Code Alpha 2.0: Rainy Days

Chapitre 2 : Chapitre 2: Rentrée des classes

4211 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 06/07/2019 00:57

Melvin


J'émergeais doucement en ouvrant les yeux. Le bruit désagréable d'enfants qui ricanaient m'avait tiré hors de ma torpeur. C'était Luc et Martin, mes deux affreux petits frères jumeaux avec qui je partageais ma chambre depuis... depuis leur naissance. Tous les matin, c'était la même chose, ils étaient debout une heure avant moi et foutaient le bordel. Aujourd'hui n'avait pas fait exception, il était cinq heures et demi du matin...

« Mais fermez-là...

- Hey, Grovin est réveillé ! Gloussa Luc. »

Ils étaient indissociables. Luc avait juste les cheveux plus courts que Martin. Et ils étaient tellement, mais alors tellement pourris gâtés ! Alors que moi, à leur âge, je n'avais le droit à rien, eux faisaient tout ce qu'ils voulaient.

« C'est pas possible de dormir au moins une demi-heure de plus ? Les suppliai-je.

- Grovin a besoin de beaucoup de sommeil.

- C'est pour être capable de bouger tout son gras ! »

Bon, ça ne servait à rien de rester davantage avec eux. Je savais pertinemment que ça n'était que des enfants mais c'était loin de tout excuser dans leur comportement. Je quittai la chambre en évitant les coussins qu'ils tentèrent de me lancer à la figure et courrait me réfugier dans le salon. Il faisait encore nuit, et un croissant de Lune brillait dans le ciel. On ne voyait pas d'étoiles, il y avait trop de gros nuages noirs qui les camouflaient. Aujourd'hui allait être une journée sinistre. Nous étions début septembre, et c'était la rentrée.

Personne n'aimait la rentrée. Enfin, pas grand monde, mais il devait bien y avoir des exceptions. Cependant, la plupart du temps, les gens avaient quelque chose à retrouver au lycée. Des amis, des amours, de la rigolade ou d'autres trucs du genre. Pas moi. Depuis la fin de notre « bande » qui n'avait duré que quelques semaines, je n'avais pratiquement plus adressé la parole à qui que ce soit qui ne soit pas un pote d'internet vivant loin ou un membre de ma famille.

J'étais invisible. Personne ne faisait attention à moi. J'aurais pu mourir ou disparaître, les gens ne sauraient même pas qui j'étais à la base. C'en était presque drôle tellement c'était pathétique. La question que j'étais en droit de me poser était : « pourquoi continuer ? » La réponse était simple : parce que je n'avais pas le courage de mettre fin à cette souffrance qui me tenait au quotidien. Et dire que... et dire que j'avais vraiment cru que tout ça prenait un sens l'année dernière, avec Antoine, Ambre et Jean, affrontant des intelligences artificielles maléfiques ! Mais tout ça c'était terminé. Ça avait été tellement rapide... tellement effrayant et tellement incroyable. Je savais que personne ne me croirait jamais. Les seules personnes à avoir partagé cette expérience étaient séparées de moi, j'allais donc devoir garder tout ça pour moi, dans un coin de ma tête.

C'était aussi une des raisons qui me faisaient continuer : le fait de savoir que dans ce monde d'adulte vide de magie et de rêve, des choses aussi surprenantes pouvaient survenir. Maintenant j'étais prêt à croire en tout. Des extra-terrestres ? Pourquoi pas ? Voyage dans le temps ? Sans doute ! Tout était possible, et j'étais l'une des rares personnes à en être consciente. Et c'était ma fierté, mon privilège, d'avoir été séparé de ce scepticisme qui nous habitait tous. C'était ça au final qui me rendais tellement supérieur à tout les autres gens de mon âge, qui avaient beau avoir une vie sociale, des petites copines et un avenir radieux.

Mais... c'est bien beau d'avoir cette connaissance, et de pouvoir me considérer comme supérieur. N'empêche que moi aussi je voulais avoir une vie sociale, une petite copine et un avenir radieux. Il semblerait qu'on ne pouvait pas tout avoir, malheureusement... Je n'avais aucun talent dans quoi que ce soit, je n'étais pas particulièrement intelligent, je me serais même décris comme tout juste dans la moyenne et niveau physique... j'étais gros et roux. Un combo qui n'était pas très populaire.

