Rena, fille de l'Ombre

Chapitre 4 : Le calme avant la tempête

Par Sinnara_Astaroth

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La yuki-onna, l’elfe et le vampire étaient tous les trois assis à une table dans la bibliothèque, un parchemin déroulé devant eux et une plume à la main.   

—  J’en peux plus… Tuez-moi… gémit Nevra en s’étalant de tout son long sur la table.

—  Ce serait avec plaisir, répondit Ezarel sans lever le nez de son parchemin, mais je n’ai pas envie d’avoir à écrire un rapport de plus.

—  Nevra, tu devrais prendre ton statut de capitaine de l’Ombre plus au sérieux, fit remarquer Rena. C’est à toi de montrer l’exemple maintenant que tu es à la tête de la garde.

—  Pffff… j’en ai déjà marre d’être capitaine, soupira le gardien en s’écrasant un peu plus contre la table. Miiko abuse. Comment elle peut me nommer capitaine juste comme ça du jour au lendemain ? J’étais pas préparé psychologiquement.

—  J’échange ma place contre la tienne quand tu veux, rétorqua l’elfe, agacé par les jérémiades du vampire. Moi ça fait longtemps que je suis préparé psychologiquement mais Séraphina ne semble pas décidée à prendre sa retraite.

—  Je suis sûre que si elle te fait bosser autant, c’est parce qu’elle t’a choisi comme successeur, le rassura Rena. Quand elle jugera que tu es prêt, elle cèdera sa place.

Elle se tourna ensuite vers Nevra.

—  Tu sais bien que tu es le seul en qui Miiko a confiance. Et après ce qu’il s’est passé avec Rurik, on ne peut pas lui reprocher d’être méfiante. Malgré tout ce qu’elle a accompli pour la Garde, il y a encore des dissensions et des gens qui n’approuvent pas sa façon de diriger. Elle a besoin de soutien et elle veut être sûre qu’on ne la poignardera pas dans le dos.

—  Elle aurait tout aussi bien pu te nommer toi, fit remarquer le vampire.

—  Je n’ai pas ton charisme ni ton sens du leadership. Les gens sont naturellement attirés par toi alors qu’ils ont tendance à me fuir.

—  C’est parce que t’es aussi froide qu’un glaçon, répliqua son ami en haussant les épaules. Si tu te déridais un peu, les gens verraient que tu n’es pas si inaccessible que ça. Tu es ma vice-capitaine maintenant, alors il va falloir faire un effort.

—  Ben vas-y ! Dis que je suis coincée aussi ! s’offusqua Rena en lui jetant un regard noir. D’abord, si je le voulais, je pourrais devenir capitaine de l’Etincelante.

Ezarel et Nevra échangèrent un bref regard avant d’éclater de rire.

—  C’est sûr que ça nous changerait de Miiko, répliqua Nevra, hilare. Même si je ne crois pas qu’on gagnerait au change.

—  Je ne crois pas non plus, renchérit Ezarel en secouant la tête comme si c’était la chose la plus ridicule qu’il avait jamais entendu.

—  Vous êtes vraiment des connards !  

—  Roh fais pas ta tête ! T’es pas belle quand tu boudes ! la taquina Nevra en lui chatouillant le visage du bout de sa plume.

—  Et toi t’es chiant, rétorqua Rena en lui arrachant la plume des mains. Fais nous plutôt lire ce que tu as écrit.

Le vampire lut son rapport à voix haute. Il avait poussé la synthèse un peu trop loin en omettant des détails somme toute importants.

—  Ce n’est pas assez précis, conclut Ezarel d’un ton catégorique. Miiko a dit qu’il fallait tout noter en détail.

—  Oui, bah j’ai noté le plus important. On s’en fiche des détails. Je ne vais pas non plus noter combien de fois je me suis gratté le nez ces trois derniers jours. T’as fait mieux que moi peut-être, l’Elfe ?

Le rapport d’Ezarel était très minutieux, un peu trop même. Il avait tout raconté en détail, y compris le fait qu’il avait embrassé Rena lorsqu’elle était revenue à elle.

—  Ezarel ! s’écria sa compagne, les joues en feu. T’es pas obligé de noter ça !

—  Miiko a dit de tout noter, répliqua-t-il avec un sourire espiègle. Et c’était clairement le meilleur moment de cette soirée de merde.

—  T’essaierais pas juste de te vanter là ? fit Nevra en lui jetant un regard de travers. On a compris que c’était le grand amour entre vous mais y a des trucs à censurer. Et tu risques d’énerver Miiko, elle est assez sensible au fait qu’elle soit toujours célibataire malgré son âge.

—  Son âge… ? Nevra tu ne devrais pas dire des choses pareilles, tu vas vraiment finir par te faire tuer, dit Rena en laissant échapper un petit rire nerveux.

