Rena, fille de l'Ombre

Chapitre 2 : Infiltration

Par Sinnara_Astaroth

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Rena poussa la porte de la taverne. On lui adressa à peine un regard et sa présence fut rapidement oubliée. Elle salua le tavernier d’un signe de la tête avant d'aller s’asseoir dans un coin de la salle. Les clients étaient bruyants. La plupart batifolait avec les serveuses qui emplissaient l’air de leurs rires stridents et hypocrites en lançant des clins d’œil aguicheurs aux clients les plus séduisants et en attisant les jalousies. Rena avait l’impression qu’à chaque seconde une bagarre allait éclater mais la tension montait puis retombait sans qu’il ne se passe rien. Elle se tassa sur sa chaise, dissimulée dans la pénombre, invisible et silencieuse sans qu'aucun faits ou gestes ne lui échappe. Le tavernier lui apporta une pinte de bière aux relents de pisse de Sabali et une sorte de soupe qui avait l’air encore plus infâme que le plus infâme des plats de Karuto. Il lui jeta un regard de travers mais Rena l’ignora. Elle s’efforça de boire sa bière afin de ne pas éveiller les soupçons. Le liquide, acre et acide à la fois avec un arrière-goût rance, était si infect qu'elle faillit tout recracher.

Elle jeta un regard discret autour d’elle mais ne remarqua rien d’anormal. Une heure passa puis deux. Elle allait capituler et reporter la phase de reconnaissance au lendemain lorsqu'une figure suspecte fit irruption dans la taverne. Il portait un grand manteau et son visage était dissimulé par une écharpe et un chapeau à bords large. Il se dirigea d'un pas vif vers le tavernier avec qui il échangea quelques mots à voix basse. Le chef d'établissement acquiesça puis lui indiqua une porte derrière le comptoir. L’homme le remercia d'un bref signe de la tête avant de franchir la porte et disparaître dans l'arrière-salle. Environ dix minutes plus tard un deuxième homme fit son apparition puis se rendit sans attendre dans la même pièce. Puis encore une dizaine de minutes plus tard ce fut au tour d’une femme de rejoindre les deux autres hommes. Rena était quasi sûre qu’il s’agissait d’une femme car malgré la cape et le chapeau qui cachait son visage elle était de petite taille et portait des sandales à rubans. Douze personnes défilèrent ainsi, neuf hommes et trois femmes. Quelques clients leur jetèrent des regards méfiants. A une table proche de la sienne, Rena réussit à surprendre une conversation entre deux hommes.

— Qu’est-ce que tu crois qu’ils font là-bas ?

— Je sais pas mais il paraît qu’ils cherchent à recruter de nouveaux membres.

—  Recruter des membres ? Pour quoi faire ?

—  J’en sais rien et je veux pas le savoir. Mieux vaut ne pas se mêler de ce genre d’affaire. Moins on en sait, mieux c’est.

Cela mit fin à la conversation mais la gardienne en avait appris suffisamment. Au bout d’une heure et demi quelqu’un sortit enfin de la salle. De la même manière qu’ils étaient entrés, ils laissèrent un certain laps de temps entre chaque sortie. Rena attendit que le dernier d’entre eux quitte la taverne puis elle se leva à son tour, laissa quelques pièces sur la table, puis s'en alla. L’air était frais et humide. Elle aperçut la silhouette de l’homme s’éloigner dans la rue. Elle le prit en filature. Il tourna dans une ruelle, puis encore une autre. L'Ombre continua de le suivre le plus discrètement possible. Il tourna à nouveau dans une ruelle mais lorsqu'elle tourna à son tour il avait disparu. Elle avança un peu, regarda dans les ruelles suivantes, d'abord à gauche puis à droite, mais ne vit personne. Elle s’apprêtait à revenir sur ses pas lorsqu’un bras la saisit par derrière.La pression exercée sur ses clavicules la paralysa tandis qu'on glissait une lame froide sous sa gorge. Elle leva lentement les bras en signe de capitulation. Le bras de l’homme se relaxa un peu mais elle ne bougea pas pour autant. Elle attendit que l’homme parle.

—  Pourquoi tu me suivais ?

—  J’ai entendu dire que vous recrutiez. J’étais intéressée mais je ne savais pas comment aborder le sujet alors je me suis contentée de vous suivre.

—  Qui t’a parlé de ça ?

—  Personne. J’ai entendu ça à la taverne à l’instant.

