Rena, fille de l'Ombre

Chapitre 47 : Les Affres de la Mémoire (1)

7135 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/10/2020 18:36

Heket avait simplement effleuré le verrou du bout des doigts et celui-ci avait sauté sans opposer la moindre résistance. Necro poussa la porte. Elle s’entrouvrit avec un léger grincement de gonds mal huilés. Il se tourna vers la petite déesse qui lui offrit un sourire encourageant.

— Je ne peux pas aller plus loin. Tes souvenirs t’appartiennent, tu es le seul à pouvoir y faire face. Je t’attendrai ici. Si tu veux sortir, il te suffira de retrouver la porte. Je ferai en sorte qu’elle soit toujours accessible.

Necro se contenta de hocher la tête puis, sans tergiverser plus longtemps, il franchit le seuil de la porte. Il s’était attendu à être le témoin extérieur d’une scène de son passé mais certainement pas à se retrouver dans le corps de celui qu’il était autrefois. Il voyait, ressentait et s’exprimait à travers son double du passé sans pouvoir intervenir. On ne pouvait pas changer ce qui s’était déjà produit et Necro ne pouvait que revivre passivement ce moment ancré dans sa mémoire.

Il était assis au chevet d’un homme mourant qu’il reconnut instinctivement comme étant son père. Il tenait sa main dans la sienne, il était inquiet pour lui.

— Khaleb… murmura faiblement son père. C’est toi ? Tu es venu ?

« Khaleb ». C’était comme cela que Shion l’appelait elle aussi. C’était son véritable prénom mais il n’y avait associé aucune identité particulière jusqu’à maintenant. De même que le nom qu’il avait acquis après sa renaissance avait été Batrachos et qu’il s’était lui même baptisé Necro, ce n’avait été qu’un surnom parmi tant d’autres.

— Je suis là, Père.

— Où est Shion… ?

— Elle est occupée. Elle cherche un moyen de vous guérir.

— Cette ingrate… Elle perd son temps. Elle ne veut même pas faire entendre sa voix une dernière fois à son vieux père mourant. Son visage… son si joli visage que je ne verrai plus jamais… Ma Shion…

— Elle fait de son mieux. Elle ne peut pas simplement vous regarder mourir sans rien faire. Elle ne se le pardonnerait jamais.

— Il n’y a rien qu’elle puisse faire pour moi. Tout ce que je souhaite c’est que vous soyez tous les deux à mes côtés dans mes derniers moments. Est-ce trop vous demander ?

— J’essayerai de lui parler.

— Oui. Tu es le seul qu’elle écoute. Khaleb…

La voix de son père faiblit, les mots moururent dans sa gorge tandis que ses lèvres continuaient à se muer silencieusement. Il était retombé dans son état léthargique habituel. Ses moments de lucidité se faisaient de plus en plus rare et il pouvait rester allongé des heures entières, ses yeux morts fixés dans le néant. La maladie lui avait ravi la vue et la raison. Son fils, empli de dévotion et de piété filiale, l’avait veillé toute la nuit jusqu’à ce qu’il l’appelle à nouveau.

— Khaleb…

— Oui, Père.

— Shion et toi… vous êtes ce que j’ai de plus précieux. Vous êtes le sang de mon sang, mes héritiers et les enfants de Sila. Vous devez faire honneur à votre nom et à vos origines. Toi et ta soeur… vous devez être tout l’un pour l’autre. Vous ne pouvez compter que sur vous-mêmes. Ne faites confiance à personne. Votre lien est votre plus grande force mais elle sera aussi votre plus grande faiblesse. Les gens s’en serviront contre vous mais c’est ce qui vous permettra d’endurer la cruauté de vos ennemis. Ne l’oubliez jamais.

C’était la première fois depuis qu’il était alité que son père arrivait à s’exprimer aussi longtemps et de façon aussi claire. La fin devait être proche.

— Je ne l’oublierai pas, Père.

— Je n’en ai plus pour longtemps… Je ne crois pas que ta sœur veuille me voir.

— Vous voulez que j’aille la chercher ?

— Non. Je ne veux pas lui imposer cela. Fils… j’aurais un dernier service à te demander. J’ai exclu ta belle-mère et ta demi-soeur de mon testament mais je veux que tu les laisses continuer à vivre sous ce toit. Tu seras bientôt chef de famille et ce sera à toi de subvenir à leurs besoins.

— Mais, Père, c’est à cause d’elles que-

— Silence ! Je ne veux rien entendre. Je sais que Shion déteste sa belle-mère et sa demi-sœur. Je ne sais pas pourquoi elle leur voue une haine aussi tenace alors que Leyanne et Tylia se sont toujours montrées bienveillantes à son égard. Ta soeur est allée trop loin avec ses accusations infondées. Comment peut-elle soupçonner Leyanne de m’avoir empoisonné ? Quelle femme peut-être assez cruelle pour tuer son mari à petit feu année après année ? Elle se fait du mal et fait du mal à sa belle-mère en refusant d’accepter qu’il s’agit simplement d’une maladie incurable.

