From Vegas with love

Chapitre 20 : C20: Pique-nique avec les frères Cormack

5682 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 17/08/2015 19:03

CHAPITRE XX

AMY-LEIGH WATTS ET RIVER SONG

Amy n'avait pas affiché la moindre petite contrariété à l'idée de ce dîner. Elle s'était montrée au contraire tout à fait enjouée et avait insisté pour aider River à trouver une tenue compatible avec les contraintes de son bras en écharpe. Elle-même avait passé une petite robe fraîche qu'elle avait ceinturée souplement d'un foulard. Elle n'avait pas encore beaucoup de ventre et pouvait toujours se permettre de s'habiller comme elle voulait.Elle préméditait d'habiller River comme elle, mais cette dernière freinait des quatre fers. Pas de robe qui sur elle prenait tout de suite des proportions très sensuelles ! Ce n'était pas un rendez-vous galant. Elle passa un pantalon clair et un bustier sans bretelles pour éviter des mouvements douloureux, et Amy lui noua le même foulard qu'elle pour tenir son bras. Il aurait fallu quelque chose pour couvrir ses bras et ses épaules dont la nudité n'envoyait pas le bon message, mais si elle parvenait à passer une veste, Dieu seul sait si elle pourrait l'enlever ensuite…

On voit trop mes épaules et tout le reste… Amy, tu n'aurais pas un châle ou une étole à me prêter ?

Non c'est très bien comme ça ! protesta-t-elle. Il faut que Quentin Cormack les voie !

Et moi je préférerais qu'il ne les voie pas justement !

Le clone avait encore ce qu'il convenait d'appeler une peau de bébé, et elle craignait qu'entre l'exposition de cette chair invraisemblablement douce et ce que Jack appelait ses « effets collatéraux » se révélant au moindre contact même furtif, le pauvre Quentin ne soit soumis à un peu trop de tentation. Elle n'était pas pour reproduire plusieurs fois les mêmes erreurs.Elle alla dans sa chambre chercher l'une de ses vestes les plus larges, passa le premier bras, serra les dents, et puis le second. Les larmes lui piquèrent les yeux.

Amy, peux-tu m'aider à remettre l'écharpe ? demanda-t-elle à la jeune femme qui se maquillait devant son miroir.

C'est beaucoup moins joli maintenant, maugréa-t-elle comme si elle avait ruiné tous ses efforts.

C'est surtout beaucoup moins provocant !

Tu n'arriveras jamais à épouser Quentin si tu ne mets pas tes atouts en valeur, prévint doctement Amy-Leigh.

Ce n'est pas un rendez-vous galant mais une réunion de travail, j'ai des questions à lui poser, expliqua posément River. Je ne voulais pas remettre notre tête-à-tête, mais il a insisté…

Il est intéressé, j'en étais sûre ! fit la jeune femme ravie.

Comment ça « tu en étais sûre » ?

Amy-Leigh rougit légèrement.

Matthew dit qu'au labo, tout le monde parle de toi.

Tout le monde ? Mais qui ça ? Je ne les connais pas, je n'y ai jamais mis les pieds…

Ils te connaissent. Ils t'appellent la fiancée d'Otto. Otto, c'est leur robot.

Moi je suis fiancée à un robot maintenant ? Et comment se fait-il que je n'en sois même pas avertie ? dit-elle en feignant l'indignation. Et qu'est-ce qui te fait croire que Quentin est « intéressé » comme tu dis ?…

Matthew m'a raconté qu'à force d'entendre son robot exprimer son amour pour toi toute la journée, son frère lui a dit que maintenant tu n'étais plus une IA mais une humaine, si d'aventure tu devais être la fiancée de quelqu'un, il fallait que ce soit un humain aussi. Et vu qu'il restait désormais le seul célibataire de l'équipe parce qu'il travaillait trop, ça devrait être lui.

Et pourquoi donc, s'il te plait, Matthew est-il allé te raconter ça ?

