Bart et Hugo, une histoire d'amour

Un mois et demi plus tard.

Le coeur de Bart bat si vite et si fort qu'il tambourine dans ses tempes et ses jambes courent aussi rapidement qu'elles le peuvent. Il esquive les gens à droite, à gauche et c'est à bout de souffle qu'il arrive à l'ascenseur. Il appuie frénétiquement sur le bouton.

Bart : Allez là !! S'énerve-t-il.

La porte de l'ascenseur finit par s'ouvrir et après que deux infirmières en soient sorties, il s'engouffre à l'intérieur et appuie sur le bouton du troisième. Les quelques secondes qui le mènent jusqu'au bon étage lui paraissent une éternité. *Ding*. Il est tellement en stress qu'il manque de rentrer dans un médecin en sortant, s'excuse vaguement et file droit à l'accueil du service. Mais là encore, sa patience est mise à rude épreuve car il y a déjà deux personnes et il doit attendre. Ses mains se triturent dans des gestes nerveux. Son cerveau bouillonne d'un tas de mots qu'on ne répéterait pas devant des enfants et qui pourraient se résumer en disant "Bougez-vous les fesses". Une voix qu'il connaît bien le tire de son attente.

Karim : Bart...

Le jeune homme tourne la tête et voit le petit ami de sa mère. Sur l'instant, il ne comprend pas sa présence. Il fronce les sourcils.

Bart : Karim ? Qu'est-ce que tu fais là ?

Karim : La prison nous a appelé pour demander une surveillance pour un prisonnier blessé. Quand ils m'ont dit le nom, je me suis dit que tu allais avoir besoin d'un coup de pouce pour rentrer alors je suis venu.

Bart : Qu'est-ce qui s'est passé ? Au téléphone, ils m'ont juste dit qu'Hugo était en réanimation...

Karim : Plusieurs détenus s'en sont pris à lui.

Bart : Mais pourquoi ?

Karim ne répond rien mais son regard veut tout dire.

Bart : A cause de moi... Souffle-t-il avec dépit.

Karim : Apparemment, ça n'était pas la première fois.

Bart : Quoi ? Mais il ne m'a jamais rien dit !

Karim : Il ne voulait sûrement pas t'inquiéter.

Le coeur de Bart bat tellement fort qu'il a l'impression qu'il va sortir de sa poitrine et exploser en vol. Son pire cauchemar, sa plus grosse angoisse vient juste de se réaliser. Il avait tellement peur que des prisonniers s'en prennent à Hugo à cause de leur couple et ça a fini par arriver.

Karim : Viens, suis-moi.

Sans dire un mot, Bart suit le capitaine de police jusqu'à une chambre en bout du couloir. Devant la porte, un agent attend.

Karim : Il sait qu'il peut te laisser entrer. Dit-il en parlant de son collègue.

Bart : Merci Karim...

Au moment d'ouvrir la porte, la main du jeune homme tremble. Il est terrifié à l'idée de voir son amoureux dans un lit d'hôpital. Lorsqu'il entre, c'est encore pire que ce qu'il imaginait. Hugo est sous respirateur, son arcade sourcilière gauche a été recousue, il a des bleus au visage et sur les bras. Et Dieu sait où encore. Une douleur d'une intensité phénoménale écrase la poitrine de Bart. Voir son petit ami ainsi est la pire chose qu'il ait jamais eu à supporter. Il s'approche du lit et très délicatement, pour ne pas lui faire encore plus mal, il lui prend la main et la protège dans la sienne.

Bart : Hey... Il avale sa salive avec difficulté tant sa gorge est serrée par l'émotion et l'angoisse. Hey beau gosse, c'est moi. C'est Bart, tu m'entends ? Il fait une pause et attends de voir si Hugo réagit, ne serait-ce qu'un mini mouvement de doigt, mais rien. Il faut que tu te réveilles, s'te plaît.