— Vous savez bien que Shion est une Giftmörder. Elle est versée dans l’art des poisons. Si elle a décelé un empoisonnement c’est que votre maladie n’est pas naturelle. Elle essaye de mettre au point un antidote. Si vous pouviez lutter juste un peu plus longtemps…

— Shion est encore une enfant. Un prodige, certes, mais elle n’a pas réponse à tout. Il n’y a pas d’antidote. Elle se trompe. Ta belle-mère ne ferait jamais ça… Promets-moi… promets-moi que tu la protégeras ? Ta sœur est dangereuse…

Son père avait été aveugle bien avant de perdre la vue. Khaleb avait renoncé à lui faire entendre raison. À présent, il ne lui restait plus qu’à attendre le moment fatidique où la mort emporterait son géniteur. Il était d’accord sur un point : il doutait fort que Shion trouve un antidote efficace. Il était déjà trop tard. Le poison lui avait été administré par petites doses indétectables pendant de nombreuses années et ses effets étaient irréversibles. Friedrich von Zeymer s’était éteint quelques heures plus tard. Khaleb avait retardé sa mort aussi longtemps qu’il avait pu avec le peu de maîtrise spirituelle qu’il possédait, mais l’énergie morbide avait fini par dévorer ce qu’il lui restait d’énergie vitale. Il allait devoir annoncer la nouvelle au reste de la famille. Il ne doutait pas que sa belle-mère porterait le deuil avec dignité tout en jubilant intérieurement. Sa joie risquait d’être aussi intense que courte car elle allait vite déchanter en apprenant qu’elle avait été écartée de la succession. Sa demi-sœur jouerait les consolatrices et lui apporterait son soutien avec l’espoir d’entrer dans les bonnes grâces du nouveau chef de famille. Quant à Shion… elle allait être dévastée. Elle ne s’était jamais remise de la mort de leur mère, elle ne supporterait pas celle de leur père. Khaleb se leva en poussant un soupir résigné puis se dirigea vers la porte de la chambre. L’instant d’après, Necro était de retour auprès d’Heket.

— Alors ? demanda-t-elle avec appréhension

— Alors quoi ? J’avais un père — comme tout le monde ou presque — et il est mort, probablement empoisonné. Ça me fait une belle jambe. J’avais l’impression de participer à un mauvais soap opéra.

— C’est tout ? Ça n’a pas ravivé d’autres souvenirs ? Certaines souvenirs permettent parfois d’en déverrouiller d’autres sans avoir à les revivre directement. C’est une sorte de réaction en chaîne, si tu veux.

— Non, ça n’a rien déclenché de plus. Ah… si… je sais parler allemand maintenant. Apparemment, c’était ma langue maternelle. Peut-être que je viens d’une famille de nazis… ça expliquerait bien des choses.

— J’en doute fort… soupira la déesse en secouant la tête, dépitée par la nonchalance de son partenaire. L’allemand était la langue des Conjurés, au même titre que le latin et le grec. Si ton père en faisait partie, il a dû te transmettre son savoir.

— Eh bien je suis ravi de savoir que j’ai pris l’option langues mortes à l’école, c’était sûrement une expérience très traumatisante pour le cancre que je devais être, à tel point que j’ai préféré devenir sourd plutôt que de subir une telle torture. Ça se tient.

— Ne dis pas n’importe quoi ! Ta surdité n’a rien à voir là-dedans. Ce souvenir ne devait pas être assez marquant. Ceux que tu refoules le plus sont ceux qui sont enfouis le plus profondément. Il va peut-être falloir descendre encore plus bas et commencer par le souvenir le plus douloureux.

— Chouette…


***


La porte devant laquelle il se trouvait était la dernière de la série. Il avait atteint la dernière marche de l’escalier pour déboucher sur un espace vide. Il n’y avait rien à l’exception d’une lumière verte phosphorescente dont la source lui était inconnue. Elle semblait être partout et nulle part à la fois. Il n’arrivait pas à savoir si l’éclairage venait des murs, du plafond, du sol ou si tout cela était le fruit de son imagination car il ne distinguait pas les limites de la pièce. Plus surnaturel encore, la porte n’était ancrée dans aucun mur. Encadrée par une simple embrasure, elle se tenait droite sans aucun socle pour la soutenir et on pouvait en faire le tour comme s’il s’agissait d’un objet d’art particulièrement conceptuel. Elle était condamnée par de lourdes chaînes rouillées dont certains maillons avaient déjà commencer à lâcher. Il n’y avait aucune lumière, aucun son qui transpirait à travers le panneau de bois. Rien d’autre qu’un silence de mort. Necro s’approcha de la porte qui se mit à vibrer dangereusement. Au même moment, un sifflement aigu lui vrilla les tympans. Il porta instinctivement une main à son oreille en étouffant un cri de douleur.