Parce qu'il adore ce robot et voulait me redire sa réponse. Otto a rétorqué à Quentin que dans ces conditions, il ne voulait plus être une IA non plus mais devenir humain lui aussi. Il trouvait ça trop mignon !

River fit la moue et attrapa un crayon anthracite pour maquiller ses yeux.

Pourquoi es-tu es fâchée ? demanda Amy.

Je ne suis pas fâchée, je suis surprise de découvrir tout ceci.

Tu as dit que tu n'aimais pas Jack et que tu ne voulais pas l'épouser. Et comme tu as dit que tu voudrais sortir avec Quentin, je pensais…

Amy, je l'ai dit devant Jack exprès… Je trouve qu'il se montre de plus en plus protecteur avec moi aussi… Nous sommes amis et associés, mais il n'a pas à me surprotéger comme il commence à avoir tendance à le faire. Si je lui dis que je pourrais sortir avec Quentin, d'après nos propres codes culturels, il considérera que c'est à Quentin de s'en charger et donc il arrêtera…

Je ne comprends pas ces codes, reconnut Amy. Mais alors… si tu n'aimes pas Jack, et que tu n'es pas non plus intéressée par Quentin, tu n'aimes donc personne ? Ou bien quelqu'un en secret ?

River sourit un peu, et se remit un peu de rouge. Elle retourna la situation.

Je trouve que la question de l'amour te préoccupe beaucoup en ce moment, on dirait… Est-ce à cause de Matthew ?

Je ne sais pas trop… éluda-t-elle.

Qu'est-ce que tu penses de lui ? Tu es contente de le voir ? Tu as hâte de le voir ? Est-ce que tu penses à lui quand tu ne le vois pas ? Est-ce que tu aimes quand il t'embrasse ?...

Matthew est très bien élevé, il… ne m'embrasse pas, bredouilla-t-elle confuse.

Mais est-ce que tu as envie qu'il le fasse ? Ou du moins qu'il essaie…

Je ne sais pas, ça me fait un petit peu peur…

Et pourquoi ça ? Un baiser de quelqu'un qu'on aime, ce n'est pas quelque chose dont il faut avoir peur, c'est merveilleux… Personne ne t'a donc jamais embrassée ?

Non.

Hum, je suppose que tu ne me croiras pas mais… tu rates quelque chose ! A moins que… sur Velquesh, embrasser quelqu'un signifie qu'on s'engage à l'épouser sur le champ et à lui donner trois douzaines d'héritiers ?...

Euh, non.

Alors dans ce cas, pourquoi est-ce qu'un de ces jours tu ne demanderais pas à Matthew s'il veut bien être celui qui te donnera ton premier baiser ? demanda-t-elle gentiment.

Elle se couvrit les joues de ses mains pour en cacher la rougeur.

Oh non, jamais je n'oserai lui demander une chose pareille !

River attrapa patiemment un tube de mascara et sépara silencieusement et avec application ses cils pour les allonger et se faire un œil de biche.

Ça ne se demande pas ce genre de chose, n'est-ce pas ? s'enquit Amy avec un air craintif.

Peut-être que là d'où tu viens, ça ne se demande pas en effet, répondit-elle. Je ne connais pas toutes les coutumes, l'univers est vaste... Souviens-toi de ce qu'on a dit l'autre jour, Jack est choqué par la coutume velquashi qui consiste à assurer des mariages par l'argent, moi je suis choquée que Jack puisse avoir envie de m'épouser tout en conservant des amants masculins, toi tu es choquée à l'idée de demander à un garçon que tu aimes de t'embrasser… Nous avons tous été élevés dans des cultures qui ont certaines limites.

Mais toi, tu as demandé à ton fiancé de t'embrasser ?

River se mit à rire en secouant la tête.

