Le Mystère des Lapins-tonnerre

Chapitre 1 : C1 : Clara, pilotez-moi ce bazar !

4244 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 06:59

CHAPITRE I

LE DOCTEUR

Enfin tranquille… Le Docteur exhala un soupir.

Il y a quelques heures encore, il n'aurait pas parié là-dessus ! Le Tardis était parti en vrille alors que ses circuits télépathiques s'étaient trouvés surchargés par l'afflux énergétique et émotionnel suscité par sa dernière régénération. Comme tout était allé remarquablement de travers cette fois – fallait-il dire « cette fois encore » ? – il s'était retrouvé à devoir piloter sans avoir pu recalibrer ses canaux psychiques par quelques heures de sommeil… Résultat : zéro donnée sur le pilotage !Un bref sourire ravi étira ses lèvres minces sous sa fine moustache. A vrai dire, ça avait été une des meilleures paniques de ces cinq cents dernières années ! Le boost d'adrénaline lui avait fait beaucoup de bien.

Clara en revanche, avait moyennement apprécié, la pauvre petite. Il se morigéna. Non. Pas « pauvre petite ». Clara était intelligente et forte. Mais la tête qu'elle avait fait en le voyant… Il étouffa un rire discret. Ce n'était pas le moment de la réveiller maintenant qu'elle avait réussi à s'assoupir enfin. Sortant le sonique de sa poche, il le tendit au-dessus de sa tête pour attraper d'un geste souple les ondes mentales qu'il percevait en provenance de la chambre de la jeune femme, avant de les renvoyer sur un moniteur du Tardis. Voyons ce qu'on avait : delta, delta, delta… Parfait. Elle dormait à poings fermés !... Delta, delta… Oh, oh. Des ondes thêtas !… Clara rêvait.

Pour sa part, le Docteur n'avait aucun besoin de sommeil. C'était pourtant plutôt conseillé durant les heures qui suivaient la régénération, sous peine d'errer déboussolé et disons le franchement : à moitié fini avec quelques bugs… Hum. Où en était-il ? A la « pauvre petite » qu'elle n'était pas. Oui. Pas du tout. Le problème avec les compagnons, surtout ceux qui assistaient à une régénération, c'est qu'ils étaient assez choqués. Ils avaient beau être plus ou moins au courant de l'éventualité, ils n'arrivaient généralement pas très bien à l'encaisser tant c'était étranger à leur propre nature. Ondes theta, ondes theta, ondes theta… Légères perturbations, se dit-t-il en continuant à bricoler le transmodulateur à particules dont il espérait lui faire un grille-pain décent pour dorer des toasts à son réveil.

Pourquoi faisait-il ça ? Par culpabilité. Le Tardis bourdonna en subfréquences comme pour lancer une approbation muette. Le phénomène était bien connu de tous les Seigneurs du Temps, sauf que comme il était le dernier, il pouvait s'il le voulait passer cela entièrement sous silence… Les compagnons sont choqués et les Seigneurs du Temps créent avec le premier visage qu'ils voient une empreinte psychique d'attachement très puissante. C'était l'un de ces atavismes-réflexes consternants hérités de très lointaines préversions de la race. Et certainement pas quelque chose qu'il convenait d'ébruiter.

Clara allait-elle vraiment bien ? L'idée commença à s'insinuer paresseusement. Il aurait fallu juste un petit réglage de rien du tout sur la console pour vérifier qu'elle ne faisait pas de cauchemars.Ou il aurait suffi de grimper jusqu'à sa chambre, et de poser une main sur son front alors que toutes ses défenses mentales étaient abaissées par le sommeil… Mais avec la télépathie, son code de conduite était fait depuis longtemps. Le seul code de conduite qui vaille d'ailleurs : le consentement du sujet. Et c'était valable pour bien d'autres modes relationnels…Il se rendit compte qu'il souriait bêtement et il reprit un air sérieux. Il allait devoir s'astreindre à un entrainement drastique… Saleté d'empreinte psychique post régénérative !…Il jeta un coup d'œil à la paroi lisse de l'ex-transmodulateur où son reflet déformé lui apparut. Cheveux blancs coupés courts, long visage mince et marqué, barbiche et moustache, et des yeux clairs perçants, plus durs qu'il ne les avait vus depuis longtemps. Avec cette tête là, ce serait sans doute plus facile de jouer le jeu.