— Peut-être qu’il est trop tôt… songea Heket en lui jetant un regard inquiet. Si tu entres dans ton état actuel, je ne sais pas ce qu’il va se passer… Ce n’est pas un souvenir ordinaire, je ne sais pas comment ton subconscient va réagir à cette intrusion.

— Mieux vaut ne pas savoir qu’avoir la certitude que ça va mal se passer. J’ai juste à trouver la raison de ma surdité, non ? Ça ne devrait pas être trop compliqué.

— Je ne sais pas, répéta la déesse pour la énième fois. Je ne connais pas le contenu exact de tes souvenirs, je me suis contentée de sceller l’ensemble de ta vie antérieure.

— Ce sera la surprise pour toi comme pour moi alors. Pour une fois, rends-toi utile et ouvre cette porte, qu’on en finisse. J’ai un tyran à renverser, moi.

Heket fit une drôle de moue où se mêlaient exaspération et inquiétude. Necro pouvait avoir l’air aussi détendu et je-m’en-foutiste qu’il voulait, il ne trompait personne. Elle savait parfaitement qu’il appréhendait ce moment. Il avait vécu avec l’insouciance d’un dieu qui avait rompu tous ses liens avec sa vie d’humain, mais son passé était sur le point de le rattraper. Bientôt il serait à la fois l’humain et le dieu avec tout ce que cela impliquait. Cela l’affecterait émotionnellement, psychologiquement, mais aussi idéologiquement. Jusqu’à maintenant il n’avait fait que suivre les ordres d’Amon aveuglément et il œuvrait pour une cause qui n’était pas la sienne. Il n’avait ni ambition, ni rêve, ni désir. Il ignorait tout de l’amour, de la haine, de la passion, de la vengeance. Parce qu’il n’avait pas de passé, il n’avait pas d’avenir non plus. Seul le présent comptait pour lui. Que se passerait-il lorsqu’il aurait acquis une volonté qui lui serait propre ?

La disparition de sa sœur était la seule chose qui avait réussi à susciter une émotion chez lui. Même lorsque Amon lui avait apporté la preuve de sa mort, il avait eu du mal à l’accepter. Ce n’était qu’en pensant à elle qu’il retrouvait un peu de son humanité perdue. Elle était la seul chose qui le reliait à son passé. Après leur renaissance, ils étaient devenus des étrangers l’un pour l’autre. Il savait qu’elle était sa sœur et que son nom était Shion. Elle savait qu’il était son frère et que son nom était Khaleb. C’était tout. Ce n’était rien de plus qu’un concept vide de sens. Un simple fait qui n’était rattaché à rien de concret. Ils avaient dû reconstruire leur relation avec pour unique fondation ce vestige de leur vie antérieure commune.

Il n’avait pas fallu longtemps à Necro pour se rendre compte que ce qu’il ressentait pour celle qu’il appelait sa sœur dépassait le simple amour fraternel. Il se sentait attiré par elle, il la désirait comme un homme pouvait désirer une femme, et il avait ce besoin obsessionnel de la protéger. Elle n’avait pas besoin de lui pour cela, elle était largement capable d’assurer sa propre protection, mais c’était plus fort que lui. Il détestait les ordres de missions qui les forçaient à se séparer pendant des périodes parfois mortellement longues. Dès qu’ils le pouvaient, ils faisaient équipe, mais leurs compétences étaient trop différentes pour qu’ils soient systématiquement assignés aux mêmes missions. S’il n’avait pas Shion à ses côtés, il s’ennuyait. Il se sentait incomplet, amputé, tronqué d’une partie d’une partie vitale de son être. Shion aussi était en proie au doute et à l’angoisse, héroïne tragique de ses propres drames intérieurs. Dès que quelque chose la troublait, elle allait se réfugier dans les bras de son frère. Il était le seul à pouvoir lui apporter le confort et la sécurité qu’elle recherchait. Leur relation était à la fois extrêmement fusionnelle et somme toute assez peu charnelle. Elle était même plus platonique que ce que certains esprits impudiques se plaisaient à penser dans leur entourage. Necro n’avait jamais incité sa sœur à coucher avec lui, il osait à peine la toucher sans son consentement. C’était toujours elle qui initiait ces moments d’intimité et il se pliait à ses envies et à ses désirs. Des moments si rares et irréguliers qu’il aurait presque pu les compter même s’il était loin de se sentir frustré ou négligé.

