LES TEMPS D'AVANT

Chapitre 23 : Capitre 23

1421 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 21/05/2020 23:59

Vers quatre heures et demie, Tommaso fut réveillé par des chuchotements. Il y avait à peine un quart d’heure qu’il s’était endormi.

(Putains d’insomniaques !)

« Comte, vous dormez ?

(Ouais, ben, comme moi : plus maintenant, y‘a des chances !)

— Non.

(Il ne va pas demander “et vous ?“ tout de même ?)

— Et vous ?

(Ben voyons ! Oui, mon ange, à poings fermés, mais fais comme si non.)

— Pas moyen ! C’est étrange, non ?

— Pas plus que depuis deux mois et demi, je trouve.

— Mais enfin, si ! On a trouvé tout ce que Fausta cherchait : ils ont tout, là-bas, toute sa famille !

— Et en supprimant mon père, on a sauvé pas mal de vies, je suppose.

(Ben tiens ! C’est ça, choisis-toi vite une excuse, mon cochon !)

— Je sais ! Il manque son amoureux !

— …

(Voilà qui lui cloue le bec, au boa !)

— Vous croyez que c’est la deuxième mosaïque ? Ça se pourrait ! Ça collerait avec le reste.

— Peut-être.

(N'a pas l'air convaincu, le Comte. On se demande pourquoi, tiens.)

— Oh ! Stop ! Pas trop d’enthousiasme, vous frôlez l’overdose, là !

— Mpf ! … Parlant d’overdose… Vous n’avez pas emporté votre opium, par hasard ?

— J’ai bien un joint royal sur moi, mais on ne peut tout de même pas fumer dans l’habitacle, hein ? C’est dommage, ça nous aurait permis d’au moins somnoler un peu… C’est douloureux encore ? Votre oeil.

(Pauv’ chou !)

— C’est supportable… et pour vous ?

— Girolamo ! Je n’ai pas vraiment été tabassé, vous vous rappelez ?

— Ce n’est pas de ça que je parle. J’ai vu votre expression tout à l’heure, quand nous avons parlé de Corbelli… Vous venez de réaliser dans quel monde Gio et moi vivons, je me trompe ?

— Oui. J’avoue que tout cela me semblait moins concret avant que vous ne discutiez de cet épisode.

(Ouais. Et ça change tout, hein, Leo ?)

— Est-ce que… Est-ce que ça va changer quelque chose pour votre participation aux fouilles ?

— Quoi ? Mais, enfin, non ! Je savais qui vous étiez quand je me suis engagé… vous veniez même de faire kidnapper mon ami Nico !

(Merde, c’est pas vrai ! Il n’y changerait rien, même un couteau sur la gorge !)

— Ah ! Très bien. Vous me rassurez.

— Qu’est-ce que vous allez faire de la Forza, Giovanni et vous ?

— Il est certain que je laisse bien volontiers ma place à qui en voudra ! Enfin libre ! Vous vous rendez compte ?Dire et faire ce que je veux, aux yeux du monde entier !

— Hem ! Sauf que sans la Forza, vous n’avez plus de protection de la police ou de la justice.

— Plus de protection de cette sorte, mais je vous jure que personne ne tentera rien contre nous : Giovanni et moi rêvions de ce jour depuis longtemps, nous avons mis des documents de côté qui devraient nous mettre à l’abri pour un bon bout de temps. Tout est pourri, Leonardo… et quand je dis tout, croyez-moi, c’est tout !

— À votre place, je ferais une nouba de dingue !

(Quoi ? Une nouba ? Tu crois que Sa Seigneurie fait la nouba ? Jamais Leo ! Où irait le monde si l’aristocratie venait à agir comme le menu fretin ?)

— On la fera, avec les amis du camp, c’est promis !

— Sérieux ?

— Je crois vous avoir dit un jour que je le suis toujours, non ?

— Ce jour-là, vous avez dit “la plupart du temps“ si j’ai bon souvenir.

— Ça semble lointain, non ?

— Oui, lointain et étrange… J’ai une drôle de sensation : comme si nous avions choisi un chemin entre deux mondes.

— Un tunnel ou un pont vers autre chose ? Moi aussi !

(Il n’y a pas de sens caché, oh non ! Absolument pas ! Espèce de langue de vipère enrobée de miel… Un petit coup de drague, ça peut peut-être le faire ?)

