Galaz

Chapitre 1 : Galaz

1784 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 12/07/2019 09:48

Introduction

 

 

D’abord était le Néant. Il régnait sur le froid et le silence du Vide. Plus que tout, il aspirait aux choses sans vie et immuables. Mais un jour, le traversa une longue comète lumineuse. Le Néant, qui jamais n’avait vu autre chose que le vide, songea qu’elle était belle. Sa première pensée, qu’il avait formulée bien malgré lui, ouvrit la porte du changement.

Car alors, la comète explosa, inondant l’Univers d’un vacarme effroyable et fracassant, le submergeant de ses couleurs vives et éclatantes et le remplissant dans un irrépressible et formidable déferlement de vie, de myriades d’étoiles, de galaxie, de nébuleuses, de constellations, et de puits de lumières.

Ainsi se révéla la Création, dans sa véritable forme. Le Néant, lorsqu’il la vit, comprit qu’il lui faudrait pendant un moment céder sa place. Alors que la Création s’étendait dans l’Univers, il recula d’un pas derrière elle. Restant dans son ombre, il décida d’attendre son heure, patiemment.

Vint leur premier enfant, Laguerva.

Notre monde était alors encore entier, et baignait dans le Puits, une colonne de lumière et d’énergie céleste. Inconsciente de sa force lorsqu’elle s’en empara pour la première fois, Laguerva brisa le Monde en sept morceaux, et ceux-ci devinrent les sept royaumes mythiques connus de tous aujourd’hui, éclatés et dispersés autour du Puits.

Au sommet, baigné dans la plus pure des lumières, le septième royaume est le domaine des Dieux. Il se nomme Taïdmir.

Juste au-dessous, se trouve le fief dans lequel les Runholts, les Gardiens des dieux, ont élus domicile. Le sixième monde, Vindàr.

Plus bas, toujours dans la lumière, vient Mertack, un monde riche et prospère, peuplé de créatures magiques.

Puis le quatrième monde, le plus éloigné du Puits. Il y règne un froid glacial. C’est Korzeack, le monde des Glaces Eternelles.

Le troisième monde, Lagua, est le monde des Hommes. Il est presque dépourvu de magie, car il est dans la limite de l’ombre et de la lumière. L’énergie qu’il reçoit du Puits est faible.

Ramgun est un territoire sec et aride. Il marque la frontière entre le royaume des vivants et des morts. On l’appelle aussi l’Entre-deux.

Et pour finir vient Guild, le monde des morts, dépourvu de toute lumière, plongé dans la plus totale obscurité, le plus froid des silences.

Ces mondes, éparpillés autour du Puits, forment l’Histoire et la Mythologie fondatrice de nos croyances.

 

« Les Mythes des Mondes du Puits », Asfurtain, Maître de l’Ordre des Chroniqueurs d’Eménor. 

 




Les Runholts. Ce sont les gardiens des Dieux, chargés d’appliquer leurs volontés sur tous les royaumes. Ils peuvent voyager librement entre la plupart des mondes, et se mêler aux Hommes s’ils le souhaitent, bien que pour la plupart d’entre eux, les humains n’aient que peu d’attraits. Leurs pouvoirs sont extraordinaires, et le temps n'a pas de prise sur eux. Ces Runholts se divisent en deux classes : les « Anciens », ceux qui sont apparus un jour derrière le dieu Oblen, qui les a ramenés on ne sait comment d'une dimension oubliée. Ceux-ci sont liés aux déités par un serment magique indéfectible. Ils se sont installés sous Taïdmir, le royaume des dieux, dans leur jardin céleste qu'ils ont nommé Vindàr, et ont œuvrés pour leurs divinités des millénaires durant.

Quand soudainement, les femmes commencèrent à enfanter, chose qui n'était jamais arrivée auparavant. La notion de genre n'est pas toujours bien définie chez les Runholts, de sorte que quelques-uns peuvent être à la fois des hommes et des femmes, des animaux ou des monstres. De même que les concepts de fidélité, du couple et de l'amour sont presque inexistants. Ces enfants soudains, grandirent pour la plupart livrés à eux-mêmes, se rapprochant des Anciens plus par affinités et liens de pouvoirs, que par leurs liens de sang.

Certains d'entre eux ont pris conscience de leurs pouvoirs et ont souhaité suivre les traces de leurs prestigieux ancêtres. Ils ont formé une faction qu'ils ont appelée « l'Héritage ». D'autres, ont choisis de rejeter toute forme de subordination, et d'embrasser la liberté totale.

Ici est contée le récit de l'un de ces nouveaux enfants, dont on ignore encore quel chemin il empruntera, même si la voie du trouble et de la discorde lui semble déjà bien ouverte.

 

 

 

 1

 

 

Makana parcourait tristement les jardins du palais de Vindàr. Le ciel matinal était d'un bleu éclatant, l'air respirait la fraîcheur et les feuillages arboraient le vert vif du début de printemps. Pourtant Makana, qui était une enfant liée à la Terre, était trop absorbée par son chagrin pour y prêter attention. Elle passa devant Galaz, allongé sur un gros rocher plat, en train de cuver sa bière. Il s'était mis la veille en situation délicate, et cherchait un moyen de se tirer de son mauvais pas comme de sa gueule de bois. Son griffon des Vents duquel il ne se séparait jamais, Rimgr, était couché à côté du rocher. Quand il l'aperçue, Galaz se redressa, geste qui lui demanda certains efforts.

