Life note
Chapitre 43 : Un monde à feu et à sang
3032 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour 31/08/2025 17:45
Un monde à feu et à sang
Le ciel de Tokyo était devenu un tableau de cauchemar. Les lampadaires scintillaient faiblement, impuissants face à la nuit de plus en plus sombre qui s’abattait sur la ville. Les sirènes des ambulances et des voitures de police résonnaient sans arrêt, se mêlant aux cris de panique des rares passants qui osaient encore s’aventurer dehors. Sur les écrans géants de Shibuya, les chaînes de télévision affichaient en boucle le même message d’alerte :
“Restez chez vous. Fermez vos portes. Ne faites confiance à personne.”
Mais la mort, elle, n’avait pas besoin d’ouvrir de porte. Elle entrait par les fenêtres, se glissait sous les draps. Elle s’insinuait dans les cœurs pour y faire éclater la vie.
Les corps tombaient par centaines. Un vieil homme, en train de regarder la télévision chez lui, s’effondra subitement. Une adolescente qui envoyait un message à son petit ami perdit
connaissance sur le trottoir.
Un policier, les yeux rivés sur un rapport de meurtre, tomba mort sur son bureau.
Le chaos s’était installé. L’ancien système, la police, la justice, tout était rompu.
Les hôpitaux étaient débordés, les rues désertes, les magasins pillés.
Les rumeurs d’une "malédiction" ou d'une "nouvelle maladie" circulaient, mais la vérité était bien plus terrible : plusieurs Death Notes étaient tombés du ciel, et de nouveaux “Kira” étaient apparus.
Et contrairement à leur prédécesseur, ils ne se souciaient pas de la justice. Ils tuaient par caprice, par peur, ou par simple désir de pouvoir.
La Purge
Le chaos s’était organisé. Alors que les rues se vidaient, un nouvel ordre se mettait en place, discret, impitoyable. Dans les recoins sombres de Tokyo, des groupes de détenteurs de Death Note s’étaient formés. Ils n'agissaient plus en solo, mais en meute, coordonnant leurs meurtres avec la froide efficacité d'une armée. Ils se donnaient des noms de code, partageaient des informations sur les cibles et se félicitaient pour chaque mort. Leur seul objectif : faire tomber le système.
La première vague de la purge a été un coup de massue. Toutes les têtes du gouvernement sont tombées, une par une. Les ministres des Affaires étrangères, des Finances, de la Justice... tous morts d’une crise cardiaque foudroyante, en plein direct, au milieu d'un discours ou dans leur sommeil. Les chefs de partis politiques ont suivi, qu'ils soient de l'opposition ou au pouvoir, les plongeant dans un abîme de confusion.
Ensuite, ils ont visé la justice. Les juges, les procureurs, les avocats de renom... leur nom a été rayé de la liste des vivants.
L'appareil judiciaire s'est effondré, les tribunaux sont devenus des coquilles vides. Les prisons, sans surveillance et sans autorité, sont devenues des zones de non-droit où les détenus se sont fait justice eux-mêmes.
Puis, ils se sont attaqués aux forces de l'ordre. Les commissaires en chef, les hauts gradés de la police, les agents d'élite, même ceux des forces spéciales...
Personne n'a été épargné. La police, déjà dépassée, s’est retrouvée sans tête, et le crime a explosé dans les rues. Les agents pénitentiaires ont subi le même sort, les portes des prisons s'ouvrant sur des rues désormais livrées au chaos.
Tokyo, autrefois une métropole de lumière, était maintenant une jungle, où la seule loi était celle du plus fort et où la mort pouvait frapper à tout moment, sans raison apparente. Les rumeurs d'un nouveau Kira se sont amplifiées, mais personne ne pouvait prévoir qu'ils n'étaient plus un, mais une légion.
Le Pont des Mondes
La fumée âcre s'élevait en colonnes sombres, masquant les étoiles. L'église, autrefois un sanctuaire de paix, n'était plus qu'une carcasse en feu. Oga, Aiko et Tenshiko (Light) restaient immobiles, les visages illuminés par le brasier, l'odeur du bois brûlé et du métal fondu emplissant l'air.
C'est à cet instant que Sidoh, le Shinigami aux os décharnés, prit la parole, sa voix rauque se perdant dans le crépitement des flammes.
— Vous ne voyez pas ? Le chaos que vous voyez n'est qu'un symptôme. Ryuk a brisé les règles, et son acte a eu des conséquences bien plus grandes que la mort d'un seul homme.