— Dites ! Vous n’avez pas fini vos messes basses, là-derrière ? Certains voudraient dormir ! râla Giovanni.

— Nous aussi, cousin ! Nous aussi !

— Alors n’en privez pas les autres… La ferme, les insomniaques !

(Cet homme me plaît bien !)

— Venez, Leo, allons marcher un peu… C’est la pleine lune, nous y verrons dans le noir. »

(Quand je me transformerai en loup-garou !)


***


Lupo Mercuri rassemblait tous les documents compromettants qu’il avait laissés dans son bureau. Il tremblait si fort que souvent des chemises lui échappaient des mains, ou encore les quelques objets personnels qui le suivaient partout : un photo encadrée de sa fille, décédée, abattue sur ordre du pacha ; des stylos Mont Blanc et Montegrappa, un mug sans valeur marchande mais auquel il tenait énormément…

Alessandro della Rovere avait disparu !

Autant dire qu’il était mort, car pas un jour en quarante et un ans, quand il avait pris la succession de son père, on n’avait manqué de voir au poste son bedon épanoui et sa bouche en sourire inversé, toujours prête à humilier, moquer, condamner… et manger. 

Mort ! Enfin !

Sans plus personne pour donner des ordres, puisque Giovanni della Rovere n’avait pas davantage refait surface que son iceberg de cousin, les gardes chuchotaient et fumaient, buvaient, rotaient… 

C’était Babylone !

On avait retrouvé deux gardes morts dans les archives de la Forza, des traces de sang, de l’ADN de quatre individus dont on taisait le nom et qui, selon Lupo, ne seraient jamais inquiétés s’ils étaient bien les individus auxquels il pensait.

Déjà, il y avait des appels de partout en Italie et même en Europe. Il avait décidé de ne plus y répondre.

À partir d’aujourd’hui, lui aussi jouait les filles de l’air. Il prenait dès ce soir l’avion pour les États-Unis et avait bien l’intention de ne jamais en revenir. L’argent de la Forza qu’il avait détourné lui permettrait de vivre fort confortablement en Floride jusqu’à la fin de ses jours.

Il jeta un dernier coup d’oeil à son bureau, appela un garde moins ivre que les autres pour se charger de tout son déménagement et sourit.

Il avait rudement bien mené sa barque, tout compte fait.


***


Alberto avait mis les petits plats dans les grands. Il avait envoyé les Ghanéens et Bostoniens en ville, chargés pour les uns d’une liste de victuailles, pour les autres de bières, de vins et d’alcools.

On avait rangé les ordinateurs, dressé une grande table et même fait de la place sous la grande tente pour danser.

La Forza était triplement décapitée, son Grand Maître mort (et incinéré), ses deux successeurs de très bonne grâce démissionnaires… Vive feue la Forza !

Tous étaient heureux, sauf Graziella, mais elle ne comptait que pour le grand Giovanni, que la tiédeur de son épouse ne semblait guère perturber. L’habitude, peut-être ?

Dès leur retour, tout de suite après les abondantes et touchantes effusions, Girolamo et Leonardo avaient voulu voir l’état d’avancement de la deuxième mosaïque. Elle était maintenant à demi révélée et il s’agissait bien de la représentation d’un personnage masculin.

Laura avait aussi découvert que dans les parages de Fausta Montserrat, il y avait eu un certain Bonifacio, dont le nom revenait souvent. C’était un secrétaire de son père et on avait également retrouvé une peinture le représentant.

Était-il l’amant de Fausta, l’amour de sa vie ? Cela, il fallait accepter quon ne le découvrirait peut-être jamais.

Mais pour l’heure, on ne s’en inquiétait guère. Il fallait oublier les insomnies et les peurs passées pour célébrer avec passion la fin de la “captivité“ de Giovanni, Girolamo et beaucoup, beaucoup d’autres. Ceux qui avaient servi le pacha, son second et son Commandant étaient désormais libres de leurs choix !

Vanessa abandonna Alberto aux dernier préparatifs culinaires et entraîna Nico vers la table où se trouvaient l’ordinateur personnel de Laura et une grande quantité de CD. Ils optèrent pour « I Gotta Feeling » des Black-Eyed Peas pour lancer l’ambiance, tandis que Tom et Leonardo commençaient à servir le premier apéritif. Libre à tous ensuite d’aller se servir eux-mêmes…

« Open-bar ! » cria Tom, de sa voix des marchés. 


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