Demandé la permission ? Bien sûr que non ! Mais je crois que tu pourrais considérer que je n'étais pas une jeune fille très bien élevée… Déjà je venais d'avoir treize ans et Tommy Catanello n'était pas du tout mon fiancé. Je suis allée le voir et je lui ai dit de but en blanc que j'allais l'embrasser. Il m'a juste dit : ok ! Il avait deux ans de plus que moi, et il jouait les blasés…

Mais vous étiez affreusement jeunes ! fit Amy à moitié scandalisée.

J'étais surtout affreusement bête d'avoir fait ça à cause d'un stupide pari avec cette peste de Meredith Sandborn.

Un pari ?

Un défi plutôt, reconnut River. Quand j'étais jeune, je n'étais capable de résister à aucun défi, soupira-t-elle en se demandant si elle avait tant changé que cela. Mais je l'ai regretté.

Pourquoi ?

Parce que comme je n'étais pas amoureuse de lui, ce baiser n'était pas magique, dit-elle avec un petit clin d'œil.

Elle eut un regard triste que River n'attendait pas.

Tu as peur d'être jugée par Matthew ? Qu'il pense que tu n'es pas quelqu'un de bien ? Je ne pense pas qu'il croie ça de toi.

Tout le monde pense que je ne suis pas une fille bien parce que je suis enceinte et qu'il n'y a pas de père. Tu n'as pas vu comment on me regardait à l'hôpital ?

Matthew n'est pas tout le monde pour commencer, ensuite je crois qu'il est bien au courant de ton état et que si ça le dérangeait beaucoup, il ne chercherait pas à te revoir aussi souvent que possible.

Elle leva vers River un regard chargé d'une plus profonde appréhension.

Mais s'il m'embrasse, est-ce qu'il ne voudra pas ensuite… davantage ?

Davantage ?

Amy leva les yeux au ciel et dit mortifiée :

Poser ses mains partout sur moi ? Je n'ai pas envie de cela.

C'est tout à fait ton droit d'attendre de voir si tu en as envie un jour... Mais qui sait si c'est son intention immédiate ? C'est pour ça que si tu lui dis qu'il peut être celui qui te donne ton premier baiser, il aura assez de sensibilité pour comprendre que tu as besoin de temps pour que tes sentiments s'épanouissent avant d'envisager de faire l'amour. Et si tu as peur qu'il devine de travers, la meilleure solution est à mon sens d'éviter les devinettes et d'être très claire… Je pensais en fait que tu pouvais avoir peur à cause de son exosquelette, de son handicap je veux dire.

Elle secoua la tête.

Au stade d'angoisse où j'en suis, ça ne change rien du tout.

Ma chère Amy, Matthew est un gentil garçon et il est manifeste qu'il t'aime. Si ce soir, avant de vous quitter, tu lui faisais comprendre même à ta façon timide que tu voudrais un baiser, je crois qu'il serait le plus heureux des hommes, et que si tu lui en donnais un, il rentrerait en planant à un mètre du sol… C'est là-dessus que tu dois te concentrer d'abord et sur ce que vous aimez partager quand vous êtes ensemble, et ce que tu ressens quand tu le vois.

Elle se mordit la lèvre, à moitié convaincue.

Ils vont arriver bientôt. Essaie de faire bonne figure et d'oublier tes soucis. Ce soir nous avons un charmant pique-nique avec deux hommes très bien élevés : nous sommes les plus chanceuses des femmes ! Ne pouvons-nous pas juste sourire à cette bonne fortune ?

J'aimerais tant mais je ne suis pas sûre d'y arriver…

Hum ! Mais est-ce là la même Amy qui me recommandait bien tranquillement d'afficher mon décolleté sous le nez de Quentin pour l'appâter ? la taquina-t-elle.

Oh mais toi tu n'as pas peur… je sens bien que tu es forte. Je ne suis pas forte comme toi.

River se leva. Elle hésita un peu avant de demander :

Est-ce que tu crois que si tu comprenais comment tu es tombée enceinte, d'où viennent tes cauchemars et qui est le père de ton enfant, tu aurais moins peur ?

