Pour trouver les bonnes réponses...

Chapitre 3 : Repose en paix...

2465 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 02/12/2022 17:21


Dans l’après-midi, le lieux de sa prochaine destination lui parut évident. L’angoisse lui vrillant le ventre, Ryo prit les clés de sa voiture et réussit à se convaincre que s’il voulait continuer ses recherches, il fallait en passer par là. Et si Kaori se trouvait là-bas ? Au volant de sa voiture, il secoua la tête, refusant une éventualité pareille.

 Il fit un rapide bilan des dernières vingt-quatre heures. Kaori avait disparu, personne ne la connaissait. Sa disparition avait entraîné plusieurs changements – comme la mort de Mick – et surement un tas d’autres dont il ignorait encore l’existence. Il essaya de se remémorer le moment où il était rentré après avoir fait la tournée des bars avec Mick. La mémoire embrouillée par l’alcool, il se souvint être passé près de la chambre de Kaori juste avant d’aller se coucher. Il avait entendu sa respiration profonde et régulière, signe qu’elle dormait. Sa disparition avait donc bel et bien eu lieu le lendemain au moment où il s’était réveillé. Et à partir de là, il n’expliquait toujours pas ce qui s’était passé.

Lorsqu’il arriva à destination, un vent léger soufflait et faisait bruisser les feuilles des arbres. Des nuages vinrent masquer les rayons du soleil, assombrissant les lieux. Il dépassa l’entrée et avança dans l’allée de petits cailloux blancs. A chaque nouvelle tombe, son cœur s’arrêtait de battre, puis il identifiait le nom inscrit dessus. Le soulagement l’envahissait dès qu’il découvrait que le nom de Kaori n’y était pas écrit. Et il passait à la tombe suivante.

Enfin, il arriva devant celle d’Hideyuki Makimura, ancien partenaire, meilleur ami, frère de Kaori qui lui avait confié sa petite sœur. Il se contenta de contempler en silence la tombe pendant de longues minutes. Le soleil n’était toujours pas réapparu, quelques personnes se trouvaient dans le cimetière afin de se recueillir sur la dépouille d’un défunt.

— Je suis désolé, murmura Ryo à l’attention de son ami en s’accroupissant, je n’ai vraiment pas assuré pour le coup. Je ne sais plus ce que je dois faire. J’ai l’impression de délirer ou d’être en plein cauchemar. Et si elle n’existait vraiment pas ? Et si j’avais tout inventé ? Hein Hide, est-ce que tu connais Kaori ? Est-ce que pour toi elle existe ?

Il se passa une main sur le visage et prit le temps avant de reprendre :

— En tout cas, j’espère que tu pourras me pardonner un jour. Tu m’avais confié ta sœur, tu avais confiance en moi, et j’ai échoué.

Ses derniers mots moururent sur ses lèvres. Il s’était trompé sur toute la ligne. Maintenant il regrettait. Il regrettait ses paroles, celles qui faisaient tant souffrir Kaori. Il aimerait tellement pouvoir revenir en arrière, remonter le temps jusqu’à avant-hier soir et s’empêcher de lui dire les paroles blessantes qu’il avait prononcé.

— Excusez-moi, mais je n’ai pas pu m’empêcher d’entendre ce que vous avez dit, fit une voix féminine derrière lui.

Il se redressa vivement et se retourna. Une femme qui se tenait derrière lui portait un long manteau par-dessus un pull à col roulé bleu marine et un pantalon noir. Ses cheveux étaient relevés en un chignon d’où s’échappait quelques mèches venant encadrer son visage fin et harmonieux. S’était la première fois qu’il la voyait et pourtant il avait l’impression de la connaître. Elle était très belle et en temps normal il lui aurait aussitôt sauté dessus mais il ne l’avait pas senti approcher. Il s’était aperçu de sa présence qu’au moment où elle s’était mise à parler. Ce n’était pas normal. Bien qu’il soit plongé dans ses réflexions, il aurait dû sentir que quelqu’un se tenait derrière lui.

— Je suis désolée, si je vous ai fait peur, continua la femme inconnue.

Elle avait une voix douce qui le berçait et elle fixait Ryo de ses yeux noir sans ciller. Ce dernier ne disait rien, se demandant ce qu’elle voulait et ce qu’elle faisait ici. Faisait-elle partie du milieu elle aussi pour avoir réussi à cacher sa présence ? Dans le doute, il devait rester sur ses gardes.

— C’était quelqu’un de votre famille ? demanda-t-elle désignant la tombe de Makimura.

— C’était mon meilleur ami, finit par répondre Ryo.

— Comment est-ce qu’il est…

Elle ne termina pas sa phrase. Elle n’en avait pas besoin. Ryo se tourna vers l’endroit où reposait Hideyuki et confia :

— En se battant pour la justice.

