Code Alpha 2.0: Rainy Days

Chapitre 4 : Chapitre 4: Drôle(s) de rancard(s)

4763 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 15/07/2019 10:20

Melvin


« Faites les exercices 32 à 35 page 25. Pour ceux qui auraient déjà fini, faites le 81 page 28. » avait dit le professeur de sa voix rocailleuse il y avait de ça un quart d'heure.


Ce n'était pas de chance d'avoir un enseignant d'apparence aussi antipathique comme professeur principal. Après tout, ce poste était très important, c'était à lui que les élèves devaient confier leur problèmes. J'étais certain que jamais, oh grand jamais je n'oserai aller me plaindre de quoi que ce soit auprès de lui. Il était bien trop... effrayant. Bref. Je m'étais attardé sur ces fameux exercices. Ce n'était pas pour rien que je m'étais retrouvé en économie sociale et que la section scientifique m'avait été refusé. Les maths et moi ça faisait... l'infini. J'avais d'ailleurs failli me retrouver en littéraire, mais j'étais tout aussi nul en français et je détestais lire. Pourquoi perdre son temps avec des livres quand on pouvait regarder un bon film, c'était quand même beaucoup moins chronophage ! Enfin, en une quinzaine de minutes, je n'avais toujours pas résolu le premier exercice. Augustin déplaça discrètement une feuille au centre de notre table, sur laquelle il avait écrit :

Tu sembles avoir des soucis, je me trompe ?

Il avait commencé à travaillé les cinq premières minutes et avait passé les dix restantes à faire tourner son stylo autour de sa main avec une aisance naturelle plutôt remarquable. Lui aussi avait dû être bloqué dans les exercices, mais il avait sans doute était plus loin que moi. En même temps, ce n'était pas bien difficile.

Ouais... Tu t'es arrêté à quel exercice ?

Après tout, quitte à être mauvais, autant s'entre-aider. Il me regarda avec un sourire compatissant et dit d'une voix calme :

« J'ai déjà terminé.

Quoi ? Mais c'était pas possible ! Monsieur Guidon avait expliqué la leçon d'une manière incompréhensible et nous avait envoyer ces exos dans la tronche sans aucune explications supplémentaires. Et en plus, c'était des notions nouvelles au programme qu'on avait jamais vu auparavant. Il avait du marqué n'importe quoi ou répondre totalement au hasard !

- Je me dois de m'expliquer. J'ai comme qui dirait une certaine passion pour les mathématiques. Un peu comme toi avec les jeux-vidéos. C'est un peu gênant, je ne l'ai jamais avoué à personne, alors garde ça pour toi s'il te plaît.

Il avait rougit comme si j'avais découvert un immense secret. Ce gars là était vraiment surprenant. Il rapprocha sa chaise de la mienne et regarda mon cahier.

- Mmmh... tu n'as sans doute pas bien compris. Tu veux que je te réexplique ?» me chuchota t-il.

Je répondais aussitôt par l'affirmative, et il commença à me faire un mini cours particulier. Il connaissait bien son sujet, ça se sentait. Et il possédait une certaine aisance à l'orale et une pédagogie digne des meilleures professeurs que j'avais eu au cours de ma scolarité. Quand je traînais avec Antoine, j'avais remarqué que ce dernier aussi était doué en maths (même si pas autant qu'Augustin), mais plutôt que de m'aider, il passait son temps à vanter ses mérites et à se moquer de mes mauvais résultats. Je n'avais vraiment pas perdu au change.


« Tu veux être prof plus tard ? l'interrogeai-je soudainement.

Il paru surpris par ma question, et eut un petit rire.

- Non, pas du tout. Je n'ai absolument aucune autorité, je me ferais dévorer par les élèves !

Pour être franc, je ne pensais pas qu'il avait besoin d'autorité. Son charisme suffisait amplement, et à lui tout seul, il pourrait facilement subjuguer toute une salle d'adolescent, même dans un quartier défavorisé contenant les lycéens les plus turbulents de la ville. Enfin, pour les autres, je n'en savais rien, mais en tout cas, ça suffisait à me subjuguer moi.

