La Princesse de This

Chapitre 7 : ~ 7 ~

4014 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 01/07/2021 18:53

Le courroux de Teremun était grand. Ce n’était pas le bon jour pour le mettre en colère. Mais ce qu’il ignorait encore, c’était que cette colère allait apporter avec soi le chaos. La veille, alors qu’il n’arrivait pas à trouver le sommeil, il avait erré tard dans les couloirs du palais de This. Il était même monté au premier étage, chose qu’il ne faisait que très rarement. Il n’aimait pas monter les escaliers de marbre depuis ses treize ans où il avait fait une violente chute, le cicatrisant maladroitement au front. Mais maintenant qu’il savait ce qu’il s’y tramait, il se disait qu’il aurait dû y monter bien plus souvent.

En effet, il avait remarqué que la porte de la chambre d’Halima était entrouverte. Chose que même lui savait extrêmement rare. Depuis qu’on avait ramené la jeune femme à This, celle-ci y restait enfermée, faisant même ses besoins dans un pot de chambre, sans prendre le temps d’aller dans les salles d’eau. Elle avait même fait monter un bain pour devoir sortir le moins possible. Teremun savait Halima furieuse et effrayée. Même s’il ne l’avait pas touchée.

Et le soir de sa promenade dans les couloirs, la porte de sa chambre était entrouverte. Une chance pour lui de parler à sa future femme.

Mais qu’elle fût la surprise lorsqu’il vit qu’elle n’était pas seule dans cette chambre. Un homme s’y trouvait également. Bien que la distance entre les deux était suffisamment grande pour ne pas se toucher, Teremun avait mal supporté qu’un autre homme ait le droit de lui parler. Et quand il comprit qui l’autre homme était, la fureur l’envahit. Pili Sant. Son bras droit, son homme de confiance, son plus proche ami se trouvait dans la chambre de sa future femme.

Les deux traîtres s’étaient tournés vers lui, stupéfaits et effrayés. Ils voyaient le visage de leur roi déformé par l’irritation de se faire trahir par l’homme en qui il avait placé toute sa confiance. Immédiatement le roi avait appelé ses autres gardes qui avaient déboulés dans la chambre de la future reine.

- Demain, siffla le roi à l’attention de Pili, lorsque le soleil indiquera douze heures, vous subirez votre sentence. Six coups de fouet pour les six années que vous venez de gâcher. Vous méritez le pire des déshonneurs. Votre mère sera défaite de ses droits, vous n’aurez le droit d’engendrer aucun enfant et vous croupirez le restant de votre vie dans mes cachots et méditerez sur votre trahison. Emmenez-le !

Puis le roi s’approcha d’Halima. Pris son menton et se colla brusquement à elle. Elle tenta de détourner son visage mais la poigne de Teremun était bien trop puissante. Le pouvoir avait fait de lui un homme bien loin du chétif petit frère qu’il était.

- Ma douce, pourquoi me faire cela ? Je ne vous ai jamais fait de mal. Je vous ai mise à l’abri dans mon palais. J’ai pris soin de votre famille, qui sera bientôt la mienne également. Pourquoi donc me faire autant souffrir ? Moi qui ne vous souhaitais que du bien… Vos actes ne seront pas sans conséquence, nous en avions parlé dès le début…

Collé ainsi à elle, sentant ses tremblements d’effroi, il ressentait également ses formes, sa poitrine, sa chaleur. La dominer lui plaisait. Il aimait sa peur et jamais il n’aurait souhaité perdre cette emprise qu’il avait sur elle. Doucement il fit descendre l’une des bretelles qui maintenait sa robe et la dénuda.

 

~

 

- Pili ? s’était étonnée Halima qui ne l’avait plus vu depuis leurs départs respectifs. Pili !