« Toi aussi, tu as du mal à dormir ?

C'était Lucie, ma sœur aîné. Tout comme moi, elle avait hérité de la part de nos petits frères d'un surnom assez horrible : la Folle. Sauf que dans son cas, ils n'avaient pas tout à fait tort. Lucie était vraiment particulière. Et elle avait bel et bien un trouble mental diagnostiqué, avec des cachets à prendre tous les soirs. Je comprenais pas trop ce qu'elle avait, mais je savais qu'elle avait fait beaucoup de mal à toute la famille lors de ses « crises ». Désormais, avec ses calmants, elle était assez amorphe et donnait tout le temps l'impression d'être dans les vapes. Ou complètement drogué. Elle allait à Kadic aussi, mais j'évitais de lui parler là-bas. Ma réputation était déjà assez basse comme ça.

- Ah, c'est toi. Ouais.

- Tu stresses pour aujourd'hui ? Me demanda t-elle.

- Non, mentis-je. Je ne voulais pas en parler avec elle.

- Tu as de la chance.

- Bon, je... je vais préparer le petit déjeuner, expliquai-je en m'éloignant.

- Je vais t'aider.

Lucie était pleine de bonne volonté mais... Elle n'apportait pas vraiment beaucoup de bonnes choses aux gens qui s'approchaient d'elle. Je préférais sincèrement garder mes distances.

- C'est vraiment pas la peine. »

Elle hocha la tête, pour me signifier qu'elle avait comprit et s'éloigna. Une vingtaine de minutes plus tard, la maison s'était totalement réveillé. Luc et Martin courrait partout, poursuivit par mon beau-père désespéré tandis que ma mère buvait son café en lisant le journal sur sa tablette. J'avalais mes tartines le plus lentement possible, voulant repousser le plus loin possible le moment où j'allai devoir repartir à Kadic.

« Melvin, je t'ai déjà dit de prendre de la confiture allégée, me sortit sèchement ma mère.

- Maman, le médecin a dit que je n'étais plus en dans la courbe d'obésité...

- Et tu souhaites y retourner, c'est ça ? Libre à toi. Mais ne vient pas te plaindre après.

Par dépit, je m'emparai de la dite confiture.

- Ah, et cette année tu pourras essayer de passer plus de temps avec ta sœur tout de même. Elle m'a raconté que tu ne lui avais jamais adressé la parole au lycée.

Lucie devint rouge comme une pivoine. Je lui lançai un regard noir tandis qu'elle murmurait :

- Maman... Tu avais promis de ne rien dire...

- Quoi ? Vous êtes tous les deux asociaux, vous pourriez vous entre-aidez tout de même. Ah, vous êtes tellement des empotés comme votre père ! »

Le repas se termina avec comme seule animation la bataille de céréales entre Luc et Martin.

Lucie et moi attendions à l'arrêt de bus. Avant, elle venait rarement en cours et je n'avais pas à me la coltiner. Alors que là, elle allait me coller toute la journée si je ne faisais rien ! On s'était déjà moqué de moi parce que j'étais son frère, j'avais déjà beaucoup de tares à supporter tout seul, je ne pouvais pas porter les siennes en plus !

« Lucie, j'ai oublié mon porte-monnaie, je vais aller le chercher !

- Tu veux que je t'accompagnes ?

- Noooon, pas la peine ! Si je ne suis pas revenu à temps, prend le bus sans moi !

- Je te garderai une place alors, on ne sait jamais. »

Et je parti aussitôt dans la direction du lycée. Il allait falloir marcher vite, mais j'allais y arriver à temps.

