Les neiges sanglantes de Meltomène

Chapitre 4 : C4 : Bave de Reaper et vieilles dentelles

4927 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/11/2016 17:45

CHAPITRE IV : Bave de Reaper et vieilles dentelles

LE DOCTEUR

Pendant un tout petit instant, les émotions neuves et aiguës du Docteur se rappelèrent très brutalement à son bon souvenir. La perte d'un compagnon portant l'Empreinte, que Clara appelait moqueusement le Syndrome du Caneton, n'était jamais une partie de plaisir pour un Seigneur du Temps. En considérant le sol englouti au centre de la pièce qui avait été sa chambre, il dût poser une main contre le chambranle de la porte pour se tenir un instant. Il voyait bien des éléments du mobilier en suspension plus bas dans le vide : le lit, l'armoire, et aussi son sac à dos. Mais il avait beau s'user les rétines, son corps n'apparaissait nulle part…

Mourir dans le vide spatial était une chose affreuse. C'était certes rapide, mais on avait encore assez le temps de se rendre compte qu'on gelait et qu'on étouffait pendant deux longues secondes… Rien que de penser que c'était là le sort qu'elle avait connu, lui labourait les cœurs et les tripes. Sa vieille culpabilité revint le dépecer petit bout par petit bout, et il se maudissait. Il repensait à ce qu'avait prédit récemment cette « Offerdith » : qu'il regretterait amèrement de l'avoir laissée seule… Oh, oui c'était gagné, il n'avait que de cruels regrets ! Comment allait-il pouvoir s'empêcher de revenir à ses vieux réflexes maintenant ? De recacher sa honte et son chagrin au fond d'un vieux monastère pendant des dizaines d'années, comme la première fois qu'il avait cru l'avoir perdue à jamais ? Aujourd'hui, il savait qu'il pouvait toujours retomber sur l'un de ses « échos », mais ce n'était pas pareil. Cette Clara avait un statut particulier.

Un court instant, il eut pourtant le sentiment qu'il n'était pas seul dans cette épreuve et qu'une main légère et compatissante venait de peser sur son épaule. Il tourna la tête pour voir qui pouvait bien souhaiter lui apporter maintenant un réconfort qu'il ne se sentait pas mériter…Tout noir brillant sur le noir mat de son costume, Katep Helt s'était posé là et tendait ses antennes vers lui selon un angle oblique inhabituel.

― Mais tu n'es donc pas parti, toi ? s'étonna le Docteur en voulant le reprendre dans sa main.

L'insecte déploya ses gros élytres qu'il agita en produisant un bourdonnement imposant et alla se poser sur le mur le plus proche. Les petits piquants poilus qui agrémentaient ses pattes lui permettaient de s'agripper au tissu mural et d'y marcher très facilement, pendant le Docteur le suivait du regard, un peu interloqué.

Katep Helt mit un bon moment et quelques allers-retours à lui faire comprendre qu'il voulait qu'il le suive jusqu'à sa chambre attitrée. Un temps déplorablement long, il devait bien le reconnaître. Mais au bout de plusieurs dizaines de minutes, la grande andouille verticale avait fini par percuter : il fallait bouger les pattes pour avancer…Histoire d'être bien clair, l'insecte massif se posa directement sur la poignée où le Docteur vint le reprendre dans ses paumes, avant d'activer le bouton de la porte. Quand il entra dans la pièce, tranquille et plongée dans une semi obscurité, Katep Helt se sentit enfin récompensé de tous ses efforts pour sauver Clara du danger.

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CLARA OSWALD

Elle s'était jetée tout habillée en travers du lit et semblait s'y être assoupie sur le ventre. Le Docteur alluma la lumière d'un coup, ce qui la fit brutalement se redresser sur ses deux avant-bras, l'air de se demander où elle était et ce qu'elle faisait là.

― Que… Clara… ?!

Il bégayait presque. Elle cligna des yeux deux ou trois fois et soupira :

― Désolée, mais je vous avais prévenu : je ne partage pas mon espace avec des bestioles !… Votre petit copain le gros insecte noir m'avait retrouvée ! Prenez donc ma chambre… Et gardez-le avec vous surtout ! fit-elle en retombant sur le lit. On se voit demain… Vous pouvez éteindre en sortant? Merci !