L’homme qu’il était devenu avait posé un doigt sur sa bouche, l’obligeant à être plus silencieuse. La joie de retrouver son ancien ami fut cependant plus forte que l’ordre qui lui intimait. Elle se pendit à son cou, étouffant dans son épaule un cri de réjouissance. Six ans qu’ils ne s’étaient pas vus. Après quelques secondes le jeune homme osa enfin la serrer à son tour dans ses bras. Halima sentait son odeur si familière, le savon que sa mère faisait mêlé à une légère transpiration. Quand il avait frappé à sa porte elle s’était apprêtée à renvoyer la femme de chambre qui avait la fâcheuse habitude de passer tardivement faire son dépoussiérage. Mais elle avait immédiatement reconnu ces yeux d’un gris clair, ce teint hâlé et ce visage empli à jamais de bonté. L’embrassade dura une longue minute et ce fut Pili qui y mit fin.

S’écartant de lui, elle put ainsi inspecter la croissance de son ami. Bien évidemment celui-ci portait toujours la tenue de soldat ; son service militaire ne finissant que dans un an. Elle le plaignit intérieurement de devoir être sous les ordres d’un monstre tel que Teremun. Halima avait beaucoup de chances, elle ne l’avait rencontré qu’à de rares occasions. Mais un soldat n’avait à sa disposition aucune ruse pour éluder une parade à laquelle le roi participait.

- J’ai à te parler, fut les premiers mots qui lui adressa depuis six ans.

- Dis-moi d’abord comment tu vas.

- Je n’ai pas le temps.

- Parle, alors.

Halima n’arrivait pas à interpréter le regard de Pili. Il semblait hésiter à lui donner une information qui l’avait mené jusqu’à sa chambre. Partagé entre devoir militaire et devoir civil. Il n’était pas réellement venu pour elle. Halima le comprit lorsqu’il l’informa :

- Layla est de retour.

Le cœur d’Halima fit un bond dans sa cage thoracique. Jamais elle n’avait su si elle était encore en vie, où elle était, si elle était toujours prête à être reine, si elle voulait sauver le royaume. Ces quatre mots furent les plus beaux qu’elle ait entendu en cinq ans. Layla était de retour. Layla allait sauver This. Layla allait la sauver.

- Comment le sais-tu ?

- Un Ensi proche d’elle me l’a dit. Je suis à son service.

- Elle est comment à ton avis ?

- Je l’ignore, mais notre roi n’est pas prêt à l’accueillir à bras ouverts.

- Notre roi ? Ce n’est pas notre roi, Pili. Cet homme est le pire être vivant qui existe sur cette terre. Une abomination des démons.

- Halima, Teremun II est mon roi.

- Et Layla ? Qu’est-ce que Layla pour toi ?

- Une amie qui aurait dû rester auprès de l’Ensi de Memphis. Elle y était en sûreté et Teremun était même prêt à l’y laisser vivre tranquillement, mais elle veut toujours plus.

- Toujours plus ? Mais il s’agit de son trône ! Pili, rassure-moi, tu vois comment est ce monstre ? Il veut faire de moi sa femme ! Son objet sexuel !

- Ce qu’un roi veut, un roi a.

Halima resta stupéfaite de la fidélité de Pili envers Teremun. Il était devenu son chien. Des larmes perlèrent aux coins de ses yeux au moment où Teremun entra dans la pièce. À son regard celle qui devait être sa femme comprit qu’il avait vu en Pili un éventuel prétendant.

 

~

 

Halima tremblait de tout son corps. Allongée sur le lit, son corps marqué des prises fermes du tyran, le désespoir se traduisait en un regard vide. La venue de Layla était trop tardive. Le mal avait été fait. Halima ne pouvait plus être sauvée. Ses cris n’avaient pas appelé les gardes ni ses femmes de chambre. Ses pleurs n’avaient eu aucun impact sur l’homme qui la violentait et l’insultait. Elle avait beau dire que Pili n’avait rien tenté, Teremun était sourd à ses vaines tentatives de l’éloigner d’elle.

Allongée et tremblante, la jeune femme se posa un millier de questions. Comment allait Pili ? Comment avait-il pu croire que Teremun était un bon roi pour le royaume de This ? Quand arriverait Layla ? Que ferait Teremun la prochaine fois qu’il passera les portes de sa chambre ?