Oga, toujours secoué par l'explosion, leva les yeux vers la créature.
— De quoi parlez-vous ? Les règles ? Quelque chose de plus grand ? C'est la fin du monde, n'est-ce pas ? murmura-t-il, un mélange de peur et de certitude dans ses yeux.
Sidoh laissa échapper un ricanement.
— Pas la fin, non. Juste le début d'une nouvelle ère. Le monde des Shinigamis et le vôtre... ils sont en train de fusionner.
Aiko regarda Sidoh, ses yeux
s'écarquillant d'incrédulité.
— Quoi ? Mais c'est impossible !
— C'est pourtant ce qui arrive, continua Sidoh, son regard se posant sur le carnet que Light avait laissé tomber.
En ressuscitant Light Yagami, Ryuk a créé une anomalie. Il a brisé la frontière qui séparait les deux mondes. Les lois de la vie et de la mort ont été transgressées, et maintenant, le Néant lui-même s'écroule sur la Terre.
Bientôt, les Shinigamis ne seront plus invisibles pour vos yeux. Bientôt, la mort ne sera plus qu'un simple concept.
Oga serra le poing, la confusion et la colère se bousculant en lui.
— Qu'est-ce que cela a à voir avec ce garçon ? Vous êtes en train de me dire que c'est sa faute ?
Sidoh se tourna alors vers Tenshiko, qui fixait le feu de l'église, le visage impénétrable.
— Non. Ryuk est le seul responsable, mais...
Il se pencha, son visage à quelques centimètres de celui de l'adolescent. Il plongea son regard dans le sien, cherchant quelque chose dans ses yeux qui n'était pas là il y a encore quelques jours.
— Tu es le seul qui puisse arrêter ça, Light Yagami. Tu es le seul à pouvoir sauver ce monde.
Le prix du chaos
Le silence qui s'était installé entre Oga, Aiko et Light fut brusquement brisé par la sonnerie du téléphone d'Aiko. Elle décrocha nerveusement, son visage se crispant.
— Allô ? C'est toi ? Écoute, j'en ai assez de tes menaces ! C'est ce que tu veux ? Me tuer ?! Vas-y, tue-moi si tu en as le courage !
Son ton était un mélange d'arrogance et de peur. Elle s'attendait à une menace vide, une parole en l'air. Mais une seconde plus tard, son visage devint livide. Ses mains se portèrent à sa gorge, et ses yeux s'écarquillèrent.
Elle suffoquait, comme si des doigts invisibles se refermaient autour de son cou. Elle lutta, émettant un bruit rauque, essayant de crier, mais aucun son ne sortait. Ses poumons, ses voies respiratoires, tout était bloqué.
Elle s'écroula lourdement au sol, son corps convulsant quelques instants avant de s'immobiliser, le regard vide. Elle était morte, étranglée.
Oga, sous le choc, se précipita vers elle, tentant désespérément de l'aider. Mais il était trop tard.
C'est à cet instant que Light, le visage figé, ramassa le téléphone qu'Aiko avait laissé tomber. Il le porta à son oreille.
— Allô...
Une voix froide et satisfaite répondit à l'autre bout du fil.
— La poufiasse est morte ? Bien fait pour elle. Avec le Death Note, j'ai pu me venger de tous les crimes qu'elle avait commis. L'entendre agoniser, c'était un pur délice.
La personne raccrocha.
Light resta immobile, le téléphone encore à son oreille. Oga, à genoux à côté du corps d'Aiko, leva les yeux vers lui, cherchant une explication. Light regarda le corps sans vie, puis le téléphone, puis ses propres mains.
Il était tiraillé entre deux mondes. D'un côté, il ressentait la douleur de voir une vie s'éteindre sous ses yeux, la brutalité du meurtre. De l'autre, des souvenirs refaisaient surface, des fragments de son passé en tant que Kira. La voix du justicier en lui, la satisfaction de voir un criminel puni.
Il se souvenait d'avoir fait la même chose, des centaines de fois, avec la même froideur. Il avait cru en sa justice, en son pouvoir. Mais le voir de ses propres yeux, avec l'odeur du sang et la violence, était une tout autre expérience.
Un serment de sang
Light resta immobile, son regard se perdant dans le vide. Le téléphone, toujours dans sa main, semblait peser des tonnes.
Il le reposa lentement, ses yeux se posant sur le Death Note vierge qui gisait sur le sol. Une colère froide remplaça la confusion. Ce cahier, jadis la source de son pouvoir, n'était plus qu'une coquille vide, une ironie cruelle qui se moquait de son impuissance.