Il avait appris beaucoup de chose sur Shion et sur lui-même pendant ces quelques dizaines d’années passées ensemble. Il l’avait observée avec attention et il avait essayé de la décrypter comme si elle était une espèce de code complexe. Ses habitudes, son comportement avec les autres, ses réactions lorsqu’elle trouvait quelque chose déplaisant ou agréable. Ses goûts, son caractère, ses défauts et ses qualités, tout ce qui constituait son être avait été examiné et analysé avec soin. Il la connaissait sur le bout des doigts. Il était le seul à savoir qu’elle pouvait aimer romantiquement aussi bien les hommes que les femmes mais qu’elle ne ressentait aucun attirance physique pour eux. Elle semblait d’ailleurs extrêmement mal à l’aise lorsque quelqu’un se montrait trop tactile avec elle. Le contact physique la rebutait et elle détestait les jeux de séduction. Il était manifestement l’exception qui confirmait la règle mais elle lui avait avoué, un jour, ne pas le voir comme un homme. Il ne s’en était pas offusqué. Si elle voulait qu’il soit un escargot hermaphrodite pour elle, c’était ce qu’il serait.

Il avait aussi découvert, un peu plus tard, qu’elle se baladait allègrement sur le spectre de l’identité sexuelle. Elle avait un physique assez androgyne à mi-chemin entre la femme et l’homme ce qui rendait l’identification de son genre assez difficile pour un étranger. Si la nature l’avait dotée d’attributs féminins — certes assez peu développés — elle n’avait jamais semblée très à l’aise dans son corps de femme. Elle avait travaillé pendant de longues semaines sur une rune de métamorphose qui lui permettrait de modifier physiquement son genre à volonté. La rune suivait les fluctuations induites par son subconscient pour que son corps soit toujours en phase avec son état psychique. Cela aussi Necro l’avait accepté avec une simplicité déconcertante. Que Shion soit un homme, une femme, un escargot hermaphrodite ou un ange asexué, ce serait toujours Shion. Il l’aimait inconditionnellement, par delà et envers toutes ces considérations qui lui paraissaient bien trop métaphysiques pour qu’il y accorde une véritable importance. 

Cette relation qui pouvait sembler complexe pour certains, malsaine pour d’autres, était au final assez simple et satisfaisante pour Necro. Shion, elle, n’avait jamais vraiment exprimé son avis sur la question. Elle avait tenu à garder leur relation discrète sans pour autant en faire un secret d’État. Elle ne se cachait pas, mais ne s’affichait pas non plus. Il ne savait pas si c’était qu'elle subissait une pression morale intériorisée ou si c’était par simple préférence personnelle. Necro, assez peu soucieux de ces questions de moralité, assumait beaucoup plus ouvertement ses sentiments pour sa sœur. Il voulait profiter de sa relation avec elle sans avoir à se sentir juger par le regard des autres ou être l’objet de rumeurs ridicules qui finissaient toujours par être amplifiées et déformées. Le point positif était que tout le monde s’en foutait et que personne n’était en position de leur faire la morale quand ils avaient eux-mêmes des mœurs assez dissolues et des vices tenaces. La seule qui avait pointé Shion du doigt en exprimant publiquement son dégoût pour les relations incestueuses était Naytili, mais elle s’en était rapidement mordue les doigts. La succube n’avait jamais fait preuve d’une grande finesse d’esprit. Elle avait fait de Shion sa tête-de-turc simplement parce qu’elle voyait en elle le membre le plus faible du groupe, qu’elle pouvait oppresser et harceler comme bon lui semblait. Les quatre jours qu’elle avait passés à se tordre de douleur et à vomir ses tripes après avoir mangé les cookies empoisonnés de Shion lui avait servis de leçon. Elle n’avait plus jamais fait aucune remarque et n’osait même pas croiser son regard lorsqu’elles se trouvaient dans la même pièce.

Necro savait que ce n’était pas que son passé qui se trouvait derrière porte, c’était aussi celui de sa sœur. Plus que ses propres souvenirs, c’était ceux de Shion qui l’angoissaient. Une fois qu’il serait passé de l’autre côté, il perdrait son libre-arbitre. Vulnérable, impuissant, soumis, il ne pourrait que subir ce passé inaltérable.


***


Le bourdonnement dans ses oreilles persista un moment. Le décor était flou et instable, comme un objectif qui tentait de trouver la bonne focalisation pour améliorer la netteté de l’image. Son ouïe s’affinait peu à peu et bientôt il ne restait plus que le brouhaha familier de l’activité urbaine : les éclats de voix, le bruit des roues sur les pavés et le chant mélodieux des fontaines.

— ... que tu veux que je fasse de plus ? Ce n’est pas comme si on pouvait le tuer juste parce qu’il est un peu insistant.

Necro ne la reconnut pas tout de suite. Elle ne ressemblait pas à la Shion qu’il connaissait. Elle avait de long cheveux blond cendré légèrement ondulés et son regard bleu-gris était froid et incisif. Ils se tenaient tous les deux dans une allée, à l’arrière d’une taverne. Peu à peu les pièces du puzzle se mettaient en place. C’était là qu’ils travaillaient.

— Ce ne serait pas une mauvaise idée pourtant.

— Khal’… C’est le Duc de Mareth.