Ce dernier questionnement interne eu rapidement une réponse. Entouré de deux de ses gardes celui qui se prétendait roi ouvrit violemment les lourdes portes de sa chambre. Elle ne bougea pas dans le lit, faisant semblant d’être toujours endormie. De sa main cachée sous son drap elle agrippait un chandelier, prête à se défendre avec si Teremun s’approchait trop d’elle.

- Lève-toi, fit sa voix froide. Habille-toi et rejoins-moi dans la salle du trône. Tu as quinze minutes.

L’homme à la barbichette fit demi-tour et referma la porte. Halima avait compris qu’elle n’avait pas le choix. Rarement elle avait reçu de tel ordre, mais elle savait toujours les repérer. Quelques secondes après la disparition de l’imposteur une femme entra dans la pièce avec une des robes qui avait appartenu à Layla.

Halima avait toujours été plus petite que son amie et six ans après le début de leur expédition la jeune roturière avait atteint la taille d’une Layla âgée de 17 ans. Se laissant se faire habillée par la dame qui avait été la nourrice et l’enseignante de la princesse le cœur d’Halima s’emballa soudainement :

- Est-ce ma tenue de mariage ?

- Non, madame, cette tenue est celle qu’une princesse porte un jour d’exécution. Votre robe n’est en effet pas blanche, mais d’un bleu clair.

- Une exécution. Oh mon dieu, non, Pili.

 

 ~

 

Layla et Osiris mangeait en se souriant tendrement, leurs esprits n’étaient plus à la bataille qui allait bientôt faire rage. Chacun d’eux étaient heureux d’avoir enfin trouver l’âme-sœur idéale. Soudain l’un de ses hommes de confiance débarqua dans la tente de la princesse.

- Votre Altesse, salua l’homme en abaissant rapidement la tête, j’ai une importante nouvelle.

- Nous vous écoutons.

Le caporal s’aperçut alors de la présence d’Osiris et le salua d’un mouvement militaire.

- Une exécution aura lieu. À midi. Sur la grande place.

- L’exécution de qui ? demanda Osiris.

- Un soldat, commandant.

- Tuer des soldats à la veille d’une bataille, souffla Osiris, cet homme est définitivement idiot.

- Il veut montrer une dernière fois sa puissance. Il veut effrayer les citoyens pour qu’ils ne se détournent pas de lui. J’ai une idée pour détourner cette tactique.

 

~

 

La chaleur était plus supportable dans les prisons humides sous le château. C’était le seul avantage qu’il trouvait dans cette situation. Pili n’avait pas dormi cette nuit. Non pas à cause des rats qui le menaçaient sans cesse de le mordre, ni à cause du garde qui hurlait toutes les dix minutes, ni même à cause de sa position très inconfortable. En effet, le roi Teremun avait expressément donner l’ordre de l’attacher tête vers le bas, maintenant son poids dans l’unique force de ses chevilles.

Pili était habitué à ce genre de torture. Il était à présent soldat depuis plus de six ans. Il était passé de simple recrue à garde rapproché du roi. Pour cela il avait dû subir les pires entraînements et les plus douloureuses épreuves. On l’avait entraîné à supporter la torture pour ne pas dévoiler les secrets les plus intimes de la cour, il avait couru six jours dans le désert sans s’arrêter pour développer son endurance, on lui avait fait manger des hommes pour lui faire comprendre que les faibles n’étaient utiles que pour nourrir les plus forts, on lui avait appris à se tenir dans la cour royale et on lui avait fait voir l’exécution de son propre père pour lui faire comprendre ce qui arrivait aux soldats qui pensaient trop.

Pourtant Pili n’arrivait pas à trouver le calme habituel qui berçait son corps. Son cœur s’exprimait bien trop fortement, frétillant au rythme infernal de ses pensées. Le doute l’envahissait.

Il savait que le roi avait toutes les raisons de soupçonner un manque de fidélité. Il était allé dans la chambre de la future reine sans demander l’autorisation, il avait dévoilé des informations importantes et il avait eu un contact physique avec une femme. En tant que garde rapproché il savait que ces trois crimes méritaient la peine de mort. Il savait que le lendemain on allait l’exécuter. Il savait qu’il vivait ses derniers moments, accroché par les pieds.

