Les mystères d'Eldarya

Le cœur de Sélia battait fort contre sa poitrine. Tout autour d'elle semblait tanguer. Elle avait réussi à s'échapper de cette prison! Elle remerciait du fond du cœur l'étrange inconnu qui était venu la secourir de ce cachot...  Elle ne se posait aucune question à propos de l'identité de cet homme, elle avait d'autres priorités.. "Je dois  rentrer chez moi" se murmura-t-elle intérieurement. Elle s'était accrochée à cet unique objectif , sachant que se elle ne réussissait pas, elle allait s'effondrer... et ne réussirait pas à se relever. La liberté faisait monter en elle un sentiment d'excitation, d'adrénaline. Et dire que quelques instants plus tôt, elle était chez elle, entourée de ses proches, des ses amis... Sa vie virait au cauchemar.

Le long des escaliers en spirale, elle ne songeait à rien d'autre qu'à sa liberté prématurée.Elle devait sortir de cet enfer le plus vite possible! Et ne croiser personne...Lorsqu'elle acheva de grimper ces escaliers tortueux, elle prit une grande inspiration, et chercha des yeux la sortie, quand soudain... son ventre commença à exprimer avec un charme contestable sa faim. "Pas maintenant!" maugréa la jeune fille.Sélia inspecta en détail les lieux. Si ces calculs étaient bons, elle pourrait se diriger vers ce qui semblait être un garde manger, grignoter quelque chose, et ensuite filer à toute allure vers la sortie, à la quête d'un cercle de champignons. Elle devait réussir à rentrer chez elle... Elle devait réussir! Sa décision était prise.La jeune fille tourna la tête à gauche, puis à droite, scruta les lieux une dernière fois, et courut à toute vitesse vers le garde manger. Elle réussit à esquisser un sourire en songeant à son professeur d'EPS qui aurait été si fier de son sprint. Elle poussa la porte espérant secrètement que ce monde avait commercialisé le nutella... Mais quand elle entra, elle ne vit qu'un maigre pin au herbes sur la table, accompagné d'un pot de miel. Un peu déçue, elle se résigna à ne pas trop se plaindre. Elle se sentait déjà assez coupable de voler ce maigre encas. Elle faillit même renoncer à ce plan quand son ventre se remit à émettre un gargouillis digne d'une baleine qui agonise. La jeune humaine allait prendre possession du pot de miel quand elle sentit une main puissante s'agripper à son bras. Dès le moment où elle sentit le contact avec cette main puissante, elle sut que sa vie n'allait plus jamais être la même, que cette rencontre allait bouleverser sa vie... Eh oui mesdames et messieurs: elle était dans la mouise.

_ Une petite faim peut être? susurra le détenteur de son bras.

Sélia ne put s'empêcher de rougir de honte. Elle bégaya quelques fragments de phrases à la syntaxe horripilante, dénués de tout sens. Son cœur tomba dans sa poitrine quand elle remarqua les oreilles de la personne... Un elfe?Un elfe, oui. Un elfe grand, à la chevelure bleue, au regard d'un vert étrangement doux, au sourire charmeur, à l'expression taquine. "Depuis quand..." hoqueta Sélia.

_ On ne t'as jamais appris que ce n'est pas bien de voler? demanda-t-il avec un sourire qui voulait dire "j'ai hâte de voir si Miiko va te cuire en brochettes ou te rôtir au feu de bois."Sélia s'apprêtait à répondre quand soudain, elle sentit un bras s'enrouler autour de sa taille. Tous les muscles de son corps se crispèrent. L'inconnu  posa sa tête sur l'une de ses petites épaules et murmura :

_ On ne t'as jamais dit que tu sentais délicieusement l'humaine?

La jeune fille vira au rouge, et se dégagea rapidement de son étreinte, outrée, choquée, et dans la vitesse de son mouvement elle tomba à terre. Depuis le sol, elle vit l'elfe étrange et à ses côtés son agresseur. Elle rampa le plus loin possible de ces hommes jusqu'à ce que son dos se cogne contre le mur, et eut la force de dire:

_ Qu'est ce que vous me voulez?