Il ferma le poing, serra la mâchoire et, dans un geste de rage et de détermination, il se mordit l'index jusqu'au sang. Une perle rouge monta à la surface, se mit à couler le long de son doigt.
Sidoh, qui observait la scène, s'approcha en flottant.
— Que fais-tu, humain ? murmura le Shinigami d'une voix rauque. Ce n'est qu'un simple cahier.
Oga, dépassé par les événements, restait silencieux. Il ne comprenait rien, mais l'atmosphère était lourde. Il sentait que quelque chose de terrible était sur le point de se produire.
Light ne répondit pas. Il ouvrit le carnet, regarda la première page et, de son propre sang, il écrivit, en grands caractères, le mot "Justice" en japonais.
La pause du monde
Le monde se figea. Le crépitement des flammes de l'église en ruine cessa. Les sirènes des ambulances, qui hurlaient au loin, se turent.
Le chaos de Tokyo, les cris et les pleurs, s'était éteint. Un silence absolu et apaisant s'était installé. Oga et Sidoh, le corps figé, flottaient derrière une lumière blanche et transparente qui émanait de Light.
Leurs visages, autrefois marqués par la peur et la confusion, étaient devenus impassibles. Le temps n'existait plus.
Light, baigné par cette lueur chaude et réconfortante, observa le Death Note s'effriter lentement devant ses yeux. Le cahier, qui avait été à la fois sa gloire et sa damnation, se désintégrait en une pluie de poussière noire, emportant avec lui les derniers vestiges de son passé.
Soudain, une voix retentit.
Elle était profonde et ancienne, mais elle portait un rire joyeux. Un rire qui ne semblait avoir ni âge ni genre, mais qui remplissait l'espace d'une chaleur familière.
— J’ai dû mettre sur pause ton histoire, dit la voix, car, franchement, je ne m’attendais pas à ça.
Light resta immobile, écoutant la voix avec une concentration totale.
— Le serial killer, une fois ressuscité dans ce monde, demande justice auprès de la mort ? Quelle ironie !
La voix s'amusa de sa propre remarque, un rire qui se fit plus intense.
— J'ai vu des milliards d'histoires. Des dieux, des rois, des héros, des monstres... J'ai vu des âmes se perdre et se retrouver. Mais jamais je n'ai vu une âme choisir d'utiliser son propre sang, sa propre vie, pour écrire un mot aussi puissant que "Justice".
La voix s'arrêta. Un souffle léger caressa le visage de Light.
— Tu m'as surpris, Light Yagami. Et c'est la chose la plus rare qui puisse m'arriver.
Light dit alors, d'une voix calme :
— J’ai écrit le mot justice sur le Death Note, car j’ai compris que la vie, nous la subissons et nous pensons pouvoir la contrôler alors qu’en réalité, non. J’ai vu aussi que la justice a une ombre, et elle n’existe que grâce à elle. Nous n’avons le contrôle sur rien, mais vous, quoi que vous soyez, je sais que vous avez un pouvoir bien plus large que le nôtre.
— Nous sommes enfermés dans notre perception, qui se limite à une zone géographique, à des croyances, des apparences. Je vais prendre comme exemple le Death Note, un pouvoir illimité dans le temps et qui a pour but de changer les règles de ce monde. Il incarne une justice sur des morts anticipées, qui ne sont pas naturelles. J’ai compris, le jour où j’ai vu Aiko tuer Ichiro. J’ai compris que la justice, droite et égale pour tout le monde, ne l’est que sur des cahiers et des feuilles, mais la réalité a un autre mot là-dessus.
Un silence plana. Light ferma les yeux un instant.
— Je viens de comprendre le regard que m’a lancé L avant de mourir.
La voix reprit, son ton à la fois amusé et d'une sagesse infinie.
— La justice que tu as brandie comme une arme, Light, n'était qu'une simple copie. Un miroir déformé de tes propres désirs. Tu t'es servi de la mort pour asseoir ton pouvoir, mais le prix à payer a toujours été le même : le chaos.
Un silence plana. Light, baigné par la lumière, se sentait à la fois exposé et étrangement apaisé.
— Les innocents sont morts parce que tu as cherché à jouer notre rôle, continua la voix. La justice, la vraie, n'est pas faite pour régner sur le monde. Elle est là pour l'équilibrer. Un monde sans mort serait un monde sans vie. Un monde sans chaos serait un monde sans espoir. En voulant purifier le monde de toute sa noirceur, tu as en réalité créé un déséquilibre, un pont entre le monde des humains et le Néant.
