Les mystères d'Eldarya

Chapitre 4 : Chapitre 4: Bouleversement

3051 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/11/2016 21:07

J'étais à moitié éveillé dans les bras de mon agresseur... suspendue dans le ciel. Je ne savais pas si je volais réellement, ou si c'était le fruit de mon imagination. J'étais si près de étoiles que je sentais qu'il suffisait de tendre le bras pour les caresser, les posséder, et faire partie à jamais de ce tableau nocturne. Mon cœur battait fort contre ma poitrine. En regardant cet homme masqué si mystérieux, je me demandais ce qu'il me voulait.Qu'ai-je de si particulier? Rien. J'étais juste une "petite humaine insignifiante", comme l'aurait dit Ezarel. A coup sur il doit faire la fête à l'heure qu'il est... Ca me fait un pincement au cœur de l'avouer, mais je suis sure que ça ne lui ferait ni chaud ni froid de me savoir disparue, peut être morte. Et puis ce n'est pas le plus important maintenant. Mes pensées se mêlaient entres elles sans aucune cohérence, et ma conscience n'était qu'une bribe d'inconscient... Ce méli-mélo me donnait l'impression de ne plus être en possession de mon corps, ou de mes propres pensées. J'étais si fatiguée. Les images que j'avais d'Eldarya et de mon monde  n'arrêtaient pas de s'entrechoquer dans mon esprit. En planant ainsi dans le ciel, j'avais la "chance" d'admirer le paysage féerique d'Eldarya. C'est sur que se faire kidnapper n'est pas la chose la plus agréable à vivre, (je ne vous souhaite pas cela),  mais mon Dieu, ce que c'était beau! Je voyais un fleuve miroiter sous mes pieds, des lucioles colorer les arbres de reflets rosés et bleutés. Une forêt aux milles couleurs teintait l'espace d'une aura surréaliste. Etais-je vraiment consciente? Des parfums inconnus venaient chatouiller mes narines alors que j'étais à plusieurs mètres d'altitude! Imaginez donc la sensation d'une marche  dans cette forêt pieds nus, sentant les plantes vous chatouiller les orteils. Cette synesthésie des sens était étrangement réconfortante...Mais pourquoi suis-je si fatiguée? Qu'est-ce que ce type m'a fait? A coup sûr le tissu qu'il m'a fait sentir était imprégné d'un somnifère. Pourquoi personne ne prends en considération mon avis dans ce bled?! Toute la sérénité que m'a transmis la nature se dissipa pour laisser place à de l'incompréhension et de l'inquiétude. On m'a projeté dans ce monde sans raison valable, mise dans un cachot sans raison valable, et maintenant on me kidnappe alors que je ne vaux même pas un poisson libellule... Pff, je ne comprends rien. J'avais tellement envie de donner un coup dans les côtes de mon agresseur et de me libérer de son emprise mais je risquais de finir avec autant de formes qu'une crêpe. Ou diable m'emmenait-il?! Pourquoi je pense à toi Ezarel... Mes paupières se font lourdes...

***

_ Chante!

Un son grave me tira brutalement de mon sommeil forcé. Je voulais décaler une de mes boucles de mon champ de vision mais je sentais que quelque chose m'en empêchait. C'est pas vrai... Il m'a ligoté ce... ce... (restons polis).

_ Chante! répéta-t-il.

Par esprit de contradiction, j'avais envie de tout faire, sauf chanter. S'il m'avait demandé: "auriez-vous l'amabilité de laisser couler le doux son de votre voix", lààà, j'aurais peut être pu y réfléchir. Mais là ce mec me kidnappe, me ligote, et me donne des ordres! Pire qu'Ezarel! En plus, ce que je ne comprenais pas, c'est que j'étais sûre à mille pourcent que c'est lui l'homme qui m'a libéré du cachot à mon arrivée à Eldarya. Pourquoi ne pas m'avoir enlevée tout de suite?! Noon, monsieur me libère, me fait croire que je suis en sécurité, puis m'enlève. Et pourquoi veut-il que je chante? J'eus la force de lui demander:

_ Pourquoi?

A travers son masque je tentais de croiser ses yeux: rien. A se demander s'il était humain...ah mince, c'est moi l'unique humaine dans l'histoire (-_-). Bon bref, cette situation me faisait froid dans le dos. Je sentais qu'il me fixait, mais je ne voyais pas ses yeux. En plus il ne me répondais pas. Son attitude et sa silhouette s'alliait parfaitement au décor morose de la pièce, qui contrastait avec les merveilles de la forêt d'Eldarya. Tout était fait d'un bois dur, aussi dur que son cœur.

_ Pourquoi? répétais-je

Il n'était qu'à quelques mètres de moi.

_ Chante et tu seras libre.

Sincèrement, je ne savais pas quoi en penser pour le coup. Je sentais qu'il était sincère, mais à quoi ça me servirait d'être libre si de toute façon je ne pourrais pas rentrer chez moi. Je ne sais pas par où on est venus, et je ne sais pas combien de temps on a volés (si on a vraiment volés). J'étais totalement désorientée. Je n'allais pas rentrer dans son piège. De plus, Miiko allait surement se rendre compte de ma disparition, le soleil avait déjà commencé à se lever. J'espérais de tout mon cœur qu'elle vienne me libérer. Je me fixais pour objectif de tenir encore deux heures... Deux heures uniquement. Je pouvais le faire.

