[Nathaniel][Castiel] La passion des Amants Maudits

Chapitre 1 : Partie 1 Chapitre 1: Apollon et sa Muse

3269 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 13/03/2019 20:05

D’un mouvement fluide, je vêtis ma robe en dentelle noire. En vitesse, je posais mon mascara, suivi de mon rouge à lèvres préféré. D’un rouge aussi intense que mon sang. Je n’avais pas le temps pour le fard à paupières. De toute façon je ne souhaitais pas en faire trop dès le premier soir.

-Je vais être en retard ! Mais où sont mes escarpins ? maugréais-je dans le vide

Je ne voyais que des baskets disposées aléatoirement dans mon studio d’étudiante. Je n’allais tout de même pas pouvoir aller à mon rendez-vous en baskets… Et c’est à ce moment-là que je me dis que maman n’avait jamais eu aussi raison : l’organisation, c’est primordial. Même si l’on est seul dans un petit studio perdu en plein Paris.

Je jetais un rapide coup d’œil à ma montre. Déjà vingt heures ! J’ai un quart d’heure de retard alors que je ne suis toujours pas sortie de chez moi. Dans mon bureau envahi par mes nombreux classiques de la littérature française et devoirs à rendre, je cherchais avec l’énergie du désespoir mes escarpins. Lorsque ma main cogna avec brutalité un objet beaucoup trop résistant pour être une feuille, et pas assez volumineux pour être un livre, je pris une nouvelle résolution : ranger ce qui me servait de salon, chambre et cuisine…


- Demain on va à Ikea pour installer une étagère à chaussures ! Plus personne ne pourra nous séparer, dis-je en m’adressant à mes biens aimées chaussures avec un dramatisme peut être trop prononcé.

Je jetais mon dévolu sur mon sac, y mit mon téléphone, argent et tout le nécessaire dedans puis sortit en courant, sans oublier de fermer à clef. Le restaurant n’était pas si loin d’ici mais il me fallait cinq bonnes minutes de course. Je m’arrêtais soudain en me rendant compte que je n’avais pas eu le temps de me regarder dans la glace. Je me dis d’un air lassé que ce n’était pas grave, et que de toute façon, si c’est quelqu’un de bien, il ne s’arrêtera pas sur mon physique.

-Aïe ! dis-je en me foulant presque la cheville.


J’enlevais mes escarpins pour observer l’ampleur des dégâts. Mince je crois m’être fait sacrément mal. Je m’assis sur le trottoir et observait ma cheville. Elle était rouge, légèrement enflée. Je grimaçais de douleur en tâtant la zone meurtrie, c’était bien ma veine… ! J’enlevais mes escarpins d’un coup et me mit à courir pieds nus en plein Paris. Que pouvais-je y faire, c’était ça ou bien finir avec un plâtre. Mais j’aurais peut-être dû éviter, au vu des regards cinglants que je reçus d’adeptes de la modes … Ils sont partout, décidemment. Même en pleine rue pour toiser mon look avec dédain. Mais je n’y prêtais pas trop attention. J’avais mis mon classique, une petite robe noire, indémodable, et qui moulait toujours aussi bien mon corps de sportive. Et puis, rares sont ceux qui allaient me détailler de la tête aux pieds.


Vingt heures et quart. Cela équivalait à une demi-heure de retard. C’est sûr qu’il ne m’a pas attendue… Au bout de l’avenue animée des Champs-Élysées, j’aperçus le restaurant Laurant, auquel il m’avait invité. Ma mâchoire se décrocha naturellement en voyant que c’était un restaurant gastronomique raffiné, alors que je m’attendais à ce qu’on se rencontre dans un fastfood. Pieds nus, la bouche ouverte avec béatitude, c’est sûr que je ne me sentais pas vraiment à ma place. C’est le genre de resto où dîner me couterait le loyer d’un mois. J’essayais de chercher des yeux un restaurant du même nom, dans le même endroit, mais beaucoup plus… accessible ? Bien évidemment je ne trouvais rien, et je me contentais d’observer au pied de l’immense porte la toute splendeur de la bâtisse qui gardait tout du style architectural du dix-neuvième siècle. Rien que l’idée de rentrer me mit mal à l’aise. A travers la vitre, je le cherchais des yeux. Si ça se trouve il n’est plus là, donc ce ne serait peut-être pas nécessaire de rentrer. Après tout, qui aurait toléré un tel retard ?