Elle aurait voulu poser beaucoup plus de questions, mais l'angoisse et la timidité restreignirent sa palette de questionnements. _ Qu'allons nous faire de cette humaine Nevra? On la remet au cachot? demanda le jeune homme aux yeux verts d'un air extrêmement sérieux.Sélia devint livide. Jamais elle n'avait autant approuvé ce proverbe : la gourmandise est un vilain défaut. Elle se jura intérieurement que si elle s'en sortait, elle n'allait plus jamais manger de miel. Sélia prit malgré tout le temps d'observer le dénommé Nevra qui avait oser poser une main sur sa taille. Il était grand, avec des yeux gris perle doucereux qui semblaient tout voir, et un sourire qui laissait transparaitre... des canines. De son être se dégageait une aura ténébreuse, un charme certain, mais qui n'était pas du goût de Sélia. Malgré tout ses atouts Nevra rien de plus qu'un dragueur, comme il y en avait tant dans son monde!Nevra dit:

_ Pourquoi tant de gâchis? Laisse moi faire d'elle mon esclave, regarde comme elle est mignonne!

Secoué d'un haut-le-cœur, elle se recroquevilla d'autant plus sur elle même. Allait-elle finir en tant qu'objet sexuel?  Elle souhaitait pleurer, mais témoigner de sa faiblesse n'allait nullement arranger les choses.Elle entendit la porte du garde manger grincer. Un homme à la musculature imposante entra, au teint basané, à la chevelure flamboyante et au regard tranquille. Bizarrement, elle se sentit apaisée. Il allait peut-être prendre sa défense.

_ Qu'est ce qui se passe ici? demanda-t-il de sa voix sombre

_ Ezarel veut envoyer cette beauté au cachot, et ça ne choque personne!

Le nouveau venu posa un regard distrait sur Sélia. Ses yeux d'un violet tourbillonnant croisèrent ceux, clairs, de l'homme statue. Tout d'un coup, il arqua un sourcil.

_ Mais ce n'est pas toi qu'on a trouvé ce matin à la salle de cristal? demanda-t-il

_ Oui... mais par pitié ne me renvoyez pas au cachot, je ferais ce que vous voudrez. Je ne savais pas que ce lieu était si précieux pour vous, mais je vous assure que j'y suis arrivée contre mon gré. Je ne suis pas d'ici, et si vous m'aidez à retourner chez moi vous n'aurez plus jamais à être dérangés de ma présence.

Lorsque Sélia acheva sa longue tirade, un long silence s'ensuivit, brisé par le fou rire d'Ezarel. Il continua à rire, essuya une larme qui perlait le long de ses yeux, puis s'exclama:

_ Tu as vraiment CRU qu'on allait avoir pitié de... TOI!

Et il rit de plus belle.Sélia ne savait plus quoi penser. Elle essaya de se faire encore plus petite qu'elle ne l'était déjà, et pria pour qu'ils l'oublient.Quand soudain, sans prendre le temps de réfléchir, elle se leva, et courut, laissant tout ces hommes pantois. Elle courut vers la salle de cristal, persuadée qu'elle y trouverait un cercle de champignons, persuadée qu'elle pourrait rentrer chez elle. Elle fendit la masse que formaient les trois jeunes hommes et s'élança vers la salle de cristal. Elle savait pertinemment qu'ils la poursuivaient, mais cela n'importait que trop peu. Une fois arrivée à la salle de cristal, elle sentit comme un étau se desserrer. Sélia remarqua Miiko, qui la regardait avec un air étrange et non colérique . "Il ne faut plus que trouver le cercle de champignons" se dit d'un ton assuré Sélia.Elle s'arrêta de courir un instant.Elle fixa le grand cristal.S'accroupit.Sélia se sentait étrangement fatiguée.Elle sentait une force impalpable absorber toute son énergie vitale, se nourrir de son sang. Ses yeux d'un violet  intense virèrent au blanc, son teint ensoleillé devint livide, et tout son corps fut comme possédé par une force étrangère.Miiko ne disait rien. Valykon, Nevra, et Ezarel, essoufflés après l'avoir poursuivie, regardèrent d'un air stupéfait la scène. Sélia restait toujours accroupie, ses yeux diffusant de plus en plus de lumière, ses boucles noires virevoltant dans tous les sens.Tout vira au noir.Elle s'évanouit.