Au bout d'une vingtaine de minutes, j'apercevais Kadic. J'allai voir à l'entrée parmi la foule d'élève ma classe afficher sur un tableau et rejoignais aussitôt la salle qui allait m'accueillir pendant dix mois. Ça n'allait pas sonner tout de suite mais contrairement aux autres, je n'avais aucune anecdote à raconter et de toute façon personne pour les écouter. Et puis, je ne pouvais pas prendre le risque de tomber sur Lucie. J'arrivai donc dans la salle B22, qui allait être la pièce dans laquelle la seule classe de première ES de l'établissement allait passer son quotidien. Il n'y avait pratiquement personne, à part un vieux professeur que je n'avais jamais vu et... Antoine ? Oui. Pas de doutes possible, c'était bien lui, assit tout seul à une table. Il avait sacrément changé ! Dans mes souvenirs, il n'avait jamais été quelqu'un de très soigné mais avait toujours gardé un je-ne-sais-quoi de noble dans sa posture. Chacun de ses faits et gestes étaient accomplis avec l'ultime conviction d'être un être exceptionnel. Rien qu'en le regardant, on pouvait sentir la fierté et l'égocentrisme qui débordait en lui. Le garçon que j'avais en face de moi était comme une sorte de fantôme de ce que je venais de décrire. Il portait une vieille chemise couverte de tâches de café et... d'autres choses. Ses lunettes étaient totalement rayés et son visage était recouvert d'une manière archaïque par une barbe de pré-adolescent s'approchant plus du duvet qu'autre chose. Et surtout, il était maigre. Terriblement maigre. Déjà qu'il n'était pas bien gros avant... Était-il devenu anorexique ? J'allais aussitôt vers lui.

« Antoine ? demandais-je, comme pour être sûr que c'était bien lui.

Il sursauta, il avait du être perdu dans ses pensées et me regarda avec méfiance. Il resta quelques instants à me jauger de la sorte, comme s'il ne me reconnaissait pas. Finalement, il tendit la main dans ma direction. Je mis à quelques temps à comprendre que c'était sa manière de me dire bonjour, et je fini par la serrer.

- Comment ça se fait que tu es en section économie sociale ? Tu m'as toujours dit vouloir aller en scientifique... l'interrogeai-je.

Je me souvenais de conversations interminable où seul lui parlait, et à chaque fois il m'expliquait à quel point seul la S valait le coup et était une filière digne de l'accueillir. Pouvait-il avoir à ce point ravaler toute sa fierté ?! Il se racla la gorge et répondit brièvement :

- Je... hum. N'avais plus les résultats suffisant.

C'était assez difficile à croire. Qu'il n'est pas eu la moyenne en sport, ça c'était totalement plausible, mais qu'il ai échoué dans les matières dites scientifique qui étaient pourtant son point fort, je n'aurais jamais cru ça possible. Enfin, j'étais tout de même content de le retrouver. Peut-être que tout allait redevenir comme avant... en mieux ! Il avait peut-être appris l'humilité au travers de ce qui l'avait rendu comme ça, et nous allions peut-être pouvoir enfin avoir une relation d'égal à égal. J'allais m'asseoir à côté de lui mais il posa subitement son sac sur le siège à côté du sien et me lança un regard noir remplis de mépris qui me fit ravaler toutes mes espérances, avant de s'écrier d'une voix aiguisé comme un couteau :

- Je t'ai autorisé à t'asseoir à côté de moi ? »

Le « moi » était teinté du même narcissisme qu'avant, mais en plus puissant. Je n'étais pas psychologue et ne possédais pas la capacité d'analyser les faits et gestes des gens pour en déduire leur personnalité, mais une évidence s'imposait tout de même : Antoine était encore pire. C'était pas logique. Ce qu'on avait vécu lui avait pas appris les valeurs fortes de l'amitié, comme dans les films ? Il fallait croire que non.

Après m'avoir prononcé ces mots, il sortit un carnet de sa poche et se commença à le griffonner en plaçant ses bras de manière à ce que je ne puisse pas le lire. Je restai devant lui, bouché bée , avant de m'énerver intérieurement. Très bien ! Il voulait pas de moi ? Tant pis pour lui, je n'avais pas besoin de lui non plus ! Je m'écartais de sa table, allait m'asseoir à un endroit opposé et sortais mes affaires. Avant que je ne m'en rende compte, j'étais au bord des larmes. Et ça m'énervait encore plus, car je me trouvais ridicule. Mais bon, je venais de me faire jeter par l'une des seules personnes que j'avais pu appeler « ami », c'était comme une trahison, un coup de poignard là où je pensais que jamais il n'y en aurait. Et surtout pas de la part d'Antoine... parce que malgré son ego surdimensionné... ben il s'était toujours inquiété pour moi quand on traînait ensemble. Quand j'étais malade et cloué au lit, il m'appelait en criant et en m'ordonnant de venir illico au lycée. Il m'avait craqué ma Nintendo DS GX. Il venait souvent squatter chez moi pour bidouiller des ordinateurs. Il m'ignorait pas comme la plupart des gens. Et c'était tout ce dont j'avais besoin, juste une personne qui reconnaisse mon existence. Tout ça venait de voler en éclats. Il m'avait comme tout le monde, renié.