- A vrai dire... je n'ai jamais songé à ce que je voulais devenir. » Dit-il d'une voix calme. Calme mais d'un calme différent de celui qui accompagnait normalement sa voix. Son sourire s'était peu à peu effacé et il était devenu tout à coup songeur.

Moi non plus je n'en avais aucune idée. Mais je n'y avais jamais sérieusement réfléchis. Que comptais-je faire après le lycée, une fois que j'aurais le bac en poche ? Enfin, tout cela impliquait que je réussisse le lycée, ce qui était loin d'être gagné. Et puis après... rien ne me tentait réellement. Peut-être que... peut-être que je n'ai pas vraiment envie de grandir et de devenir adulte. Si je pouvais avoir des amis fidèles et fiables, rester à Kadic pour toujours ne me dérangerait pas.


Une main se leva au milieu de l'agitation parmi les élèves. Ce n'était pas la main de n'importe qui, c'était la main d'Antoine, ce fumier. Au début, je me mis à rire, en me disant qu'il devait avoir une envie pressante. Mais rapidement, je remarquai que quelque chose n'allait pas. Il avait l'air inquiet. Très inquiet, comme je l'avais rarement vu. A côté de lui, la jolie petite Violette s'était mise à cracher du sang. D'une manière assez violente. Le professeur semblait ne pas y prêter attention, il était concentré à expliquer en râlant de sa voix désagréable la leçon à des élèves. Alors, l'ancien intello prit la parole.

« Monsieur, est-ce que je peux emmener Violette à l'infirmerie ? Comme vous pouvez le voir elle ne va VRAIMENT pas bien !

Monsieur Guidon leva le sourcil gauche et contempla quelques instants la jeune fille. Il comprit rapidement l'urgence de la situation et contre toute attente me pointa du doigt, ainsi que mon voisin.

- Vous deux. Accompagnez là.

Antoine ouvrit la bouche pour protester, il semblait vouloir à tout prix être celui qui l'escorterait, mais l'enseignant fut plus rapide.

- Il me semble, Monsieur Belpois, que c'est encore moi qui décide dans cette classe. Augustin et Melvin sont de grands garçons, ils sauront se débrouiller tout aussi bien que vous.

Nous nous levâmes et aidèrent la fille aux cheveux bleus à se lever. Le blondinet me lança un regard noir avant de bouder sur sa table. Nous quittâmes la salle en prenant chacun un bras de Violette, pour l'aider à marcher. Je n'avais jamais été aussi proche d'une fille. Même si c'était dans un cadre assez morbide, ça restait assez déroutant...

- Non... J'ai besoin d'Antoine... » murmura t-elle doucement, sans conviction.


Ces deux là devaient être très proche. Ils sortaient ensemble ? J'avais du mal à y croire, comment un mec comme lui pouvait se taper un canon pareil. C'était peut-être encore une autre sœur cachée, comme Ambre. Ambre que je n'avais toujours pas revu d'ailleurs... Est-ce qu'elle allait bien ? Nous arrivâmes rapidement à l'infirmerie du lycée, la malade se laissant transporter sans encombre. Nous toquâmes à la porte et ce fut une nouvelle infirmière que je n'avais jamais vu qui nous ouvrit. Elle était grande, très grande mais aussi fine, presque squelettique. Elle avait peut-être eu des problèmes d'anorexie dans le passé. Son visage était creux et ses joues pâles. Ses cheveux noirs étaient coiffés en queue de cheval. Malgré ça, elle ne me semblait pas être bien plus âgée que nous. Deux ou trois ans, à tout casser.

« Bonjour très chère sœur ! Nous t'amenons une patiente qui a bien besoin de ton aide ! s'écria Augustin.

Elle jeta un regard sur sa patiente avant de s'exclamer :

- Ah oui... effectivement. Rentrez vite.

Encore une sœur à lui ? Il y avait déjà eu la gothique que j'avais aperçus à la cantine et maintenant cette nouvelle infirmière ? C'était dingue à quel point personne ne se ressemblait dans sa famille. On aida Violette à s'allonger sur un lit. L'infirmière lui fit boire une sorte de médicament pour l'aider à se calmer et à se reposer, et la petite beauté s'endormit rapidement. La crise semblait être passé pour le moment. Augustin me fit signe de m'asseoir autour du bureau.