Comment sais-tu tout cela ? souffla-t-elle les yeux baissés.

Elle lui prit les mains dans les siennes.

Je le sais parce que j'ai un secret que je vais te dire. Mon esprit peut communiquer avec le tien et celui d'autres gens. Mais je ne maîtrise pas cela très bien.

Donc tu as deviné ou vu ce qui m'était arrivé ?

Ce n'est pas tout à fait ça… C'est un petit peu compliqué… Ce n'est pas moi qui ai vu ce qui t'est arrivé c'est l'inverse… Ces cauchemars qui te font peur, ce que tu y vois, c'est à moi. Ton esprit les a captés quand il a été en contact avec le mien et il n'a pas su comment comprendre ce qu'il a vu, si ce n'est que cela lui a semblé très réel et terrifiant. Je regrette la souffrance que cela te cause. C'est de ma faute, car je n'ai pas su t'en protéger. Mais je voudrais que tu te libères de l'idée que tu as subi quelque chose d'horrible et qu'on a voulu te faire du mal…

Mais… balbutia Amy-Leigh, je ne te connaissais pas encore quand c'est arrivé !

Nous n'avions pas été présentées, mais moi je t'avais déjà vue. C'était quand j'ai rencontré Quentin il y a plusieurs mois dans un hôtel où tu chantais à Rusha. J'étais là-bas aussi. C'est à ce moment que nos esprits ont été… rapprochés… dit River en pesant chacun de ses mots.

Mais comment… ?

Amy, il nous faudrait plus de temps, je te promets de t'en parler tout à l'heure et de te parler aussi du père de ton bébé…

Je sais qui est le père de mon enfant, chuchota-t-elle. C'est l'homme blond sourire de loup, celui qui était avec Jack la première fois que je l'ai rencontré sur la station orbitale. Il m'a dit que j'étais enceinte mais je ne l'ai pas cru.

C'est lui. Mais jamais il n'a voulu te faire du mal.

Pas à moi, mais à toi oui ?

River sourit et secoua la tête.

Non, en fait.

Amy soupira lentement et River la serra dans ses bras.

Ce que tu dis est si étrange et si perturbant, je ne comprends pas très bien.

Je sais, je sais mais ça va aller, il y a de l'espoir pour toi.

Le carillon de leur porte retentit.

.°.

RIVER SONG ET QUENTIN CORMACK

Elle était allée ouvrir à ses invités qui se tenaient tous deux sur le pas de la porte avec un grand panier entre les mains. Quentin portait un élégant costume bleu marine à la coupe ajustée sur une chemise blanche, Matthew une veste de tweed et un pantalon désassortis avec une chemise rose. Lorsqu'Amy était arrivée une minute après, elle faisait bonne figure. Probablement parce que Matthew était là, qu'il n'avait d'yeux que pour elle et qu'il voulait effleurer ses doigts d'un baiser. River accueillit Quentin d'un sourire, et puisqu'elle ne pouvait pas lui serrer la main, il en profita pour lui claquer une bise sonore sur la joue.

Pendant quelques instants la conversation, animée et gaie, tourna autour de l'installation et la découverte du contenu du panier de pique-nique, River reconnaissant qu'elle n'aurait pas pu utiliser un couteau et une fourchette normalement, cette idée était parfaite. Quentin proposa galamment de faire le service pour tous ceux qui n'étaient pas capables de tenir des couverts, ce qui détendit l'atmosphère et acheva de briser la glace.

Ils s'étaient installés autour de la table basse du salon pour picorer des toasts et entretenir une conversation légère sur des anecdotes d'enfance des deux frères Cormack et leur longue tradition de pique-nique dans des endroits improbables dont celui-ci n'était que le dernier en date… Puis Matty demanda la raison de cette splendide écharpe que portait River, et cette dernière entreprit de relater son aventure à la façon des polars qu'elle écrivait, en se donnant le beau rôle.