Mareth… c’était le nom de la ville où ils avaient trouvé refuge. Située dans les Terres Nobles, c’était une cité-état autonome dirigée par Herrick Forsyth, le Prince de Mareth. L’ensemble de la ville était sous la coupe de la famille princière et ses membres se partageaient les différents pouvoirs : exécutif, politique, judiciaire, militaire et religieux. Le Duc de Mareth était le troisième frère d’une fratrie de quatre enfants. Il avait acquis son titre dès qu’il avait atteint l’Âge de Noblesse qui marquait la fin de l’adolescence chez les faeries et le début de la vie adulte. À l’échelle humaine, il était à peine plus âgé que les jumeaux qui avaient rapidement appris à se méfier de son caractère retors et ses abus d’autorité.

— Je sais, je sais, je plaisante… ou pas ? De toute façon j’ai déjà décidé qu’on partirait demain. On s’est trop éternisé ici. Je pensais qu’on pourrait rester plus longtemps parce que c’est une grande ville, mais nos activités commencent à attirer l’attention. J’ai encore deux trois choses à régler avec les Purrekos pour le voyage. Je rentrerai ce soir. Je te laisse préparer nos affaires et prévenir le patron pour qu’il nous paye ce qu’il nous doit.

— Ça fait à peine trois mois qu’on est là, tu veux vraiment qu’on quitte la ville ? Pour aller où ?

— Je ne sais pas encore… n’importe quel village en bord de route fera l’affaire. Balenvia peut-être ? Paraît que les gens sont sympas là-bas. Ce ne sera que temporaire de toute façon. Le mieux serait encore de rejoindre un des villages cachés.

— Je ne suis pas sûre qu’on soit les bienvenus où qu’on aille… Si je n’avais pas été aussi bête…

— Combien de fois il va falloir que je te répète que ce n’était pas de ta faute ? Si tu veux blâmer quelqu’un, blâme plutôt ces vieux croûtons du Conseil qui sont tellement séniles qu’ils n’arrivent plus à faire la différence entre un gâteau au chocolat et un tas de merde. C’était bien la peine de nous bassiner pendant des années avec leurs histoires de Conjurés, de Cause et d’Illuminati si c’était pour nous exiler à la première occasion.

— Je suis la seule à avoir été exilée. Tu n’étais pas obligé de me suivre.

— T’inquiète. Je me suis assuré qu’ils n’aient pas envie de me revoir non plus. Je crois que tu aurais même plus de chance de te faire ré-accepter que moi.

— Justement… Tu n’avais pas à aller aussi loin pour moi. Tu aurais dû rester pour continuer l’œuvre de Père. C’était ce qu’il voulait…

— Shion… Il est mort et son héritage est mort avec lui. Il serait temps que tu arrêtes de vivre pour lui et que tu vives un peu pour toi. On a plus aucune obligation, plus de pression, plus de promesses à honorer, plus de prophéties à réaliser. Puis on est pas les seuls héritiers de Sila du royaume. Ils en trouveront d’autres pour nous remplacer. On ferait mieux de profiter de notre liberté alors pourquoi tu t’embêtes avec ça ? Personnellement, ça m’a toujours gonflé et je suis bien content de pouvoir faire ce que je veux et vivre ma vie sans aucun soucis.

— Hm… je suppose que c’est une belle philosophie ?

— On pourrait presque en faire une chanson.

Shion esquissa un sourire amusé, mais il voyait bien à son expression mi-figue mi-raisin que cette histoire la tracassait toujours autant. Pourtant, il ne lui en avait jamais voulu pour ces trois années d’errance, à se déplacer de ville en ville sans jamais rester au même endroit plus de trois ou quatre mois. Cette vie nomade lui convenait parfaitement, elle lui évitait la terrible agonie de l’ennui. Shion était son véritable foyer. Tant qu’elle sera à ses côtés, il se sentirait chez lui n’importe où.

Les gestes étant souvent plus parlant que les mots, il l’attira à lui pour la prendre tendrement dans ses bras. Une étreinte qui ne le laissait pas indifférent, même s’il avait appris depuis longtemps à contrôler ses pulsions et à cacher son trouble.

— Demain, murmura-t-il en déposant un baiser sur sa tempe. On devrait retourner à l’intérieur. Le patron va encore nous passer un savon si on traîne trop dehors.


***

Necro s’était attendu à être de retour dans les limbes de son palais mental lorsqu’il avait poussé la porte de la taverne. Pourtant, sans transition, il se tenait à nouveau dans l’allée, la seule différence étant qu’il faisait désormais nuit noire. Il n’y avait pas âme qui vive dans les rues, aussi désertes qu’elles avaient été animées dans la journée, et un silence de cathédrale régnait sur la ville. Le chant des fontaines, libéré de toute interférence sonore, était aussi assourdissant que le grondement d’un torrent. La taverne était encore illuminée mais ses derniers clients étaient rentrés chez eux, peu avant le couvre-feu fixé à minuit. Necro — ou plutôt Khaleb — se faufila par l’arrière-cuisine avec l’intention de prendre quelques provisions avant de monter retrouver sa sœur. Il allait passer sous le comptoir lorsqu’il remarqua l’étrange scène qui se déroulait dans la salle.

