L'archipel du Zygon

Chapitre 5 : Chapitre 5 : La destinée du Mutin

Chapitre final

4632 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 14:45

CHAPITRE V

LE DOCTEUR

Rien n'aurait pu lui permettre de prédire à un quelconque moment qu'il allait se retrouver dans une situation aussi ridicule ! Mais résultat des courses, il était enterré jusqu'au cou dans le sable et seule sa tête dépassait de la perspective linéaire de la plage… Pas moyen d'atteindre le tournevis... Ni d'ailleurs de faire un seul mouvement.

Au départ, Kelpie avait semblé pourtant relativement docile. Il avait consenti à se nourrir et à se laisser soigner. Et puis pour une raison inconnue, il était devenu soudain furieux et incontrôlable. Depuis de longues minutes, le Docteur essayait de repasser ce qu'ils s'étaient dit pour trouver un éventuel indice quant aux raisons de sa colère, mais comme ils n'avaient échangé des propos parfaitement anodins sur l'Archipel – il y veillait particulièrement – le mystère restait entier. Du reste, ça ne l'aiderait pas à sortir de sa prison de sable, mais ça lui permettait de rester calme.

Ainsi au bout d'un moment, il eut l'idée d'appeler Carcarax. L'interface de la Caravelle pourrait peut-être prévenir son pilote de la fuite du Zygon. Ce fut avec un certain soulagement qu'il vit arriver le volatile improbable à son appel. Le drôle d'oiseau félin se posa devant lui en croassant doucement dans ses moustaches.

— Carcarax, dit le Docteur sans autre préambule, je te somme de choisir entre l'ara et le chat, cette enveloppe est impossible !

L'hologramme se mua en chat et celui-ci vint paresseusement se frotter sa tête contre les joues du Docteur en ronronnant comme un moteur. Il ferma les yeux en soupirant et serra les mâchoires pour ne pas crier.

— Oui, oui, moi aussi je suis content de te voir… Mais si tu pouvais adopter une forme compatible avec la communication orale, ça m'arrangerait… Je veux que tu ailles prévenir le Corsaire, ton pilote. Le Zygon m'a assommé, enterré dans le sable et faussé compagnie, tu as compris ?

L'animal le fixa de ses yeux jaunes et fit demi-tour pour marcher à petits pas tranquilles vers l'entrée de la plage… Patience… Patience…

Kelpie l'avait déjà mis à rude épreuve en ne lui épargnant à peu près rien pour tenter de l'amadouer. Rien. Puisant sans vergogne dans les souvenirs les plus intimes du Docteur, il avait changé plusieurs fois de forme dans l'espoir d'en trouver une qui saurait le convaincre de le laisser venir dans le Tardis à la place de Clara.

— Ho, Carcarax ! L'ara était un meilleur choix! Vole vite jusqu'à ton maître, c'est urgent ! bougonna le Seigneur du temps en s'agitant inutilement.

Une vaguelette vint lui lécher le cou et apporta un très petit crabe qui resta accroché à sa barbe. Il roula des yeux.Par dessus le marché, la fausse marée de la fausse plage… était en train de vraiment monter !

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CLARA OSWALD ET LE DOCTEUR

Un peu plus tard, il vit la porte du bout de la plage s'ouvrir enfin et ce qui devait être la silhouette de Clara qui ne tarda pas à courir vers lui. Elle arriva hors d'haleine et se pencha avec curiosité, les mains sur ses genoux.

— Mais qu'est-ce que vous faites encore là comme ça ? en le débarrassant du petit arthropode vagabond.

— Je prends un bain de sable, ça ne se voit pas ? Dépêchez-vous de me sortir de là ! C'est Carcarax qui vous a prévenue ?

Elle tomba à genoux et entreprit de creuser à mains nues pour dégager la zone autour du cou du Docteur.

— Non, pas du tout, dit-elle tout en s'activant. Je me demandais comment vous vous en sortiez avec Kelpie et j'ai décidé de faire un crochet par ici avant de rentrer au Tardis…

— Rentrer au Tardis ? Seriez-vous pleinement débarrassée des particules voraces ?

— Je pense bien ! Votre Corsaire a essayé de me draguer sans aucun succès, je ne me suis pas mise en colère non plus, donc je pense que tout est revenu à la normale… Et vous, qu'avez-vous donc fait pour obtenir un aussi beau résultat ?

— Ce n'est pas le moment d'être sarcastique ! Les soins se passaient très bien jusqu'à ce que le Zygon devienne enragé quand je lui ai dit qu'il fallait qu'il aille se reposer chez lui à la campagne pour se remettre pleinement…

Clara afficha un léger sourire tout en continuant de déblayer le sable : elle venait de dégager une épaule et le haut du bras.