Ils discutèrent plus tard des contrats qu'Amy avait pu signer et très vite, Matthew sauta sur l'occasion pour réclamer une chanson – requête à laquelle elle accéda comiquement en lui chantant tous les jingles publicitaires qu'elle avait enregistrés récemment, de la location d'outillage électrique à la nouvelle bouteille de lait.

River devait reconnaître qu'elle passait une excellente soirée, ce à quoi elle ne pouvait pas réellement s'attendre étant donné la façon dont s'était déroulée la journée. Quentin était assis près d'elle, assez près pour lui attraper et lui tendre ce dont elle aurait eu besoin, mais pas trop près. Il regardait son frère couver la jeune femme du regard mais après un moment, il sentit sur lui les yeux de River.

Qu'est-ce que je vous avais dit ? chuchota-t-il pour ne pas interrompre le chant de la jeune femme.

Nostalgique ? C'est vous qui l'aviez vue le premier, le taquina-t-elle sur le même ton.

Quoi ? Oh… Non ! Je suis heureux de voir mon frère ainsi…

Allons bon, Amy me dit que vous êtes l'un des célibataires les plus en vue du continent et peut-être même de la planète. Vous devriez pouvoir trouver une prétendante à votre goût…

Amy finit sa chanson et River se leva alors pour mettre un fond sonore musical.

J'espère que ce n'est pas une invitation à danser : j'ai deux pieds gauches, prévint Quentin.

Et moi, plus de bras droit… un partout ! répondit River. Non je voulais ramener un peu de tout cela dans la cuisine et laisser la musique vous faire la conversation.

Laissez, je vais le faire, proposa-t-il. Je laisse le vin ?

Si vous voulez, mais Amy n'en boit pas, pour les raisons que vous savez, et Matty est déjà ivre pour d'autres motifs que la boisson… Suivez-moi la cuisine est par là.

.°.

Ils regagnèrent ensuite le salon vert où Matthew faisait une démonstration de claquettes sur la musique avec un réel brio. Quentin lui resservit un doigt de vin qu'elle l'accepta en le remerciant.

Alors… N'aviez-vous pas une petite chose à me demander ? demanda-t-il en la regardant dans les yeux, l'air dévoré de curiosité.

Vous êtes libre de refuser de me répondre.

Posez la question d'abord et je verrai ensuite si c'est dans mes cordes…

Elle acquiesça d'un hochement de tête et se lança.

D'accord. Je suis sur une affaire sur laquelle nous sommes tenus à la discrétion, mais disons que nous soupçonnons un notable de cette ville de certaines malversations. Nous n'avons pas enquêté de nous-mêmes, c'est l'un de nos clients qui nous a apporté l'affaire, et en creusant… nous découvrons certaines choses... L'un des points les plus forts qui le disculpent c'est l'impossibilité matérielle qu'il ait pu se trouver en deux endroits différents assez éloignés presque au même moment. En temps ordinaire, ce serait un argument solide, mais… je crois savoir que certaines personnes, qui peuvent se le permettre financièrement, ont accès à des solutions de téléportation. Et je crois savoir aussi que vous en avez une…

Il eut un bref sourire furtif.

Je suppose que vous ne me direz pas comment vous le savez… Allez-vous me demander de l'essayer ?

Non, non bien sûr. Je me demandais qui les fabriquait ? Est-ce que ce serait vous ?

Il étouffa un rire et reposa son verre sur la table basse, puis il desserra son nœud de cravate et la considéra avec amusement.

Je suis ravi de constater que vous me croyez vraiment très brillant… Non, admit-il, ce n'est pas moi qui les fabrique. Comment pensez-vous que je puisse vous aider ?

Si ce matériel existe, il y a un fabricant, peut-être un distributeur. Peut-être avez-vous un nom à nous communiquer, un contact pour nous renseigner… Nous voulons savoir si la personne en question dispose d'un téléporteur ou non. Car s'il en avait un, cela changerait beaucoup de choses pour notre enquête. Et s'il n'en avait pas, et bien, tout autant…

Vous pensez donc qu'il existe une sorte de club et que je pourrais en faire partie ?