Mon cœur rata un battement quand je le vis. Il était là, posant ses yeux ambrés un peu partout dans la pièce, attendant patiemment que je vienne rompre ce qu’il vivait sûrement comme un supplice. Je pris mon courage à deux mains, et posais une main sur la poignée de la porte, après avoir remis mes talons hauts. J’ignorais la douleur diffuse au niveau de ma cheville, et fit un pas à l’intérieur du restaurant. La fraîcheur de la pièce contrastait avec la chaleur estivale du mois d’août.

Lorsqu’il me vit, qu’il posa ses yeux ambrés sur moi, je fus étrangement réconfortée. Sans savoir pourquoi. Peut-être que c’est juste l’effet de la climatisation ? Il rougit, mais accrocha tout de même mon regard avec confiance. Il se leva de se chaise avec précipitation, et après m’avoir fait la bise, dit de sa voix douce d’homme:

-Rima! Je suis si heureux de te voir.

-Excuse-moi, m’empressais-je de dire. Pour le retard je veux dire…

-Non, ce n’est rien, ce qui importe c’est que tu sois là.

Je lui souris, mal à l’aise d’entendre des propos aussi galants. Je n’y avais pas vraiment l’habitude. Je restais debout, pétrifiée, quand il dit soudainement :

-Mais suis-je bête ? Je ne t’ai même pas proposée de t’assoir. Je t’en prie, Rima. Tu es toute essoufflée !


Je rougis et m’assis face à lui maladroitement. Mon teint clair me trahissait, il allait sûrement remarquer que mes joues rosissaient à vue d’œil. Mais c’était en partie dû à ma course le long de l’avenue, ça va j’ai un bon camouflage. Gênée par son regard intensément posé sur moi, je détournais le regard.

La table qu’il avait choisie était réellement bien placée. Pas trop loin du reste des clients pour ne pas se sentir isolés, mais pas trop près non plus pour garder de l’intimité. Une musique feutrée flottait dans l’air. Les pas étouffés des serveurs guidaient la danse. Et les bougies aux chandelles rendaient le regard du jeune homme qui me faisait face encore plus douceâtre. Il n’avait rien du jeune homme timide qui m’avait invité à dîner sans même pouvoir accrocher mon regard.


Je ne savais pas quoi dire. Moi d’ordinaire si bavarde, j’étais tétanisée par l’atmosphère du restaurant. Mais il n’y avait pas que ça. La galanterie de l’homme qui m’avait invité était déroutante. Faisait-il de même avec toutes les filles qu’il invitait ? Je regrettais soudainement d’être venue.

Je n’avais pas eu le temps de me regarder dans la glace…Je ne savais pas si mes longs cheveux noirs défiaient les lois de la gravité, je ne savais pas si mon mascara avait coulé, je ne savais pas si mon rouge convenait… quoique pour le rouge, je ne pouvais pas faire mieux. Aucune autre couleur n’aurait pu mettre davantage en valeur mon teint clair et mes traits. On m’a toujours surnommée la « Blanche neige aux cheveux longs », et ce rouge ne faisait que confirmer ce titre. Mais de toute façon, je ne tenais pas à conquérir cet homme. Sur cette pensée satisfaisante, je pus aborder ce rendez-vous autrement. Moins d’angoisses, car après tout je n’avais même pas besoin de faire d’efforts pour lui plaire. J’allais être aussi naturelle qu’à l’accoutumé !

Un garçon vint nous apporter la carte des vins pour commencer.

-Je m’excuse je ne bois pas, me contentais-je de dire en souriant.

-Est-ce que tu veux un jus ? Un cocktail sans alcool ? me demanda le jeune homme.

-Juste, de l’eau ça ira, répondis-je avec franchise.

-Rima… bon alors de l’eau, et je te propose qu’on se prenne tous les deux un jus citron-menthe, c’est rafraîchissant en été.

Il m’adressa un sourire qui était sans doute mille fois plus rafraichissant que n’importe quelle boisson.

-D’accord, dis-je en hochant la tête

Le garçon s’inclina légèrement, puis partit avec notre commande en nous laissant la carte des menus. Je la pris et commençait à regarder les spécialités, quand je remarquais qu’il n’y avait pas les prix affichés dessus.

-Nathaniel… pourquoi il n’y a pas les prix ? lui demandais-je en blêmissant.

Me voir dans cet état était sans doute comique, ou du moins je pouvais le deviner d’après son rire franc.

-Si tu voyais ta tête ! Ne te soucie pas de cela, ça me fait plaisir de t’inviter.

-J’insiste Nath, je ne peux pas te laisser payer pour moi.

Nath…pourquoi l’avais-je appelé ainsi ? Ce diminutif est sorti si naturellement. Il baissa les yeux en souriant.