— Mhh, vous voulez dire qu'il a mal pris l'idée d'être renvoyé dans ses foyers comme un malpropre, après avoir voyagé dans l'univers à bord d'un vaisseau fantastique, en compagnie d'une créature s'étant révélée extrêmement affectueuse à l'usage ?

« A l'usage » ! suffoqua-t-il en écarquillant les yeux. Vous êtes bien impertinente aujourd'hui !

— Et bien, vous devez tout de même bien reconnaître que le scarasène avait l'air très inquiet en voyant sa maîtresse inanimée par terre dans la caverne…

— Le Skarasen ?

Le Docteur soulevait un sourcil d'un air interloqué et Clara se mit soudain à rire en arrêtant de creuser.

— Mais qu'allez vous imaginer ! Je ne parlais pas du Corsaire ! s'amusa-t-elle. Il serait temps que vous compreniez que je n'ai pas l'esprit aussi mal tourné que vos précédents compagnons … Vous êtes légèrement distrait, me semble-t-il. Etes-vous bien sûr que la Brume n'a eu aucun effet sur vous ? s'enquit-elle d'un ton badin.

— Certain, répondit-il, glacial mais sûrement plutôt plus mortifié par sa méprise qu'autre chose.

Il réussit à sortir son bras droit et à l'aider à attaquer le dégagement de l'épaule gauche, ce qui leur permit d'aller plus vite.

— Mais comment le Zygon a-t-il fait pour vous enterrer comme ça ?

— En deux temps : il m'a d'abord assommé, puis m'a déposé inconscient dans un trou que son animal avait creusé avant de le remplir de sable…

— Venez… Doucement, dit-elle en l'aidant à sortir complètement… Oui ça je le comprends, je voulais dire que je suis un peu surprise qu'il ait pu vous frapper aussi fort et que vous n'ayez rien vu venir… Comment a-t-il fait ça, alors que je sais très bien que vous étiez, plus que jamais, sur vos gardes?

— Fort traitreusement, répondit-il laconiquement, en s'essuyant les mains sur son beau costume bien ravagé par le sable, le sel et l'eau de mer.

Le Docteur n'avait pas très envie de souligner que c'est en imitant Jack que le Zygon était parvenu à ses fins. Probablement un souvenir du Neuvième et qu'il aurait préféré oublier, du temps où le Capitaine n'hésitait pas à déambuler nuitamment en tenue d'Adam le long des couloirs du Tardis, pour aller chercher un truc à grignoter dans la cuisine…

— Nous devons absolument prévenir mon ami. Je suis très inquiet. J'ai l'impression que tout ça va mal finir.

— Peut-être avez-vous cette impression parce que vous connaissez son triste destin ? dit-elle gentiment.

Il hocha la tête d'une façon qui voulait dire qu'il pensait qu'elle avait raison.

— Retournez au Tardis comme prévu. J'ai chargé Carcarax de prévenir le Corsaire mais je ne suis pas sûr qu'il le fera avant demain ou la semaine prochaine sous cette forme… Il faut que je m'assure qu'il va bien, que je le prévienne de la fuite du Zygon et du gros risque de contamination, vu qu'il n'était pas complètement guéri…

— Vous comptiez résoudre le problème comment ?

— Une fois que nous aurions tous été remis et que la Caravelle se serait nourrie, nous aurions scellé la Faille de l'Archipel pendant que le spatio-plancton s'en repaissait… Mais si Kelpie est sorti ou a cherché refuge en ville, tous ceux avec qui il a pu être en contact devraient être traités…

Si, Kelpie est sorti… dit-elle en soulignant le « si ». Il faudrait s'assurer qu'il n'est plus à bord…

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Le Docteur laissa Clara regagner le Tardis pour commencer à chercher son ami, mais en vain. Il n'était dans aucune partie « visible » de la Caravelle, ni sur le pont, ni au mess, ni dans la grande salle, ni les entreponts, ni la cale… En désespoir de cause, sans un regard pour le charme bucolique du paysage de l'Archipel, il regagna finalement son propre vaisseau.

Quand il entra, il eut la surprise d'y voir le Corsaire avec un grand panier d'osier plein sous le bras en grande discussion avec Clara. Il était allé en ville pour racheter quelques provisions fraîches et non contaminées afin de renouveler son stock de vivres et préférait les déposer dans le Tardis pour plus de sûreté.

Mais à la seconde où le Docteur fermait sa porte, ils entendirent un coup sourd et un tremblement ébranla légèrement le Tardis.