La jeune femme derrière lui hocha la tête d’un air entendu. Elle respecta pendant quelques instants le silence de Ryo puis reprit :

— Et vous avez parlé de sa sœur tout à l’heure, que lui est-il arrivée ?

Le nettoyeur se braqua et resta enfermé dans son mutisme. Il ne pouvait pas se confier à une inconnue, pourtant lorsqu’il croisa son regard emplit d’une gentillesse totalement désintéressée, il fut obligé d’avouer :

— Elle a disparu, sans laisser de trace et maintenant, je ne sais pas où elle est.

— Elle est… partie ?

— Non, elle s’est volatilisée. Je sais que ça va vous paraître complètement fou mais un soir elle était là et le lendemain elle a… disparu. Plus personne ne la connait, plus aucune trace de ses affaires, rien.

Puis il ajouta avec un demi-sourire :

— Vous devez me prendre pour un fou.

Elle ne répondit pas et porta son regard au loin, sur les autres tombes du cimetière. Une rafale de vent passa dans ses cheveux, faisant voltiger ses mèches de cheveux mais elle restait imperturbable. Elle était vraiment très belle. Kaori en aurait sûrement été jalouse et au moindre geste de sa part, elle l’aurait écrasé sous une massue.

— Vous étiez mariés ? demanda-t-elle doucement.

Ryo secoua la tête négativement, en même temps qu’un véritable sourire naissait sur ses lèvres. Aucun doute là-dessus, sa partenaire aurait rougi instantanément face à la question et elle aurait vite rétorqué qu’elle préférait mourir que d’être avec un obsédé comme lui. Là encore, la mystérieuse inconnue n’ajouta rien, comme si elle venait de tout comprendre et Ryo en éprouva un léger malaise. Il avait l’impression qu’elle pouvait lire en lui.

— Peut-être que sa disparition a pour but de vous de vous apporter des réponses aux questions que vous vous posez, renchérit-elle.

— Quelles questions ?

Là encore, elle le fixa et le sonda de ses yeux impénétrables et pourtant, si doux et si chaleureux. Décontenancé, Ryo lui tourna à nouveau le dos mais malgré tout, il pouvait sentir son regard posé sur lui. Comme s’il pouvait le brûler à travers le tissus de ses vêtements. Tout à coup, elle lui lança :

— Pour trouver les bonnes réponses il faut savoir poser les bonnes questions, Ryo.

Il fronça les sourcils, réfléchissant au sens de la phrase. Minute. Elle l’avait appelé par son prénom. Il fit volteface.

— Attendez, comment est-ce que vous connaissez…

Plus personne. Elle avait disparu. Il regarda autour de lui, la cherchant parmi les quelques visiteurs, en vain. C’était comme si elle s’était évaporée dans le vent comme si… elle ne faisait plus partie de ce monde. Voilà qu’il se mettait à voir des fantômes maintenant. Non, il devait il y avoir une autre explication plus rationnelle.

Nerveux, sans prendre le temps de s’attarder plus longtemps, il fit le chemin inverse et regagna sa voiture en fronçant les sourcils. Une fois à l’intérieur, il ne démarra pas tout de suite, trop perturbé encore par la mystérieuse inconnue. Comment connaissait-elle son nom ? Et où était-elle passé ensuite ? Il se passa une main sur le visage.

En tout cas, Kaori n’était pas ici et s’était déjà un soulagement. Néanmoins, plus le temps passait, plus il avait le sentiment qu’il n’arriverait jamais à la retrouver. « Pour trouver les bonnes réponses il faut savoir poser les bonnes questions. » Mais quelles questions et quelles réponses ? Des questions en ce moment il en avait des tonnes, à commencer par : qu’est-ce que tout ça signifie ? Et s’il arrivait à trouver ces réponses, est-ce qu’il arriverait à rentrer dans son monde à lui, là où se trouvait Kaori ?

Puis il repensa à ce que Hideyuki lui avait dit, quelques heures avant de mourir. Kaori n’était pas sa sœur biologique. Son vrai père était mort alors qu’un policier le poursuivait. Ce dernier avait alors adopté le bébé qu’elle était à ce moment-là et l’avait considéré comme sa propre fille.

Soudain il eut une idée. Immédiatement, il mit le moteur en route et se dirigea vers sa prochaine destination.


— Ryo, je t’ai déjà dit cent fois de ne pas venir ici, gronda Saeko.

— Mais eeeeuuuuuh, Saeko chérie, ton petit Ryo chou avait tellement envie de te voir qu’il ne pouvait pas attendre que tu ais fini de travailler. 

