Légende pour délivrer une usurière

Chapitre 1 : Légende pour délivrer une usurière

Chapitre final

3973 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 20/08/2025 13:01

Cette fanfiction participe au Jeu d’écriture Les dés sont jetés


Tirage, Caractéristique 17 (érudit), Lieu 3 (Sombre), Objectif 20 (Richesse), Objet 5 (Bague), Rencontre 18 (Livre) et Obstacle 7 (Légende)


Information concernant l’univers alternatif pour Crime et Châtiment

Aliona Ivanovna devient Hélène John

Rodion Romanovitch Raskolnikov devient Rodney Rodin

Nikodim Fomitch devient Nicolas Fomier



Légende pour délivrer une usurière




Par une belle journée ensoleillée du mois de juillet, à l’Université Rockland, à Grandview, aux États-Unis d’Amérique.

Élie James, professeur très érudit en Psychologie et en Philosophie, était particulier avec son don d’entendre les esprits errants. Alors que l’homme de taille moyenne était à son bureau, insouciant, lisait pour une énième fois des vieux manuscrits, une femme, esprit errant, apparut dans un coin de son bureau. La pièce était spacieuse avec une immense fenêtre qui permettait à la lumière du jour d’apporter convivialité. Au fond, il y avait une bibliothèque aux étagères bien garnie de livres les plus divers. L’entité invisible toussa discrètement. Le professeur leva les yeux de son ouvrage et l’interrogea d’une voix puissante : 

— Je peux vous aider, si vous êtes venu jusqu’à moi ! Qui êtes-vous ?

— Ah ! Vous me voyez ? s’étonna une voix rêche d’une femme à sa droite.

Tournant la tête malgré lui, il lui répondit :

— Non, je ne peux point vous voir, mais je vous entends ! Je suis Élie James, et vous ?

— Je suis Hélène John.

— L’usurière de la ville ?

— Oui, je … l’ai été … jusqu’à tout récemment, termina-t-elle sur un ton amer.

— Bon départ ! Vous savez que vous n’êtes plus vivante. Vous avez passé de l’autre côté de l’existence ! Comment puis-je vous aider à partir en paix dans la Lumière ?

Il sortit un carnet de thérapie qu’il gardait pour les cas d’esprits errants.

— Retrouvez mon trésor, ma richesse, et ce qui a été volé ! hurla-t-elle.

— Très bien ! Je m’en occupe de ce pas ! Ça vous convient ?

Un silence fut la seule réponse. Il tourna la tête de tout côté et grommela : 

— Disons que c’est un oui !

Il soupira et jeta un rapide coup d’œil sur sa montre. Il était 15 h 00.

— L’inconvénient d’entendre les esprits, c’est comme être aveugle, constata-t-il avec ironie. Mais je n’ai pas le choix de m’y habituer ! Bien que c’est handicapant dans 90 % des cas !

Il déposa stylo et cahier sur le bureau et fit les cent pas dans la pièce aux murs beiges pour s'arrêter devant la fenêtre.

— Fini avec les jérémiades ! Allons voir mon ami, Richard, les sciences occultes sont sa spécialisation.


Il se retourna, prit son sac qu’il avait laissé sur le porte-manteau foncé à l’entrée et se rendit au bureau de son collègue d’Anthropologie Richard Payne. Ce dernier, un peu plus âgé que lui, dans l’immense pièce remplie de grimoires les plus divers et de bibelots les plus étranges, l’accueillit aimablement, debout, cherchant un ouvrage en particulier, perplexe.

— Élie, pour quelle raison tu viens à mon bureau ?

— Viens avec moi ! Je dois faire partir l’usurière Hélène John dans la Lumière ! J’ai l’intuition que tes connaissances en sciences occultes me seront d’une utilité !

— Très bien, je te suis, l’ami ! Heureusement que je te crois dans ton don et que je n’ai rien de mieux à faire maintenant. Mais où allons-nous ? Comment puis-je t’aider ?