La voix se rapprocha, comme si elle murmurait directement à l'oreille de Light.
— C'est pourquoi j'ai choisi de te donner une autre chance. Non pas pour que tu deviennes un dieu, mais pour que tu puisses choisir ton propre chemin. Je t'ai montré ce que le monde devient sans un équilibre, quand la justice devient une arme. Ton âme a été épurée par la douleur, par le chagrin, par la mort. Ton cœur a été lavé de l'orgueil et de la vanité.
Un sourire se dessina sur les lèvres de Light.
— Alors, me voilà. Que vas-tu faire de moi ?
La voix éclata de rire, un rire qui résonna dans le Néant et sur la Terre.
— Ce n'est pas à moi de choisir, Light Yagami. La vie est un choix, pas une fatalité. Vas-y et choisis.
Le retour au début
Light se tenait là, accoudé à son bureau, le menton reposant sur sa main. Son regard était perdu dans la vitre de la classe, fixant la pelouse d’un vert éclatant, baignée par la lumière du soleil.
Les voix de ses camarades, les équations complexes du professeur, tout s'était transformé en un murmure lointain, une bande sonore floue.
Un sentiment étrange le traversa, une sensation de déjà-vu qui se mélangeait à une nostalgie déchirante. Il revoyait les scènes, comme un film qui se déroulait à l'envers.
C'est là qu'il comprit.
Le monde de Light s’effaça dans un tourbillon de lumière et de sensations. Il sentit son corps se délier de sa conscience, les bruits et les odeurs disparaître.
Puis, un choc. La sensation de ses pieds sur le sol. Le vent sur son visage. Il rouvrit les yeux. Il était de retour.
Dans la cour de son lycée, comme si le temps n’avait pas bougé d'un iota. Autour de lui, les élèves discutaient, riaient, ignorant le drame qui se déroulait à quelques mètres d’eux. Il revit le ciel, d’un bleu limpide, sans l’ombre de la fumée de l’église ni des nuages de suie de Tokyo.
Il se sentait à la fois étranger et étrangement familier.
Au loin, le bruit de ses camarades. Près de lui, un objet noir tombé du ciel. Le Death Note. Le même cahier qui avait fait de lui un dieu, un tyran et, finalement, un homme brisé.
Il se rappela l’instant où il l’avait ramassé la première fois, ce jour où il pensait que sa vie allait changer pour le meilleur. Il se rappela le rire de Ryuk, ses conversations avec L, la mort de sa sœur...
Tout cela n'était plus qu'un lointain souvenir. Une voix, celle du Shinigami Suprême, résonna dans sa tête : “Je t’accorde une dernière chance, Light. Va, et choisis.”
Light sentit son cœur battre plus fort. Une petite voix, celle qu'il avait étouffée pendant si longtemps, le poussait à le prendre. Mais son âme, purifiée par la douleur, le suppliait de ne pas le faire. Il se rappela les souffrances, les morts, la solitude. Il se rappela le regard de L, d'Aiko, et d'Arlet. Les rires des Shinigamis qui se moquaient de lui.
Il avança lentement, ses mains dans les poches. Son visage affichait un sourire apaisé, et il s'approcha du cahier, se penchant vers lui. La tentation était palpable.
Il aperçut un jeune homme à quelques mètres de là, qui s'apprêtait à allumer une cigarette. Il s'approcha de lui et lui demanda, d'une voix calme :
— Excuse-moi, tu peux me prêter ton briquet ?
Le jeune homme, un peu surpris, lui tendit l'objet. Light le prit et se retourna. Il ramassa le cahier, son cœur manquant un battement à l'instant où ses doigts effleuraient le papier. Sans hésiter, il l'alluma.
Les flammes commencèrent à lécher les pages, consumant le nom de la mort.
Le jeune homme, choqué, cria :
— Tu es fou ou quoi ? C'est quoi ce cahier ?
Light le regarda, un sourire énigmatique aux lèvres. Il lança le cahier en feu sur le sol, les cendres s'envolant dans le vent.
— Va savoir... La vie est-elle réelle, ou juste une illusion ?
Il s'éloigna lentement, ses mains toujours dans les poches, et se fondit dans la foule d'élèves, laissant derrière lui le Death Note et les fantômes de son
passé.
FIN.