« Excusez moi... puis-je m'asseoir à côté de vous ?

Je relevai la tête. Debout devant moi se tenait un jeune lycéen que je ne connaissais même pas de vue. Il était très propre sur lui, en chemise avec une cravate, ce qui lui donné un air extrêmement distingué, ce qui était rare pour des ados de notre âge. J'espérais qu'il ne subissait pas trop de moquerie à cause de ce choix vestimentaire plutôt singulier. Les ados étaient rudes entre eux. Il avait une petite barbe de trois jours, bien plus élégante que celle d'Antoine. Ses cheveux bruns étaient soigneusement peignée sur le côté et le clou du spectacle était un sourire honnête qui illuminait son visage.

- Hum. Oui, pas de soucis.

Son sourire s'élargit. C'était la première fois qu'un élève totalement inconnu m'adressait la parole de cette manière... Il avait perdu un pari avec ses amis ou quoi ?

- Je m'appelle Augustin ! Et vous ? Enfin, puis-je vous tutoyer ? me demanda t-il une fois assit. Quelle étrange personnage...

- Ben euh... oui... !

Je crois que jamais je n'aurais pensé entendre ce genre de phrases sortir de la bouche d'un de mes camarades. Et encore moi avec moi comme interlocuteur !

- Vous... pardon, tu, es un ancien dans ce lycée ?

Je hochai la tête, sans véritablement savoir où il voulait en venir, ni même quoi ressentir face à lui. Était-il en train de se moquer de moi, ou était-il sérieux ? L'expression qui animait son visage semblait franche et sincère, mais on ne pouvait jamais être sûr. J'avais déjà été victime de plusieurs canulars qui m'avaient laissé de sacré séquelles.

- Mes sœurs et moi-même sommes nouveau dans le secteur, et donc j'aurais aimé savoir...

Je l'interrompais aussitôt.

- Écoute, si tu cherches à te faire des potes, t'es mal tombé, parce que tu as en face de toi le plus gros asocial du bahut.

Il s'approcha de mon visage et devint tout à coup presque effrayant, quand il me dit avec sa voix joyeuse comme à chaque fois qu'il ouvrait la bouche :

- Voyons... il ne faut pas te sous-estimer, Melvin !

Co... comment savait-il mon prénom ? Mais d'où sortait ce mec complètement louche ?! Après ce cours instant de panique, je me rendit compte que mon identité était inscrite en lettre capitale sur mon carnet de correspondance. Il avait sans doute dû l'apercevoir. Sans doute.

- Enfin bref, je suppose que tu comptais déjeuner tout seul ce midi ? Pourquoi ne pas te joindre à nous ? Nous pourrons ainsi faire plus ample connaissance ! Ou peut-être vais-je un peu vite ? Navré, je ne suis pas très doué pour les relations humaines.

Il eut un petit sourire gêné. C'était mignon. Il était un peu comme moi en réalité, solitaire, et ne cherchait qu'à se faire des amis. Après tout pourquoi pas, même s'il était très bizarre, c'était toujours mieux que de manger mon repas tout seul dans un coin. J'allais répondre par l'affirmative quand le professeur se leva et tapa de toute ses forces avec un livre sur son bureau. C'était un enseignant assez étrange, il était trapu, avait d'immense cernes noires sous les yeux. Ses cheveux mi-noir mi-gris était totalement en bataille. Il devait avoir la cinquantaine à tout casser. La salle était remplis, tout les sièges étaient occupés (sauf celui à côté d'Antoine), le cours pouvait commencer.