— Ça suffit ! s’énerva-t-elle en repoussant le nettoyeur un peu trop collant.

— Snif, et moi qui pensais te faire plaisir en te faisant un petit coucou et voilà que tu me repousses. Snif, que la vie est injuste, fit semblant de pleurer Ryo.

Saeko leva les yeux au ciel, exaspérée par son comportement pire que celui d’un gamin. Il ne changerait donc jamais.

— Sinon plus sérieusement, qu’est-ce que tu voulais ? Je suppose que tu n’es pas venu ici pour rien.

Aussitôt Ryo se redressa et redevint sérieux si rapidement que Saeko resta un moment interdite.

— Est-ce que tu pourrais faire une recherche pour moi ? Une certaine Sayuri Tachiki. Journaliste, rédactrice en chef et peut-être qu’elle travaille à New York. Je veux savoir où elle habite et avec qui. Ça devrait prendre combien de temps pour trouver tout ça ?

— Oh, mais tu sais, j’ai beaucoup de travail en ce moment, et puis ça ne sera pas gratuit. On annule la moitié de mes dettes si je fais ce petit boulot.

Elle s’approcha de lui, prenant une pose et une voix langoureuse. Ses talons hauts renforçant le galbe de ses mollets, sa jupe fendue sur le côté laissant entrevoir des cuisses parfaitement dessinées et un décolleté qu’aucun autre inspecteur de police ne pouvait avoir.

— Si tu fais ce petit travail pour moi on annule toutes tes dettes. Tu m’appelles quand tu as des résultats, fit-il en se dirigeant vers la sortie avec un clin d’œil sans être appâté par le jeux de charme de la lieutenant de police.

Saeko le regarda partir, complétement abasourdie. Un corbeau croassa au loin. Il avait bien dit « toutes » les dettes ? Qu’est-ce qui lui prenait tout à coup ? Elle haussa les épaules. Avec Ryo mieux valait ne pas comprendre ; et elle repartit à son travail.


Ryo était à l’appartement lorsque Saeko appela plus d’une heure plus tard. Il décrocha dès la deuxième sonnerie.

 — Alors, ça donne quoi ? demanda Ryo.

— J’ai découvert que Sayuri Tachiki a bien travaillé en tant que rédactrice en chef à Tokyo pour le Weekly News. On lui a proposé un post à New York mais elle a refusé pour des raisons familiales. Il y a deux ans, elle s’est installée à Matsumoto et continue son travail de journaliste là-bas. Quant à sa famille, son père est mort dans un accident de la route il y plus de vingt ans et sa mère est décédée il y a quelques années. Aujourd’hui elle vit avec sa sœur à Matsumoto et elles ont déménagé en même temps.

— Sa sœur, comment elle s’appelle ? s’empressa de demander Ryo.

— Une certaine Kaori Hisaishi.

Kaori Hisaishi… Kaori…

— Merci beaucoup Saeko, je te revaudrais ça.

Il nota sur un bout de papier l’adresse que Saeko lui communiquait et raccrocha vivement. Il jeta un coup d’œil à l’heure. Entre Tokyo et Matsumoto, il y avait environ trois heures de route en voiture. Il était trop tard pour partir aujourd’hui mais il se promit que demain matin, dès la première heure, il s’en irait rejoindre Kaori.

Beaucoup plus léger maintenant qu’il avait une piste, il s’étira et se leva pour aller fumer sur le toit. L’horizon commençait enfin à s’éclaircir et les nuages à se disperser, bientôt il saurait ce qui s’était passé. Kaori existait dans ce monde ci finalement même si les choses devaient être bien différentes. Elle ne se souvenait probablement pas de lui et ne connaissait sûrement pas City Hunter, mais pour le moment, ça n’avait pas vraiment d’importance.

Et si elle était mariée et avait de enfants, il ferait quoi ? Il se crispa légèrement, contrarié par cette idée. Eh bien, si c’était le cas, il l’observerait de loin, peut-être même qu’il pourrait lui parler, s’assurer qu’elle allait bien et puis il s’en irait. Il la laisserait vivre sa vie, mais lui, que fera-t-il après ? Il laissa les volutes de fumées s’échapper de sa bouche et les contempla s‘élever vers le ciel où l’on pouvait déjà apercevoir quelques étoiles. Il n’en avait pas la moindre idée mais le plus important était qu’elle se plaise dans cette nouvelle vie, qu’elle soit plus heureuse qu’elle ne l’avait été avec lui.

Il ne redescendit que lorsque le ciel fut complétement noir et il sortit en ville faire une course, un plan en tête. Il croisait les doigts pour que tout se passe comme prévu. Puis, comme la veille, il alla se coucher dans l’ancienne chambre de Kaori.


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