Le tavernier, assis à une table, était flanqué par deux hommes armés. Un peu plus loin, deux autres soldats gardaient l’entrée principale tandis qu’un troisième couple de fantassins était posté au pied de l’escalier qui menait au premier étage. À leurs uniformes, on devinait sans peine qu’il s’agissait de soldats de la Milice de Nelum. C’était une faction armée indépendante, dirigée par le Duc de Mareth, qui assurait la sécurité des citoyens de la Cité des Eaux. Leur présence n’était pas surprenante. Ils passaient tous les soirs à la taverne pour s’assurer que le couvre-feu était bien respecté et récolter la taxe journalière. Ce qui avait interpellé Khaleb, c’était l’anormalité de cette situation et l’attitude de son patron. Six miliciens pour une simple visite de courtoisie, ça faisait beaucoup. Quant au gérant de la taverne, il avait l’air si nerveux qu’il suait à grosses gouttes en lançant des regards inquiets vers le plafond toutes les deux secondes. Il n’y avait rien là-haut pourtant à part un débarras et… la chambre qu’il partageait avec Shion !

Un bruit sourd, suivi d’éclat de voix, fit trembler les lames du plancher. Le sang de Khaleb ne fit qu’un tour mais il était suffisamment réfléchi pour ne pas foncer tête baissé dans le tas de miliciens qui n’avaient pas encore remarqué sa présence. Il s’était éclipsé aussi discrètement que possible pour emprunter l’escalier extérieur qui permettait d’accéder directement à la chambre du premier en passant par le balcon et la porte-fenêtre. Un détail qui semblait avoir échappé à la Milice car il n’était pas gardé, pas plus que l’entrée de service qu’il avait empruntée à l’aller. La gorge nouée et la boule au ventre, il avait grimpé les marches quatre à quatre. Le reste de ses souvenirs étaient brouillons et désordonnés et l’adrénaline lui avait fait perdre le fil du temps. Comment était-il arrivé dans la chambre ? Il n’arrivait pas à retracer ses pas mais lorsqu’il avait retrouvé sa lucidité, il tenait un poignard sous la gorge d’un homme qu’il reconnut aussitôt. C’était Solrad Forsyth, le Duc de Mareth en personne.

Ce n’était pas la première fois qu’il le rencontrait. Le Duc venait parfois faire des inspections surprises et il fréquentait également cette taverne en tant que client. Khaleb avait même eu l’occasion de jouer quelques parties de cartes avec gains à la clé. Il l’avait délesté de sa bourse plus d’une fois ce qui n’avait pas eu l’air de plaire à son adversaire même s’il était trop noble pour crier au scandal publiquement. Le souci n’était pas tant que le Duc était mauvais perdant, c’était qu’il avait jeté son dévolu sur Shion qu’il s’employait à courtiser avec une insistance qui frôlait parfois le harcèlement. Peut-être avait-il vu en elle une fille un peu fragile et sensible qui n’oserait pas lui dire non. Peut-être qu’il la prenait pour une femme facile parce qu’elle était toujours souriante et serviable lorsqu’elle servait les clients en salle. Elle avait pourtant repoussé ses avances avec gentillesse mais fermeté plus d’une fois. Elle avait même fait part de son malaise à son frère qui avait fait comprendre indirectement au Duc qu’il ferait mieux de lâcher l’affaire. Son avertissement était visiblement tombé dans l’oreille d’un sourd.

— Je vous avais pourtant dit de la laisser tranquille, menaça-t-il d’une voix aussi froide et tranchante que la lame de son poignard. Si elle vous dit non, c’est non. Ce n’est pas “peut-être” et ce n’est certainement pas “oui”.

Le Duc leva les mains en signe de défense mais l’arrogance qui se lisait dans son regard prouvait qu’il n’était pas prêt à renoncer à sa convoitise. Khaleb jeta un bref regard en direction de sa sœur sans baisser sa garde. Solrad l’avait probablement frappée quand elle avait résisté car elle saignait un peu au coin de la lèvre mais il était arrivé à temps pour empêcher le pire.

— Partez, ordonna alors Khaleb qui avait rassemblé toutes ses forces pour ne pas l’égorger sur-le-champ. Nous ne parlerons pas de ce qui s’est passé ce soir et nous quitteront la ville demain.

— Ce n’est pas parce que c’est toi qui tient l’arme que tu es en position de force, répliqua le Duc avec un sourire qui puait la prétention. Je représente la plus haute autorité militaire et judiciaire de cette ville et toi, tu n’es rien. Je dicte la loi et si je veux ta sœur, je l’aurai. Si elle me résiste, je la forcerai. Il y a deux hommes juste de l’autre côté de la porte. Ils peuvent parfaitement nous entendre et, s’ils ne sont pas encore intervenus, c’est parce que je leur ai expressément demandé de n’entrer sous aucun prétexte à moins d’en recevoir l’ordre. Un mot de part et ils accourront.