***

Un rayon de lumière vint caresser la joue de Sélia, l'ôtant de son sommeil profond. La douceur des matelas était irréelle, d'un moelleux extrême, qu'elle se crut dans un rêve. Elle ne songeait a rien, assurée qu'elle était toujours dans sa maison, auprès de sa famille, persuadée que ce qu'elle avait vécue n'était qu'un cauchemar. La soleil tapait toujours fort contre sa joue, mais elle ne s'en souciait guère. Une odeur de cannelle, de violette et de lavande embaumait la pièce. La jeune femme ne souhaitait pas ouvrir les yeux. Elle ne souhaitait pas être tirée du cocon douillet qui la protégeait de la réalité. Pourtant, lassée de sa paresse, elle ouvrit les yeux. Son coeur rata un battement.Un deuxième.Elle n'était pas chez elle.Sélia sursauta, et la panique floutait sa vue. Rien de ce qui l'entourait ne lui était familier. "Ce n'étais pas un cauchemar..." cria la voix intérieure de Sélia. Elle calma tant bien que mal les battements de son cœur et réfléchit à une solution. Il était stupide de tenter de s'échapper, tous ces étranges inconnus l'encerclaient. Et en supposant qu'elle réussisse à s'échapper, elle ne réussirait pas à trouver un cercle de champignons qui la ramène dans son monde...  Si ça se trouve elle pourrait être propulsée dans un au-delàs inconnu, et elle ne souhaitait pas prendre ce risque. Elle était coincée, seule, et ne pouvait faire confiance à personne. Sélia se sentit perdue, totalement démoralisée. Des larmes commencèrent à perler, quand elle entendit des bruits de pas se diriger vers la porte.Séchant vite fait ses larmes, elle se coucha et fit semblant de dormir. La porte s'ouvrit sans grincer.Elle reconnut la voix d'Ezarel murmurer:

_ Elle n'est pas encore réveillée.

_ Ce n'est pas normal, dit la Kitsune inquiète, tu ne peux rien faire pour restaurer son énergie Ezarel?

_ Non, les pommades sont trop puissantes pour elle, il faut déjà qu'elle s'acclimate à notre monde.

_ Je peux m'occuper d'elle, susurra Nevra

Miiko s'enflamma:

_ On n'a pas le temps pour ces histoires Nevra! On a besoin de cette fille. Et elle a besoin de repos, ne la fatigue pas.

Nevra ne daigna pas répondre. Sélia sentit son regard assoiffé de chaire se poser sur elle. Puis elle se concentra sur les pas vifs et légers qui faisaient les cent pas.

_ Je ne comprends pas, dit Valykon, pourquoi est-ce que l'oracle a désigné une humaine, pourquoi? Qu'est ce que cela suppose?

_ On ne sais pas encore. Mais cette apparition ne sera pas sans conséquences, expliqua Miiko. L'oracle n'apparait qu'une fois par millénaire, et le voir désigner cette fille qui n'est même pas de notre monde est intriguant.

Sélia souhaitait se fondre dans le matelas et disparaitre. Elle n'avait rien à voir avec tout cela._ Mais pourquoi est-ce que l'oracle a puisé dans son énergie pour apparaitre? demanda Valykon

_ Je vais devoir en parler avec Keroshane, il saura surement expliquer toutes ces anomalies, dit la Kitsune. Vous pouvez tous y aller. Valykon, il faut que tu vois ces histoires de blackdog dans la plaine Ouest, et toi Nevra va faire des recherches sur l'affaire dont je t'ai parlé tout à l'heure, et Ezarel surveille la fille. Appelle moi si elle se réveille, elle aura surement plusieurs questions auxquelles nous tacherons de répondre.

_ Pourquoi c'est moi qui ai toujours le sale boulot? s'offusqua Ezarel.

_ J'échangerais volontiers, murmura Nevra.

_ PAS DE DISCUSSION. Les ordres sont les ordres! imposa Miiko en faisant jallir des flammes bleutées.

Personne n'osa rajouter une objection.