Les bips et tous les autres bruits des machines accentuent encore plus l'angoisse du jeune homme. C'est terrifiant. Il approche la chaise du lit et s'assoit près de son chéri, sans lui lâcher la main.

Bart : Allez ouvre les yeux, mon coeur. Tu peux le faire, tu es un battant. Tu as passé tellement d'épreuves dans ta vie, tu peux te sortir de celle-là aussi.

Ce qui fait le plus peur à Bart, c'est cette saleté de respirateur. Le fait qu'Hugo ne respire pas par lui-même pour le moment n'est pas une bonne chose.

Bart : Tu veux que je te dise un truc qui va te faire rire ? Demande-t-il en essayant un trait d'humour. Il se dit que ça peut peut-être marcher, qui sait. Il y a un policier qui garde ta porte. Tu ne trouves pas ça complètement con ? Garder une chambre avec un patient dans le coma, est-ce bien utile ? Vous avez quatre heures pour répondre. Dit-t-il à la façon d'un professeur qui annonce un devoir sur table. Mais toujours aucune réaction d'Hugo. Je devrais t'engueuler pour ne pas m'avoir dit que tu avais des problèmes et pour ne pas en avoir parlé à ton avocat non plus...Mais... Il baisse les yeux un instant. Pris par l'émotion, il ne peut retenir un soupir de tristesse. Mais j'ai même pas la force. Je veux juste que tu te réveilles... Hugo... Dit-il d'une voix douce et fragile. Tendrement, il caresse de son pouce le dos de la main inanimée de son amoureux. Les connard qui t'ont fait ça, je te jure qu'ils vont le payer. Et je vais demander à ton avocat qu'il te sorte de là. On va trouver une solution. Tu ne retourneras pas là-bas, je te promets... Sa voix se brise sur ces derniers mots. Une larme roule sur sa joue. Il l'efface du bout des doigts puis souffle un bon coup avant de reparler. Quitte à ce qu'on se barre en cavale à l'étranger mais je te jure que je ne te laisserai pas retourner dans cet enfer.

Il porte la main d'Hugo à ses lèvres et y dépose un tendre baiser puis, fermant les yeux, il l'appuie contre son front et reste en silence un moment. Puis il se dit peut-être que s'il rappelle leur histoire à Hugo, il va se réveiller. Alors il se lance, la voix pleine d'amour.

Bart : Quand on s'est rencontrés, je n'aurais jamais imaginé que je tomberai amoureux de toi. Je pensais que tu étais un tchatcheur. Tu me saoulais... Dit-il avec un léger rire amusé en repensant à ce souvenir. Mais dès qu'on a commencé à kiter ensemble, j'ai découvert quel mec génial tu es. C'est un truc de fou comment je me suis tout de suite senti super bien avec toi. J'avais qu'une envie c'était de passer mes journées avec toi. Il continue de lui caresser tendrement la main et il lui sourit même si Hugo est inconscient. Après tout ce qui s'était passé avec ma famille, ça me faisait tellement de bien d'être avec toi du matin au soir. Tout était simple, ça a cliqué direct entre nous. Toi tu savais, hein ? Tu as su tout de suite qu'on était faits l'un pour l'autre mais tu m'as laissé le temps de faire mon chemin. Quand je me suis retrouvé dans tes bras la première fois... Il fait une pause. Un immense sourire illumine son visage à l'évocation de ce souvenir. C'était magique. Pour la première fois de ma vie, je me suis senti en osmose avec quelqu'un et en paix avec moi-même. Maintenant je n'imagine plus ma vie sans toi... Les sanglots lui reviennent aux yeux. Il se met à murmurer à moitié. Je ne veux pas que quelqu'un d'autre me touche, m'embrasse... Je ne veux pas donner mon coeur à une autre personne. C'est juste toi, rien que toi.