— J’aurais le temps de vous tuer avant cela.

— Peut-être… mais qu’est-ce que vous ferez après ? Vous aurez toute la Milice à vos trousses. D’autant plus que vous êtes déjà recherchés…

Cette dernière remarque fit tiquer Khaleb qui dévisagea le Duc avec méfiance et incertitude.

— Oh ! Allons ! Vous ne croyez quand même pas que vos petites activités illicites allaient passer inaperçues bien longtemps ? Deux humains dans une si grande ville qui ne sont pas des esclaves, ça ne peut laisser qu’une seule alternative. Et cela coïncide drôlement avec les récents cas de vols et d’attaques de faeries. Je dois quand même applaudir votre éthique et votre professionnalisme. Je n’ai encore eu à déplorer aucune mutilation grave. Vous vous contentez de prélever des parties non-vitale sur vos victimes qui s’en sortent relativement indemnes, même si je suppose que c’est plus par souci de discrétion que par réelle compassion envers ce peuple que vous devez abhorrer. Simples servants la journée et chasseurs de reliques la nuit, votre vie est bien remplie.

— Où est-ce que vous voulez en venir ?

— Je veux juste attirer ton attention sur le fait que vous n’êtes pas en position de négocier avec moi. J’ai assez de preuves, mêmes circonstancielles, pour vous faire arrêter et exécuter sans autre forme de procès. D’ailleurs, en tant qu’humains, vous n’avez même pas de statut légal. Votre existence n’est pas reconnue par la loi. La justice peut donc se permettre d’être un peu “expéditive” lorsqu’on traite de cas comme les vôtres. Je peux fermer les yeux sur tout ça en échange d’une petite, disons... compensation ?

Khaleb avait vu le regard du Duc glisser vers sa sœur et il comprenait ce que cela sous-entendait. Il le comprenait même trop bien. S’il le tuait maintenant, ils avaient une chance d’échapper à ses hommes mais une fois loin de la taverne, ils n’avaient aucun moyen de transport, pas de provisions, ni d’armes pour se défendre. Le convoi des Purrekos ne partirait pas avant l’aube et d’ici là un avis de recherche aurait été lancé dans toute la ville et aux alentours. La Milice patrouillait dans la cité nuit et jour, les sorties et les entrées étaient étroitement surveillées et les wagons étaient systématiquement fouillés. Ils ne pourraient pas aller très loin et seraient arrêtés avant même d’avoir franchi les portes de Mareth.

Shion s’était approchée de lui et avait posé une main sur son bras. D’un geste à la fois ferme et délicat, elle l’obligea à baisser son poignard.

— Laisse-moi m’en occuper.

— Je vois que ta sœur est plus vive d’esprit que toi, railla le Duc avec un sourire concupiscent. Ou peut-être que l’offre ne lui déplaît pas tant que ça ?

— Shion, reste en dehors de ça.

— Toi reste en dehors ça !

Elle ignora l’expression abasourdie et la protestation silencieuse de son frère puis se tourna vers le Duc.

— Si je vous donne ce que vous voulez, vous ne nous ferez pas arrêter ?

— Je suis un homme de parole. Je vous laisserai même continuer vos activités si vous me laissez y prendre part. On a jamais assez d’artefacts et de reliques rares. Ma famille a l’habitude d’engager des gens de votre profession. On peut s’arranger.

Khaleb en avait assez entendu. Cet échange le dégoûtait au point d’avoir envie de vomir. Sa sœur avait perdu la tête. Elle ne savait pas ce qu’elle disait. Comment pouvait-elle accepter cette alternative comme la seule issue possible avec autant d’aplomb ? Il préférait encore tenter sa chance en tant que fugitif. Son adversaire était un combattant aguerri et un faery de la race des Ondins, qui plus est, ce qui signifiait qu’il pouvait manipuler l’eau à volonté. Tous les ondins portaient une petite gourde à la ceinture qui leur permettait d’amplifier leurs pouvoirs et le Duc ne dérogeait à la règle. L’hydrokinésie n’était pas une compétence à prendre à la légère. L’eau était l’élément le plus polyvalent ce qui le rendait particulièrement puissant et dangereux. En contrôlant sa pression et sa vitesse de projection, on pouvait le rendre aussi tranchant qu’un couteau affûté ou former une bulle dont la force de pression équivalait à celle d’un étau serré à bloc. En modifiant son état, un utilisateur suffisamment doué était capable de former aussi bien de la glace, qu’un nuage de vapeur ou un bain bouillant. Les ondins étaient moins précis et moins agiles dans un environnement aride mais Mareth regorgeait de fontaines, de bassins et de canaux. Cette ville avait été bâtie par et pour des ondins et chercher à les combattre sur leur propre terrain relevait du suicide. Khaleb savait aussi que leur point faible se trouvait au niveau de leur gorge, dans le petit creux juste aussi des clavicules. C’était là que se trouvait la Perle d’Eau, l’organe biomagique à l’origine de leurs pouvoirs hydrokinésiques. S’il pouvait le blesser à cet endroit, il avait une chance. Même si ce n’était qu’une chance sur un millier, c’était mieux que rien…

… ou ce n’était pas suffisant. Le Duc avait contré son attaque avec une facilité déconcertante. Khaleb s’était retrouvé à sa merci, sa propre gorge entre les mains de son ennemi.