— Amène tes livres et je n’aurai qu’à espérer qu’il n’y aura pas trop de mystifications de la part de l’usurière !

— Voilà, le livre que je cherchais était sur mon bureau ! Quel idiot je suis !

Élie secoua la tête en souriant de l’attitude de son collègue. Les deux hommes quittèrent l’université, non pas sans amener des livres. 


Une fois arrivés dans le parc de la ville, les deux collègues s’assirent sur un banc. L’entendeur d’esprit, affirma d’une voix puissante, faisant à semblant de parler avec Richard : 

— Es-tu là, Hélène ? Hélène John ?

— Je suis ici, commenta la défunte, amusée, à gauche du banc. Alors quoi ?

— Sais-tu où est ton argent et ta richesse ? Que veux-tu que je fasse avec tous ces biens ?

— Avant de répondre à votre question, professeur, n’avez-vous pas entendu la légende de ma maison ?

— Non, répondit-il en haussant les épaules. J’ignore cette histoire !

— Si vous comprenez la légende, vous comprendrez ma mort et mon souci ! Mais n’oubliez pas de ramener mon argent et mes objets volés à leur place !

— De quelle histoire est-il question ? demanda Richard, yeux bleus scintillant de curiosité. Avec toi, Élie, je ne vais pas m'ennuyer ! 

Il secoua sa crinière blonde avant d’enchaîner.

— De toute manière, il n’y a pas une rumeur ou superstition que je ne sache pas !

— Votre compagnon pourrait vous aider, ajouta d’un ton cynique Hélène. C’est un fait connu ! À la prochaine !

— Vous ne voulez pas m’aider ?

— Non, je n’ai pas le temps à perdre ! Demandez à votre ami ! Ce qui m’importe c’est la restitution des biens volés !

— Merde ! jura le petit homme en serrant les poings. 

Il darda un regard qui couve une colère certaine vers Richard et explosa : 

— Bravo ! Félicitations, Richard ! Tu viens de faire partir mon informatrice !

— Désolé !

Le duo se tut un instant, observant les arbres et les passants du parc. 


Malgré la chaleur du mois, des familles étaient encore à l’ombre des arbres pluricentenaires et les enfants jouaient insouciants dans le toboggan sous le regard de leurs mères qui discutaient des dernières rumeurs de la ville. 

Le professeur extraordinaire leva un doigt dans les airs et affirma avec certitude : 

— Richard, il semblerait que tu connaisse la légende de la maison de Hélène John qui vivait avec sa demi-sœur Élizabeth, deux vieilles filles. Quelle est cette légende ?

L’interpellé blêmit. Il bredouilla : 

— Je la connais ! Mais c’est une horreur ! Je doute que tu veuilles le savoir !

— Dis ! répliqua sèchement Élie.

— C’est le trésor maudit ! …

Il baissa son regard dans un de ses livres pour se donner bonne contenance.

— … Une légende dit que le père de l’usurière, Edward John, aurait passé un pacte avec le Diable pour obtenir une gloire dans ce monde et une richesse qui n’est pas à négliger. La contrepartie était la présence d’un trésor maudit qui engendre la folie de celui qui le possède. Et non seulement son père, mais elle aussi, Hélène, serait une habile magicienne.

Les yeux d’Élie s’agrandirent. Il murmura : 

— Ah mon Dieu ! Que faire ? Comment régler son cas ? Je suis un professeur émérite à l’Université Rockland, je ne me connais pas en alchimie et autres croyances superstitieuses ! Je ne sais pas comment vaincre des sorcières ! Cette légende est farfelue, je ne peux pas y croire ! Mais comment puis-je l’aider ?