—  Qu’est-ce que tu sais ?

—  Rien de plus que ce que j’ai entendu, c’est-à-dire que vous cherchiez de nouveaux membres, expliqua Rena calmement, ce qui était la stricte vérité.

—  Tu ne sais pas pourquoi mais tu veux être recrutée ? répéta l’homme avec un ricanement.

—  Oui.

—  Pourquoi ?

—  Parce que je ne suis pas satisfaite de ma situation actuelle. Je viens d’entrer dans la garde d’Eel et je ne fais rien que des missions sans importance. J’ai plus l’impression d’être un laquais qu’autre chose. C’est frustrant et dégradant. Au point où j’en suis, je suis prête à faire n’importe quoi pour avoir un peu plus d’action.

—  Je vois... Alors comme ça t’es une nouvelle recrue ?

Il l’obligea à lui faire face en la tenant fermement par l’épaule tandis que de la pointe de son couteau il fit basculer sa capuche, révélant ainsi son visage. Il l’observa quelques instants puis hocha la tête.

—  Jolie frimousse. Dans quelle garde as-tu été affectée ?

—  La garde de l’Ombre.

L’homme hocha une nouvelle fois la tête avec satisfaction.

— Qu’est-ce que tu sais faire ?

—  Je sais manier le sabre et toutes les armes blanches en général. Je suis discrète et vive et je pratique un peu la magie noire, déclara Rena avec confiance.

Le dernier point était un mensonge mais elle pourrait faire passer ses pouvoirs de yuki-onna pour de la magie noire si l’occasion devait se présenter.

—  De quelle race es-tu ? demande l’homme.

—  Vampire, mentit-elle.

—  Comme cet imbécile de Nevra, hein ? ricana l’homme.

Rena resta impassible en l'entendant mentionner son meilleur ami. Elle soutenant le regard de l’homme sans rien dire. Celui-ci finit par détourner les yeux puis lâcha enfin son épaule.

—  C’est bon, je vais en parler à mes supérieurs. Retrouve-moi demain ici à la même heure. Tu peux rentrer chez toi. Et bien sûr je compte sur ta discrétion.

Rena acquiesça d’un signe de la tête. L’homme lui jeta un dernier regarda avant de tourner les talons et s'engouffrer dans une ruelle sombre. La chance était de son côté, elle espérait que cela durerait. Elle décida qu’il valait mieux ne pas retourner au Q.G tout de suite. Elle retourna à la taverne où elle réserva une chambre auprès du tavernier étonné de la voir de retour si tôt. Il la dévisagea avec méfiance mais changea d'attitude lorsqu'elle lâcha une poignée de pièces d'or sur le comptoir. Il s'empressa de les ramasser en lui servant des compliments mielleux. Elle lui demanda de rester discret et de ne la déranger sous aucun prétexte, ce à quoi il répondit par un vif hochement de la tête. La chambre qu’elle reçut était petite et poussiéreuse mais le lit était en assez bon état. Elle retira ses chaussures, sa cape, et son katana. Elle plaça son poignard sous l’oreiller puis s’écroula sur le lit et sombra aussitôt dans un sommeil sans rêves.


***

   

Ezarel se réveilla d’excellente humeur. Il se dirigeait vers le réfectoire en sifflotant lorsqu’il fut interpellé par Alajéa. C’était une jeune femme assez petite, un sirène plus Exactement, mais elle avait troqué sa queue pour une paire de jambes. Elle était toujours en train de faire des simagrées, sa maladresse était légendaire, et elle était beaucoup trop bavarde et collante au goût de l'Absynthe.

—  Ezarel ! Je te cherchais ! s'exclama-t-elle de sa voix suraiguë.

—  Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-il en affichant un air ennuyé.

—  C’est Séraphina, elle veut te voir au labo immédiatement.

—  Qu’est-ce qu’il se passe ?

—  Je sais pas, mais elle a vraiment pas l’air contente, répondit la sirène en se mordant la lèvre.

Ezarel fronça les sourcils. Il ne voyait pas ce qu’il avait pu faire pour déplaire à la capitaine mais il s’empressa néanmoins de rejoindre le laboratoire. Lorsqu’il entra, cette dernière l’attendait les bras croisés en tapant nerveusement du pied comme un Pimpel parkinsonien.

—  Vous vouliez me voir, capitaine ? demanda Ezarel sans se démonter.