- Alors, comme ça tu es le nouvel ami de mon frère ?

- Euh ouais... c'est moi. Melvin, enchanté.

Elle me tendit sa main, que je serrai immédiatement.

- Judith. De même. »

L'infirmière me regardait fixement avec un petit sourire en coin. Elle avait l'air sympa, mais quelque chose me mettait un peu mal à l'aise. Peut-être que c'était sa façon de parler. Ou son petit sourire, qui avait l'air de dire « je sais quelque chose que tu ne sais pas ».


Elle m'expliqua rapidement qu'elle n'était qu'en stage. La véritable infirmière était actuellement en congé maladie et que par conséquent elle occupait son poste à temps plein pour une période de temps indéfinie. Augustin avait tout l'air d'être intelligent, mais Judith devait l'être encore plus. Depuis les dernières réformes, le concours d'infirmière était extrêmement difficile. Avec la pénurie des médecins, on leur demandé d'avoir des connaissances et des capacités proche de celle d'un généraliste. La jeune infirmière se proposa de nous préparer une tisane. Elle affirma qu'elle nous ferait un mot pour retourner en cours plus tard. Notre conversation fut coupée par un immonde son de crachat. C'était Violette, qui n'allait pas mieux. Judith se leva immédiatement, le regard déterminé. Elle sortit d'un placard une seringue assez effrayante et s'approcha dangereusement du lit.

« Euh... c'est le bon médicament tu crois ? m'inquiétais-je. La couleur fluo du liquide contenu dans l'outil ne me disait rien qui vaille.

Elle me lança un regard sévère, l'air de dire « tu vas pas m'apprendre à faire mon travail », mais se ravisa.

- Violette Hopper a un traitement spécial, j'ai toutes ses ordonnances. Ne t'en fais pas Melvin, je sais ce que je fais, me rassura Judith d'une voix un tantinet sèche. Il serait peut-être bon que vous retourniez en cours. Ravie d'avoir pu faire ta connaissance, Melvin. Occupe toi bien de mon frère. Il a besoin de quelqu'un qui s'occupe de lui, n'est-ce pas Augustin ? »

Ah, les fameux piques entre frères et sœurs. C'était drôle à entendre, mais Augustin ne sembla pas le prendre à la rigolade. Comme promis, elle nous fit un mot. Mot qui s'avéra être inutile car nous arrivâmes devant la porte de la salle pile au moment de la sonnerie. Les élèves s'empressèrent de sortir, et comme une furie, Antoine se jeta sur moi.

« Où est-elle ? Où est Violette ?!!

Ses yeux pétillaient d'une rage nouvelle que je ne comprenais pas. Sa petite amie était fragile, d'accord, mais apparemment tout avait été vu avec le lycée vu qu'ils avaient un traitement spécial pour elle.

- Calme Antoine, elle est encore à l'infirmerie. » lui dis-je.

Le blondinet ne répondit pas et se précipita dans le couloir pour rejoindre sa pote.


Augustin et moi n'avions pas tout à fait le même emploi du temps. J'avais un creux d'une heure alors que lui avait encore cours. Nous nous saluèrent et il s'éloigna pour se rendre en classe. Soixante petites minutes de solitude, je pouvais tenir. Ca n'était pas comme si j'avais déjà dû endurer cent fois pire. Une envie pressante me força à me conduire aux toilettes. La sonnerie retentit et les couloirs se vidèrent. Qu'est-ce que j'allais faire pendant cette pause ? Aller au CDI ? Pourquoi pas. Au détour d'un couloir, j'entendis des bruits de pas derrière moi. Sans doute un élève souffrant aussi de l'appel de l'urinoir. Les pas accélérèrent et la personne arriva juste derrière moi. Je senti subitement des mains se porter autour de ma taille et une voix susurra à mon oreille :

« Coucou Melvin ! Je t'ai manqué ? »

Mon cœur se mit à battre la chamade. C'était Ambre.