— Un pentacle pour se protéger des sorcières ou encore la verveine et la sauge blanche pour purifier un endroit ou soi-même de la présence des mauvais esprits, énuméra le professeur Payne, pensif. Je te conseillerais, Élie, de prêter foi à ces légendes ! Je ne voudrais pas que tu mettes les pieds dans cette maison hantée, insouciant que tu es, pour ensuite devenir fou !

— D’accord, je vais réfléchir… Alors comment je pourrais la faire partir dans l’au-delà ? … 

— Bonne question ! commenta son interlocuteur aux yeux clairs.

— On se voit demain ?

Le professeur des sciences occultes approuva d’un signe de tête. Les deux hommes se quittèrent. 


Élie revint jusqu’à son appartement en prenant la même petite rue S.. Il pouvait compter les deux-cent-trente-sept pas nécessaires pour arriver jusqu’à la porte. En traversant le seuil, il se déchaussa. Soudain, une voix douce, mais ferme, d’un homme s’entendit près de la porte : 

— Élie James, vous êtes le Gardien du Livre ! Ce livre est dans votre bibliothèque ! Consultez-le avec parcimonie, ne faites pas un abus !

— Qui êtes-vous ?

— Je suis un Observateur, un esprit incorruptible qui note tout ce qui se passe sur Terre. Rien ne nous échappe, ni à mes collègues, ni à moi !

— Et quel est ce livre que je dois veiller ?

— Le Livre des Changements, livre qui n’est pas donné à tout le monde, mais que plusieurs convoitent pour les précieuses informations cachées qu’il recèle.

Élie traversa l’étroit couloir avant de déboucher sur le salon. Cette petite pièce au mur blanc, semblait austère avec ses trois unique meubles clairs qu’étaient une table basse, un fauteuil et une bibliothèque. La fenêtre apportait lumière et convivialité. Il s’arrêta avec détermination devant l’immense bibliothèque et chercha le fameux livre. Le professeur trouva le manuscrit recherché. Il le détailla : un simple ouvrage des temps anciens avec une couverture délabrée aux lettres enluminées et aux pages déchirées dans les coins. Il le prit, le déposa sur la table, s’assit et le feuilleta. L’étonnement se lisait sur son visage en parcourant le Livre. Il alluma une lampe pour lutter contre les ténèbres qui assombrissaient la pièce.


Plus il lisait le Livre, plus il faisait noir et sombre autour de lui. Il rangea le Livre à sa place et s’allongea, ainsi habillé, dans son lit, sortant un petit carnet de notes à la lueur d’une lampe. Il soupira : 

— Ainsi, résuma-t-il posément. Je dois aider cette vieille sorcière que Rodney Rodin a tué ! Demain matin, j’appellerai Sam Blair en urgence, elle me croit un peu ! Ainsi elle pourra informer Nicolas Fomier, celui qui est chargé d’enquêter sur la mort de l’usurière, sans que je sois faussement accusé !

Il griffonna quelques mots dans son calepin et fixa le vide et la noirceur qui l'entouraient. Il soupira et continua son monologue : 

— Si Richard a raison et que la légende est réelle… 

Un frisson parcourut son échine et ses mains tremblèrent malgré lui.

— Je dois me protéger ! Je dois me prémunir du Mal. Mais comment ? Si la légende est réelle, comment pourrais-je aider Hélène John ? Je ne veux pas devenir fou ! Selon le Livre des Changements, le trésor que recherche l’usurière est caché sous une pierre près de l’entrée d’un immeuble non loin du parc de la ville. Je vais demander à mon collègue Richard de m’aider avec ces superstitions. Bien que je sois rationnel, je ne veux pas devenir un candidat à l’asile parce que j’aurai négligé une légende. Si les esprits sont bel et bien réels, tout en agissant sur le monde, rien n’est impossible ! Une malédiction pourrait être elle aussi réelle et effective par principe de synchronicité ou par effet de Pygmalion, ou plutôt l’effet Golem… Plus de gens y croient fermement, plus elle deviendra réelle. Effrayant ! Effroyable !

