Le dernier mouvement de la danseuse perdue [ Ezarel ]

Chapitre 4 : Chapitre 3 : Le champ des brigands

2454 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 20/04/2017 18:23

 

- Tu vas rester fâchée encore longtemps ?


La voix souhaitée neutre semblait flancher sous la culpabilité. La tentative d’Ezarel pour engager la conversation était un échec. En effet, Lazuli n’était pas «fâchée» … c’était un bien trop faible qualificatif. C’est pourquoi elle ne daigna même pas le regarder. Elle était à cheval, et gardait le dos droit, la ta tête haute, répondant sans le vouloir à son statut de princesse. Elle agissait sur Ezarel comme si elle avait un pouvoir sur lui, comme si c’était lui qui était enchaîné. Face au silence de Lazuli, Ezarel pesta quelques paroles inintelligibles. Il n’avait pas l’habitude à ce qu’on lui tienne tête avec autant de facilité, et se sentait pris au dépourvu.


Depuis qu’Ezarel était venu à la rencontre de Lazuli, deux jours s’étaient écoulés. Deux jours qui donnaient l’impression de s’étaler sur un mois, tant ils étaient riches d’émotions. Mais depuis l’incident de la veille, depuis qu’Ezarel avait décidé d’enchaîner Lazuli, le temps s’est arrêté. La forêt qu’ils parcouraient semblait morte, comme en deuil, en réponse à ses pouvoirs confisqués. L’atmosphère était lugubre, Lazuli nourrissant sa tristesse et ressassant les évènements passés. Que faisait-elle ici ? Pourquoi la Garde d’Eel avait-elle tant tenue à la retrouver ? Qui était vraiment Ezarel ? Qui était-elle vraiment ? une esclave, une danseuse, une princesse… perdue ? Avait-elle perdue toute identité ? Toutes ces questions restaient en suspens dans son esprit, telle une épée de Damoclès au-dessus de sa tête. Et le jour où la vérité éclatera, il ne restera d’elle qu’un corps inerte transpercé par cette arme.


Le temps tintait dans l’espace, raisonnant, mais refusant de s’écouler. Un silence pesant était présent. Ezarel, las, fatigué, ne tenait plus en place. Il marchait à pied depuis le lever du soleil et voilà que bientôt celui-ci se couchait. Lazuli, elle, chevauchait tranquillement Murmure, le cheval d’Ezarel à la robe pommelée. En peu de temps un lien puissant s’était tissé entre Lazuli et la bête. Et bientôt Murmure sut ce qui se tramait dans la tête de Lazuli…


Les paysages auraient pu sembler féeriques, mais une impression d’étouffement nouait la forêt. Ils arrivèrent bientôt devant une rivière s’écoulant tranquillement. Ezarel arrêta Murmure et dit en brisant un long silence :

- Nous arrivons dans une zone à risques. Restons sur nos gardes. Nous ne sommes pas loin de notre point d’arrivée, peut-être une demi-journée de marche si on garde ce rythme, mais il vaut mieux ne pas prendre de risques. Tiens porte ça !

Il jeta vers Lazuli une cape sombre qu’elle fit s’emblant d’essayer d’attraper. Elle tomba au sol. Ezarel vira au rouge. Devant tant de provocation il souhaitait juste la laisser là et partir loin.

- Oh, excuse-moi, je n’ai pas réussi à l’attraper à cause de ça, dit-elle en secouant bruyamment les chaînes qui scellaient ses poignets.

Ezarel bouillonnait de colère.

- Tu as autant de maturité qu’une gamine de onze ans ! Vas-y, fais-toi remarquer, je m’en fiche ! soupira-t-il de manière désespérée.

Lazuli ne répondit pas tout de suite.

Elle sourit.

- Qu’est-ce qui te fais sourire ? demanda Ezarel toujours agacé 

- Alors… ça ne te ferais ni chaud ni froid que je me fasse… remarquer ? susurra-t-elle de manière sensuelle.

Ezarel arqua un sourcil et rabattis une de ses mèches bleutées derrière la tête.

Elle descendit de Murmure.

Marcha vers la rivière.

La voix d’Ezarel s’étrangla, et un « Mais qu’est-ce que tu f… » ne réussit à franchir sa gorge.

Elle laissa glisser le léger tissu bleu nuit qui lui servait de robe.

Dévoila ses courbures affolantes, partiellement cachées par ses longs cheveux de jais embrassant le sol. Le seul vêtement qu’elle portait était une lingerie cachant le strict minimum.

Ezarel rosit et se retourna de suite, en sueur.

- La-Lazuli, je te prie de remettre tes… vêtements, réussit-il à articuler.

La belle elfe rit devant sa pudeur.

- Pourquoi cela ? Ne veux-tu pas profiter avec moi de cette eau si fraîche ?