Avant que je n'eus le temps de dire quoi que ce soit, la jeune fille m'entraîna dans les toilettes des filles. Elle s'arrêta quelques instants, vérifiant l'intérieur comme pour être sûr qu'il n'y avait personne, et m'attrapa par le bras, me tirant à l'intérieur. Je ne saurais décrire tout ce que je ressentais à cet instant précis. C'était elle. C'était bien elle. La fille qui avait hanté mes rêves, celle qui m'avait été inaccessible et pour qui je pensais ne pratiquement pas exister... Et pourtant, c'était moi, Melvin le gros rouquin, le rejeté, qu'elle prenait à part. Je me serai cru dans un film. Allais-je trop loin en m'imaginant des choses ? A vrai dire, on ne pouvait pas m'en vouloir... la timide Ambre que je connaissais avait l'air bien sûre d'elle et m'avait entraîné dans un lieu clôt, en s'assurant qu'on ne serait pas dérangés. Il y avait quand même de quoi porter à la confusion. Non. Je devais me calmer. Ce genre de chose n'arrivait qu'à la télévision. Dans la vraie vie, les mecs moches comme moi ne pouvait qu'espérer en vain.

« Je t'ai cherché toute la journée ! » me dit-elle avec un sourire. J'ai cru que je n'allais jamais te trouver.

C'est à ce moment que je me rendit compte que quelque chose n'allait pas. Mon cœur battait toujours, mais plus pour les mêmes raisons qu'avant. J'étais au centre de la pièce, et la jeune fille aux cheveux blonds était devant l'unique porte de sortie. Je n'aurais su dire quoi, mais tout cela sonnait faux. C'était sans doute parce que je ne l'avais pas vu depuis quelques temps. Les gens peuvent changer très rapidement, peut-être qu'au cours de sa relation avec Jean, elle avait eu l'occasion de se décoincer. En tout cas la situation devenait très étrange et très gênante... Vite, trouver un sujet de conversation !

« Ah... et... euh... Jean, comment il va ?

Elle soupira et avança lentement vers moi, me regardant droit dans les yeux. Mon réflexe fut aussitôt de reculer. J'avais réussit à identifier le sentiment qui m'habitait. C'était de la peur. Ambre n'avait pas l'air d'aller très bien... Je n'y avais jamais songé, mais sous son masque de fille réservée se trouvait peut-être une fragilité émotionnelle. Il aurait suffit que Jean la quitte ou la trompe pour totalement la déstabiliser. Mais si c'était le cas, j'avais évoqué le sujet sensible... Ah merde !

- Jean ?

Elle haussa les épaules.

- Ne vient pas me parler de lui. C'est toi que je suis venue voir.

Je ne pouvais plus reculer, j'étais contre le mur. Elle n'était qu'à quelques mètres de moi. Je pouvais sentir son souffle sur le mien. La peur mélangé à l'excitation d'être aussi proche d'une personne du sexe opposée (consciente cette fois) avait des répercussions assez étrange sur le reste de mon corps, comme des tremblements.

- Ah... Ah oui ? balbutiai-je.

Comment avait-elle à ce point pu devenir quelqu'un de totalement différent ? La rupture était encore plus puissante que celle d'Antoine, qui n'avait fait que de s'enfoncer dans ce qu'il était déjà. Ici, je découvrais une toute nouvelle personne, ce n'était pratiquement plus la même. Mais pourquoi me terrifiait-elle à ce point ?! Pourquoi est-ce que tout les sens de mon corps me criait : « Danger ! Danger ! » ?! Elle posa ses mains sur mes épaules, les plaquant contre le mur, me murmurant avec un sourire étrange :

- Est-ce que tu m'aimes ?

La question était inattendue. J'avais dû rêver de cette situation un bon paquet de fois, mais pourtant je n'avais qu'une seule envie, c'était de m'éloigner d'elle. Et le plus loin possible. Avant que je réponde (puisque j'aurais tout de même tenté de bredouiller quelque chose), elle m'embrassa.


Mon premier baiser. J'avais toujours rêvé que ça soit avec elle. Sauf que c'était loin d'être comme je l'avais imaginé. Cela avait un goût étrange, de rouille comme du... du sang ?! Ce fut alors que je m'aperçus que ses lèvres étaient gercées au possible et même rongées par endroit.