—  Toi aussi t’es célibataire, lui rappela Ezarel sur le ton du constat. T’as qu’à faire des avances à Miiko. Je suis certain qu’au point où elle en est, elle accepterait n’importe quoi.

—  Si vous tenez autant à mourir tous les deux, ce sera sans moi ! lâcha Rena qui savait à quel point leur générale pouvait être susceptible, caractérielle et rancunière.

—  Miiko ? Non mais ça va pas la tête, plutôt rester célibataire toute ma vie ! s’exclama Nevra en frissonnant. Et entre nous, elle est beaucoup trop poilue à mon goût, leur souffla-t-il en se couvant la bouche d’une main.

—  Il en faut pour tous les goûts, railla Ezarel avec un sourire narquois. M’enfin… ce n’est pas ce qui manque les filles ici. Tu trouveras bien fourreau à ton poignard.

—  T’as l’esprit encore plus mal placé que moi.

—  Celle qui a l’esprit le plus mal placé ici, c’est celle qui est en train s’étouffer de rire en imaginant je ne sais quelles situations salaces.

—  Pardon, s’excusa la yuki-onna en essayant de retrouver son sérieux.

—  Moi qui te croyais pure et innocente… se désola Nevra en poussant un profond soupir.

—  Elle est aussi pure et innocente qu’un loup déguisé en agneau, se moqua Ezarel avec un sourire en coin. On ne devient pas assassin de la garde en étant un ange.

—  C’est pas faux, admit le vampire d’un signe de la tête. Je me demande si mon âme sœur se trouve quelque part dans ce monde ou dans un autre… Quelqu’un de pas très pur ni de très innocent qui serait capable de me comprendre et de partager ma vision du monde.

—  Je ne sais pas ce qu’il se passe dans ton autre monde mais dans celui-ci on est censé finir notre rapport avant la fin de la journée.

—  Vous n’avez qu’à mettre vos rapports en commun et comparer vos notes, suggéra alors Rena. Ezarel enlève les détails… inutiles. Nevra appuie-toi sur le rapport d’Ezarel pour rajouter quelques détails importants qui ont pu t’échapper.

—  D’accord, on n’a qu’à faire ça, acquiesça le nouveau capitaine de l’Ombre.

La relation entre les deux hommes s’était nettement améliorée. Bien qu’ils continuassent à se lancer des piques de temps en temps, toute trace d’animosité avait disparu, ce qui était bien plus agréable pour tout le monde. Rena reprit l’écriture de son rapport. Ayant été au centre de la mission, elle avait beaucoup de chose à noter C’était vraiment une tâche vraiment barbante mais nécessaire. Elle trempa sa plume dans l’encrier puis se mit à gratter le parchemin. Quelques minutes plus tard, Ykhar fit irruption dans la bibliothèque en soufflant, les joues rougies par l’effort. C’était une petite brownie pleine de vie que Miiko avait pris sous son aile. Elle faisait partie de la garde Etincelante et gérait la Bibliothèque d’Eel en compagnie de Keroshane. Rena, qui avait eu l’occasion de lui parler à plusieurs reprises, l’aimait bien. Ykhar parlait beaucoup et l’Ombre était douée pour écouter. La brownie lâcha un tas de rouleaux sur une table dans un coin de la salle, salua brièvement Rena d’un signe de la main, puis ressortit comme une furie.

— Elle n’arrête pas depuis ce matin, nota Ezarel.

—   Miiko lui a demandé de prendre les témoignages de tous les membres de la garde de l’Ombre et de tous ceux impliqués dans l’affaire. Pas étonnant qu’elle soit débordée, compatit Rena.

—  Il parait que le pas si petit nouveau, Valkyon, l’assiste dans sa tâche, leur apprit Ezarel sur le ton du constat.

—  Qu’est-ce qu’il fait ? Il oblige les témoins à dire la vérité en les intimidant ?

—  Nevra ! protesta la yuki-onna. Ne sois pas si désobligeant. Valkyon est très gentil.

—  J’ai pas dit qu’il n’était pas gentil, j’ai dit qu’il était intimidant. Enfin pas que moi il m’intimide…

—  Quoi qu’il en soit, j’espère qu’il ne va se laisser noyer par le flot de paroles incessant d’Ykhar, répliqua l’Absynthe sans montrer le moindre signe d’inquiétude.

—    Il n’est pas très bavard et Ykhar parle tout le temps, c’est le duo parfait.

—   Vous êtes de véritables commères, s’exclama leur compagne en faisant mine d’être scandalisée.

—  Le savoir c’est le pouvoir, ma chère Rena, lui dit Nevra en lui faisant un clin d’œil, ce qui donna un effet assez étrange puisqu’il n’en avait plus qu’un.