La console du Tardis émit un sifflement léger. Il coinça le tournevis entre ses dents pour tenter de refermer avec une meilleure prise le capot de son tout nouveau grille-pain à particules en se demandant s'il n'allait pas maintenant tricoter une tunique de cérémonie typique d'Akhaten, histoire de bien lui prouver qu'il était toujours le Docteur qu'elle avait connu. Il était sûr d'avoir gardé son manuel. Celui du Tardis, il l'avait jeté dans une supernova, mais le manuel de tricot était quelque part. Le tout était de remettre la main dessus. Le point de jersey traditionnel avait beau être compliqué, ça l'avait toujours détendu. La console siffla encore, d'un bip insistant et limite réprobateur. « Qu'est-ce qui ne va pas, ma vieille ? » marmonna-t-il à l'adresse de la cabine en posant des mains apaisantes sur sa console. « Tu n'aimes toujours pas Clara ? ».

Tournant l'écran vers lui, il jeta un œil sur l'oscilloscope qui monitorait le sommeil de sa compagne. Les ondes thêta de Clara étaient vraiment très bizarres… Il se frotta les mains d'un air satisfait, son insatiable curiosité se mêlant à une vague de sollicitude. En cas d'ondes thêta bizarres, il était tenu d'intervenir, évidemment. Il prit une grande inspiration décidée et donna un tour de bague sur le tournevis sonique. A la place des lignes, des images commençaient à se former. L'un de ses anciens visages lui apparut fugacement. Bigre. Voilà que Clara, revêtue d'une perruque blonde, rêvait de sa dixième incarnation !… C'était ridicule car ses cheveux étaient parfaits. Il avait veillé – scrupuleusement et secrètement – à ce qu'aucune de ses nouvelles compagnes de voyage n'ait plus cette couleur… Plus de blondes…

D'après les bribes discernables (les rêves des humains pouvaient être incroyablement confus !) Clara rêvait de lui quand elle l'avait re-rencontré à l'époque élizabéthaine. Amusé par la vivacité et l'intelligence de la jeune femme, il lui avait baisé la main, en fait surtout pour casser les pieds à son futur lui… Il se souvenait de l'énergie qui l'habitait alors. Vive. Impertinente. Et séductrice derrière ses airs faussement détachés. Ce n'est pas véritablement qu'il cherchait ouvertement les problèmes de cette nature. Mais survivre à la dernière Guerre du temps l'avait profondément dévasté, au point que la solitude, devenue écrasante alors qu'elle n'était plus choisie mais imposée par la disparition de son peuple, la solitude n'était plus la bonne amie qu'elle avait toujours été pour lui. Lorsqu'il avait découvert Rose, son incommensurable fraîcheur, son sang-froid et sa fâcheuse propension initiale à lui sauver la vie – à sa propre surprise, il avait repris goût à l'existence. Son orgueil avait beau lui souffler que tout cela était d'une psychologie un peu trop simpliste pour lui, il ne pouvait que reconnaître qu'elle avait gagné ses cœurs avec une facilité déconcertante, et bien trop rapidement.

Rose était jeune et téméraire. Pour le sauver de ses ennemis jurés, elle n'avait pas hésité à absorber le vortex temporel du Tardis, sans même comprendre qu'elle allait en mourir. Ou sans même sans soucier. Touché au plus profond de lui par son geste fou, il avait repris en lui le vortex pour l'en débarrasser : une opération qui ne pouvait que le tuer, mais qui était d'une gravité relative, car ceux de sa race avaient le pouvoir de se régénérer. Lorsque la régénération commença peu après, le ver était déjà dans le fruit depuis quelques temps. En rouvrant les yeux sur elle juste après cette expérience d'ordinaire traumatisante, un bonheur démentiel avait déferlé sur lui comme jamais. Et l'Empreinte l'avait alors marqué de son sceau impitoyable, avec une intensité directement proportionnelle à son désir de mort…

Il sursauta en rouvrant les yeux qu'il avait fermés sans s'en rendre compte. Pourquoi repensait-il encore à Rose ? Cela faisait quoi, en temps propre ? Six cent ans ? Davantage ?

La réponse était simple, Rose aussi avait assisté sa régénération.