—  Tu étais ici hier ?

—  Oui, je suis venu préparer les potions d’énergie que vous m’aviez demandées.

—  Tu ne saurais pas où est passée la potion de transformation de métamorphose spontanée semi-permanente ?

—  La potion de… capitaine, il faudrait vraiment que vous songiez à trouver des noms plus courts pour vos potions, releva Ezarel d’un air blasé.

—  Là n’est pas le propos ! répliqua Séraphina qui s’impatientait de plus en plus.

—  Désolé. Et bien je ne sais…

C’est alors qu’Ezarel se souvint de la conversation qu’il avait eu avec Rena la veille. Elle lui avait posé des questions sur les potions de transformation et semblait intéressée par le contenu de l’armoire. Ce serait elle qui…

—  Ezarel ? appela Séraphina en le tirant ainsi de ses pensées.

—  Ah oui je me souviens ! Je suis vraiment désolé, j’ai renversé une fiole en rangeant les potions d’énergie hier, ça devait être ça. Je referai la potion s’il le faut.

—  Ezarel ! Ce n’est pas une potion que tu peux réaliser à ton niveau ! Sais-tu combien de temps il faut pour réaliser une telle potion et à quel point les ingrédients nécessaires sont rares ?

—   Je suis vraiment désolé, ça ne se reproduira plus.

—  C’est bon, hors de ma vue ! ordonna-t-elle avec irritation en le chassant d’un geste de la main.

L'elfe s’inclina légèrement et sortit sans rien ajouter. Rena… il fallait qu’il la trouve. Il frappa à la porte de sa chambre. Pas de réponse. Il actionna la poignée mais la porte était fermée à clé. Il interrogea quelques membres de la garde de l’Ombre mais personne ne l'avait vue. Il croisa Keroshane qui affichait clairement son mécontentement. Ezarel n'avait que faire de la licorne transie et pleurnicheuse mais il s'enquit néanmoins de son état et celui-ci lui apprit qu'on avait fouillé dans ses parchemins d’alchimie sans son autorisation. Le regard d’Ezarel s’assombrit. La gardienne était introuvable et il ne savait plus quoi faire. La seule personne susceptible de savoir où elle se trouvait était Nevra. L'Absynthe décida de ravaler sa fierté et se lança à la recherche de Nevra. Il le trouva dans les jardins, entouré d’un groupe de jeunes filles hystériques gloussant comme des dindes avec de la farce à la place du cerveau à chacune de ses paroles.

—  Nevra ! appela Ezarel d’une voix forte et ferme.

Ce dernier leva des yeux surpris vers l'elfe. Il dit quelque chose aux filles qui poussèrent un cri de protestation mais le laissèrent s’éloigner en échangeant des murmures excités entre elles. Il s’avança vers Ezarel, les bras croisés en signe de défiance, l’air de dire qu’il ne serait pas le premier à parler. Son rival était extrêmement irrité par ce comportement de coq de basse-cour et il s'efforça de faire preuve de maturité. Une fois n'est pas coutume.

—  Est-ce que tu as vu Rena aujourd’hui ?

—-  Bah alors l’elfe, on a perdu sa petite copine ? lança-t-il avec un sourire sardoniaque.

—  Épargne-moi tes sarcasmes, rétorqua Ezarel avec dédain, il faut absolument que je la trouve et personne ne l’a vue depuis hier. Je ne trouve pas Mika non plus.

—  Je ne sais pas non plus, je ne les ai pas vus depuis hier, répondit Nevra en haussant les épaules. Elle a peut-être envie d’être seule de temps en temps. Quand elle voudra te voir elle te le fera savoir.

—  Je ne te remercie pas pour ce conseil empreint de sagesse et de perspicacité, rétorqua Ezarel avec amertume.

Le jeune elfe tourna les talons, laissant son collègue songeur. Il avait reçu le rapport de Rena hier et il savait qu’elle avait mis la main sur une potion de transformation mais elle avait été trop imprudente de la voler sous le nez d’Ezarel. S'il continuait à fouiner comme ça, Nevra allait être obligé d’intervenir. Il ignora les filles qui le suppliaient de rester avec elles et retourna dans sa chambre. Il remarqua que Mika était de retour. Il était sorti tôt ce matin, sans doute appelé par sa maîtresse. Un message était accroché à sa patte. Le vampire détacha le rouleau de papier et donna un lézard rouge au seryphon en récompense. Il déroula le message qu'il lut attentivement. Ses craintes étaient confirmées. Il y avait bien un groupe dissident qui s’était formé au sein de la garde de l’Ombre. La bonne nouvelle était que Rena avait réussi à les infiltrer avec succès. Enfin si on pouvait appeler ça une bonne nouvelle. Nevra était inquiet. Il savait que son amie était la meilleure dans ce domaine mais il ne pouvait pas s’empêcher d’avoir un mauvais pressentiment. Nevra brûla le message en espérant que la jeune femme serait prudente et ne prendrait pas de risques inconsidérés.