_ Pourquoi avez-vous besoin que je chante?

Je n'allais pas le lâcher. Oui j'avais peur, mais s'il a réellement besoin de mon chant, c'est pour une raison. Et si ça se trouve je risque de mettre Eldarya en danger, qui sait? Peut être n'étais-je pas si insignifiante que ça...L'homme me fixait sans cesse, et la froideur de son attitude me donnait envie de déguerpir. Mes poignets me faisaient atrocement souffrir, les liens m'enchaînant à la chaise frottaient mes blessures récentes. Pourquoi ne répondait-il pas bon sang...Soudain, il s'approcha de moi à pas lents. Quand il ne fut qu'à quelques centimètres de mon corps, il fit jaillir un poignard assez aiguisé pour me couper en deux sans freiner un instant.

_ Pour ne pas mourir sous ma lame, dit-il d'une voix glaciale.

Une sueur froide fit frémir mon échine. J'essayais de me calmer. Cet homme a besoin de moi, c'est évident. Je ne peux pas céder à ses menaces. Je sentais que la panique me gagnait, des larmes voulaient couler. Mais je devais rester forte. En prenant tout le courage que je possédais, je lui répondis:

_ Mon cadavre ne chantera pas pour vous. Morte, je n'aurais plus aucune valeur.

Il approcha sa lame de mon cou lentement, jusqu'à ce qu'elle morde ma peau. Une goutte de sang perla.

_ Ah oui? C'est ce que tu crois...

J'ai crié, étant persuadée que personne n'aurait jamais l'occasion d'entendre le cri de mon agonie. J'allais mourir seule, ici, dans cette pièce étouffante.Quelque chose siffla dans mes oreilles. Une flèche vint s'abattre sur l'épaule de l'homme masqué, qui fut projeté en arrière. Je me retournais autant que je le pouvais sur ma chaise pour voir Nevra ranger son arc.

_ Sélia, vite! cria la voix familière de Valykon

Je n'arrivais pas à me défaire de mes liens. Je n'y arrivais pas! Miiko entra à toute vitesse dans la pièce et défit les cordages sur mes poignets ensanglantés. Un cri strident s'échappa de ma gorge lorsque je vis l'agresseur se jeter sur Miiko en la prenant par le col de sa tenue. Nevra réagit au quart de tour et décocha une flèche qui s'abattit sur le dos de l'inconnu. Il ne cherchait pas à le tuer, mais à le neutraliser. D'un coup sec et précis, Miiko vit virevolter l'arme de l'inconnu jusqu'à l'autre bout de la pièce pour éviter qu'elle ne la blesse.

_ Vous ne pouvais pas faire... ça! Vous ne pouvez pas... mon enfant. Elle mourra par votre faute! J'ai besoin de l'essence de cette fille! cria d'un ton plaintif l'homme si silencieux.

Malgré les flèches qui perçaient son corps, l'homme ne voulait pas lâcher Miiko. La kitsune lui asséna un nouveau coup, mais cette fois-ci au niveau du torse pour le neutraliser totalement et l'empêcher de respirer. Elle poussa le corps encombrant qui était avachi sur elle et se leva. Il suffoquait. Elle me prit par la main et cria:

_ Saute !

Saute?Je me jetais avec elle par la fenêtre en criant, quand j'atterris sur un texture moelleuse, plus de vingt mètres plus bas. Le matelas avait la couleur et la texture d'une barbe à papa, mais je n'eus pas le temps de m'extasier sur cette merveille, que déjà Miiko sifflait. Elle masquait son angoisse et me rassura:

_ Ne t'inquiète pas, on rentre bientôt.

A peine eut-t-elle fini sa phrase que je vis un aigle majestueux se plus de dix mètres de long atterrir près de moi. Je reculais d'un pas, impressionnée. Miiko eut le force de sourire en caressant cet aigle d'une blancheur indicible. Je l'entendis murmurer:

_ Rentrons à la maison Idylla...

A la manière dont elle lui parlait, je compris tout de suite que c'était son familier.Elle se retourna puis s'adressa à nous:

_ Montez tous!

J'hésitais un instant, puis me résignais à monter, désirant m'éloigner le plus possible de cet homme violent. Je ne voulais pas savoir s'il allait succomber à ses blessures, je ne voulais plus entendre parler de lui pour le moment.Le premier contact que j'eut avec l'oiseau était juste... puissant. La douceur de ses plumes fines aux filaments serrés me fit du bien. Nous nous retrouvâmes Nevra, Valykon, Miiko et moi-même sur le dos de ce rapace incroyable. Personne ne semblait avoir l'envie de discuter pour l'instant, et le vol s'annonçait silencieux. J'appréciais le fait que Nevra n'ait pas profité de la situation pour se coller à moi, je lui en étais réellement reconnaissante. Ca m'a fait chaud au cœur qu'il soit venu me chercher, j'avais l'impression qu'il tenait vraiment à moi... L'impulsion que prit l'aigle pour s'élever dans le ciel généra un courant d'air qui témoignait de sa puissance. C'était encore plus impressionnant d'être sur le dos de l'animal, et en plein vol, on sentait ses muscles se tendre et se détendre contre nos corps. Ses ailes blanches tiraient vers un bleu nocturne aux pointes, et ce bleu mourrait en un trait argenté.Nevra était juste devant moi, et je m'agrippais à sa taille de peur de tomber. Il me demanda d'un ton dépourvu de son mielleux habituel:

_ Est-ce que tu vas bien Sélia?