La console émit des bips frénétiques. « Mais quoi encore ? ». Il manipula quelques leviers au hasard pour essayer de couper l'avertisseur mais il devait bien admettre qu'il ne se rappelait pas encore bien. Ça revenait lentement. Au bout d'un moment, le silence se fit et les ondes de Clara repassèrent en mode delta. Sommeil profond. Fin du rêve.

Il posa le grille-pain à côté de la console, attrapa un post-it et nota dessus en gallifréen « pain » avant de le coller sur le moniteur principal. Il lança le générateur de vortex, en priant pour que le Tardis le seconde un peu sur ce coup. La pompe à void eut l'air de fonctionner normalement mais le problème de la direction restait entier…

Il avait décidé qu'il n'aimerait plus comme il avait aimé Rose, parce qu'il ne pouvait plus se le permettre. Rose était sa convalescence post-guerre du temps. Mais la convalescence n'est qu'un état transitoire vers la guérison et pas une fin en soi. Et pour redevenir lui-même, Clara était une compagne admirable. Avec détachement, il songea qu'elle arrêterait sans doute de flirter avec lui maintenant qu'il avait l'air vieux par rapport à ses critères à elle. Bon, la vérité était qu'il avait toujours été vieux, quelle que fut son apparence... Cette fois pourtant, il en était éminemment satisfait. Le charisme naturel des Seigneurs du Temps était une chose mais il appréciait l'idée d'être enfin raccord avec son secret et contrarié désir d'attirer un peu moins l'attention. Il s'était fait trop d'ennemis, beaucoup trop pour un seul homme. Un frisson lui parcourut l'échine au souvenir du siège de Trenzalore où tous attendaient qu'il meure… Ce n'était pas la peur, mais les morts. Partout où il allait la mort était sur ses talons et fauchait d'innocentes victimes.Pour autant, voyager sans Clara lui semblait pour l'instant inconcevable. Plus tard, il essaierait encore d'y renoncer mais en attendant il faudrait peut-être lui trouver un « Rory » pour qu'elle continue à voyager avec lui. Ses yeux s'embuèrent légèrement au souvenir de ses amis les Pond, mais il n'eut pas le temps de s'y arrêter, ni de se faire du mal en contemplant les fils d'une trame temporelle où elle ne restait pas. Une silhouette familière se dressait tout près de lui. Quelqu'un qu'il ne s'attendait pas du tout à voir là !

― River ?

L'un de ses cœurs manqua de battre un coup. La pulpeuse jeune femme au visage de poupée couronné d'une impressionnante masse de boucles dorées, se trouvait à cinquante centimètres de lui. River ? C'était assez comique. Ne venait-il pas de se dire qu'il n'aimerait plus jamais comme il avait aimé Rose ?… D'une certaine façon, c'était vrai. River, c'était autre chose. Enfin il voulait le croire. Il ne se souvenait pas pourtant qu'elle ait jamais été aussi magnifique... La silhouette se mit à parler en interrompant ses réflexions.

Non, répondit une voix guindée pas du tout ressemblante à celle de l'originale. Je suis l'interface de communication du Tardis. J'ai pris l'apparence de quelqu'un que tu as aimé. Docteur, nous sommes en danger ».

― Enfin en danger tu veux dire! Pas trop tôt, je commençais à m'ennuyer ferme. Mais est-ce qu'on pourrait juste passer prendre du pain avant ? Je voudrais tester le nouveau grille-pain à particules avant le réveil de Clara.

Docteur, je ne parviens pas à lire tes canaux télépathiques, et je ne peux pas compenser les ordres de vol aberrants que tu as donnés.

― C'est déjà arrivé auparavant ?

Evidemment jamais.

― Hum. Quelle est la nature du danger ? Sa proximité ? Et qu'est-ce qui empêche la connexion ?

Nous sommes trop près d'une étoile où nous allons tomber dans treize minutes et huit secondes. La psychologie féminine.

― Trop près d'une étoile ? Encore ? C'est déjà arrivé, j'en suis sûr. Il ajouta : Et en quoi la psychologie féminine empêcherait-elle la connexion télépathique entre nous ? Même si tu en as l'apparence, tu n'es pas vraiment une femme et tu n'es pas vraiment River… .

L'interface tourna légèrement la tête et lança un regard un peu furieux et pour le coup, assez ressemblant.