***


Rena n’avait dormi que quelques heures. Elle s’était levée tôt puis avait fait venir son familier d'un simple signal télépathique. Elle avait rédigé son rapport en langage crypté, un code que seul Nevra pourrait déchiffrer, puis avait chargé son familier de le lui apporter. Elle avait ensuite fait monter son petit déjeuner par le tavernier, une sorte de porridge insipide et plein de grumeaux. Elle mangea tout, elle devait prendre des forces. Elle avait eu des doutes sur l'efficacité de la potion mais son apparence n'avait pas changé. Elle était désormais certaine que seule l'incantation pouvait en dissiper les effets, ce était plutôt une bonne chose. La gardienne n’ayant rien de particulier à faire, elle décida de dormir le reste de la journée car la nuit serait sans doute longue. Elle fut réveillée par des bruits provenant de la salle au rez-de-chaussée. Lorsqu’elle ouvrit les yeux la nuit était déjà tombée. La taverne était en train de se remplir. Elle se leva, s’étira, puis s’habilla. Elle prit son katana qu'elle dégaina pour vérifier l'état de la lame, l'acier luisant à la lueur de la bougie. Elle fit quelques gestes, fendant l’air d’un geste vif et précis, puis rengaina. Une vieille habitude. Un rituel que lui avait transmis son maître avant chaque combat ou mission importante. Rena sortit par la fenêtre. Elle se hissa sur le toit puis huma l’air frais en levant les yeux vers le ciel étoilé. Elle descendit du toit pour atterrir dans une ruelle sombre à l’arrière du bâtiment. Elle rejoint ensuite la rue principale puis entra dans la taverne comme si elle venait d’arriver de l’extérieur. Le tavernier lui jeta un bref regard mais tint sa langue. Elle alla s’asseoir au même endroit que la veille et on lui servit la même boisson imbuvable. Le rituel de la veille se répéta. Les uns après les autres les conspirateurs, si c’est ce qu’ils étaient, se rendirent dans l’arrière-salle. Une fois de plus, Rena attendit que le dernier d’entre eux ait quitté la taverne avant de sortir à son tour. Cette fois-ci elle ne tenta pas de le suivre mais prit un raccourci pour rejoindre directement le lieu de rendez-vous. Il valait mieux qu’elle arrive avant lui si elle voulait éviter d’éveiller ses soupçons. Elle entra dans la ruelle sombre et déserte. Quelques minutes après, l’homme de la veille fit son apparition. Cette fois-ci, il retira son chapeau et montra son visage. Rena était sûre qu’il faisait partie de la garde de l’Ombre, elle l’avait déjà croisé plusieurs fois. Il la salua d’un signe de tête et elle fit de même.

—  J’ai parlé à notre chef et il est d’accord pour qu’on t’intègre au groupe. Une réunion aura lieu demain au Pendu. Voici l’heure à laquelle tu devras venir et voici un laisser-passer à remettre au tavernier.

Elle accepta gracieusement le papier que lui tendait l’homme puis le glissa dans sa manche. L’homme s’en alla aussitôt. Rena retourna dans la petite ruelle sombre et sale derrière la taverne. Elle décida de passer par le toit pour regagner sa chambre. Elle était montée sur une pile de caisses avec l'intention de se hisser sur le toit lorsqu’une voix grave et profonde retentit derrière derrière elle.

—  Ce n’est pas très bien de faire ça, on dirait une voleuse.

Rena fut tellement surprise qu’elle faillit lâcher prise et tomber. Elle se rattrapa de justesse, atterrit sur les caisses, poussa un soupir soulagé... trop tôt. Son pied glissa et elle tomba à la renverse. Elle laissa échapper un petit cri de surprise mais alors qu'elle s'était préparée à l'impact, sa chute fut brusquement stoppée. Celui qui avait causé son dérapage venait de la rattraper. Elle reprit ses esprits puis se tourna vers son interlocuteur. Il faisait sombre pour qu'elle puisse voir son visage mais malgré sa cape de voyage elle devinant qu’il était grand et plutôt musclé.