— C'était quoi ça ? demanda le Corsaire.

Le Docteur rouvrit la porte qu'il venait à peine de fermer et eut immédiatement la réponse à sa question. La Caravelle flottait au dessus du sol et de la Faille. Le bruit était sans doute celui du grappin magnétique qui venait d'être libéré. A la barre, le Zygon ayant pris l'apparence du neuvième Corsaire, leur faisait des grands signes d'adieu en souriant.

— Mais qu'est-ce qui se passe ? demanda Clara.

Le Corsaire posa ses paniers et les poings sur les hanches, s'approcha du Docteur pour voir lui aussi par l'ouverture de la porte. Il sortit une longue-vue télescopique de sa poche qu'il déploya pour y jeter un coup d'œil rapide.

— Mais ça m'a tout l'air d'être une mutinerie !

La Caravelle pivota gracieusement de cent quatre-vingt degrés et s'en fut, disparaissant subitement de leur vue en un éclair.

Le Docteur posa une main réconfortante sur l'épaule de son ami estomaqué. Pour un Seigneur du Temps, perdre son vaisseau était toujours un petit traumatisme.

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Malheureusement pour eux, ils n'eurent guère le temps de se lamenter ou de s'interroger sur les prétendues « faibles connaissances » de Kelpie en pilotage. Le Tardis ne tarda pas à leur indiquer que la Faille était très ébranlée par l'arrachage brutal de la Caravelle. Avec horreur, ils virent des milliers de fumeroles rouges bien trop familières en sortir et se répandre dans la rieuse campagne du plus gros astéroïde de l'Archipel. Les premières maisons se trouvaient à moins d'un kilomètre et il était à prévoir qu'elles y seraient en quelques minutes.

Le Corsaire secoua la tête avec désespoir face à cette seconde catastrophe inopinée.

— Il faut que nous scellions la Faille tout de suite ! Si nous nous y prenons à temps, peut-être pourrons-nous encore sauver tous ces gens !

Les deux Seigneurs du Temps qui avaient dû avoir le temps de prévoir ce scénario pendant que Clara avait été plongée dans son sommeil artificiel, se firent face sur la console et en une chorégraphie bien orchestrée, enclenchèrent une série de boutons avant de tourner en même temps deux clés en synchronisation.

En quelques instants, une lumière d'or fondu grossit en dessous du Tardis formant comme un dôme doré qui refroidit presque tout de suite. C'était rapide et sans bavure.

— Clara ! appela le Corsaire. Nous allons camoufler ce sceau pour ne pas qu'il attire trop l'attention et la curiosité, sortez et dites-nous si ça fonctionne bien !

Elle acquiesça et se rendit à l'extérieur, descendant à pas prudents le long du dôme dont la pente était modérée.

— J'y suis ! cria-elle à leur attention par la porte ouverte une fois au pied de la colline artificielle.

Devant elle, la colline d'or sous laquelle se trouvait le Tardis prit une teinte brune et puis bientôt verte pour se mettre à ressembler à une banale petite éminence herbeuse. C'était parfaitement réussi. La voix du Docteur lui avait intimé de revenir.

Pourtant lorsqu'elle fut de retour à bord, elle les trouva tous deux assez lugubres et méditatifs près de la console.

— Qu'est-ce qui ne va pas ? La Faille n'est-elle pas scellée comme vous le vouliez ?

— Si, répondit le Docteur, et bien sûr que c'est une bonne chose... Mais il n'y a pas d'eau salée sur cet astéroïde. Beaucoup des créatures sont restées dans la Faille, mais celles qui ont réussi à s'échapper sont allées directement dans l'eau douce où elles viennent de détruire soixante pour cent de la vie aquatique, elles sont à présent en train de flotter sur le village...

Clara s'approcha de lui et vit ce qui se passait sur les écrans du Tardis dont les capteurs devaient tourner à plein régime pour couvrir la distance. On voyait de petites constructions de terre cuite, ce qui lui permit de comprendre pourquoi Kelpie avait établi ses quartiers dans une caverne : c'était ce qui ressemblait le plus à son habitat naturel.Les Zygons s'étaient rassemblés avec curiosité sur la place de leur village. Le Nuage rouge flottait sur eux mais sans vraiment se décider à faire un mouvement dans un sens ou dans un autre. Peut-être l'énergie de la Faille avait-elle réussi à les rassasier temporairement ?

— C'est un tout petit village, observa Clara. Est-il possible de leur demander de fuir chez des amis avant l'irréparable ? On dirait que le plancton ne les attaque pas…

— Oh, il va le faire, soupira le Corsaire. Et je crois que nous pouvons nous attendre à ce que le peuple Zygon devienne une menace bien plus grande dans l'univers si ces créatures les font muter !

