CONFINEMENTS

Chapitre 8 : Prédateurs.

1241 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 18/04/2020 21:11

" Enfin, Giro ! Comment as-tu pu communiquer avec tes amis sur ton téléphone de service !

— Mon GSM personnel est à la banque, Giovanni. Comme toujours quand je pars en mission pour la RV. Ils savent que je ne les contacte que si je trouve un téléphone fixe quelque part. Sans ce foutu CopSras, jamais je n’aurais appelé Will et Leo de cette manière !

Le grand homme s’arrêta dans le couloir qui conduisait au bureau d’Alessandro et retint Girolamo par le bras, le regard rivé au sol, il dit :

— Tu sais que je ne pourrai rien faire, hein ? Je ne pourrai rien empêcher et il est furieux. Désolé, cousin. Si je n’avais pas de famille…

Le Comte l’interrompit et lui prit l’épaule : 

— Chut ! Je sais, Gio. Quoi qu’il arrive, tu ne l’auras pas voulu. Allons… inutile de le mettre en rage contre toi aussi parce que nous tardons. Allons-y.

Il reprirent le chemin du bureau.

— Tu ne t’en remettras pas cette fois.

— C’est bien pour ça que je ‘ai confié ces derniers mots écrits pour Leo. Tu les lui donneras, hein ?

— Je te l’ai déjà promis. Merde ! Pourquoi sommes nous nés dans cette famille de corrompus ! »

La première chose que Girolamo vit en entrant dans le bureau ultra-moderne de son père, ce fut l’anachronique colonne de bois hérissée de pointes.

Il nota le sourire de côté d’Alessandro. Plus fort que la colère, le plaisir d’infliger la souffrance lui était un régal. Il en avait toujours été ainsi.

Girolamo choisit la bravade. Ce soir, il pouvait tout s’autoriser, l’issue serait de toute façon la même :

« Même en villégiature, vous emportez vos objets fétiches, père !

— Comment osez-vous m’appeler ainsi ! 

— Aujourd’hui je m’accorde toutes les libertés. Je sais que ce sont les dernières.

— En effet. Vous êtes allé trop loin Riario et vous ne manquerez pas de sentir à quel point. »

Sur un signe de tête, Giovanni entraîna son cousin vers la colonne et Girolamo ôta sa chemise lui-même. La consternation et la souffrance se lisaient sur les traits de cette montagne de muscles qu’était son parent et même à cet instant, pourtant tourné vers l’épreuve qui l’attendait, l’empathie du Comte lui permettait de sentir cette peine et de la ressentir pour lui. « L’empathie est une garce. » disait toujours Will.

Non. Ne pas penser à Will en ce moment !

Giovanni entreprit de lui lier les mains de telle façon qu’il étreigne la colonne et ses pointes de laiton acérées.

« Plus étroit, le lien, Capitaine ! » réclama Le Pape, passant ainsi le message que la charge était déjà transférée. 

Les regards des deux cousins se croisèrent. Message reçu.

Girolamo grimaça. Il savait qu’une fois profondément entrées dans la chair, entre deux spasmes transmis par les coups, les pointes seraient suportables, mais leur première morsure dans la chair des épaules, de l’intérieur des bras et du ventre était déjà un supplice à lui seul. Les larmes montèrent d’elles-mêmes à ses yeux, sans qu’il pleurât encore pourtant.

Il entendit un premier claquement derrière lui. Son père se faisait la main, retrouvait le geste virtuose et le plaisir du fouet. 

Il l’avait vu sortir de nombreuses séances de flagellation et savait combien elles le réjouissaient. C’était toujours en ces occasions qu’il fallait lui demander une faveur. Après une « bonne séance » punitive, il ne pouvait rien refuser à personne.

Il savait aussi qu’il boirait un peu de vin et prierait avant de frapper, pour puiser en lui la ferveur qui seyait à cette légitime sanction.

Giovanni, derrière la colonne, serra la main de son cousin en y mettant toute l’amitié qu’il pouvait. Puis le premier coup perça le silence.


***


Will n’en pouvait plus.

Les cris qui lui étaient parvenus lui arrachaient l’âme et les tripes.

Au loin, dans le hangar sans doute, les chiens hurlaient, eux aussi. Eux non plus n’auraient pas toléré cela, ils seraient devenus fous et Hannibal y avait pensé. Hannibal calculait toujours tout, jusque dans les moindres détails.

Il cria son nom, le plus fort qu’il put et sut qu’il avait été entendu quand la musique, assourdissante, remplaça les plaintes de sa victime.

Oui, il céderait, il n’y avait pas d’autre issue.

Mais qu’arriverait-il ensuite ?

Ce chantage était si peu à la hauteur du portrait qu’il s’était fait de son ami qu’il était impossible de deviner quelle serait sa prochaine manoeuvre.

Hannibal apparut à la porte au son du "Dies Irae" de Mozart, comme entrant en scène. Il ôta ostensiblement ses gants de latex couverts de sang et regarda Will sans rien dire, illisible comme toujours.

« Je ne peux plus. Tu as gagné.

Hannibal s’approcha et Will sentit l’odeur métallique du sang, celle des scènes de crime, celle de son quotidien. Il haïssait ce travail.

— Si vite ? s’étonna Lecter, l’ombre d’un sourire rehaussant encore ses pommettes saillantes. Il commença à défaire les liens qui maintenaient ses mains à la table pour les entraver aussitôt devant lui.

— Pourquoi me lier les mains ? Je t’ai dit que j’acceptais ton marché.

— Je ne veux pas de lutte, mon bienaimé Will. Je veux de la douceur après cette entrée froide de violence.

Il lui libéra les pieds et, saisissant ses épaules, l’aida à s’asseoir pour ensuite l’attirer tout contre lui :

— Qu’est-ce que tu éprouves, là, à cet instant précis ?

Will récita, comme quand il était face à une scène de crime :

— Je sens la brûlure de ton désir. Je la connais et la reconnais. C’est celle qui m’habite quand les lèvres de Rome affichent le demi-sourire de la complicité, tout en retenue ou quand ses yeux se font noirs. Je me sens habité par ton odeur, plus épicée qu’à l’ordinaire. Je sens cette pulsion, proche de celle du meurtre, mais aussi un goût délicieux sur ma langue…

— Oui.

Will se reprit, redevint lui-même :

— Je sais tout ça, mais ne le partage pas. Il va falloir y mettre toute ta science, docteur Lecter, si tu veux un soupçon de consentement de ma part. Tu vas devoir faire en sorte que je finisse par te supplier de me prendre.

— Je peux faire ça. Je ne devrai même pas t’embrasser. Il s’écarta pour regarder son ami dans les yeux : tu vois ! J’admets même que les baisers soient réservés à l’amour. » sourit-il douloureusement.

Will fit un très léger « oui » de la tête et se prépara à n’être plus que le jouet du moment.

Pour que cesse ce supplice, il voulait bien disparaître, s’offrir à la gueule du prédateur comme un animal qui sait qu’il a perdu.

Hannibal posa les lèvres sur son cou, là où bat la veine jugulaire.

La fièvre de la bouche.

La pression des dents… 




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