Ezarel, toujours de dos, déglutis péniblement. Il se cacha les yeux, même s’il était de dos, pour évider de succomber à la tentation.

- Nous devons traverser cette zone à risque vite, dit-il précipitamment. Couvre toi, si quelqu’un nous découvre…

- Laisse-moi profiter de cette eau si tiède, si revigorante, avec toi. On a passés tous les deux une journée si fatigante...

Elle commença à nager en riant, telle une sirène attirant un marin.

Ezarel, toujours gêné à l’extrême, ignorait les appels persistants de sa prisonnière. « J’ai une mission, c’est un piège » se répétait-il en boucle.

- Tu en mets du temps, râla-t-elle de sa voix envouteuse.

Soudain, un cri de panique retentit.

Un cri féminin.

Ezarel se retourna en une fraction de secondes, et vit Lazuli se débattre dans l’eau, se noyant sous ses yeux.

- Lazuli !! cria-t-il

Il réagit au quart de tour, et plongea sans réfléchir dans l’eau, sans même prendre le temps d’enlever ses vêtements. Il voyait la jeune femme battre des bras dans tous les sens en criant son nom. A cet instant là Ezarel ne pensait qu’à Lazuli, qu’à la mission que Miiko lui avait confiée. Il devait la ramener au QG ! « J’y suis presque… » se murmura-t-il intérieurement. Bientôt il ne put reconnaitre de la jeune femme que les longs cheveux ébène totalement immergés. Il plongea et la ramena à la surface. Il porta ce corps frigorifié près de lui, et cherchait un quelconque signe de vie.

- Lazuli ?! Ça va tout va bien ?

Contre toute attente, Lazuli se mit à rire. Son visage vu d’aussi près était pureté et harmonie. Ses lèvres bleutées par le froid, ce teint rosi… tout était en concordance avec ses cheveux noirs collés de part et d’autre de son visage.

- C’est fou comme tu es si vite tombé dans le piège, ria-t-elle

Ezarel réalisa qu’il venait de se faire avoir de manière enfantine, et se dégagea rapidement de la jeune femme. Elle avait feint une noyade juste pour qu’il vienne vers elle…

Elle s’approcha de lui en enroula ses bras autour de son cou. Elle senti les battements du cœur du jeune elfe battre contre sa poitrine. « Peut-être devrais-je tout arrêter… » songea-t-elle un instant.

Mais non. Rien ne pourrait la détourner de son objectif.

Elle sentit Ezarel lâcher prise, et se laisser aller dans ses bras. Elle lui enleva sa chemise de manière détachée. Elle put alors découvrir un torse musclé, au teint aussi clair que le sien. Alors que ses lèvres redevenues rouges s’approchaient dangereusement de son cou, elle mordit le fil d’où pendait l’objet de ses désirs… la clef. En une fraction de secondes, elle eut le temps de s’emparer de la clef, et Ezarel comprit le subterfuge. Il la saisit brutalement, la sentit glisser entre ses mains et cria :

- Comment oses-tu ?!

Lazuli criait et se débattait dans l’eau, n’arrêtant pas de lui ordonner de la lâcher. Ezarel, furieux, réussit à la maîtriser et nagea jusqu’à la rive. La jeune elfe ne cessait de crier de frustration. Au loin, Murmure regardait la scène avec des yeux terrifiés.

- Tais-toi ou on va se faire repérer !

- Lâche MOI !

Un cri inhumain sorti de sa gorge si féminine, et fit s’élever dans le ciel tous les oiseaux dans un rayon de plus d’une centaine de mètres. Ezarel se frappa la tête de la paume de la main et pesta :

- Quel mot tu ne comprends pas entre « tais-toi » ou « repérer » ?

La jeune princesse continuait de crier à s’en arracher les cordes vocales, et pour cesser ce massacre Ezarel posa fermement une main sur sa bouche. Loin de baisser les bras, Lazuli lui mordit la main de toutes ses forces. De surprise, Ezarel la lâcha puis se mordit les lèvres jusqu’au sang de douleur. Il jeta un coup d’œil rapide à sa main ensanglantée, où l’on voyait clairement trois trous lui percer l’épiderme. Cela ne l’empêcha pas ne repêcher sa prisonnière.

- Ce que t’es déterminée quand même ! Dommage que tu n’aies pas compris que tu n’as aucune chance face à moi.

Ezarel à deux doigts de la crise de nerfs, insista méchamment sur ce groupe de mots : « aucune chance ». Elle n’avait réellement aucune chance...

- Le jours ou je serai délivrée de mes chaînes, tu me le paieras tellement cher … tu n’es qu’un montre! Tu salis notre honneur, tu salis l’image des elfes, tu es une horreur absolue ! Tu ne réussiras jamais à me rabaisser, et même ainsi enchaînée, j’ai plus d’honneur que toute ta lignée ! Espèce de…

Lazuli débita ainsi une indénombrable liste de jurons, et lui cracha au visage.