Les yeux grands ouverts, il ne parvint pas à s’endormir de la nuit.



Le lendemain matin, aussi sombre au lever que la veille au soir.

Élie se leva péniblement de son lit, étonné de la noirceur qui y régnait autour de lui. Il se dirigea d’un pas chancelant comme un homme ivre vers la cuisine avant de s'asseoir sur une chaise. Il sortit son calepin et se laissa le temps de ramasser toutes ses pensées éparses. Son cœur battait très fort et son esprit se troublait de plus en plus.

— Maintenant, je fais quoi ? Je vais renoncer, pour l’instant, à appeler Sam Blair… Je ferais mieux de retrouver le trésor de la vieille usurière pour la faire partir au plus vite dans la Lumière ! Elle me donne mal à la tête ! Je ne parviens plus à penser dans cet étroit espace !

Il se massa les tempes et vida un verre d’eau pour s'éclaircir les pensées.

— Bon ! Heureusement, l’eau permet de bien penser ! Premier pas, je vais déranger Richard pour connaître une manière de me protéger de cette malédiction. Plus de précaution, c’est mieux que moins ! Un homme averti en vaut deux, dit l’expression ! D’ailleurs, cette légende est terrifiante, j’ai beau me rassurer qu’il n’en est rien…

Une sueur froide coula le long de son dos, ses jambes s’agitèrent et refusèrent de le porter pendant plusieurs minutes.

— … Mais mon intuition me souffle qu’il doit y avoir une réalité dans cette légende ! Peut être bien que oui, peut être bien non, j’en sais rien ! Je dois réfléchir rationnellement, qu’il y ait légende véridique ou non, il vaut mieux prendre des précautions et se prémunir du Mal. Élie, tu es capable, rien d’impossible pour toi ! s’encouragea-t-il d’un geste de la main.

Un sourire s’esquissa sur son visage délicat.

— Après, je pourrais entamer mes réflexions sur l’existence possible des mondes parallèles où vivraient les défunts en étroite communication avec nous les vivants. Ces deux mondes font partie de l’ameublement onto-métaphysique de notre réalité. Et qu’est-ce qui permet d’expliquer les moments de contacts entre les deux ? Une brèche métaphysique ? Une torsion spatio-temporelle des deux réalités visible et invisible ? Sauf si la cohabitation est permanente et que nous, les hommes, en tant qu'entités naturellement entre la matière, par notre corps, et l’invisible, par notre esprit ou âme, soyons toujours en contact. Hypothèse intéressante !  Ce qui confirmerait la théorie de Swedenborg... Mais bon, laissons ces réflexions pour plus tard...

Les tremblements des jambes cessèrent, mais son cœur ne parvenait pas encore à se calmer. Le professeur prit plusieurs inspirations et expirations avant de se lever et de faire les cent pas dans la petite pièce. Il continua son monologue.

— Donc l’immeuble où est caché le trésor et tous les autres objets est celui en face de la boutique d’antiquités de la ville. Et je me demande bien comment restituer ces biens pour apaiser la défunte sans éveiller les soupçons de la police ?

— Remettez-les à sa place dans ma petite mansarde ! répondit sèchement la vieille usurière à sa gauche.

Élie sursauta au son de sa voix, perdu qu’il était dans ses réflexions à voix haute.

— Merci de l’information et de la précision, Hélène John ! bredouilla-t-il.

Il prit son sac brun dans lequel il rangea le Livre des Changements et un chapeau et se prépara pour arriver à l’Université Rockland, au bureau de son collègue. 


Richard l’accueillit, lueur d’inquiétude dans ses yeux clairs. Il l’invita à entrer néanmoins. Dans son bureau, un désordre régnait, des livres dispersés partout, les chaises et le fauteuil au plafond, la boîte de carton était à l’envers, bref le chaos total. Élie se sentit faible et s'approcha de la table, mimant de s'asseoir sur son coin. 