— Docteur, demanda Clara, est-ce que ce sont les ancêtres des Zygons roses que nous avons déjà rencontrés ?

— Ma chère Clara, je crois que le Corsaire a raison et que nous venons de découvrir pourquoi il n'y a plus de Zygons pacifiques dans l'Univers depuis un bon moment !

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Le Docteur avait raccompagné Clara à la porte de sa maisonnette sur Terre. Elle était navrée de le sentir aussi triste et ne savait pas quoi faire pour lui remonter le moral.

— Voyez le bon côté des choses. Vous avez eu la possibilité de revoir l'un de vos excellents amis et lorsque vous l'avez quitté sur cette planète à l'herbe jaune, il allait très bien. Ceci est plutôt une bonne nouvelle.

— Oui, admit-il de mauvaise grâce mais avec un léger sourire.

— En plus, vous avez toujours connu les Zygons de cette couleur et tels qu'ils sont maintenant. Mais vous avez eu grâce à cette aventure, la réponse à une énigme de longue date. Et ça d'habitude, ça vous plait plutôt bien de résoudre les mystères, n'est-ce pas ?

— Oui, répéta-t-il. Mais arrêtez de me faire la leçon comme si j'étais l'un de vos jeunes élèves, ça aussi ça me plairait plutôt bien…

— Docteur, je vous connais un peu et je sais qu'il y a une raison pour laquelle vous êtes de cette humeur massacrante.

— Mais non, je vais parfaitement bien…

Elle l'attira à l'intérieur de chez elle et le fit asseoir d'autorité dans un fauteuil du salon en lui collant une tasse de thé dans les mains. Elle se planta sur un coussin du canapé voisin et cligna des yeux en attendant qu'il veuille bien parler.

— Non, non, non, fit-il, je vous vois bien venir.

— Pas du tout, mentit-elle fort mal pour le faire sourire, j'allais demander… euh, quelle était la planète où vous avez laissé le Corsaire !

— C'était une très ancienne colonie de Gallifrey. Enfin un protectorat plutôt…

Clara ouvrit la bouche et serra ses petits poings en manquant de flanquer son thé par terre.

— Quoi ?!

Il lui jeta un regard inquiet. Elle avait l'air particulièrement furieux et indigné.

— Où vouliez-vous que je le dépose ? se défendit-il. Il lui faut un nouveau vaisseau…

Elle lui tapa sur le genou et il sursauta en renversant un peu de son thé.

— Mais vous le faites exprès ? glapit-elle. Vous emmenez votre ami pratiquement sur votre planète et vous ne prenez même pas une minute pour me dire où nous sommes ?!

— J'ai l'impression que ça vous contrarie… Mais qu'est-ce que je pouvais lui dire ? Nous étions très loin des événements de la guerre du Temps. Très très loin. Si je ne l'avais pas emmené dans un territoire gallifréen, j'aurais dû lui expliquer pourquoi…

— Mais si je suis capable de comprendre qu'on ne doit pas parler du futur, lui l'est encore plus… tout ça est bien à sa portée, non ?

Il reposa sa tasse et eut un pauvre sourire avant de se lever marquant ainsi son souhait de clore la discussion.

— Je suppose que… c'est une tentative un peu désespérée de ma part de l'éloigner le plus possible de ce qui va se produire. Je n'avais pas envie de revoir ces lieux familiers ni de repenser à leur destruction. Cela excluait de vous en parler et de faire un tour dessus. Ça aurait été un peu trop… et bien…

Il ne finit pas sa phrase, elle le comprit, n'insista pas plus là-dessus et le raccompagna jusqu'à sa porte. Avant de l'ouvrir, la main sur la poignée, elle demanda pourtant d'un air pensif :

— Vous n'avez aucune intention de me dire ce qui s'est vraiment passé avec Kelpie ? Vous êtes bizarre depuis que je vous ai trouvé dans le sable.

— Je n'aime pas beaucoup les plages… M'y retrouver coincé de façon aussi humiliante n'a rien de très plaisant, vous pouvez bien le comprendre…

Elle secoua la tête.

— Oh, non non non. Vous avez des centaines d'années et vous avez vécu probablement des milliers de situations, toutes plus bizarres et humiliantes les unes que les autres. Votre dignité s'égratigne mais repousse toujours en se recouvrant d'une couche d'humour supplémentaire… Serait-il possible que cet indigne petit Zygon dont vous m'incitiez à pardonner la jeunesse, vous ait blessé plus gravement que prévu ?