- Je me présente, cher élèves... Je suis le professeur Guidon... je vous enseignerai les mathématiques, et je serais aussi votre professeur principal... Si vous avez un problème... je pourrais sans doute vous aider. Si vous êtes un problème... je saurais aussi vous aider... d'une autre manière... qu'on soit bien clair ? Pour ceux qui se demande pourquoi vous ne m'avez jamais vu à Kadic... c'est tout simplement parce que c'est ma première année ici. Des questions ?

Sa voix était assez désagréable, on avait la constante impression qu'il se raclait la gorge. En tout cas, il n'avait pas l'air commode. Il fit l'appel rapidement, et s'arrêta sur le prénom : « Violette Hopper ». Apparemment, elle était absente. Quoi de mieux pour se faire remarquer que d'être absente le jour de la rentrée ? Ah oui, être en retard le jour de la rentrée ! Car une vingtaine de minutes plus tard, alors que monsieur Guidon nous distribuait la paperasse administrative habituelle, la porte s'ouvrit, et ce fut comme une vision de rêve.

Une adolescente aux cheveux bleus rentra dans la salle. Je... je ne saurais correctement la décrire. Elle ressemblait à une poupée en porcelaine, j'avais l'impression qu'au moindre choc, elle se fracasserait en mille morceaux. Elle était juste parfaite physiquement, comme le genre de fille qu'on voyait dans les films, sauf que ces dernières subissaient des heures et des heures de maquillages puis de retouches post-production pour atteindre ce seuil. Violette, elle, l'atteignait sans rien, car elle ne semblait par porter le moindre maquillage. Et là était le contraste, le paradoxe de sa beauté, car ses vêtements n'étaient pas du tout en accord avec son immense charisme qui avait retenu l'attention de toute la classe. Elle portait un vieux jean troué trop grand pour elle et un t-shirt « I Love Kadic » datant d'il y a au moins une quinzaine d'année. Voir plus. Elle se tourna vers l'enseignant, et parla d'une voix si basse que je ne pu l'entendre.

« Très bien, va à ta place. » lui répondit-il.

Et qu'elle ne fut sa place... à côté d'Antoine... le bâtard... Mais je fus encore surpris, car lorsqu'elle s'assit à ses côté, ils s'échangèrent des regards et se murmurèrent mutuellement dans l'oreille. Il l'a connaissait ? Je venais de comprendre ! C'était pour ça qu'il avait refusé que je vienne à sa table ! Moi aussi j'aurais préféré cette bombe à lui, ça c'était compréhensible. En revanche le fait que cette Violette parle à un misanthrope comme Antoine... ça me dépassait totalement.

L'heure de cours se déroula rapidement, et midi arriva. Mon voisin me regarda avec son sourire habituel, comme pour me demander « c'est toujours d'accord pour qu'on mange ensemble ? » Ou alors j'interprétais un peu trop et il était juste extrêmement souriant en toute circonstance. Quoi qu'il en soit ce n'était peut-être pas une mauvaise idée de traîner avec lui. Il me semblait de meilleure fréquentation qu'Antoine, qui de toute façon m'avait déjà remplacé. Qu'est-ce qu'elle avait de plus que moi cette fille, à part une paire de seins ? Bref, je fis comprendre à Augustin que j'étais prêt à le suivre. Enfin, plutôt à le guider, car il ne connaissait pas du tout la structure.

Après avoir remplis notre plateau de légumes divers et peu attirants, nous nous installâmes à une table de la cantine. C'était un des moments qui m'angoissait le plus : devoir trouver une place. Quand le self était vide, je m'installais rapidement à une table tout seul. C'était pas agréable, mais au moins c'était rapide. Par contre, quand il était bondé (ce qui était souvent le cas), je devais errer dans l'allée centrale avec mon plateau pour trouver une place vide à une table de gens qui me laisseront tranquille. Je me retrouvais rapidement entouré par pleins de gens qui rigolaient entre eux. Et ça, c'était le pire : être seul dans une foule.

« Tout va bien Melvin ? Me demanda Augustin.

- Ouais... Bon... On se mets où ?

- Il y a une table vide juste là. Je te propose, si tu es d'accord, que nous nous y installions.