- J'aurais une petite question, Melvin...

Laisse moi partir, laisse moi partir...

- Tu te souviens de la fois où nous avons été ensemble sur Lyoko ?

- Oui ! Je m'en souviens ! répondis-je automatiquement. Si je la contentais, cet interrogatoire s'arrêterait peut-être plus rapidement.

Son regard changea. Cette fois, ce n'était plus une impression : elle était devenue véritablement menaçante.

- Tu n'avais rien remarqué d'anormal ce jour là ?

- Non... je crois pas... Mais Ambre, je pense que tu devrais...

Elle me gifla. Très fort. Plus fort qu'on ne l'avait jamais fait. Je pense que je devais avoir une énorme marque rouge. Des larmes coulèrent de mes joues sous la surprise.

- Je ne suis PAS Ambre ! Pas possible, tu es la deuxième personne à nous confondre ? Toi qui nous a vu toute les deux, tu aurais du être capable de me reconnaître non ?

Elle lâcha son emprise, me tournant le dos pour aller au centre de la pièce. Je tremblai de panique. Elle... Elle n'était pas Ambre... ? Mais qui était-elle alors ?! Elle était devenue complètement folle, c'était pas possible ! Folle et dangereuse ! C'est à ce moment précis qu'elle, comme pour confirmer mes pensées, sorti un immense couteau de cuisine de son sac rose.

- Je suis Ombre. Et personne n'était censé le savoir ! PERSONNE ! Parce qu'après tout... Personne ne connaissait mon existence ! Personne ne m'a jamais vu ! A part toi...

Elle se rapprocha de nouveau. Elle ne souriait plus. Une haine indescriptible se lisait sur son visage. Son arme blanche était pointé dans ma direction. Ma pauvre Ambre... qu'est ce qui t'étais arrivé pour que tu deviennes comme ça ?! Et... qu'est-ce que tu comptais me faire ?

- Alors maintenant, sombre petit goret, si tu tiens à tes couilles, tu vas illico me dire à qui tu as dévoilé ma véritable identité !

Je pris mon courage à deux mains et m'écriai :

- Je ne comprends rien, Ambre... Arrête ça je t'en supplie ! J'ignore ce qui t'effraie à ce point, mais je n'y suis pour rien ! Si tu m'en parles, je pourrais t'aider !

Ce n'était de toute évidence pas la réponse qu'elle attendait. Elle serra les dents et brandit son couteau. Je fermai les yeux quand soudain...

- Non... Non ! Tais toi ! Je ne suis pas un assassin !

Elle parlais toute seule ? Pire, elle parlait au miroir. Cette scène était devenue tellement surréaliste que j'avais du mal à y croire...

- C'est faux ! Je... Je... Je n'allais pas lui faire du mal, c'était du bluff !

Ambre se mit à pleurer. Je n'avais jamais vu quelqu'un d'aussi alarmé et d'aussi dévasté de toute ma vie. Je me demandai si je devais aller la réconforter, mais ce qu'elle tenait à la main m'effrayait toujours beaucoup. Je préférai la laisser se calmer toute seule. Elle se mit alors à frapper le miroir de toute ses forces, criant à s'écorcher la voix :

« Tais toi ! TAIS TOI !FERME TA PUTAIN DE GUEULE ! »


La fin de sa phrase se termina par un cri strident, presque inhumain. Quand son « adversaire » fut brisé et ses doigts ensanglantés, elle s'arrêta, regardant le sol, plus perdue que jamais. C'était maintenant ou jamais. J'avais le choix, rester debout comme un lâche et faire ce que j'avais fait toute ma vie, c'est à dire me planquer, ou bien aller aider une amie qui semblait en avoir bien besoin. Je l'avais dit : jamais je n'oublierai les quelques jours où cette bande d'amis avait existé. Et Ambre en avait fait parti. J'étais prêt à l'aider. Alors je fis ce qui me semblais être la chose la plus évidente à faire : je la pris dans mes bras, et lui murmurai-je :

- Chut... c'est fini. C'est terminé.

Elle se mit à sangloter en tremblant.

- J-je n'en peux plus, Melvin...