- Tais-ton au nom du Cristal ! Tais-toi ! pesta-t-il

Rien n’allait pour Ezarel. Il avait la main mortifiée, les yeux sans cesse éclaboussés, et une jeune femme l’insultant de tous les noms d’oiseaux qui lui venaient à l’esprit. Mais le pire dans tout ça, c’est qu’elle donnait leur emplacement exact à n’importe quel groupe de bandits…

Ayant enfin réussi à retrouver Murmure au niveau de la rive, Ezarel posa Lazuli au sol et se jeta sur elle, ramenant ses poignets vers l’arrière. Le gazon était frais, humide. Soudain, elle arrêta de crier, et ce silence était tellement doux qu’il en semblait presque irréel. Leurs visages n’étaient qu’à quelques centimètres l’un de l’autre. Ezarel cherchait les yeux de Lazuli, et elle se pétrifia devant tant de dureté. Quand le jeune elfe s’exprima, ce fut d’une voix aussi taillée que l’outil qui a permis de sculpter David de Michel Ange.

- Déblatère tout ce que tu veux à mon propos. Mais ne te joue plus jamais de moi comme tu l’as fait. N’ose plus poser tes mains crasseuses de femme publique sur mon corps. Tout le monde pourra penser ce qu’il veut à ton égard, mais pour moi, tu ne seras jamais plus une princesse. Tu es juste perdue.

Lazuli sentit quelque chose lui comprimer la cage thoracique. Elle chercha, sans succès, une bouffée d’air frais. Mais les yeux si durs d’Ezarel l’empêchaient de respirer. Tous ses muscles étaient tétanisés, et son corps était comme figé dans le temps. Cette attente immortelle lui comprimais les os, lui tordait les muscles, lui déchirait l’âme.


Après ce qui ne s’est avéré être que quelques secondes, Ezarel se leva, avec une expression de dégoût sur son visage. Lazuli, elle, était toujours figée, ne fixant rien et tout à la fois. Toujours sonnée par la gifle verbale qu’elle venait de recevoir, son visage tournait au bleu. Comment respirais-t-on déjà ?

Contact humide sur ses joues.

Petite léchouille adressée avec amour.

Comme sortie d’une transe, Lazuli inspira et expira avec rapidité. Elle avait été à deux doigts de l’asphyxie. Reprenant ses esprits, elle vit Murmure lui lécher les joues. La jeune elfe ne dit rien, mais dans son regard on devinait mille remerciements. Sans elle peut être ne serait-elle plus en vie ?...

Toujours immobile, elle ne permit qu’à ses yeux de bouger et cherchez Ezarel. Il était là, de dos, et fixait l’eau du lac, aussi figé que son corps.

Elle le regarda longtemps.

Longtemps.

Jusqu’à ce que la lumière stellaire s’éteigne.


***

(PDV Ezarel)

Je ne sais pas ce qui m’a pris.

Elle ne méritait pas ce traitement. Surtout lorsqu’on sait par quoi elle a dû passer. Je me suis acharné sur elle. Je lui ai fait tellement mal. Lazuli est une colombe. Les colombes ne s’enchaînent pas. Les colombes volent et épousent le ciel. Mais ce symbole de liberté, cette colombe, m’a fait si mal. C’était lâche de vendre son corps pour sa liberté. Pourtant elle ne méritait pas ce traitement. Et elle n’a surement pas dû comprendre ma réaction. Comment l’aurait-elle pu ?Elle ne sait rien de moi.

J’ai froid.

Je suis fatigué

Mes vêtements sont mouillés.

Il fait nuit et je me sens si seul…

Les choses se seraient-elles passées autrement je l’avais libérée plus tôt ? Non. Je ne pense pas. Son rêve était de fuir, et elle aurait trouvé n’importe quel stratagème pour pouvoir le réaliser. Comme celui dont j’ai été victime…

Nevra aurait-il succombé aux charmes de Lazuli à ma place ? Ou Valkyon ?

Non. Ils sont bien trop professionnels. Bon pour Nevra je ne suis pas si certain…Lui ça lui aurait plût.

Je me suis fait avoir d’une manière si stupide… ! Comment ai-je pu succomber aussi facilement à l’attrait du corps ?! Oui, ok, je ne me suis pas fait avoir par n’importe qui quand même, mais Lazuli, la personnification de la beauté.

Je tremblais de froid. Un vent glacial vint souffler sur mon visage, n’ayant pas pitié de ma situation. Je tentais de retrouver le sommeil. Sans succès.

Je n’entendis pas les pays feutrés qui s’avançaient vers moi…

Qu’est-ce que ????

En une fraction de seconde, tout se brisa.

Coup violent.

Douleur.

Néant.

Tel est le champ de brigands.

 

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