-Rima, je t’assure que ce n’est rien. Dis-moi plutôt ce qui te tenterait.


« Rien de cela n’est réel », me dis-je intérieurement. Comment en étais-je arrivé là déjà… ? La première fois que je l’ai vu, c’est à la remise de prix du concours général de littérature. La deuxième fois, à celle de mathématiques. Il était toujours là. Et moi aussi. Je n’ai pas vraiment fait attention à lui jusqu’à ce qu’il m’invite à dîner. Il avait l’air si timide, pas du tout le genre d’homme que je côtoyais. J’ai hésité à accepter, et je lui ai dit qu’il fallait que je vois… qu’après tout j’avais beaucoup de travail, et que même en vacances, les élèves de classe préparatoire avaient des devoirs. Il hocha de la tête, me passant son numéro au cas où j’aurais envie de confirmer, car il avait envie « que l’on fasse connaissance ». J’allais refuser quand ma meilleure amie me demanda un jour qui était le beau gosse angélique sur la photo des remises de prix…Je lui ai dit qu’elle exagérait, qu’il n’était pas si mignon que ça… « Tu rigoles j’espère ! Il ressemble aux jeunes éphèbes de la Grèce antique… ou à Apollon lui-même ! Tu n’as pas tenté de lui parler ? ». Je dus lui avouer qu’il m’avait invité pour sortir. Et je vous assure que je n’ai jamais, je dis bien jamais, été aussi grondée par quelqu’un. Iris avait les yeux qui lui sortaient des orbites et c’en était effrayant. « Mais Rima, tu dois dire oui ! Ça te changera des gars que tu as l’habitude de fréquenter. En plus il est intelligent, donne-lui sa chance. » Pour le coup, elle n’a jamais eu aussi raison. Nathaniel était aux antipodes des hommes que j’avais l’habitude de fréquenter. Mais pourquoi ne pas apprendre à le connaitre ?

-Rima ? me demanda-t-il en me tirant de mes pensées.

-Pardon… je ne sais pas ce que j’ai aujourd’hui, dis-je en fronçant les sourcils.

Tout autour de moi semblait tanguer. Est-ce que c’est dû à ma cheville ? Lorsqu’on se casse un os, les symptômes sont nombreux… migraines, étourdissements, douleurs, voir même évanouissements.

-Tu es malade ? Tu veux que je te raccompagne chez toi ?

-Non, non ça va aller, dis-je précipitamment.

Il hocha la tête, toujours avec cet air angélique. N’avait-il aucun vice ? Etait-ce un ange envoyé du ciel ? Bon, j’exagérais un chouïa, mais c’était aussi dans mes gènes de femme d’Orient…

-Tant mieux alors. Parle-moi un peu de toi, Rima.

Prise de court, mes joues gagnèrent un degré d’intensité.

-Que…qu’est-ce que tu veux savoir au juste ?

-Tout ce que je ne sais pas encore.

« Je rêve ou bien il essaye de me draguer ? Je ne comprends rien, mon Dieu OU ai-je pu bien mettre mon guide sur les mecs mielleux comme lui ? »

-Je ne suis pas très intéressante comme fille, je risque de te décevoir.

Je n’ai jamais été aussi défaitiste de ma vie. Je n’étais pas moi-même. Alors que j’aurais pu dire tout haut chaque imbécilité qui pouvait me passer par l’esprit, face à lui j’étais crispée. Dans la restriction… Ce restaurant doit être scellé par une sorte de sort maléfique qui incite les gens à être ce qu’ils ne sont pas.

-Impossible ! Je n’ai jamais vu une fille aussi intelligente que toi, une fille avec autant de charme, et aussi mystérieuse…

Parlait-il de moi ?

-Merci… mais je me permets de te retourner le compliment. Après tout, tu m’as volé la première place en maths, et puis, je ne sais pas grand-chose sur toi non plus…

- Avez-vous fait votre choix ?

La voix du garçon nous tira de notre conversation. J’avais à peine jeté un œil sur le menu, et à vrai dire rien ne me parlait vraiment… que choisir entre un soufflé de langoustines, des coquilles saint jacques au champagne, ou un Chapon poché au foie gras et aux truffes… ? Ils n’avaient pas de pâtes ?!

- Pour moi ce sera un magret de canard fumé aux éclats de noix, dit Nathaniel, et toi Rima ?

-Oh, on a fait le même choix, quelle coïncidence ! m’exclamais-je faussement surprise en grattant l’arrière de ma tête.