Il la regarda bouche bée, figé sur place presque incrédule de la trouver là, après avoir souffert de longues minutes à l'idée intolérable de sa mort.

― Vous n'êtes pas morte ?

Elle allait répliquer quelque chose d'un peu mordant quand elle réalisa qu'il était blanc comme un linge.

― Vous avez eu une vision, vous aussi ? Vous êtes tout pâle ! demanda-t-elle, soudain très intéressée en se relevant pour s'approcher. Vous me croyez maintenant ?

Il essaya de reprendre un peu contenance et déclara :

― Il y a eu un genre de… d'accident spatial chaotique dans votre chambre et j'ai cru que… et bien… vous ne vous en étiez pas sortie.

― Un accident spatial ? s'étonna-t-elle. Que voulez-vous dire ?

Au lieu de lui répondre, il prit sa main pour l'amener à lui et la serrer fort dans ses bras pour l'une de ces accolades compulsives qu'il n'aimait pourtant pas. Surprise, elle se recula presque tout de suite, subitement méfiante.

― Je vous demande pardon, dit-il avec un trop bref mais éblouissant sourire. Je suis si heureux que vous soyez saine et sauve… Mais il vaut mieux que je vous laisse vous reposer et que j'aille prévenir pour faire condamner l'accès à la pièce. Un autre malheur serait vite arrivé si quelqu'un entrait par mégarde…

Elle était totalement contre cette idée et voulut le retenir.

― Je serais beaucoup plus rassurée si nous ne nous séparions pas. A chaque fois que nous le faisons, il se passe quelque chose d'affreux…

― Je comprends mais…

― Mais quoi ? demanda-t-elle d'un ton à la fois véhément et suppliant. Une femme meurt assassinée d'une façon horrible, des bêtes agressives envahissent les environs, vous dites que vous m'avez cru morte à voir l'état de ma chambre… Est-ce que vous pensez vraiment que j'exagère ? Tout ça s'est produit quand nous étions chacun de notre côté…

Comme elle cherchait à le convaincre et à ce qu'il la regarde dans les yeux, elle posa une main sur sa manche. Le regard qu'il lui adressa la surprit : il la fixait d'une façon… tendre. Non, comme s'il avait des sentiments pour elle.

.°.

 

LE DOCTEUR

Oh pour l'amour de Rassilon ! Comment avait-il réussi à se fourrer dans un guêpier pareil ?

Un peu plus tard, il était étendu sur le lit à contempler le plafond orné de solives en bois, sans pouvoir faire le moindre mouvement car Clara s'était nichée instinctivement contre lui, le temps de quelques heures d'un sommeil agité, dont elle se réveillait souvent.

Immobilisé et impatienté de l'être, il résistait depuis un long moment et de tout son orgueil à l'envie de lui parler, pour la laisser se reposer des rigueurs de la journée de la veille. Il résistait à l'envie d'apaiser son sommeil télépathiquement, alors qu'elle ne lui avait rien demandé. Il résistait à l'envie de la serrer dans ses bras pour la réconforter. Il résistait à l'envie de se laisser hypnotiser par la folle sarabande que les lignes du Temps dessinaient comme un poème autour d'elle, à l'envie de s'abandonner à la chaleur bienfaisante qu'elle dégageait naturellement et à celle de se saouler de son parfum de cerise…

Car tout ceci n'était pas lui.

Il savait très bien qu'il n'avait jamais vraiment considéré Clara de cette façon.Lorsqu'il l'avait revue, à la toute fin de son incarnation précédente, alors qu'il était en train de mourir de vieillesse et que ses traits avaient perdu depuis longtemps la jeunesse facétieuse qui la troublait tant – il se l'était juré. Elle l'avait vu tel qu'il était, affligé d'un corps qui reflétait assez justement le poids des années vécues par son âme. Et elle était restée pour assister à ses derniers moments. Partant de là, quel besoin aurait-il eu encore de tricher avec elle ? De jouer la comédie du « jeune premier » alors qu'il rabâchait en boucle, à qui voulait l'entendre, qu'il n'était plus qu'un vieux dernier ?