Nous nous demandons, simplement. En ce qui vous concerne, vous avez l'habitude de déposer des brevets très innovants…

Il hocha la tête.

Oui, oui je vois pourquoi vous pouvez croire cela.

Je me trompe ?

Non, ma société dépose en effet des tas de brevets très innovants… Qu'est-ce que je peux vous dire ? Que cette technologie n'est pas encore tout à fait à la portée de tous, ni même des plus riches. En réalité, elle n'est pas vendue mais seulement louée. Et tellement cher qu'effectivement, la dépense incite à réfléchir vraiment très mûrement avant de faire une demande… Est-ce que ça vous oriente un peu ?

Iriez-vous jusqu'à me donner un ordre de prix pour ce qui s'avère donc être un genre de… prestation ?

Oui c'est plus ça. C'est vraiment cher.

Et pourquoi hésitez-vous à me dire de combien ? N'êtes-vous pas vous-même vraiment riche ? dit-elle d'un ton badin.

Je n'aime pas m'en vanter.

Allons, dites-moi… Si la personne que nous soupçonnons n'est pas en mesure de payer cette somme, ce sera déjà une indication en soi, ou une piste pour rechercher si quelqu'un d'autre avait les moyens de le faire pour elle… Ou si ceux qui possèdent la technologie sont corruptibles…

Ah, les célèbres méthodes du nouveau duo dynamique ! commenta-t-il avec un soupir.

Elle tiqua, relevant un sourcil étonné.

Pardon ?

Il rit un peu et se reprit.

Je vous prie de m'excuser, j'arrête avec le vin. Le « duo dynamique » c'est l'un de vos surnoms en ville. Votre associé n'est d'ailleurs pas là ce soir…

S'il l'avait été, vous l'auriez remarqué. Il dîne avec un ami. Qu'entendez-vous exactement par « l'un de vos surnoms ? », vous voulez dire que les gens parlent de nous ?

Et comment !

Elle braqua ses grands yeux gris sur lui et il se sentit soudain comme une petite souris délicieusement prise dans les pattes d'un gros chat.

Pourquoi parlerait-on de nous ?

Il poussa un petit soupir, jouant inconsciemment avec ses propres mains.

Guernö est une petite ville, même si c'est la deuxième du pays. Une communauté prospère et travailleuse. Les gens riches d'ici travaillent pour y arriver. Beaucoup. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai eu tant de mal quand je m'y suis installé, car je n'étais considéré que comme « un héritier », ce qui n'est absolument pas valorisant ici. C'est un endroit tranquille, les gens y sont traditionalistes et conventionnels.

Et ?...

Peut-être que vous n'en avez pas vraiment conscience mais… votre arrivée en ville a été plutôt… fracassante ! Votre façon de vous présenter, vos méthodes d'investigation et bien entendu le charme légèrement sulfureux de votre tandem… Tout cela n'a échappé à personne, à commencer par vos concurrents directs… Est-ce que vous savez à quoi ressemble un enquêteur privé par ici d'habitude ?

Je sens que vous mourrez d'envie de me le dire…

C'est un ancien flic revêche, mal rasé, bougon, avec un gros ventre à bière, qui travaille désespérément lentement, en demandant des tarifs prohibitifs. Je suppose que vous avez excité quelques jalousies et pas mal de curiosité. Ils vous affublent de petits surnoms qui sont la marque évidente de leur dépit…

Vous voulez dire que nous avons déjà des ennemis ?

Certainement, qui n'en a pas ? dit-il en souriant. Vous avez fait toutefois une forte impression sur la bonne société. Et par conséquent, oui, on parle de vous.

Peut-être aurions-nous dû choisir une ville plus petite ? calcula-t-elle à voix basse, comme pour elle-même.