Je suis pourtant avec toi depuis bien plus longtemps qu'elle !… Hem. Navrée. Il y a des parasites dans mes circuits. Ton intuition a été bonne quand tu as demandé à Clara si elle savait piloter le Tardis. Actuellement, elle seule peut le faire.

― Ravi de voir que votre petite brouille est enfin terminée ! lança le Docteur avec une jovialité non feinte. Hélas, je vais donc devoir la réveiller sans tarder. Pourquoi au fait ? Pourquoi peut-elle piloter à ma place ? cria-t-il par-dessus son épaule en grimpant l'escalier qui menait aux chambres des compagnons.

L'interface du Tardis se rematérialisa à côté de la porte de la chambre de Clara. Elle leva un bras dans le geste d'arrêter son mouvement.

Docteur, reste prudent. Ni toi ni moi ne connaissons rien à la psychologie féminine. Mais je suis saturée par le sentiment chaotique désagréable que Clara éprouve.

― Jamais River ne dirait un truc pareil, commenta-t-il en levant son sourcil gauche avec l'air d'un critique réprobateur face à une mauvaise interprétation.

La fausse River ne fit aucun commentaire et resta silencieusement dans le couloir tandis qu'il ouvrait la porte d'un coup. Clara se dressa d'un bond sur le lit, les pupilles dilatées par la surprise.

― Qu'est-ce qui se passe ? J'ai l'impression que je viens à peine de fermer les yeux dix minutes… déclara-t-elle d'un ton boudeur et revêche à la fois.

― Ma chère, navré d'écourter votre nuit de cette façon mais votre présence est requise sur la passerelle. Immédiatement.

― Parce que… ?

― On fonce dans une étoile, il ne reste que onze minutes, et il parait que vous pouvez piloter le Tardis finalement.

Maintenant levée et debout à côté du lit, elle se croisa les bras.

― Première nouvelle ! Vous n'avez jamais voulu m'apprendre. Qui vous a raconté ça ?

― Le Tardis. Dépêchez-vous un peu. Il n'y a pas de temps à perdre en tergiversations inutiles. Allez à la console, et sortez-nous de cette trajectoire dangereuse !

Elle fit quelques pas en se tapotant le menton d'un air perplexe.

― Dites-moi… depuis quand êtes-vous devenu traqueur et mal élevé ?! D'habitude vous adorez tout ce qui va de travers… et prouver combien vous êtes brillant dans les situations désespérées !

Le Docteur leva les yeux au ciel, et fit une pause, claquant nerveusement des doigts d'une main, l'air temporairement égaré comme s'il cherchait quelque chose qui ne lui revenait pas. Au bout d'un instant, il pivota théâtralement en écartant les bras, tendus en direction de la porte comme pour indiquer la direction de la salle de commande.

S'il vous plait, Clara ! Pilotez-moi ce bazar !

L'interface émit un toussotement sec, et un grondement retentit dans tout le vaisseau.

Je te demande pardon ?!

― Oups ! s'alarma le Docteur en se retournant d'un air coupable. J'ai oublié que tu étais là.

C'est justement symptomatique du problème que je te décrivais tout à l'heure. Tu ne peux pas m'oublier.

Curieuse, Clara s'était approchée, son visage fermé, seulement égayé par une légère ironie protectrice.

― Mais à qui parlez-vous, là ?

― Au Tardis ! Son interface est juste à côté de moi, vous ne la voyez pas ? Elle dit pourtant qu'en ce moment, elle vous perçoit télépathiquement bien mieux que moi… Huit minutes vingt-cinq, ajouta-t-il en essayant de lui prendre la main pour l'entrainer vers la sortie.

Clara ne bougea pas d'un pouce, et retira vivement sa main. Le Docteur resta interdit.

― Mais qu'est-ce que vous faites ? Ce n'est pas un jeu !

― Docteur, avec vous, tout est toujours un jeu. Même s'il est sérieux, avança-t-elle en fermant à demi les paupières. Vous n'avez pas pu changer à ce point.

L'interface toussota derechef et le Docteur lui balança un regard de travers.

― Quoi ?

Si tu permets… Elle se méfie de toi. Elle est en train de penser que tu n'es pas le Docteur.

― Mais elle a vu la régénération ! s'impatienta-t-il. Qu'est-ce qu'il lui faut de plus ?