—  Si tu avais le pouvoir de te taire et de finir ton rapport, ce serait pas mal non plus, rétorqua Ezarel moitié agacé, moitié moqueur.

—  C’est bon j’ai compris, s’exclama le vampire en levant les bras au ciel en signe de capitulation.

Il prit un parchemin vierge et entreprit d’écrire de nouveau son rapport. La nuit commençait à tomber lorsqu’ils remirent leur rapport à Keroshane. L’unicorne semblait toujours en vouloir à Rena d’avoir fouillé dans ses parchemins. Elle lui tendit son rapport en s’excusant une nouvelle fois.

—  Je suppose que tu ne serais pas une Ombre digne de ce nom si tu n’étais pas capable de tromper tes alliés aussi bien que tes ennemis, répondit-il en lui lançant un regard lourd de sens.

Elle lui offrit un dernier sourire désolé, consciente que le bibliothécaire n’appréciait pas le mensonge ou la tromperie, et par conséquent se méfiait des Ombres comme de la peste.


***


Ezarel raccompagna la yôkai jusqu’à sa chambre. Comme à chaque fois, il resta sur le pas de la porte et attendit qu’elle lui souhaitât bonne nuit avant de retourner à ses propres quartiers.

—  Tu veux entrer ? proposa alors Rena en l’invitant à franchir la limite qu’il n’avait jamais osé dépasser.

Il la dévisagea avec surprise et embarras. A quoi pensait-elle ? Son visage ne trahissait aucune émotion et son ton était neutre. Pourtant, cette invitation était parfaitement inattendue. En six mois de relation, c’était la première fois qu’elle daignait le laisser entrer dans sa chambre. Il hésita un moment. Il fallait qu’il arrête de réfléchir autant. Il devait sûrement surinterpréter ses intentions… mais si elle s’attendait à plus, comment devait-il agir ? Est-ce qu’il devait lui dire que c’était trop tôt et prendre le risque de la blesser ? Elle lui en voudrait sûrement… Encore que, Rena n’était pas rancunière. C’était quelqu’un d’assez compréhensif, elle comprendrait qu’il ne veuille pas précipiter les choses. D’un autre côté, six mois c’était long… mais à l’échelle de la vie d’un faery, ce n’était rien.

—  Ezarel ? Ez’, t’es avec moi ? interrogea sa petite amie en agitant la main devant le regard figé de l’elfe.

Il se ressaisit aussitôt puis prit un air plus assuré, l’ombre d’un sourire moqueur passant sur son visage.

—  J’étais juste en train d’imaginer tous les trésors que j’allais pouvoir dénicher dans l’antre du dragon, dit-il avec une pointe de sarcasme dans la voix. Je me sens honoré que la reine des glaces m’invite dans son château. Si j’avais su, j’aurais mis mon costume de cérémonie.

—  Roh c’est bon, rétorqua Rena, piquée au vif. T’es pas obligé d’en faire trois tonnes. Je ne faisais que respecter la limite que tu as imposée concernant, je cite, « nos espaces vitaux respectifs » mais je ne pensais pas que tu étais coincé à ce point. C’est juste une chambre et elle est bien rangée alors promis, tu ne verras rien d’indécent qui traîne. Mais des fois, je te jure… tu devrais prendre exemple sur Nevra.

En voyant l’expression fermée de l’elfe, la jeune femme songea qu’elle avait peut-être poussé le bouchon un peu trop loin.

—  Hm… donc ce que tu veux, en somme, c’est que j’envahisse ton intimité ?

—  Ben je sais pas… t’es déjà entré dans ma tête sans mon autorisation. Je pense que niveau envahissement de l’intimité, on ne peut guère faire mieux. Donc je pense qu’à ce stade-là, je peux te laisser entrer dans ma chambre.

—  Sauf que ce n’est pas de ta chambre dont je parlais… répliqua Ezarel qui avait retrouvé son grain de malice.

—  De quoi alors ? demanda naïvement Rena.

Alors qu’elle finissait sa phrase, elle comprit enfin le sous-entendu et se sentit alors tout aussi bête que gênée

—  Rien, fit Ezarel en détournant le regard, une nouvelle fois vague et lointain. M’enfin, je trouve tout ça un peu louche quand même.

—  Ben dans ce cas n’entre pas ! rétorqua Rena, agacée. Bonne nuit !

Elle tourna les talons puis claqua la porte derrière elle, laissant tout juste le temps à Ezarel d’entendre un « Idiot ! » exaspéré. L’elfe se retrouva tout seul dans le couloir, les bras ballants et l’air très con. Il avait pris le chemin de sa chambre lorsqu’il fit brusquement demi-tour, se planta devant la porte de Rena, prit une grande inspiration, puis l’ouvrit à la volée, faisant une entrée triomphale et fracassante dans la chambre.