Tout à l'heure, il avait su manœuvrer pour l'inciter à prendre un bain chaud avant de s'endormir, arguant qu'elle se sentirait plus détendue – alors qu'en réalité il ne souhaitait qu'une chose : qu'elle se débarrasse de la bave de Reaper qu'elle avait sur elle ! Le plan aurait très bien pu fonctionner s'il avait pu penser à cet infime et irritant petit détail : toutes les affaires de Clara flottaient dans l'espace trente mètres plus bas que l'ancien sol de sa chambre. C'est donc assez logiquement qu'elle avait remis les mêmes vêtements. Particulièrement la robe rouge certes très seyante, mais qui restait hélas partiellement imprégnée de cette substance redoutable !

Elle sursauta à côté de lui, en étouffant un petit gémissement. Presque machinalement, il chuchota qu'il était là et qu'elle pouvait oublier ce cauchemar.Elle se tint coite durant le temps où elle essayait d'apaiser les battements précipités de son cœur.

― J'aimerais être plus forte, soupira-t-elle ensuite faiblement. Je vois bien mes limites, je fais la maligne mais j'ai peur.

― Vous êtes très courageuse. Tenez encore un peu. Il va faire jour dans très peu de temps. Nous aurons beaucoup de choses à faire, cela vous occupera l'esprit.

― Quelles choses ?

― Étudier de plus près les boîtes de transport du magicien chinois... Et chercher comment il fait disparaître les corps.

― Parce que vous pensez que c'est lui notre assassin ? Il était pourtant sur scène devant le public quand la femme de ménage est morte…

― Je sais bien. Mais votre instinct est souvent assez sûr. Il vous a poussé à le quitter brusquement hier et il vous souffle que cet homme est suspect. Moi je devine que ses tours de magie sont aussi peu magiques que les miens… Il faut creuser ça et savoir quels sont ses complices !

― Qu'est-ce qui se trame derrière tout cela ? demanda-t-elle.

― Ça, je cherche encore.

Elle soupira encore et se serra un peu plus contre lui. En sentant distinctement les courbes délicates mais indéniablement féminines de son corps appuyées contre le sien, il déglutit et remercia le ciel d'être un Seigneur du Temps, rompu à une certaine discipline physique.

― Oh Clara, vous êtes mon amie très chère, dit-il d'une voix plus gentille que d'habitude, mais puis-je vous demander très respectueusement de ne pas vous tenir si près de moi ?*

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CLARA OSWALD

Elle resta interdite un instant. Quand, il avait son autre visage, elle s'était trouvée des dizaines de fois contre lui, ou dans ses bras. Et ça n'avait jamais eu l'air de prêter à conséquence pour lui. Etait-il en train de dire que cela l'affectait comme s'il était… et bien… un homme normal ? Il ne manquerait plus que ça ! Si oui, il avait raison. Il fallait qu'elle arrête ça immédiatement.

― Je suis confuse. Je ne voulais pas vous mettre mal à l'aise, dit-elle en se reculant aussitôt.

Elle se retourna pour cacher que ses yeux la piquaient alors que des larmes commençaient à y monter malgré elle. C'était stupide, mais elle ne pouvait s'empêcher de le ressentir comme une nouvelle rebuffade intervenant bien mal à propos. Il afficha un air penaud tandis qu'elle sembla visiblement se refermer à nouveau. Même dans la ligne de ses épaules, il voyait une résignation qui lui fit un peu mal.

― Clara, je vous fais de la peine. Je ne veux pas cela mais… comment dire… la bave de Reaper qui reste sur vos vêtements a un effet légèrement perturbateur sur mon système endocrinien.

Intriguée par cette information étrange, elle lui jeta un coup d'œil incertain avant de se redresser pour s'asseoir de côté sur le bord du lit, attendant qu'il veuille bien expliquer. Comme il n'avait pas l'air de vouloir continuer, elle lui demanda si elle devait elle-même s'attendre à des symptômes mais il la détrompa.