— Non, Élie, ne t’assis pas ainsi sur une table !

— Pourquoi mes jambes sont faibles et aucune chaise utilisable ? Je ne vais pas salir ton bureau !

— C’est porte-malheur ! Cela présage la mort ou la pauvreté selon des superstitions russes !

— Et tu y crois ?

— Je te le dis comme ça, ajouta le professeur des sciences occultes d’un nonchalant en fuyant le regard de son interlocuteur. Je ne veux pas que l’un ou l’autre te frappe.

— Tu ne m’as pas convaincu ! Mais bon ! Je ne vais point t’interroger sur tes raisons ! Mais cela ne change rien au fait que mes jambes sont lourdes et insupportables, si tu ne veux pas que je m'effondre à chaque instant !

Richard s’avança vers son collègue et le soutint, telle une colonne, petite moue au visage.

— Sinon, collègue, continua le brun, il faut que j’aide cette usurière à quitter le monde des vivants, mais comment se protéger d’une malédiction ?

Une lueur de joie illumina la face de son aîné. Il le lâcha et ouvrit un tiroir de son bureau.

— Simple, Élie, tu n’as qu’à porter cette bague sur ton majeur ou ton index de la main droite.

Il lui donna une bague en or. Uniforme et régulière, elle ne comportait aucune inscription ou gravure. Elle ressemblerait à une alliance s’il n’y avait pas une chevalière où un soleil souriant fut gravé aux rayons qui terminaient en mains de tout côté.

— Elle est un porte-bonheur et protège de tous les maux et sortilèges existant. Lors de mon voyage en Orient, je l’ai ramené sur l’insistance de celui qui me l’avait donné, un vieil homme sincère et sympathique, mais trêve de bavardage ! Je t’ai équipé pour ta mission avec cette usurière ! Va et que Notre Seigneur et Créateur t’assiste dans la réussite de ta mission !

— Merci Richard, tes connaissances sont précieuses ! Je me sens prêt à amener Hélène John dans la Lumière sans crainte, ni reproche !

— Va ! Va ! Pour ma part, je vais essayer de comprendre comment les chaises et le fauteuil demeurent toujours au plafond !

— Ah ! Ah ! hurla la voix aiguë de Hélène à sa droite. Les chaises au plafond, c’est rigolo ! Je les aime bien !

— Au revoir et à la prochaine collègue, ajouta Élie. Mais c’est la défunte qui se joue de toi. Je ne sais pas pourquoi.

Le professeur de psychologie sortit du bureau. D’un pas rapide, ignorant les passants nombreux, il arriva au parc de la ville. Il s’avachit sur un banc, scrutant avec minutie les bâtiments qui l'entouraient. Son regard s’arrêta sur l’édifice devant lequel trônait une pierre gigantesque près d’un arbre. Il glissa la bague à son doigt et murmura, comme il en avait tant l’habitude : 

— Et bien, il semble que j’ai repéré la cachette ! Maintenant que vais-je faire ? 

Il ouvrit le Livre pour le consulter, lorsqu’une voix criarde et ironique s’entendit derrière lui : 

— Que faites-vous ? Pourquoi n’y allez-vous pas professeur ? Ne me dites pas qu’une légende vous fasse peur ?

L’interpellé sursauta reconnaissant la voix de l’usurière et répondit sévèrement : 

— Non, point du tout ! Il suffit que je m’y rende !

Il se leva, vif, extirpa le haut-de-forme gris foncé de son sac pour le mettre sur la tête et compta les deux-cent-dix pas nécessaire pour être devant la bâtisse dans le style victorien. L’immeuble à cinq étages en briques, avec ses fenêtres, ressemblait à des yeux délavés qui scrutaient tous les visiteurs. Le professeur en s’arrêtant au pied de l’arbre, un immense chêne centenaire, eût l’impression que le ciel s’assombrissait encore plus qu’auparavant, aussi noir que l’encre.