—  Qu’est-ce que tu fous ? s’indigna la jeune femme en lui faisant les gros yeux. Tu pourrais frapper au moins !

—  C’est une inspection surprise ! T’es pas censée être au courant… sinon ce serait plus une surprise.

—  Mais de quoi tu causes encore ?

Ezarel l’ignora et se mit à arpenter la chambre de long en large.

—  Hm… je crois que ta chambre est plus grande que la mienne. L’exposition aussi est meilleure. La vue par contre n’est pas terrible, mais on ne peut pas tout avoir. Je pense que je vais m’installer ici.

—  Pardon ? fit Rena en arquant un sourcil. Tu veux dire que tu veux qu’on partage une chambre ?

—  Je pensais plutôt te virer, mais ce ne serait pas très noble de ma part et après tout je suis un elfe.

—  C’est trop d’honneur, répliqua la yuki-onna avec un sourire à la fois sarcastique et amusé.

Un silence gêné s’installa alors entre les deux gardiens. Rena baissa les yeux en toussant légèrement pour cacher son malaise. Elle invita l’elfe à s’asseoir en désignant la chaise de son bureau. Elle ne savait pas ce qu’elle devait faire ensuite. Elle lui tourna donc le dos, alla refermer la porte, puis traversa la pièce dans le sens inverse pour aller remettre de l’ordre sur sa commode. Elle déplaçait des objets avant de les remettre en place, ouvrait des tiroirs pour les refermer aussitôt. Elle était nerveuse. Elle sentait les yeux d’Ezarel fixés sur son dos. Elle sursauta lorsqu’il posa une main sur son épaule. Son cœur battait si fort qu’elle ne l’avait pas entendu se lever. Elle qui ne se laissait jamais surprendre, il lui faisait perdre tous ses moyens.

—  Rena…

Doucement, il l’obligea à se tourner vers lui. L’elfe était bien plus grand qu’elle, la yôkai se retrouva le nez contre son torse. N’osant lever la tête de peur que leurs regards ne se croisent, elle fixait obstinément les brandebourgs dorés qui ornaient la veste de l’Absynthe. Il glissa une main sous son menton puis se pencha vers elle. Elle ferma les yeux. Ses lèvres au parfum de miel, douces et sucrées, se posèrent délicatement sur les siennes. Un baiser aussi léger et éphémère qu’un papillon. Il l’embrassa une deuxième fois, un peu plus longuement. Puis une troisième fois. Ce n’était pas la première fois qu’ils s’embrassaient mais jamais Rena ne s’était sentie aussi submergée par ses émotions. Elle en voulait plus. Elle voulait le repousser. Elle était à la fois effrayée et excitée. Comme s’il avait lu dans ses pensées, Ezarel éloigna son visage du sien en exhalant un soupir de regret. Il posa son front contre celui de la yuki-onna.

—  Peut-être que c’était une mauvaise idée finalement… souffla-t-il doucement. Je devrais retourner dans ma chambre.

—  Je suis désolée…

L’elfe se redressa, l’air surpris.

—  Pourquoi tu t’excuses ? Tu n’as rien fait de mal…

—  Je n’aurais pas dû être aussi insistante… Je sais ce que ça signifie pour un elfe de s’unir à quelqu’un d’autre. Ce n’est pas un acte anodin. C’est sans doute un énorme pas à franchir pour toi. Et ça l'est tout autant pour moi. C’est pour cela que je comprends que tu veuilles que notre relation reste platonique. J’ai été trop égoïste et immature en te mettant dos au mur comme ça…

Elle se sentait si bête qu’elle aurait voulu disparaître dans un trou. Elle redoutait la réponse d’Ezarel mais alors qu’elle avait anticipé toutes ses réactions, il fit quelque chose d’inattendu : il éclata de rire.

—  Je ne sais pas si je dois trouver ça adorable ou pathétique, s’étouffa-t-il en faisant mine d’essuyer une larme.

Rena le fusilla du regard, l’elfe sentit un frisson de froid lui parcourir l’échine et il retrouva aussitôt son sérieux.

—  Ce que je veux dire, c’est que tu t’inquiètes pour rien. Puis je pense que tu n’es pas complètement honnête avec moi… En vrai, tu as peur que mes sentiments pour toi ne soient pas sincères, n’est-ce pas ? C’est pour ça que tu as voulu me tester.

Un sentiment de culpabilité envahit la jeune femme. Il avait raison. Elle doutait de ses sentiments et elle s’en voulait d’être aussi méfiante.

—  Je te comprends, la rassura alors Ezarel. Je ne suis pas le plus démonstratif ni le plus romantique des hommes. Et tu n’es pas la plus sentimentale ni la plus tendre des femmes non plus.

—  C’est censé être un compliment ça ? répliqua-t-elle en lui jetant un regard de travers.