—  Qu’est-ce que tu faisais ? lui demanda-t-il sans détour.

—  J’essayais de rentrer dans ma chambre, répondit-elle sans réfléchir.

—  Pourquoi tu veux rentrer dans ta chambre par la fenêtre ? Tu n’es pas un Crowmero.

—  Ça ne te regarde pas, répliqua-t-elle agacée. Je t’en pose des questions moi !

—  Désolé.

Un silence s’installa entre eux. Rena, à bouts de nerfs, lança brutalement :

— Qu’est-ce que tu veux ?

—  Une chambre.

—  Une chambre ?

—  Oui. J’ai demandé ici mais on m’a dit qu’ils étaient complets. C’est la quatrième auberge que je visite et il n’y a de la place nulle part.

Rena trouvait cela étrange. Elle n’avait vu personne d’autre à l’étage et aucune chambre ne semblait occupée à part la sienne. 

—  Tu n’es pas de la cité. D'où viens-tu ?

—  D’une région voisine.

—  Quand est-ce que tu es arrivé à Eel ?

—  Il y a deux jours.

—  Qu’est-ce que tu es venu faire ici ?

—  Je veux intégrer une des gardes mais on m’a dit que c’était impossible.

—  Pourquoi ?

—  Je ne suis pas comme les autres…

Rena resta silencieuse. Elle trouvait cela intriguant mais elle n’avait pas le temps de s’occuper de cela même si elle avait du mal à refréner sa curiosité.

—  Comment tu t’appelles ?

—  Valkyon.

—  D’accord. Viens avec moi, je vais te trouver une chambre.

Ne se le faisant pas dire deux fois, le prénommé Valkyon emboîta le pas à la jeune femme qui le fit entre dans la taverne. Le propriétaire fit une drôle de moue lorsqu’il reconnut l’homme qu’il avait refoulé quelques instants plus tôt.

—  Tavernier, une chambre pour mon ami ici présent, s’il-vous-plaît, lança Rena d’un air détaché.

—  Je suis désolé mais ce n’est pas possible, nous ne pouvons pas accueillir cet individu, commença à bégayer l'homme en se tordant les mains avec nervosité.

—  Dans ce cas je suppose que cent cinquante pièces ça ne vous intéresse pas ?

Vous avez dit cinq-cents ? s’exclama-t-il, les yeux ronds comme des écus. Je suppose que je peux faire une exception… mais une nuit seulement ! Vous pouvez prendre la chambre que vous voulez.

—  Très bien.

La gardienne lui remit une bourse remplie de pièces d’or que l'homme saisit avec avidité. Elle guida ensuite l'étranger à l’étage, le tavernier étant bien trop occupé à compter ses pièces d’or pour se soucier de son client. Une fois dans le couloir, sous la lumière des torches, elle pu observer le visage de Valkyon plus attentivement. Il avait des cheveux mi-longs presque aussi blancs que les siens avec des reflets argentés, des yeux dorés animés d'une lueur vive, à la fois douce et chaleureuse, qui contrastait avec son expression froide et sérieuse, et une peau mate, tannée par le soleil aride d'une région désertique. Ses bras puissants laissait deviner qu'il avait l'habitude de manier des objets lourds mais pas des armes, plutôt des outils. Il n'avait pas la carrure d'un guerrier mais celle d'un travailleur manuel même si la jeune femme trouvait qu'une claymore aurait été du plus bel effet entre les mains calleuses de ce brave gaillard. Elle continua à l'examiner de la tête au pied sans ce soucier de la gêne que devait ressentir le jeune homme sous son regard insistant, puis finit par dire :

—  Tu es un faelien n’est-ce pas ?

—  Oui, toi aussi tu as remarqué.

—  Ça se voit… enfin ça se sent. Il y a quelque chose d’humain qui émane de toi. C’est troublant.

—  Toi aussi tu as peur de moi ?

—  Non. D'ailleurs, je ne pense pas que les gens ont vraiment peur de toi. Ils se méfient juste de ce qu’ils ne peuvent pas comprendre. Tu ne devrais pas faire attention à eux.

—  Tu es la première personne à me dire ça.