- Euh... ouais, bonne idée. »

Je m'étais trompé sur un point : au moins, en ce début d'année, j'allais pas être tout seul. Personne n'avait mangé avec moi depuis qu'Antoine avait arrêté de me parler. Augustin avait l'air sympa, cependant je m'faisais pas trop d'illusion : tôt ou tard, il comprendrait que j'étais le gars craignos du lycée avec qui il fallait pas être vu. Ou alors... peut-être que non. Peut-être que cette année allait véritablement être celle du changement.

« Je peux m'asseoir avec vous ?

Lucie venait d'arriver, plateau en main. Oh non, il était pas question qu'elle vienne tout gâcher ! Jusque là, Augustin me voyait comme un type normal... Je pouvais pas déjà faire disparaître cette image !

- Ah ! Euh, salut Lucie, est-ce que je peux te parler seul à seul trente secondes ? Commençai-je à toute vitesse.

- Bien sûr !

Je me levai et la prenait à part, loin de notre table.

- Écoute, ça va pas être possible. Il est nouveau et il faut... Fin... Comment t'expliquer, c'est pas que je veux pas mais en fait...

- Tu sais, je ne suis pas stupide, Melvin. J'ai très bien compris, m'interrompit-elle avec un petit sourire triste. Je ne dirai rien à maman et je te laisserai tranquille. Comme les années précédentes. Tu n'auras plus à te soucier de moi.

- Non, mais c'est pas ce que je voulais dire !

- Ah vraiment ? Alors qu'est-ce que tu voulais dire, exactement ?

Je baissai la tête. Je ne pouvais pas m'empêcher de me sentir mal pour elle. D'autant plus qu'elle m'avait percé à jour.

- C'est bien ce que je pensais. Ne t'inquiète pas, je ne t'en veux pas. Je comprends totalement que tu ne veuilles pas être vu avec « la Folle ». Je te souhaite une bonne année scolaire, Melvin. »

Sans me laisser le temps de réagir, elle partit s'installer toute seule à une table, à l'autre bout du réfectoire. Je retournai à ma table, d'une humeur un peu moins joviale qu'au début du repas.

« Qui était-ce ? Une connaissance à toi ? Me demanda Augustin.

- Ouais, c'est ma sœur.

- Elle ne voulait pas venir avec nous ?

- Euh... non. Elle est plutôt du genre solitaire. On s'entend pas trop, on va dire.

- Ah, je vois. C'est malheureux.

Une autre fille s'arrêta devant notre table. Je ne la connaissais pas et je fus assez surpris par son style qui était... hors du commun. Il me semblait que c'était ce qu'on appelait gothique ou emo, je savais pas la différence. Je croyais que ce mouvement n'existait plus depuis des années, mais j'avais en face de moi la preuve vivante de son existence. Elle avait des cheveux noirs qui ne devait pas être naturellement de cette couleur. Elle portait un T-shirt d'un groupe de Death Metal dont j'avais vaguement entendu parler et dont l'écoute n'était pas loin de me faire saigner les oreilles et le reste de sa tenue était tout aussi sombre et inhabituel.

- Augustin, faut que je te parle.

Ce dernier eut l'air embarrassé. Il me demanda de bien vouloir l'excuser et alla à la rencontre de la gothique. Ils discutèrent quelques petites minutes. Je n'entendais pas ce qu'ils pouvaient bien se dire (et ça ne me regardait pas), mais mon nouvel ami n'avait pas l'air enchanté d'avoir cette conversation. C'était quoi, une ancienne petite amie ? Rapidement, il revint s'asseoir.

- Je te prie de bien vouloir m'excuser. Disons que c'est un peu le même problème que toi : une sœur avec qui je ne m'entends pas trop.

Je lui lançai mon regard le plus compatissant. Je connaissais. Il avait dû se prendre des brimades à cause du look de sa sœur. Le reste du repas se termina de manière agréable. Augustin parlait peu de lui, mais m'écoutait et me posait des questions sur tous les sujets, même les jeux-vidéos ! Et moi qui avait ce besoin immense de pouvoir discutait de mes passions, c'était parfait.

Cette année commençait bien, je le sentais.

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