J'essayais de lui prendre doucement le couteau des mains, en continuant :

- Tout vas bien se passer désormais, Ambre...

Je ne sais pas quel fut le mot en trop. Mais elle me repoussa sauvagement, me plaqua contre le sol et planta son ustensile de cuisine à quelques centimètres à peine de ma tête. Elle le retira aussitôt et se releva brutalement. Elle riait aux éclats désormais.

- AH ! Vous pensez que vous pouvez m'avoir, moi ?! Et bien vous avez tort ! Je vous aurez la première, je vous le garanti !

- Ambre... je...

- JE M'APPELLE OMBRE. »


Je pensais qu'elle allait me tuer. Sincèrement. Mais elle ne fit que partir en claquant la porte. Mon Dieu... Qu'est-ce qui venait de se passer ? Juste... pourquoi ? Pourquoi l'adolescente gentille et attentionnée que je connaissais s'était transformée en une dangereuse forcenée ? Je n'étais de toute évidence pas le seul à avoir souffert cette dernière année... Que devais-je faire maintenant ? La logique voudrait que je prévienne la police, mais... mais c'était Ambre. Si elle était comme ça, il devait y avoir une raison. Je croyais que plus rien ne pouvais me surprendre aujourd'hui, mais la porte de l'un des cabinets s'ouvrit. Quelqu'un avait été là durant tout ce temps !

« Ne t'inquiète pas, il y a quand même quelques filles normales dans ce lycée, dit une voix que je pourrais définir de blasée.

C'était l'autre sœur d'Augustin, la gothique du réfectoire.

- Je m'appelle Zoé, au cas où Augustin l'aurait pas mentionné, rajouta t-elle prestement.

- Tu... tu as toute entendu ? lui demandais-je.

- Allons plutôt discuter à la cafet', tu veux bien ? J'te ferais un faux billet d'absence si t'as peur de sécher. »

Comme quoi le monde est bien ironique. Moi qui me plaignais de ne pas être populaire avec les filles, voilà qu'en une seule après midi, j'échangeai mon premier baiser et la minute d'après j'étais en tête à tête autour d'un diabolo menthe avec une autre. Enfin... aucune de ses deux entrevues n'avaient eu quoi que ce soit de romantique. Ambre m'avait menacé et frappé, et puis Zoé... Zoé pour être honnête n'était pas vraiment mon genre. Même en tant qu'amie, je pense pas que ça ne pourrait se faire. Un simple pressentiment, elle m'avait pas l'air très sympathique. Elle et moi passèrent dix bonnes minutes à siroter nos boissons silencieusement. C'était elle qui avait commandé, et je n'étais pas très fan des diabolos menthes mais je le pris sans rien dire. Au bout d'un certain temps, je me décidai à briser la glace.


« Pourquoi tu n'es pas intervenue ? lui demandai-je avec emportement. C'était vrai : j'aurais pu y passer, et elle n'avait pas bougé de sa cachette, bien en sécurité !

- De un, tu vas commencer par me parler sur un autre ton. De deux, si j'avais eu l'impression que tu étais véritablement en danger, je serais intervenue, répondit-elle froidement, tout en continuant à vider son verre tranquillement.

Mais... mais elle était sérieuse ?! Ma vie avait été mise en jeu ! Le couteau s'était quand même planté juste à côté de ma tête, j'avais survécu par un simple coup de chance !

- Et de toute façon, qu'est ce que t'aurais pu faire, hein ? Ambre était incontrôlable, elle t'aurait massacré, dis-je en faisant la moue.

Zoé rapprocha son visage du mien et répondit avec un air tout à fait sérieux :

- Toujours est-il que tu es sain et sauf. Elle s'en serait prit à toi, elle ne s'en serait pas sorti indemne, c'est tout ce que je peux te dire.

Cette nana là était juste flippante. J'allais rajouter une autre complainte quand elle déclara d'un ton glacial :

- Bref, tu veux continuer de te plaindre ou tu vas me laisser parler ?

Bon... effectivement, elle marquait un point.

- Tu vas vite comprendre, mais quelque chose d'important se déroule depuis quelques temps. Depuis une dizaine de mois je dirai même.