― Vous savez que vous êtes vraiment flippant quand vous faites ça ? intervint Clara en fronçant les sourcils.

― Clara, je viens de vous dire que l'interface du Tardis était là et que je lui…

― Non, ça j'ai compris, l'interrompit la jeune femme. Je voulais dire : parler de moi à la troisième personne comme si moi je n'étais pas là…

Docteur ! Réagis maintenant, il ne reste que six minutes et quatorze secondes, avertit l'interface.

Le Docteur se passa une main sur le visage et derrière le cou comme pour masser un muscle endolori. Comment convaincre Clara qu'il était toujours lui ? Avec un coup d'œil à la silhouette avantageuse de l'interface qui scintillait en retrait, il s'approcha de Clara et lui prit très doucement la main dans ses paumes. Même sous cette nouvelle forme, il restait beaucoup plus grand qu'elle, mais il essaya de ne pas la toiser de fait.

― Clara, aidez-moi. J'ai besoin de vous. Ne me laissez pas tomber. Ma régénération est la plus bizarre de toutes celles que j'ai connues. Je suppose que c'est d'ailleurs parce que je n'aurais pas dû en avoir du tout. Je devais mourir. Je comprends que ce puisse être déroutant pour vous, Clara. Mais vous avez toujours été là pour moi. Soyez-le, encore une fois, encore cette fois, je vous en prie.

Le regard du Docteur était direct, comme d'habitude, mais la jeune femme fut impressionnée par l'étincelle de sincérité qu'il avait su y mettre. Avec une grimace d'inquiétude assez convaincante, la fausse River leva une main silencieusement et la secoua légèrement en montrant quatre doigts. Clara avait l'air toujours dubitatif, comme si elle attendait quelque chose. Il savait parfaitement pourquoi. Elle l'avait vu résoudre des dizaines de catastrophes alors qu'il ne restait qu'une poignée de secondes…

― Clara ! Je regrette tellement... Dans quelques instants… nous allons mourir, je ne voulais pas cela !

Comment lui dire adieu ? La « fille impossible » l'avait sauvé pour rien. Tout cela était d'un tragique totalement aberrant. Au seuil de la destruction du vaisseau, il repensa au rêve qu'elle avait fait tout à l'heure, et mû par une inspiration subite, il porta la main qu'il tenait toujours à ses lèvres.

Clara sourit alors, se dégagea rapidement et lui lança en courant vers la porte :

― Vous voyez quand vous voulez ! Vous pouvez être bien élevé !... Au fait, le dernier arrivé en bas est une mauviette !

Interrogateur, il se tourna vers l'interface du Tardis.

Clara n'a pas l'intention de te laisser mener le jeu à ta guise. Nous nous éloignons de l'étoile, Docteur. Fin de l'alerte.

― Elle savait donc piloter ? Pourquoi a-t-elle menti ? Et de quel jeu tu veux parler ? Et puis, je croyais que tu ne connaissais rien à la psychologie féminine.

Exact. Mais j'entends ce qu'elle pense, et je prends des mots dans sa tête.

Il fit le tour de son hologramme en remerciant le ciel qu'elle ne fut pas de chair, car certains automatismes de sa relation avec elle, semblaient lui revenir : il avait envie de lui sourire et de la taquiner. Leur relation électrique lui avait toujours beaucoup plu. C'était au bout du compte un peu trop bizarre de la voir si froide et si factuelle.

― Eclaire-moi ! souffla-t-il avec un éclair dans l'oeil plus malicieux qu'il ne l'aurait voulu.

Ce qu'elle a en tête n'a pas beaucoup de sens pour moi. Toutefois, elle n'est pas satisfaite de ton comportement, ou de ta nouvelle incarnation. Ou des deux.

Le Docteur haussa une épaule.

― C'est normal. Les humains sont rétifs aux changements brutaux. Elle va s'habituer. D'ailleurs si on pouvait passer chercher du pain maintenant, j'arriverai peut-être à faire remonter ma cote.

La fausse River eut un regard anormalement plein d'émotion pour un simple programme d'interface, qui contrastait avec le vide de son expression précédente.

Docteur, tous les paramètres actuels montrent que si tu la laisses franchir ma porte maintenant, elle ne reviendra pas.

Laisser un commentaire ?