—  C’en est un, acquiesça l’elfe avec un sourire. Tu es à la fois très pragmatique et imprévisible, et j’aime ça. Non, en fait… C’est toi que j’aime, Rena. Je ne sais pas depuis quand exactement, mais mon cœur est déjà entre tes mains. Que l’on couche ensemble maintenant ou pas n’y changera rien, mon destin est déjà scellé. En d’autres termes, je suis foutu. Si j’ai eu l’air de douter, c’était parce que je ne voulais pas te blesser. J’ai peur de ne pas être à la hauteur. J’ai peur de te décevoir.

—  Et tu as peur de perdre mon amour… ce qui serait fatal pour toi.

Rena plongea ses yeux dans ceux d’Ezarel. Elle perdait pieds dans le turquoise de son regard, plus profond que les mers du sud. Son cœur se serra. Elle étouffait. Elle ne savait pas que l’amour pouvait être aussi douloureux et délicieux en même temps. L’Ombre caressa doucement le visage de son âme sœur, une mèche bleue chatouillant agréablement sa main. Elle se hissa sur la pointe des pieds puis l’embrassa à son tour. Elle ne doutait plus. Lui non plus.


***


Rena ouvrit lentement les yeux. Elle était seule dans le lit. Ezarel s’était déjà levé et se rhabillait. Elle lui jeta quelques regards furtifs. Elle ne pouvait pas nier qu’il était bel homme – même pour un elfe – et elle appréciait la vue dès le matin. Il avait dû se rendre compte qu’elle l’observait car il se retourna en lui adressant un sourire narquois. Elle se racla la gorge en faisant mine de regarder ailleurs.

—  Bien dormi, princesse ? demanda-t-il avec un clin d’œil entendu qui fit rougir Rena lorsqu’elle se remémora la nuit qu’ils avaient passée ensemble.

—  Comme une souche, répondit-elle en espérant qu’il ne remarquerait pas son trouble.

—  Je ne suis pas étonné. Tu ronflais plus fort qu’un bériflore.

—  C’est pas vrai ! grogna la jeune femme.

—  Et tu es aussi mal léchée qu’un bériflore ! ajouta -t-il avec un rictus moqueur. C’est peut-être un effet secondaire de la potion ? J’espère que tu ne vas pas te transformer en familier, ça coûte cher à l’entretien.

Il se pencha vers elle en se caressant le menton, l’air faussement inquiet puis fit mine de vouloir l’embrasser. Rena lui colla une main contre le visage pour le repousser. 

—  Casse-toi ! fit-elle, entre vexation et amusement.

—  Je sens que t’embêter au réveil va devenir mon activité préférée, répliqua-t-il en se lançant dans une petite joute de chatouillis et de bisous avec elle.

—  Arrête ça ! gémit-elle en le repoussant du mieux qu’elle pouvait. Je préférais quand tu n’aimais pas qu’on te touche.

—  Je n’aime pas qu’on me touche mais je n’ai jamais dit que je n’aimais pas toucher les autres. Et crois-moi, j’adore te toucher.

—  Si tu ne peux pas te tenir, tu iras dormir ailleurs ! menaça Rena en dardant ses yeux gris sur l’elfe.

—  Tout de suite les menaces ! s’exclama Ezarel en levant les bras au ciel. Je te laisse tranquille pour le moment, je dois aller bosser. Je n’ai pas eu le droit à un jour de congé, moi.

—  Honnêtement, j’aurais pu m’en passer mais Nevra a insisté.

—  L’avantage d’être la meilleure amie du capitaine je suppose. Ce n’est pas Séraphina qui me donnerait un congé. Je ne suis même pas sûre qu’elle sache que ça existe.

—  Pauvre chou, railla gentiment l’Ombre.

—  Tss… je déteins un peu trop sur toi, je crois. Va falloir que je te dresse.

—  Tu peux toujours essayer, répliqua férocement sa petite amie.

Il lui rendit son sourire carnassier puis déposa un dernier baiser sur son front avant de quitter la chambre. Le soleil étirait paresseusement ses rayons. La yôkai étouffa un bâillement. Elle se rendormit quelques heures et passa le reste de la matinée à lire. Ykhar lui avait fait découvrir de drôles de petits ouvrages appelés « mangas ». La yôkai, qui avait peu de temps à consacrer à la lecture, avait été conquise par ces récits en image. Elle avait jeté son dévolu sur une série qui traitait de son peuple, les yôkais. La yuki-onna se saisit du sixième tome de Nura : le seigneur des yôkais mais à peine eut-elle le temps de finir le premier chapitre qu’on vint frapper à sa porte. Elle fut étonnée de trouver Nevra sur le pas de sa porte. 

—  Je suis vraiment désolé de te déranger alors que tu devais te reposer, mais il faut absolument que tu m’aides !