_ Maintenant que vous êtes là, oui,  dis-je en réussissant à lui sourire.

Nevra me prit ma main ensanglantée délicatement pour ne pas me faire mal. Il releva mon menton et murmura en me regardant dans les yeux :

_ Je ne laisserait plus personne te faire du mal, j'en prête le serment.

Son ton était tellement sérieux qu'il me fit presque peur. Je ne sut quoi répondre et rougis involontairement.

_ Merci Nevra.

 Mais même devant tant de compassion, je me sentais mal à l'aise. J'étais épuisée, fatiguée, et triste. Mes proches me manquaient, je ne souhaitais plus vivre dans la violence et la peur. J'étais heureuse que les membres de la garde se soient rendus compte de ma disparition assez tôt. S'ils étaient arrivés quelques minutes plus tard peut être qu'ils n'auraient trouvés que des morceaux de Sélia... Et puis... je me demandais pourquoi Ezarel n'était pas venu. Il a surement refusé de venir. Mais il n'y avait pas que ça. Il y avait quelque chose de plus profond qui m'intriguait. J'avais l'impression que les membres de la garde me cachaient quelque chose. L'homme qui m'a kidnappés m'a semblé dire :" j'ai besoin de son essence", et avait parlé de son "enfant". Que voulait dire cela? Pourquoi mon chant serait-il associé à mon essence? Il m'a semblé être en détresse. Même s'il a agi de manière abjecte, je sens que quelque chose d'important se cache derrière cette déclaration. Je pense que je vais creuser ça un peu plus toute seule avant d'en parler à Miiko. Il va falloir que je me décide à apprendre le faery pour pouvoir me documenter...

***

L'aigle se posa enfin à terre, et mes jambes tremblaient dans tous les sens. On est bien restés une heure sur le dos du familier de Miiko, et je sentait des fourmillement dus au manque de mouvement. Nevra m'aida à descendre en me prenant par la taille.Quand j'arrivai à l'entrée du QG, vous ne pouvez pas imaginer le bonheur qui s'est emparé de moi! Je manquais terriblement de sommeil, mes poignets étaient douloureux, et j'avais un mal de tête atroce(surement un effet secondaire du somnifère)... donc savoir que j'étais à peu près à l'abri me rassura.Miiko me dit qu'il fallait que j'aille à l'infirmerie pour soigner mes blessures, et me demanda encore une fois si je me sentais bien. Elle me promit que rien de tel ne pourrait se reproduire, qu'elle allait en parler à Leiftan et qu'on en reparlerais dès que j'aurais récupéré.J'avais à peine fait un pas que je sentis quelqu'un se jeter sur moi. Cette personne m'étreignait avec tant de force que je n'arrivais plus à respirer. Dans l'émotion de l'étreinte, je sentis des larmes embuer ma vue. Je serrais cette personne dans mes bras en retour. Je ne voulais pas savoir qui c'était, je n'arrivais pas à croire qui c'était. Mais l'odeur légère de violette, mélangée à celle d'une brise marine était reconnaissable entre toutes. Ezarel me serrait fort dans ses bras, et ne souhaitait plus me lâcher. Je sentais son cœur battre contre le mien, dans un même rythme bouleversé. Je ne sais pas combien de temps on resta l'un contre l'autre, mais lorsqu'il se détacha légèrement de mon étreinte, il croisa son regard sérieux dans le mien, et dit:

_ Petite idiote... pourquoi est-ce que t'es venue en retard?!

Je ris franchement. Son humour décalé m'avait manqué. Il me prit par les épaules et me dit:

_ J'ai cru que j'allais te perdre... ne me refais plus jamais ça. Je...

Je rougis. Il avait tellement de mal à montrer ses sentiments. Il se cachait toujours derrière son humour, mais aujourd'hui, il ne voulait pas se défiler.

_ Je tiens énormément à toi Sélia. Te perdre... c'est... inconcevable. Je...

_ Chuut, ne dis rien. Certaines choses peuvent s'exprimer dans un regard.

Ezarel rougit pour la première fois et me regarda avec le plus de sincérité possible. Il me rapprocha contre lui, posa ses mains sur ma taille, et m'étreignit de nouveau. Je n'osais pas aller plus loin, et lui non plus... Il caressa mes boucles sauvages, et à ce moment là, aucune crainte ne put m'habiter.

_ Je t'aime petite humaine insignifiante, murmura-t-il dans mon oreille

_ Moi aussi petit Elfe, moi aussi.

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