Il éclata de rire puis confirma la commande au garçon. Celui-ci posa nos boissons puis partit.

-Tu as des goûts si raffinés, dit-il en rigolant

Son sourire était réconfortant. On commençait à discuter en sirotant nos boissons mentholées, et au fur et à mesure que nous parlions, je me sentais de moins en moins crispée, de plus en plus naturelle… J’avais réussi à oublier que ma classe sociale n’aurait pas dû me permettre d’être ici, que toute cette ambiance feutrée nous entourait. Et un cercle protecteur vint se tisser autour de nous. Les éclats de rire fusaient, et on ne cessait de se trouver des points communs. Le temps passait vite avec lui.

- Si, si je t’assure ! Ça s’est vraiment passé dans ma classe. Il y en a des cas…

- Personne n’aurait osé faire ça dans mon lycée. Après tout, les dossiers en terminale sont vraiment importants pour notre orientation. Et il faut dire que ça se sent : il en manque de l’ambiance, dit Nath en soupirant.

-Les dossiers, c’est la dernière des préoccupations des élèves de ma classe, dis-je en me rappelant les petites bouilles de mes amis . J’ai fait tout mon possible pour les sensibiliser, mais ils n’en ont fait qu’à leur tête toute l’année. La majorité ont redoublés.

-Tu doit être la fierté de la classe sans aucun doute !

- Je ne dirais pas ça, mais ils m’aiment autant que je les aimes je pense. C'est-à-dire beaucoup. Je t’aurais bien invité faire un tour dans mon lycée mais je le quitte déjà. Oh pardon mais ça ne doit pas vraiment t’intéresser de toute façon… Il faut toujours que je parle trop.

-Non au contraire ! dit-il précipitamment. J’aurais aimé pouvoir rencontrer tes amis.

Je sentis une pointe de déception dans sa voix.

-Ce n’est pas chose impossible, on a prévu une soirée dans pas longtemps. Tu pourras venir avec moi, profites-en pour ramener tes amis.

-Avec plaisir.

Mon cœur se serra. Je n’étais décidemment pas dans mon état normal. Ses cheveux blonds si bien taillés en un coiffé décoiffé avaient l’air soyeux. Soudain il me prit les mains et me dit :

- Est-ce qu’on pourra se voir avant cette soirée ?

De nouveau prise de court, je détournais le regard. Je sentais ses mains chaudes presser les miennes avec intensité.

- Mais c’est ce dimanche, Nath… Et puis, je suis assez occupée, j’ai cours de boxe samedi et…

- Tu fais de la boxe ? s’exclama-t-il

Il n’avait toujours pas lâché ma main.

- Fais pas genre ça ne se voit pas, dis-je faussement vexée.

- Ce n’est pas ce que je sous-entendais…

- Ecoute il se fait tard, je pense devoir rentrer.

Nathaniel se leva subitement, faisant grincer la chaise sur le carrelage.

Tout autour de moi semblait tanguer. Ma cheville me lancinait atrocement. Je jetais un coup d’œil à ma montre… déjà une heure du matin !

-Je t’accompagne.

-Non, non, pas la peine j’habite à cinq minutes d’ici.

-Permets moi d’insister.

Je mimais un air agacé. J’approchais soudainement son corps du mien et lui susurrais dans l’oreille :

-Il faut que tu comprennes que personne ne doit découvrir mon identité secrète… J’ai une mission importante ce soir, et je ne rentre pas directement chez moi. Je suis sûre que tu pourras comprendre.

Je me décollais de lui, et vit que son visage était devenu rouge pivoine. J’avais retrouvé le Nathaniel timide d’il y a quelques semaines… et moi mon sens aigu de la provocation.

- Merci beaucoup pour le dîner, Nath.

Je posais un baiser sur sa joue, puis me dirigeais vers la sortie.

- N’oublie pas, dimanche à partir de vingt-trois heures chez Castiel.

Nathaniel était resté figé après avoir reçu le baiser. Il me vit s’éloigner tel un mirage, et c’est après quelques minutes de béatitude qu’il murmura :

-Mais qui est Castiel ?

Il n’avait sûrement pas remarqué les cinquante euros que j’avais glissé dans sa poche, et c’était tant mieux.

Mais, à peine la porte ouverte, je sentis tout s’assombrir autour de moi.

Il faisait chaud. Des vaguelettes étranges se dessinaient sous mes yeux. Je n’étais plus consciente de mes sens. Une douleur aigüe me prit à la cheville. Je n’eus pas le temps de prendre conscience que déjà je m’évanouissais.



 

 

 

 

 

 

 

 

 

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