—  Qu’est-ce qu’il t’arrive ? demanda-t-elle intriguée par l’air affolé de son ami.

—  Viens avec moi et tu comprendras !

Il la saisit par le bras et l’entraîna hors de la chambre sans même lui laisser le temps de fermer la porte. Il ne la lâcha qu’une fois qu’ils furent rendus dans la salle commune de la garde de l’Ombre. C’était un vaste hall orné de piliers finement décorés d’arabesques et de volutes. Les murs montaient haut pour former une impressionnante clé de voûte. Les vitraux colorés laissaient filtrer des rayons irisés tandis que de grandes tables de banquet trônaient au centre de la salle. Autrefois, les gardiens dînaient dans leurs quartiers respectifs, puis Miiko avait fait construire un réfectoire commun afin de favoriser les relations entre gardes, les tables avaient alors été reconverties en pistes de duel. Quelques gardiens étaient d’ailleurs en train de s’entraîner à diverses acrobaties, tandis que d’autres discutaient dans un coin ou entretenaient leurs armes. Du hall central, on pouvait accéder à diverses pièces moins imposantes où les Ombres pouvaient se détendre ou préparer leur prochaine mission. On comptait également une armurerie protégée magiquement ainsi qu’une deuxième salle d’entraînement d’où provenaient des éclats de voix et des rires. Nevra invita Rena à entrer dans la salle d’armes où les attendaient une quinzaine de jeunes filles qui, trop absorbées par leurs bavardages, ne les remarquèrent pas tout de suite. Dès qu’elles aperçurent le capitaine de l’Ombre, elles l’accueillirent avec un charmant « Capitaine Nevra ! » et la yôkai grinça des dents face à tant de mièvrerie. Effarée, elle prit aussitôt le vampire à part et lui demanda :

—  C’est quoi ça ?

—  C’est terrible, c’est horrible, c’est au-delà de tout ce que j’imaginais ! déclama théâtralement Nevra. J’ai largement sous-estimé le pouvoir de ce cache-œil !

Il prit une pose dramatique, une main sur le cache-œil en question, comme s’il faisait face à un problème très sérieux et déroutant.

—  Nevra… je ne crois pas que ce soit ça le problème, soupira-t-elle. Comment se fait-il qu’il y ait autant de nouvelles recrues d’un coup ?

—  Ce ne sont pas des recrues, ce sont des stagiaires. Ma nomination est tombée en même temps que les affectations biannuelles de l’Académie d’Eel.

Rena hocha la tête. L’Académie d’Eel était une institution fondée et financée par la Garde d’Eel. C’était une école gratuite et ouverte à tous qui accueillait les élèves âgés entre dix et quinze ans. Le premier cursus durait cinq ans mais l’Académie proposait un cursus supplémentaire de trois ans pour former de futurs gardiens. Les élèves pouvaient alors effectuer des stages de quelques semaines à quelques mois au sein de la Garde. Tous les six mois, un nombre limité de place étaient offertes aux élèves qui souhaitaient enrichir leur expérience personnelle et augmenter leur chance de réussir l’examen final. La yôkai ne voyait que des filles, elle supposait qu’elles avaient pris les listes d’assaut et que les garçons étaient restés sur le carreau.

—  Les élèves sont libres d’effectuer leur stage dans la garde de leur choix, mais là elles voulaient toutes rejoindre la garde de l’Ombre, expliqua Nevra. Kero a dû leur faire passer le test de personnalité pour les répartir équitablement et celles qui ont été affectées ailleurs l’ont incendié puis sont parties en pleurant. D’ailleurs, je crois que Kero aussi était en train de pleurer…

—  Je vois.

—  Bref, je n’ai pas le temps de m’occuper de ça. Je dois préparer un discours pour ma nouvelle prise de fonctions donc je te laisse t’en charger !

—  Attends deux minutes ! M’en charger ? Qu’est-ce que tu veux que je fasse ça ? protesta Rena en jetant un regard nerveux vers le groupe de filles qui les observaient de loin tout en échangeant des commentaires à voix basse.

—  T’as qu’à leur préparer un entraînement spécial, histoire de les mettre dans l’ambiance de la garde, si tu vois de quoi je parle, lui dit-il avec un sourire complice.

—  T’es sérieux ? Tu veux que je fasse ça maintenant ?

—  Tout à fait ! Allez c’est parti !

Il la saisit par les épaules et la poussa gentiment mais fermement vers le groupe de stagiaires.

—  Cela me brise le cœur, mais je n’ai pas le temps de rester plus longtemps à vos côtés aujourd’hui, s’excusa Nevra. Mais ne vous inquiétez pas, Mademoiselle Yukihira ici présente est ma vice-capitaine. Elle est très gentille et très compétente. Elle va bien s’occuper de vous. N’est-ce pas Rena ?