—  Je ne fais que dire ce que je pense. Tu veux vraiment intégrer la garde d’Eel ?

—  Oui, c’est pour ça que je suis venu jusqu’ici.

—  Je vois. Mais ce ne sera pas facile, surtout pour toi.

—  Je sais mais je ne vais pas abandonner.

—  Ça j’ai bien compris, soupira-t-elle avec lassitude. Je vais te faire une lettre de recommandation que tu apporteras à la garde demain. Tu dois la remettre à Miiko, la chef des gardes ou à un des membres de la garde Étincelante, et à personne d’autre. C’est bien compris ?

—  Miiko ou un membre de la garde Étincelante. D'accord.

—  Attends-moi ici je reviens.

Rena se mit aussitôt à rédiger la lettre de recommandation. Elle ne savait rien de Valkyon mais elle avait été convaincue par sa détermination et son enthousiasme qui pourraient être un atout pour la garde. Elle était également pressée de se débarrasser de lui, sa présence risquant de mettre en péril sa mission. Elle signa «

Rena, troisième siège de l'Ombre et vice-capitaine de l'EIAS

» puis cacheta soigneusement la lettre. Elle remit ensuite la missive à Valkyon qui la remercia d'un bref signe de la tête puis lui souhaita bonne nuit avant de regagner sa propre chambre. Rena fit de même, heureusement de pouvoir s'accorder quelques heures de sommeil. Elle écrirait son rapport plus tard.


***



C’était la première fois de puis son arrivée à Eel que le faelien avait aussi bien dormi. Un nouveau jour plein d'espoir se levait sur la cité. Il rangea soigneusement sa lettre de recommandation dans sa besace avant d'aller frapper à la porte de la chambre de la jeune fille qui l’avait aidé la veille. Celle-ci ouvrit la porte presque aussitôt, l’air fatiguée et tendue.

—  Je vais me rendre au Q.G, je voulais juste te dire au revoir et te remercier pour tout.

—  Ah oui, c’est vrai. Eh bien, de rien et bonne chance. Si tu parviens à intégrer la garde, on aura l’occasion de se revoir.

—  Ah bon ? Toi aussi tu fais partie de la garde ?

—  Évidemment, sinon cette lettre de recommandation n’aurait aucune valeur.

—  C’est vrai, j’aurais dû y penser.

—  Tu ne m’as pas l’air très vif. T’es sûr que ça va aller ?

Valkyon leva un sourcil en lui jetant un regard désapprobateur.

—  Désolée, finit par dire Rena, je n’aurais pas dû dire ça, c’était déplacé.

—  Ce n’est pas grave, je ne t’en veux pas. C’est vrai que je peux être un peu lent, admit-il avec un sourire timide. Bon, je dois y aller. Au revoir.

—  Au revoir.

Valkyon se demandait ce que qu’un membre de la garde faisait dans une auberge miteuse et malfamée avant de conclure que cela ne le regardait. Il prit le chemin du Q.G. Tout était nouveau pour lui et il était impatient de découvrir sa future demeure. Il venait à peine de mettre les pieds dans le hall d’entrée qu’il fut arrêté par un des gardiens. C’était un elfe assez jeune - même si avec les elfes on ne pouvait pas trop savoir quel âge ils avaient - il avait les cheveux bleus et les yeux vert turquoise, le tout emballé dans une tenue elfique complexe et raffinée. Toutefois, ce qui frappa le plus Valkyon, c’était les énormes cernes sous ses yeux. On aurait dit que ça faisait plusieurs nuits qu’il n’avait pas dormi.

—  Qu’est-ce qu’un faelien comme toi fait ici ? demanda l’elfe avec agressivité.

—  Je veux intégrer la garde d’Eel. J’ai une lettre de recommandation. On m’a dit de la remettre à Miiko ou à un des membres de la garde Etincelante.

—  Qui t’as fait cette lettre ?

—  Je ne connais pas son nom, je l’ai rencontrée hier.

—  Ce n’est pas très convaincant.

Le faelien resta silencieux.

—  Miiko et tous les membres de la garde Etincelante sont occupés en ce moment, continua Ezarel avec lassitude.

—  J’attendrai que quelqu’un se libère alors.

Une voix retentit dans le hall.

—  Hé ! L’elfe ! T’as pas mieux à faire que d’embêter les candidats au recrutement ?