Non, la détrompa-t-il. Paradoxalement, une ville plus grande, mais ça ne vous laissait que la capitale. Vous n'avez pas opté pour ça parce que vous pensiez que vous rendriez la tâche plus difficile à ceux qui veulent vous retrouver, en n'allant justement pas vous installer dans la plus grosse cité de cette planète…

Elle avala une autre gorgée de vin.

Qu'allez-vous donc imaginer ? Nous pensions juste qu'il y aurait moins de concurrence dans une ville un peu plus modeste et que nous pourrions commencer à travailler plus rapidement. De plus, j'aimais l'idée de pouvoir être proche de vos locaux.

Vraiment ? demanda-t-il.

Oui, cette solution était idéale à de nombreux points de vue, et je crois que votre frère sera parfaitement d'accord avec ça, fit-elle avec un petit coup d'œil aux deux jeunes.

Amy et Matthew s'étaient insensiblement rapprochés et discutaient à présent à mi-voix, sans réaliser aucunement les étoiles qu'ils avaient dans les yeux.

Nous n'allons pas les interrompre tout de suite, laissons leur encore une demi-heure, vous êtes d'accord ?

Parfaitement, répondit Quentin.

Ça vous laisse donc amplement le temps de me dire combien coûte un accès au téléporteur.

Il se troubla légèrement.

Si je le fais, vous allez me regarder très différemment et je n'en ai pas du tout envie, répondit-il doucement.

Pourquoi ?

Parce que j'aime que vous vous considériez comme un investisseur…

Ça, ça veut dire qu'en réalité, le montant d'un voyage excède les quelques centaines de milliers de crédits que j'ai pu apporter, réfléchit-elle tout haut.

Mmh, alors le S est pour « Smart » ?

Elle lui sourit sans comprendre l'allusion mais il avait sorti un petit bloc de sa poche et un stylo. Il écrivit et lui tendit la feuille qu'il avait arrachée. Elle la prit de sa main valide et lui adressa un regard incrédule après avoir jeté les yeux dessus.

Un million de crédits ?!

Et cinq cent mille de plus si on veut passer en urgence. Par personne.

Estomaquée, elle se laissa aller contre le dossier du canapé. Un million de crédits ! En admettant que Peterson ait eu le temps de planifier son affaire, ça faisait tout de même une sacrée somme… Même s'il avait envoyé son staff en avance et qu'il les avait rejoints après, au studio d'enregistrement… Il aurait fallu pour cela que cette somme ne représente qu'une goutte d'eau par rapport à ce qu'il comptait récupérer par ailleurs en pots de vins et appels d'offres pipés…

Vous êtes en train de travailler et m'avez abandonné pour réfléchir à votre affaire, constata-t-il.

Elle eut un sourire d'excuse.

C'est vrai, je fais cela tout le temps, pardonnez-moi. Que vouliez-vous dire avec « le S est pour Smart » ?

Oh, non je pensais que vous alliez oublier ça ! dit-il en regardant ailleurs. C'est le dernier petit jeu à la mode en société : deviner ce que veulent vraiment dire le H et le S dans le nom de votre agence…

Si vous pouvez y passer autant de temps, c'est que cette planète avait vraiment besoin de nous pour enquêter ! Ce sont nos initiales : Harkness et Song !

Il essaya de ne pas sourire, sans grand succès.

J'en suis sûr.

Mais ?

Je ne dirai rien : c'est un peu embarrassant.

Pour vous ou pour moi ?

Et bien, sans doute un peu les deux… fit-il l'œil pétillant.

Allez, dites-moi.

Ok... Un petit malin vous a surnommés Hot&Sexy dans un show radiophonique, et ça s'est répandu comme une trainée de poudre…

River eut un petit rire de gorge spontané et délicieux qui la rendit involontairement plus attirante encore.

Oh malheureux ! Ne le répétez surtout pas à Jack : il va adorer ! Et il serait bien fichu de reprendre ça dans notre prochain encart publicitaire !…

.°.

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