— Ce n’était pas très malin ça, déplora le Capitaine de la Milice avec condescendance en écrasant lentement sa trachée. On dirait que je vais devoir te donner une bonne leçon pour t’apprendre à respecter mon autorité.

Il resserra son étreinte d’une main pour libérer l’autre. Un petit tourbillon d’eau apparut aussi autour de son index comme une espèce de vrille liquide. L’instant d’après, il lui enfonçait le doigt dans l’oreille en relâchant une telle pression que Khaleb ne put retenir un hurlement de douleur. Il avait l’impression qu’on lui perçait littéralement le tympan. Son oreille interne, à feu et à sang, lui faisait souffrir le martyre. Il entendit vaguement Shion crier quelque chose mais la douleur était si terrible qu’il peinait à rester conscient. Il avait aussi du mal à maintenir son équilibre, ses sens étaient chamboulés et sa tête était sur le point d’exploser.

Sa sœur avait dû s’interposer avec suffisamment d’autorité pour que le Duc le lâche. Khaleb s’effondra par terre en gémissant et en se tordant de douleur. Son visage ne lui apparaissait pas nettement mais il devinait que Shion était au bord des larmes et qu’elle prenait sur elle pour ne pas céder à la panique. Elle ferait mieux de s’inquiéter pour elle au lieu de le prendre en pitié comme ça. 

— Appelez vos hommes. Dites-leur d’emmener mon frère au Dispensaire.

— C’est moi qui donne les ordres ici ma belle. Si ton frère n’était pas aussi idiot, il saurait qu’on ne doit pas s’en prendre à plus fort que soi.

Khaleb arrivait à saisir une partie de leur conversation mais la douleur l’empêcher de réagir. Il tenta de protester mais seul un grognement incompréhensible se coinça dans sa gorge nouée par la colère, l’humiliation et l’angoisse. S’il n’était pas si faible, s’il n’était que la moitié du dieu qu’il était devenu, les choses se seraient passées différemment. La frustration n’était pas seulement celle de Khaleb, elle était aussi celle de Necro qui bouillonnait intérieurement.

— Ce n’est pas un ordre, c’est une requête. Je m’excuse pour son comportement, il essaye juste de me protéger. Je suppose que c’est quelque chose que même quelqu’un comme vous est en mesure de comprendre ?

— Soit. Puisque c’est demandé si gentiment…

Le Duc lança un bref sifflement et les deux miliciens qui gardaient la porte entrèrent aussitôt. Il leur ordonna de faire sortir l’humain et de l’escorter jusqu’à l'hôpital de la cité. Khaleb se débattit faiblement mais il n’avait pas la force de lutter. Les soldats le forcèrent à se relever et le traînèrent tant bien que mal jusqu’à la sortie. La porte n’était même encore refermée que le Duc avait déjà reporté son attention sur Shion.

— Tu es bien plus raisonnable que ton frère. Tu ne le regretteras pas. Je te promets une nuit de plaisir que tu n’es pas prête d’oublier.

— Ne vous flattez pas trop, répliqua Shion avec mépris. Je connais les hommes dans votre genre. Vous pensez que quand une femme vous dit “non” ça veut dire “oui” et vous croyez qu’elles ont un problème si elles ne veulent pas de vous parce que vous êtes ô combien parfait. Vous croyez qu’il suffit d’être riche, puissant et un tant soit peu séduisant pour que toutes les femmes vous tombent dans les bras. Moi, tout ce que je vois, c’est juste un gamin immature qui n’a rien dans le pantalon et qui ne sait même pas faire la différence entre virilité et machisme. Enfin, le point positif c’est que ce sera sûrement fini avant de dire ouf et que je n’aurais même pas le temps de m’ennuyer.

Sa remarque cinglante lui valut un soufflet si violent qu’elle chancela légèrement avant de retrouver sa contenance avec un stoïcisme à toute épreuve. Elle se contenta de le défier du regard ce qui ne fit qu’attiser la colère du Duc.

— Je ne voulais pas employer la manière forte, je pensais qu’on pourrait passer un bon moment ensemble, mais je vois que toi aussi tu as besoin d’être redressée, cracha-t-il en empoignant ses cheveux pour la jeter sur le lit.

C’était cette dernière image qui était restée ancrée dans la mémoire de Khaleb, comme marquée au fer rouge, avant que la porte de ne se referme derrière lui.


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