Bien qu'il fasse tout pour les retenir, cette fois les larmes chaudes coulent sur ses joues et il part en sanglots. Il n'a jamais ressenti une douleur aussi vive et profonde. Il a l'impression que tout son monde s'écroule. Si Hugo ne se réveille pas... il ne peut même pas l'envisager. Il ne s'en remettrait pas. Parce que oui, on peut aimer à en mourir à dix-huit ans. Une fois les sanglots calmés, il décide de s'allonger près de son amoureux avec la plus grande délicatesse possible. Si les mots ne suffisent pas à le faire revenir, peut-être que le contact corporel le fera. Peut-être que si Hugo sent la chaleur de son ange blond, il se réveillera. Alors il cale son frêle corps contre celui d'Hugo. Il pose sa tête sur son épaule droite, et sa main sur son coeur. Il le sent battre. *Bouboum, bouboum, bouboum...*. Il ferme les yeux.

Bart : Je ne bouge pas. Je reste avec toi jusqu'à temps que tu te réveilles. Je suis là, Hugo.

Les minutes et les heures passent. Bart ne bouge pas d'un pouce. Il essaie de calmer son stress en se concentrant sur les battements de coeur d'Hugo. Tant qu'ils restent réguliers, tout va bien. Mais il ne peut s'empêcher de gamberger. Qui sont les prisonniers qui ont frappé son petit ami ? Depuis combien de temps ça durait ce harcèlement ? Et il se dit que dès que son chéri sera réveillé et hors de danger, il verra avec son avocat pour le faire sortir. Il doit bien y avoir un moyen juridique de raccourcir sa peine d'emprisonnement au motif qu'il est en danger s'il y retourne. Il commence à somnoler quand tout à coup, quelque chose de bizarre le fait sursauter. Sous sa main, les boum boum s'affolent. Les bips sonnent de plus en plus forts. Il se relève.

Bart : Hugo ? Hugo ça va ? Demande-t-il, la panique montant en lui.

Evidemment son petit ami ne peut pas lui répondre. Les chiffres sur la machine s'emballent et puis tout à coup, un long bip strident envahit la pièce, ce qui fait sonner une alarme. Bart comprend ce qui se passe.

Bart : Hugo !! Hurle-t-il.

Une équipe d'infirmières et de médecins déboulent dans la chambre et sans même faire attention à Bart, ils s'affairent sur Hugo. Une infirmière lui pose très rapidement le défibrillateur et ils commencent la réanimation. Bart est prostré au fond de la pièce.

Bart : Non... non, non, non... pas ça... Murmure-t-il en larmes.

Médecin : On dégage ! Commande-t-il aux infirmières avant de donner une troisième décharge à Hugo.

Bart s'effondre. Il pleure, tout son corps lui fait mal. Ça ne peut pas se passer comme ça, ça ne peut pas s'arrêter là comme ça. Non, Hugo ne peut pas partir et le laisser tout seul. Ils ont à peine commencé à s'aimer. Ils ont encore tant de choses à vivre ensemble. Tout devient flou devant ses yeux embués de larmes. Il ne voit plus que des silhouettes qui tournent autour du lit. Les bruits s'assourdissent. Il a l'impression que son propre coeur va s'arrêter. Et puis...

Infirmière : On a récupéré un rythme normal, docteur.

Ces mots sonnent comme une résurrection pour Bart. Ses poumons s'emplissent à nouveau d'air. Il se laisse glisser le long du mur et tombe assis au sol, le visage dans les mains. Il expire longuement et profondément. L'équipe médicale sort de la chambre après avoir fait toutes les vérifications. Les bips des machines sont à nouveau réguliers. Le jeune homme reste un instant au sol, le temps de reprendre ses esprits puis il se relève, marche vers le lit et s'assoit à côté de son petit ami. Il tremble encore du stress qu'il vient de vivre. Sa main tremblotante se dirige vers son visage et lui prend tendrement la joue.

Bart : Bats-toi... Dit-il d'une voix suppliante. Ne me laisse pas, mon amour. Continue de te battre, s'te plaît.