Son visage se fendit d’un large sourire. Sans attendre la réponse de son amie, il leur fit une courte révérence puis s’empressa de quitter la salle. « Nevra… espèce de… ! » fulmina la yôkai intérieurement. Un vent de déception soufflait sur le groupe depuis que le beau vampire avait disparu. Alors que Rena était en train de songer que la popularité de Nevra était une véritable plaie, une élève l’interpela d’une voix doucereuse. 

—  Dites, Rena… quelle est votre relation avec le capitaine Nevra ?

—  Pardon ? fit la jeune femme en levant un sourcil.

La fille qui avait parlé avait de longs cheveux dorés, qui lui tombaient en épaisses boucles souples et soyeuses sur les épaules et jusque dans le bas du dos. Ses grands yeux verts fardés, aussi brillants que deux émeraudes incrustées dans son délicat visage poudreux, lui donnait l’air d’une poupée de porcelaine. Les bras croisés sous sa poitrine généreuse, elle arborait une attitude hautaine. Derrière son sourire faussement poli, son regard était mauvais.

—  Vous aviez l’air proche alors je me posais juste la question, s’excusa-t-elle avec un rictus hypocrite.

Rena ferma les yeux puis inspira profondément avant de les rouvrir. Ses iris avaient viré au blanc. Un froid pénétrant s’abattit soudain sur l’assemblée. Le silence tomba. Tous les regards étaient braqués sur la vice-capitaine et les stagiaires, saisis d’une appréhension soudaine, retenaient leur souffle.

—  Je tiens à ce que les choses soient claires, déclara-t-elle d’une voix forte et posée. On se fiche des titres honorifiques et des patronymes. Nous sommes tous des frères et des sœurs d’armes. Alors que vous nous appeliez par nos prénoms, soit. Je ne m’en offusquerai pas. Mais il y a des limites à ne pas franchir. Je ne suis pas votre amie. Nevra n’est pas votre ami. Nous sommes vos supérieurs. Si vous voulez rejoindre la garde plus tard, la première chose que vous devez apprendre, c’est la discipline et le respect de la hiérarchie. Si vous êtes là pour des raisons personnelles et stupides, vous pouvez rentrer chez vous. Toutefois, si vous souhaitez vraiment acquérir un peu d’expérience professionnelle, je suis à votre entière disposition.

—  Je suis désolée si je vous ai offensée, répondit la fille en perdant quelque peu de sa superbe. Nous voulons simplement aider et servir le capitaine Nevra au mieux de nos capacités.

—  Ce n’est pas Nevra que vous devez aider et servir, rétorqua froidement Rena. C’est le peuple d’Eldarya. Votre rôle est de préserver la paix et protéger la population. Vous devez être prêtes à vous dévouer corps et âmes à la protection du royaume. Encore une fois, si ce n’est pas pour cela que vous êtes là, vous pouvez rentrer chez vous. Et comme je sens que vos motivations ne sont pas tout à fait louables, je vais vous montrer ce qu’on attend d’un gardien de l’Ombre.

Une main se leva timidement.

—  Oui ?

—  Qu’est-ce qu’on va devoir faire ? demanda la stagiaire, l’air visiblement inquiète.

—  Je vais vous faire passer l’épreuve traditionnelle des Ombres, déclara la yôkai. Normalement, c’est l’examen final de l’Académie qui vous permet de rejoindre la Garde. Le test de personnalité permet ensuite de vous répartir entre les différentes gardes. Autrefois, lorsqu’on voulait devenir gardien d’Eel, on passait d’abord le test de personnalité puis l’on devait ensuite passer une série d’épreuves propres à chaque garde pour évaluer nos compétences. De nos jours, cet examen ne se pratique plus que chez les Obsidiens qui sont très à cheval sur la qualité de leurs recrues mais il est relativement abordable et il est rare qu’un diplômé se fasse recaler. Celui des Ombres, en revanche, était réputé pour être le plus difficile et le plus dangereux. Donc voilà ce que je vous propose : celles qui réussiront le test pourront directement intégrer la garde de l’Ombre, sans avoir à terminer leur cursus ou passer l’examen final. Les autres devront redoubler leur année.

Il y eut des murmures d’excitation et de protestation. C’était dans ce genre de moment qu’on distinguait les ambitieuses des anxieuses.

—  Je ne vous obligerai pas à passer le test, ajouta-t-elle alors. Vous êtes libres de refuser. Dans ce cas vous n’aurez pas à redoubler mais vous devrez retourner à l’Académie immédiatement. Vous pourrez postuler pour un nouveau stage dans six mois. 

Elle balaya l’assemblée de ses yeux de glace mais personne ne semblait prêt à se désister. Tant mieux. Au moins, elles faisaient preuve de courage et de détermination.

—  Très bien… mais ne venez pas pleurer si vous y laissez un membre ou deux.