— Peu importe, soupira-t-il. Je suis assez capable de suivre moi-même les bons conseils que je vous ai donnés. Je ne lui en veux pas…

Elle croisa ses bras et répondit patiemment :

— Je ne vous demande pas si vous lui en voulez, je vous demande s'il vous a blessé. Comment pourrais-je vous réconforter si vous ne dites pas ce qui ne va pas ?

— Vous n'avez pas à me réconforter, Clara.

— N'avez-vous pas dit que j'étais votre amie ? C'est le rôle des amis d'apporter du réconfort quand c'est difficile, vous ne croyez pas ?

Elle n'avait manifestement aucune envie de le laisser partir sans le cuisiner là-dessus. Il ouvrit lui-même la porte et fit quelques pas au dehors. Elle le suivit.

— Oh, très bien, vous voulez que je devine… Il a essayé de vous amadouer en prenant des visages qui ont encore du pouvoir sur vous ? River ?

— Oui, il a essayé. Mais il faut reconnaître que River était bien pire que lui et à l'état naturel…

— La si fraîche et si troublante Mlle Rose ?

— Oui, elle aussi puisque vous insistez ! Et le moindre compagnon homme ou femme auquel j'avais le malheur de d'essayer de ne pas penser devant lui… Mais ce n'est pas le problème.

— Votre culpabilité envers eux n'est pas le problème ? J'ai bien fait de vous poser la question…

Il ferma à demi les paupières, puis prit sa main qu'il porta à ses lèvres pour embrasser légèrement le dessus de ses phalanges, en éludant la question. Elle sentit sa moustache chatouiller ses doigts.

— Je reviendrai bientôt, promit-il à l'encontre de ce qu'il faisait d'habitude.

Il lâcha sa main et regagna son vaisseau que Clara regarda disparaître au son inénarrable du frein à main toujours serré. Elle se demanda comment elle savait que c'était dû au frein, réfléchit une minute sans trouver et puis rentra chez elle en se frictionnant les bras. Elle espéra ne pas avoir pris froid.

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Le miroir de l'entrée lui renvoya une pitoyable image d'elle-même : les cheveux poisseux et raides comme des baguettes, des auréoles blanches de sel un peu partout sur ses vêtements fripés et du sable logé jusque dans des endroits particulièrement inconfortables…

Elle fut heureuse de pouvoir se dire qu'elle n'avait pas besoin d'expliquer à quiconque l'état dans lequel elle rentrait parfois de ses escapades avec le Docteur. Pire que celui des enfants à l'école...Mais combien d'entre eux pouvaient se targuer d'avoir emprunté un voilier de l'espace ?

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EPILOGUE

KELPIE

La Caravelle était sortie à quelques encablures du bord de l'univers. On aurait pu croire que le bord de l'univers, ça n'avait pas de sens. Qu'il contenait forcément tout… Et bien pas du tout !

Les indications données par le cube lumineux étaient formelles. C'était bien de là que ça venait. Il y avait une sorte de petite planète tout près. Kelpie fit voile directement dessus. Il était très impatient de rencontrer d'autres Seigneurs du Temps et il semblait y en avoir beaucoup, à voir tous les messages qu'il captait depuis qu'il était à portée…

Lorsqu'il atterrit, un équipage de quatre personnes très étranges vint à sa rencontre.

— Bienvenue au Foyer, noble étranger !

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Lorsqu'il put enfin scanner – mais trop tard – les esprits malintentionnés de ceux qui étaient venus l'accueillir, il n'était déjà plus possible de fuir... Comme il lui restait un hypercube dans la poche, il se dépêcha d'y apposer son message mental pour le Docteur. Qui sait, peut-être ne serait-il pas trop rancunier ? Il espéra qu'il viendrait l'aider même s'il en doutait. Les autres le regardaient faire sans s'interposer avec un sourire niais.

Kelpie pensa alors qu'il s'était vraiment montré trop présomptueux en partant tout seul et sans aide. Voler le vaisseau du Corsaire lui avait paru très amusant et très exaltant sur le moment… Mais maintenant, il sentait clairement la souffrance et la mort exsuder de chaque atome de cette planète, comme une longue plainte…Lorsque les quatre l'attrapèrent pour le mettre au cachot, il songea qu'avant de faire face à la terminaison brutale de son destin, il lui restait tout de même un dernier petit tour dans sa manche.

— Holà les cannibales ! appela-t-il. Venez donc par ici et goûtez-moi plutôt ça !

Il laissa ses yeux s'allumer de rouge et en une profonde expiration, expulsa toute la Brume qui restait en lui.

FIN

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