L’intéressé jeta un regard noir à son interlocuteur puis haussa les épaules avant d'aller voir ailleurs si le vampire n'y était pas tout en ignorant elfiquement le faelien. Nevra en profita pour se précipiter vers Valkyon.

—  Bonjour, je m’appelle Nevra. Il semblerait que tu aies une lettre de recommandation ?

—  Oui.

—  Je peux la voir ?

—  Ça dépend. Tu fais partie de la garde Etincelante ?

—  Bien sûr ! Tu ne vois pas à quel point je suis étincelant ? Je brille même au soleil !

Valkyon lui jeta un regard dubitatif. Ce Nevra était vraiment un drôle d’individu. Le jeune homme n’était pas sûr de ce qu’il devait faire mais il commençait à en avoir marre d’être planté là et songea qu'il irait aussi vite à lui remettre la lettre.

—  Merci ! lâcha gaiement le vampire en s’emparant de la lettre et en la décachetant avec empressement.

Il la lut rapidement et soupira.

—  D’accord, je vais en parler à Miiko. Tu pourras repasser en début d’après-midi.

—  Très bien. Merci.

—  Ah ! Juste un petit conseil pour la route. La personne qui t’as fait cette lettre, ce serait bien que tu n’en parles à personne.

—  Je suis quelqu’un discret, je ne compte pas parler de quoi que ce soit à qui que ce soit.

—  Tant mieux, approuva Nevra avec un sourire féroce qui découvrit ses canines acérées.

Un frisson avait assombri son âme l'espace d'un instant. Valkyon avait un mauvais pressentiment. Ce n'était pas son comportement ou son physique qui le perturbait, c'était son aura. Il dégageait quelque chose de sombre et d'inquiétant. Une odeur de sang et un relent de souffre. Il avait eu une drôle de sensation en rencontrant Rena mais c'était différent. L'aura de la jeune femme était plus rassurante et lumineuse même s'il avait ressenti une froideur implacable dont il valait mieux se méfier. Il ignorait pourquoi ces deux-là lui avait fait un tel effet. Au fond, tout cela était sans importance. Tant qu’il pouvait intégrer la garde, il était prêt à faire face aux phénomènes les plus bizarres.


***



"C’était moins une !" pensa Nevra, soulagé d’avoir pu intercepter la lettre à temps. Encore un peu et la mission de Rena aurait été compromise. Par tous les diables, à pensait-elle en agissant de la sorte ? Enfin, c’était bien son genre de venir en aide à quelqu’un comme Valkyon. Si seulement elle pouvait ne pas oublier que la mission devait passer avant tout. Heureusement qu’elle s’était elle-même aperçue du risque que cela comportait et qu’elle l’avait prévenu à temps. Une fois dans sa chambre, à l'abri des regards indiscrets et des oreilles espionnes, il recopia la lettre de recommandation qu'il signa de son propre nom. Il détruisit l'original qui comportée la signature de Rena puis remit l'autre à Miiko. Elle la lut rapidement avant de donner son approbation. Elle en profita pour charger Nevra de guider le nouveau et de lui expliquer les règles. Le vice-capitaine trouvait cela extrêmement pénible mais il n'avait pas vraiment le choix. Un ordre de la kitsune en chef ça ne se refusait pas et il fallait qu'il couvre son amie. Il retrouva Valkyon en début d’après-midi et lui exposa rapidement le fonctionnement des gardes.

—  Miiko a accepté ta candidature mais il faut encore que tu passes le test de personnalité. Ça se passe dans la bibliothèque là-haut, dit-il en désignant une porte du pouce. C’est Keroshane qui te fera passer le test. Il est déjà prévenu donc tu peux aller l’attendre là-bas. Si tu as des questions c’est à lui qu’il faudra les poser ou aux membres de ta garde. Je fais partie de la garde de l’Ombre mais je suis très occupé donc si jamais tu atterris dans la même garde que moi, ce que je n’espère pas, demande à quelqu’un d’autre.

—  D’accord. Merci.

Valkyon se dirigea vers la bibliothèque tandis que le vampire retournait vaquer à ses affaires. Il apprit plus tard que le faelien avait été affecté à la garde Obsidienne. Tant mieux. La garde de l’Ombre n’était pas l’endroit le plus sûr en ce moment et mieux valait éviter d’impliquer une nouvelle recrue. Il n'y avait plus qu'à espérer que Rena découvre quelque chose de concret afin de régler cette affaire au plus vite et si possible sans effusions de sang.




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