― A priori, ça ne devrait pas vous faire quoi que ce soit… En ce qui me concerne, j'ai découvert au cours de mes voyages et diverses mésaventures que je pouvais être affecté de façon plus ou moins intéressante par certaines hormones animales…

― Comme avec le lait de chamelle ? se rappela-t-elle**.

― Ce n'était pas une chamelle mais oui … Ces petits Reapers que nous avons rencontrés sont complètement perdus quand ils sentent votre aura temporelle… Ce sont des créatures assez… simples, hésita-t-il. Ils y lisent des informations contradictoires qui sont vraiment choquantes pour eux. Et pendant qu'ils sont dans cet état paradoxal, ils produisent une toxine qui est abondante dans leur salive. Comme ils partagent avec les Seigneur du Temps la capacité à lire les informations temporelles, je suppose que c'est normal que ça puisse m'affecter…

― Vous êtes un crack en exobiologie !

― Non, je suis docteur en tout… Mais pour ce qui concerne les Reapers, on les étudiait à l'école. N'importe quel petit Seigneur du Temps en aurait su autant…

Elle hocha la tête pensivement et il se prit à rêver qu'il était relativement tiré d'affaire, quand elle ajouta :

― C'est très intéressant, mais concrètement ça vous perturbe comment ? Endocrinien, c'est quoi… chez un Seigneur du Temps ? Pas la même chose que chez les humains, si ?

― Disons que ça dérégule un peu mon humeur.

― Votre humeur… Oui. Elle est bizarre maintenant que vous me le dites. Docteur, êtes-vous en train d'essayer de ne pas dire que cette hormone miracle… vous rend plus gentil ? Ou au moins nettement plus empathique ?

― Plus ou moins, concéda-t-il de mauvaise grâce.

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Elle le regarda encore en silence, à peu près persuadée qu'il lui cachait quelque chose d'important. Elle n'arrivait pas à deviner ce que c'était. Il s'était montré aujourd'hui beaucoup plus prévenant qu'à l'ordinaire. Au début, elle aurait dit qu'il avait quelque chose à se faire pardonner, comme par exemple son très long mutisme de plusieurs mois… Mais c'était peut-être plus grave que ça.

― Vous me cachez quelque chose… Ne craignez pas de me faire encore de la peine, j'ai eu une mauvaise journée, c'est entendu, mais si c'est notre dernier voyage, et bien je le comprendrai… J'ai beaucoup réfléchi, vous savez, après le sauvetage du Corsaire. J'ai fait des efforts pour intégrer vraiment que vous n'étiez plus le même… De très gros efforts. Et aussi des changements en conséquence dans ma vie. Sachez que je serai toujours votre amie, même si nous ne nous revoyons jamais. Ou alors quand je serai très très vieille…

― De quoi diable êtes-vous en train de parler ? demanda-t-il en la fixant d'un air interloqué et vaguement inquiet.

― Vous êtes tout penaud parce que vous n'allez plus voyager avec moi, n'est-ce pas ? Et vous ne savez pas comment me le dire de peur que je me mette à pleurer... Alors vous êtes anormalement aimable… Est-ce que c'est notre dernier voyage ? Vous avez tellement hésité à revenir…

― Une des choses que je ne comprends vraiment pas, lâcha-t-il d'un ton froid, c'est pourquoi vous manquez autant de confiance en vous ! J'aime beaucoup voyager avec vous ! Et… vous me manquez quand vous n'êtes pas là.

― Oh, c'est si gentil ce que vous essayez de faire, dit-elle avec un sourire triste. Cette bave de chauve-souris est vraiment merveilleuse. Écoutez Docteur, je sais bien que vous m'appréciez comme amie, et à ce titre, je vais me permettre de vous parler plus franchement. Le Tardis m'a dit que vous étiez amoureux.

― Quoi ?!

― Bon, c'est vrai que ça n'est pas tellement votre genre, mais c'est bon de savoir que ça peut vous arriver, même comme vous êtes maintenant !... Pas de problème, je peux comprendre car moi aussi j'ai enfin rencontré quelqu'un et ma vie va sans doute se réorganiser…

― Attendez, attendez, pas si vite, dit-il en fronçant les sourcils.