« Tu en fais une tête ! On dirait que la misère des sept mondes s’est abattue sur toi ! »

Elle lui répondit par un grand soupir et vint s'asseoir à côté de lui.

« Hé bien ? » Demanda Galaz.

« Mes boucles d'oreilles ont disparues. » Raconta Makana d'une petite voix.

« Et alors ? » Fit Galaz, peu concerné.

« C'est grave ! S'exclama la jeune femme avec émotion. Ces boucles sont inestimables à mes yeux. Ma mère, Guilkana, m'en a fait don lorsqu'elle m'a mise au monde. Ce ne sont pas que des bijoux, cette paire est aussi un puissant artefact. Il me sert à canaliser mes pouvoirs, que je ne maîtrise pas encore à la perfection. »

« Des anneaux d'érable dans lesquels une graine est en constante germination ? » Se remémora Galaz.

« C'est ça. Je les pose toutes les nuits sur mon chevet, mais ce matin lorsque je me suis réveillée, elles n'y étaient plus. »

« Elles auront glissées ? » Suggéra le jeune homme.

« Tu t'imagines que je suis si bête pour ne pas y avoir pensé?» Rétorqua-t-elle sèchement.

« Loin de moi l'idée de douter de ton bon sens. » Se défendit Galaz en riant. « On te les a peut-être tout simplement dérobées. »

« Qui ferait une chose pareille ? » Demanda Makana. « Et pourquoi ? »

Galaz haussa les épaules.

« Les raisons peuvent être légions. »

Une idée germa dans son esprit encore éméché.

« Je peux t'aider à chercher si tu veux. Je n'ai rien de plus intéressant à faire pour le moment. »

Makana jeta au jeune homme un regard lourd de suspicions.

« Oh, vraiment ? Si je ne te connaissais pas si bien, je jurerais que tu cherches sincèrement à m'aider ! Fit-elle avec sarcasme. Mais tes coups de mains ne sont jamais dénués d'intérêts. Que veux-tu ? »

Galaz eut un petit sourire matois.

« Trois fois rien pour toi je t'assure. » Il sortit de sa sacoche ce qui ressemblait à un petit rocher, dont la surface sombre et polie renvoyait la lumière du matin.

Makana écarquilla ses grands yeux dorés.

« Par toutes les Furies ! Mais c'est un œuf de Dragon de Terre que tu as là ! » S'écria-t-elle.

Galaz lui mit précipitamment la main sur la bouche et regarda rapidement autours d'eux.

Makana lui lança un regard plein de reproches.

« Où as-tu obtenu une telle chose ? » Chuchota-t-elle férocement quand il eut enlevé sa main. « Et quelle idée de montrer ça à moi ! Ne sais-tu pas qui est ma mère ? Si jamais elle apprend que tu monnayes une créature magique, tu pourras bien voler jusqu'au bord du monde, rien n'arrêtera son châtiment. »

« Je mise sur le fait que la Mère de la Terre n'en sache rien. Fit le jeune homme avec un clin d’œil complice. Quant à ta question, je te répondrais bien, mais nous ne sommes pas assez intimes pour que je te livre tant de secrets. »

Comprenant son allusion, Makana lui jeta un regard remplit de dégoût. Galaz éclata de rire.

« On peut savoir ce que tu attends de moi avec cet œuf ? »

« Après avoir perdu un pari, j'ai promis à certains personnages de leur livrer un Dragon de Terre éclot sous quinzaine. Ils sont malheureusement de ce type de personnes qu'il convient de ne pas prendre pour des imbéciles. »

« Sans quoi, que t'arrivera-t-il ? »

« Sans quoi, je suppose que je devrais subir la désagréable conséquence de devenir persona non grata dans toutes les tavernes, tous les bordels, et tous les lieux mal famés où on lance les osselets, les dés et les cartes pendant une bonne génération. Enfin, avant ça je serais probablement enfermé et torturé pendant quelques temps. »

Makana lui répondit par une moue méprisante.

« Je sais, fit-il, les gens sont durs. »

« Oserais-je demander contre qui tu as perdu cette fois ? »

Galaz eut l’air un peu gêné.

« Le Directeur des Cachots Ecarlates. » Confessa-t-il à mi-voix.

Makana secoua la tête, incrédule.

« Rien que ça ? Tu es vraiment la honte des Runholts ! Je refuse d'utiliser mes pouvoirs pour t’aider à éponger tes dettes de jeux. » Le rabroua-t-elle.

Galaz afficha une mine peinée.

« Ça ne te demandera que quelques secondes et je promets de retrouver tes boucles ! »

« Pour autant que je le sache, c'est peut-être toi qui les as volées pour les échanger lors d'un pari stupide ! Je préfère aller trouver Sowaz, lui m'aidera sans rien exiger en retour ! »

Galaz ricana.

« Comme tu veux, fit-il. Mais n'oublie pas que personne n'entend mieux les rumeurs portées par les Vents que moi. Tu sauras où me trouver quand ton beau rentrera bredouille ! »

Makana s'en fut. Galaz se rallongea, la tête encore sensible. Un plan s'ourdissait dans les replis de son esprit tortueux. Finalement, sa situation n'était peut-être pas aussi désespérée qu'il l'avait imaginée.



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