Mais pourquoi est-ce qu'elle me racontait sa vie ? Je n'en avait strictement rien à faire ! Elle me lança un regard noir, me faisant comprendre que je devais faire des efforts.

- Melvin, depuis quand les attaques sur Lyoko ont-elles cessés ?

Lyoko ? Elle avait bien dit Lyoko ? Comment était-elle au courant de l'existence de ce monde virtuel ? Les seuls à la connaître étaient Jean, Antoine, Ambre, les défunt Ulrich et Mélissa et puis moi... Trop d'émotions en ce jour, elle avait raison sur un point, je n'arrivai plus à suivre.

- Réponds à ma question. Quand a eu lieu la dernière attaque sur Lyoko ?

Bon, puisqu'elle avait l'air de déjà tout savoir, autant raconter. Au moins, elle ne me menaçait pas avec une arme, même si elle ne me mettait pas à l'aise non plus.

- Ben... c'était l'année dernière, quand on a détruit XANA...

- Faux, dit-elle en terminant son diabolo menthe. Elle me demanda d'un signe de main si je comptais finir le mien, suite à quoi je lui fis comprendre qu'elle pouvait se servir. « La dernière attaque a eu lieu avant les vacances d'été.

- Hein ? Mais... quand est-ce qu'elles ont repris ? Et puis c'est pas possible, XANA a été détruit !

- Elles ne se sont jamais vraiment arrêtés. Le seul à être au courant, c'est Antoine. Enfin, il croit être le seul au courant... De plus, je n'ai jamais dit que ces attaques étaient provoquées par XANA.

Il fallait que je remette mon cerveau en marche. Une fille que je n'avais vu qu'une seule fois et à qui je n'avais pas adressé la parole venait me déballer qu'elle savait absolument tout sur mon plus grand secret. Pire, elle en savait même plus que moi ! Je devais admettre que je n'étais pas une flèche, mais quelque chose ne tournait pas rond.

- Comment tu sais tout ça ? interrogeai-je l'air suspicieux.

Elle soupira. Elle donnait l'impression d'essayer de se faire comprendre par un abruti.

- Je pourrai te le dire, mais ça ne ferai que t'encombrer avec du savoir inutile. Tout ce que tu dois savoir, c'est qu'il y a un conflit actuellement.

C'était bien culotté ! Mais je compris rapidement que je n'avais aucune chance d'insister. Elle allait me demander de prendre part à son camps, c'était sûr. Tout ça c'était du blabla de propagande en fait. Elle pensait que j'allais trahir mes amis, tout ça parce qu'elle m'avait payé à boire et fait sécher une heure de cours ? Jamais !

- Dans ce conflit... tu n'as pas ta place. Mais Ambre non plus. C'est pourquoi j'ai besoin de toi pour une seule chose : la sortir de l'enfer dans lequel elle s'est fourré.

Voilà qui était... inattendue. Elle me demandait de faire se que je comptais déjà faire. C'était assez intéressant comme retournement de situation. Peut-être n'était-elle pas aussi antipathique qu'elle en avait l'air.

- Et pourquoi moi ?

C'est vrai ça, n'étais-ce pas plutôt à Jean de se charger de sauver sa copine ? Il était rare que le copain gros et rouquin devienne soudainement le héros de l'histoire !

- Je vous ai beaucoup observé. Tous. Antoine n'est qu'un abruti, et Jean n'arrivera à rien, ça je peux te le garantir.

Elle sortit un carnet de son sac,, en déchira une feuille et inscrivit son numéro de téléphone.

- Voilà. Ne donne ce numéro à personne. Ne parle de ce qui s'est passé aujourd'hui à personne. Même pas les membres de ma famille. Surtout pas à eux, en fait. Et ne leur dit pas non plus que je t'ai adressé la parole. C'est bien compris ? Si tout va bien, on arrivera à éviter une catastrophe. Je peux compter sur toi ? »

Elle me tendit la main. Je réfléchis un instant, et je la serrais. Zoé n'inspirait pas la sympathie, mais si elle pouvait m'aider à ramener Ambre dans le monde de la lumière, alors c'était une alliée.


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