Il demeura prostré, mains secouées de spasmes, incertain de ce qu’il fallait faire. La légende de la famille John le tétanisa sur place. Il revint rapidement au banc dans le parc, les mains moites et ne cessant de ruminer les mêmes pensées au sujet de la malédiction qui pourrait le frapper.


La journée passa et le soir arriva. Une nuit encore plus ténébreuse. Élie décida de prendre son courage à deux mains. Il murmura à lui-même : 

— Élie, vas-y ! Tu dois aider l’usurière ! 

Il déplaça la pierre et n’eut pas à fouiller longtemps pour trouver les sacs d’argent et les objets de valeur volés par Rodney Rodin sagement entreposés. Il les récupéra soigneusement, comme s’il était en présence d’un vieil écrit de l’Antiquité qu’il fallait préserver, pour les ranger dans son sac qu’il avait amené.


Malgré la noirceur, il connaissait chaque dédale de la ville. Il fit les quatre cent pas nécessaires pour arriver jusqu’à la demeure de la défunte. Dès son arrivée devant l’immeuble, un ricanement sinistre se fit entendre. S’arrêtant net devant le seuil, le professeur se retourna, tremblant : 

— Qui êtes-vous pour rire ainsi ? parla-t-il rapidement. Je ne suis pas un voleur ! se défendit-il frénétiquement, bras levés et mains en poings.

— Vous me faites rire, messire, lui répondit la voix caverneuse d’un homme à l’accent britannique. Vous serez poursuivi par la malédiction de ces lieux ! Ah ! Ah !

— C’est ce nous verrons, arrogant personnage à la voix démoniaque ! s’insurgea le professeur.

— Élie James, l’informa la douce voix de l’Observateur de la veille à sa droite. Faites-vous confiance ! La bague vous protégera, mais dépêchez-vous !

Élie déglutit et entra prestement dans la demeure abandonnée où seule une voix féminine désespérée s’entendait qui murmura, telle une mélopée, dans le silence oppressant : 

— Pourquoi moi ? Pourquoi suis-je morte ?

L’universitaire n’accorda pas son attention à la voix qui l’attristait au fond de son âme et déposa les objets volés et l’argent à leur place et quitta immédiatement les lieux en plaçant ses mains sur ses oreilles pour ne pas entendre les paroles pernicieuses de celui qu’il qualifiait d’entité démoniaque. Il courut jusqu’à son appartement.


Essoufflé, il s’écrasa dans son lit, les yeux grands ouverts. 

— Merci, avoua la voix bourrue de Hélène près de la fenêtre. Vous avez restitué les biens volés et vous avez brisé la malédiction familiale. 

Un silence s’installa entre eux pendant quelques minutes. Un calme agréable régnait dans la pièce.

— Je me sens tellement légère, affirma-t-elle d’un ton joyeux. Je peux enfin quitter ce monde-ci ! Je vois une Lumière qui perce les ténèbres de mon monde, ma mère y est. Elle m’appelle à grands gestes. Est-ce pour moi ?

— Oui, cette Lumière est pour vous, Hélène John. Je l’ai entrevue lors de mon expérience de mort imminente. Bon voyage !

— Merci et au revoir ! conclut-elle, émue.

Le professeur retint ses larmes, toujours bouleversé en son âme lorsqu’il se rappelait de cette Lumière qu’il avait brièvement aperçue.


Le silence du recueillement était interrompu plusieurs minutes plus tard par la voix d’Éli qui commenta : 

— Wow ! Un défunt de moins dans notre ville ! Demain, je n’aurais qu’à informer Sam Blair du coupable. Je suis tellement étonné qu’une malédiction soit ainsi brisée, mais c’est bon à savoir ! Je dois dormir, je suis exténué par ma journée !

Il se retourna dans son lit et s’endormit d’un sommeil léger.


Laisser un commentaire ?