Elle sortit un morceau de parchemin et une mine de graphite d’un tiroir qu’elle fit circuler parmi les nouvelles en leur demandant d’y inscrire leur nom. Elle leur donna rendez-vous trois heures plus tard pour la première épreuve. Elle leur indiqua le lieu de l’épreuve tout en omettant volontairement de expliquer comment s’y rendre. Ce seraient à elles de se renseigner. Un gardien de l’Ombre sans aucun sens de l’orientation ou incapable de récolter des informations était aussi inutile qu’un Obsidien sans force ni bravoure.


***


Liste en main, Rena quitta la salle commune, puis traversa le hall principal pour rejoindre les cuisines. Elle devait se remplir l’estomac avant de s’atteler à la préparation de la première épreuve. Elle fut agréablement surprise de trouver Ezarel dans le garde-manger, en train de se faire de généreuses tartines de miel.

—  Tu fais une pause ? lui demanda-t-elle.

—  Oui, la chef m’a accordé quelques minutes de répit. Elle est en train de me faire revoir toutes les potions de A à Z. On dirait un marathon d’alchimie. En plus elle ne me lâche pas d’une semelle, j’ai jamais eu autant la pression de ma vie. Enfin, c’était ça ou m’occuper des stagiaires… 

—  M’en parles pas, soupira Rena en s’emparant d’une tartine au miel sous le regard outré d’Ezarel. Nevra m’a refilé les stagiaires de l’Ombre. Je suis sûre qu’elles ont du potentiel mais elles pensent être ici pour baver sur leur capitaine et se la couler douce. Du coup, j’ai décidé de leur faire passer le vieux test de la garde.

—  Tu comptes vraiment leur faire vivre cet enfer ? demanda-t-il d’un ton détaché, tout en se léchant les doigts.

—  Ça ne me plait pas plus que ça, mais je n’ai pas trop le choix… Elles seront intenables si je ne les mate pas tout de suite.

—  Va y avoir du sang et des larmes…. Enfin surtout des larmes! Dommage que je sois trop occupé pour voir ça.

—  T’as vraiment des idées sordides toi des fois…

—  Ah bon tu trouves ? fit-il innocemment tout en se fendant d’un large sourire sadique.

—  Ça ne va pas être très amusant pour moi. Je dois tout gérer toute seule.

—  Ça va être une longue journée pour toi comme pour moi alors, répliqua-t-il en faisant craquer ses phalanges. D’ailleurs je dois y retourner là. Bonne chance pour le test. Je compte sur toi pour leur en faire voir de toutes les couleurs. Tu me raconteras tous les détails croustillants.

—  Je ne sais pas si j’aurai envie de parler de ça à la fin de la journée, soupira-t-elle, épuisée à la seule pensée de ce qui l’attendait. 

—  Mais si, mais si. Je dois te laisser. A plus tard.

Rena le salua d’un signe de la main. Elle engloutit sa tartine puis, sans perdre davantage de temps, elle se rendit au sous-sol du Q.G. C’était un vaste réseau de tunnels et de salles humides aux murs couverts de mousse et de lichen. La vice-capitaine se munit d’une torche avant de s’engouffrer dans un escalier étroit qui s’enfonçait dans les boyaux de la terre. Elle arriva devant une lourde porte en bois à double battants, fermée à l’aide d’une grosse chaîne et d’un énorme cadenas. La yôkai sortit une vieille clé rouillée de sa manche. La serrure résista. Rena força sur la clé en priant pour qu’elle ne cède pas. Les rouages du cadenas finirent par capituler et la chaine tomba lourdement, un bruit métallique se réverbérant contre les parois des tunnels déserts. Les portes s’ouvrirent avec une plainte d’outre-tombe. La salle était complètement vide, à l’exception des toiles d’araignées géantes qui décoraient les coins et les murs. Il y avait une trappe en plein milieu du sol. Rena s’avança jusqu’au centre de la pièce puis souleva le panneau de bois. Une échelle descendait le long d’un puits noir qui semblait sans fond. Les barreaux étaient froids, humides et glissants mais semblaient encore en bon état. L’échelle s’arrêtait environ deux mètres avant le fond. Elle se laissa tomber au sol et poussa un juron lorsqu’elle se rendit compte qu’elle avait de l’eau jusqu’aux chevilles. Elle leva ensuite sa torche, la grande flamme vacillante révélant un long et large couloir qui s’étirait à l’infini. Il débouchait en fait dans une grotte à flanc de falaise, plusieurs dizaines de mètres au-dessus de la mer dont les soupirs se mêlaient aux mugissements du vent. Rena songeait à la dernière fois qu’elle avait visité ce lieu sinistre. Cela remontait à quelques décennies tout au moins. Toutefois, l’heure n’était pas à la nostalgie. Elle avait du pain sur la planche.




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