Il vint s'asseoir à côté d'elle, tendu sous le coup de cette nouvelle qui ne lui plaisait pas beaucoup. Il repensa au grand sourire qu'elle avait eu tout à l'heure pour l'autre insomniaque de l'auberge.

― Ne me dites pas que vous allez vous enfuir avec le magicien chinois !? Est-ce que c'est parce qu'il a promis de vous verser un salaire pour être son assistante ? Je peux peut-être m'aligner sur son offre...

― Non, pas du tout ! Mais c'est gentil de me faire rire. Ça me fait du bien.

― Arrêtez de dire je suis gentil ! Recommencez depuis le début et expliquez-moi déjà ce que c'est que cette histoire de Tardis qui vous parle.

Elle baissa les yeux vers ses mains, les épaules voûtées.

― Je suis navrée… Quand je vous ai vu revenir et me proposer ce voyage après tout ce temps, j'ai eu envie de savoir pourquoi. Et comme vous ne m'avez rien expliqué du tout, j'ai demandé au Tardis une fois à bord quel était votre état d'esprit, pour… pour savoir… et bien… à quoi je devais m'attendre. Parce que je ne comprenais pas pourquoi vous reveniez finalement, alors que vous auriez juste pu me laisser là, comme Sarah-Jane… et je suppose bien d'autres compagnes avant et après elle…

Il serra les mâchoires et elle eut peur de l'avoir vraiment fâché. Elle ne voulait pas donner l'air de le juger. Elle avait tout fait pour comprendre. Comprendre qu'il était différent. Comprendre qu'il vivait plus longtemps. Comprendre que ses sentiments pouvaient évoluer…

― Que vous a dit le Tardis exactement ? insista-t-il parce qu'elle n'aurait jamais dû être capable de réellement communiquer avec le vaisseau, surtout sur autre chose que des urgences.

― Ce n'était pas comme une conversation avec l'interface, le prévint-elle avec une légère hésitation. Quand j'ai demandé comment vous alliez avant qu'on ne se rende au village, le Tardis a juste changé la couleur des murs pour un genre de fuchsia… Mettez-vous à ma place ! S'il me répond que vous êtes d'humeur « rose », je ne suis pas idiote, je me doute bien que ça n'a rien à voir avec moi ! Je fais donc la seule déduction possible : pendant votre absence, vous êtes tombé amoureux et préférez maintenant passer du temps avec celle que vous aimez, ce qui est normal. Puis, vous vous êtes souvenu de moi, et vous avez pensé qu'il serait plus poli de me…

Il secoua la tête négativement et la prit aux épaules qu'il pressa doucement.

― Clara, fermez-la maintenant. Non ! Ecoutez-moi. Je ne suis pas revenu tout de suite parce que je voulais que vous puissiez vous reposer un peu… Je ne comptais pas que ça dure autant. Quand je suis rentré au vaisseau après notre précédent voyage, j'ai trouvé Otto qui m'y attendait, et j'ai dû retourner sur Velquesh pour le ramener car il avait fugué. Et puis une fois là bas, j'ai appris que Jack et River avaient quelques soucis, et ils m'en voulaient assez d'avoir tardé à venir. Puis j'ai dû soigner Quentin Cormack qui était si mal en point que je ne pouvais pas remettre ça à plus tard… Tout le temps où j'étais là-bas, ils me demandaient tous ce que j'avais fait de vous, comme s'ils avaient peur eux aussi que je vous aie abandonnée… Quand la situation a été un peu stabilisée pour eux, j'aurais voulu revenir vous voir mais de nouveaux ennemis m'ont dit sans détour qu'ils pourraient s'en prendre à moi, ou à vous… Et je ne savais vraiment pas s'il valait mieux que vous soyez près de moi dans ces conditions…

Elle opina en fermant un peu les paupières d'un air compréhensif et même un peu soulagé. Elle s'était complètement trompée, apparemment. En se faisant des films en noir sur la situation… Maintenant, il n'y avait plus qu'à espérer qu'il ne la cuisine pas trop précisément son amoureux improbable… Le mieux était de l'orienter sur lui. Il adorait ça qu'on lui parle de lui…

― Mais alors le rose c'était pour quoi ?

