? Je m'en doutais un peu mais... pourquoi ? Je me demande ..." Elle avait suspendu ses mots et s'était tournée vers le bout du canapé où elle tentait en vain de distinguer Hideyuki : "Je crois que j'ai compris ..."

 

 


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