Il la regarda en soupirant. Vu la chronologie, le « rose » devait être pour River. Mais compte tenu des pensées bien trop intuitives et sombres qu'elle avait en tête, il allait la perdre s'il le lui disait. Et il ne pouvait pas perdre Clara…

― Sommes-nous… assez amis pour que je vous avoue quelque chose de très embarrassant ?

― Absolument ! approuva-t-elle avec un léger sourire.

― Et vous promettez que vous ne vous moquerez pas de moi après ?

― Je le promets, jura-t-elle avec impatience.

― Vous êtes sûre ?

― Docteur !

― D'accord, d'accord… La toxine des Reapers ne me rend pas vraiment plus « empathique ». Elle agit comme un léger aphrodisiaque. Et c'est assez humiliant.

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Voilà il l'avait dit. Ce genre de pari, c'était quitte ou double.Elle le regarda avec une attention curieuse, absolument pas moqueuse, comme si elle réfléchissait à quelque chose. Il s'attendait à ce qu'elle fasse judicieusement remarquer que le rose dans le Tardis était bien antérieur à leurs contacts avec les Reapers… Mais au lieu de cela, dans ses yeux bruns, dansa une flamme qu'il connaissait et qu'il aimait, alors qu'un sourire naissait sur ses lèvres. Celui qu'elle avait quand elle brûlait de lui faire partager une théorie complètement tirée par les cheveux.

― Oh comme vous avez bien fait de me le dire... Car maintenant que je sais ça, je crois que nous avons une nouvelle piste très intéressante sur le magicien chinois ! Si ce que vous me dites est exact… je pense que le Professeur Wu dont le nom ressemble tant à une blague qui vous serait adressée, est lui aussi un Seigneur du Temps !

Très dubitatif, le Docteur sursauta en fronçant les sourcils. Immédiatement, il se mit à protester :

― Quoi ? C'est complètement…

― Oui je sais, ridicule !

― C'est surtout complètement impossible ! corrigea-t-il.

― Expliquez-moi pourquoi il est statistiquement impossible qu'un Seigneur du Temps ait pu survivre à la destruction de votre planète ? Tous les Seigneurs du Temps étaient-ils donc tout le temps sur Gallifrey ? Personne n'allait jamais ailleurs ?

― Nous avons été mobilisés pour faire la guerre. Tous et plusieurs fois.

Éternellement en vérité, ce qu'il s'abstint de préciser. Car même morts, ils étaient sans cesse rappelés depuis une époque antérieure et ré-enrôlés pour se battre encore…

― Aucun déserteur ? Aucun voyageur retenu à un autre endroit à ce moment ? Emprisonné par exemple ?

― Si c'est arrivé mais ce n'est pas ce que je veux dire ! Si le Professeur Wu était un Seigneur du Temps, je l'aurais vu et senti, grâce à son aura temporelle. Or il n'en a pas. Et pour cela, je peux affirmer que c'est un humain tout-à-fait normal !

Clara plissa les yeux et soutint malicieusement avec un petit sourire en coin :

― Mais je suis une humaine normale et vous venez de dire pourtant que j'ai une aura temporelle…

Sans autre commentaire, il lui adressa un long regard expressif et troublant qui signifiait très exactement qu'elle aurait donc dû remettre en question la « normalité » de son humanité… Puis, il s'assit le dos contre la tête de lit en y calant un oreiller, et fit le geste surprenant de lui ouvrir un bras, avec un petit coup de tête invitant pour quelle vienne s'asseoir tout près de lui et qu'il passe un bras autour de ses épaules. Elle ne se fit pas prier mais veilla à ne pas s'appuyer trop. Il déposa un bref petit baiser sur ses cheveux et dit avec une bonne humeur inattendue :

― Bon puisque vous ne dormez plus, faisons le point. Pourquoi croyez-vous que le Professeur puisse être un Seigneur du Temps ? Et que vouliez-vous dire avec son nom "qui ressemble à une blague" ?

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* Par jeu dans cette déviation, j'ai rendu le 12e Docteur fan de Sting : "Don't stand so close to me !"

** Voir "From Vegas with Love I" (chapitre 1)

 

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