Mais ce n’était pas sa propre future mort qui le maintenait en éveil, mais le futur destin de son amie, de celle qu’il avait toujours connu, toujours soutenu, toujours suivi, toujours adoré. Halima allait payer le prix fort. Et tout cela à cause de Layla. Si elle n’était pas revenue, il ne serait pas aller voir la douce Halima. Encore une erreur que les amis de la princesse allaient payer. Comment pouvait-elle se considérer comme légitime héritière du trône alors qu’elle ignorait comment protéger deux simples amis ? Pili haïssait à présent Layla tout autant que son roi le faisait. Pili aurait aimé la tuer de ses propres mains. Cela aurait peut-être prouvé à Teremun sa fidélité. Mais l’homme déchu qu’il était ne pouvait rien faire et Halima ne comprendra jamais à quel point Teremun II lui veut son bien.

 

~

 

Si Osiris s’était opposé au plan de Layla, celle-ci avait reçu le soutien de ses hommes. Une seule voix, aussi importante fut-elle, contre une horde de cris d’encouragement n’allait pas la retenir d’agir. Cette exécution était l’occasion rêvée pour créer le trouble dans la ville de This. Toutes les femmes et tous les hommes allaient se trouver sur la Grande Place, les yeux rivés sur le soldat battu à mort. Les gardes allaient être regroupés à cet endroit pour contenir un éventuel mouvement de foule. Et surtout Teremun allait être sur le balcon du palais. S’il se tenait un minimum aux vieilles traditions, il allait devoir prononcer la sentence et observer celle-ci se réaliser.

Comme prévu entrer dans la ville avait été chose aisée. Bien évidemment elle n’était pas non plus passée par la porte principale, mais comme elle connaissait sa ville comme personne, elle avait pu passer par en-dessous des remparts. Armée de son sabre et de son cor cachés sous une large toque, Layla faisait de larges détours pour éviter les gardes et atteindre la place principale. La ville n’avait plus rien de commun avec celle qu’elle avait quitté. Des corps jonchaient le sol dans les rues les plus reculées, la pauvreté et la destruction régnait. Layla se demanda comme le dieu Khonsou avait pu laisser de telles horreurs se produire. Qu’avaient fait les hommes de cette Terre pour mériter ce châtiment ? Au temps de Mosegi on pouvait entendre les rires des enfants qui jouaient, les palabres des femmes, les cris des marchands. On pouvait entendre la vie. À présent la mort résonnait par les cris de douleurs des mourants, par les rapides pas des rats grignotant ceux qui avaient déjà passé l’arme à gauche, les pleurs des mères secouant un enfant qui ne répondait plus. This ne brillait plus. This était morte. Anubis en avait pris le contrôle et Aton et Khonsou avait chacun perdu de leurs éclats.

Une chanson que son père interprétait parfois revint alors dans son esprit attristé :

 

 

Lorsqu’elle atteignit la grande place elle remarqua que le soldat n’était pas encore arrivé, Teremun n’était pas encore sorti. Layla jeta un regard au soleil, il n’était pas exactement au zénith. Elle se faufila donc au milieu des curieux, des hommes et des femmes maigres espérant des mots rassurants du roi, et attendit comme eux l’arrivée de celui qui se considérait roi.

 

~

 

Halima tremblait de tout son corps. Devant le trône où était avachi Teremun elle ne savait quoi faire. Devait-elle le saluer ? Faire une révérence ? Le rejoindre sur le siège à sa droite ? Halima n’avait jamais reçu l’éducation adéquate pour être celle que le roi attendait qu’elle soit. Il se leva et prit la direction du balcon. Avant de passer les portes ses épaules s’affaissèrent. Certaines personnes l’entourant rirent doucement. Son regard se porta sur Madam Palm, qui, à sa gauche, lui intimait de rejoindre son futur mari. D’un pas chancelant, elle s’exécuta.

- Mes chers amis, fit le traître à la foule d’imbéciles lorsqu’elle l’eut rejoint, je vous prie de pardonner votre future reine de ses inexactitudes. Elle saura apprendre vite à être ma femme. Mais trêve de mondanités. Aujourd’hui est un sombre jour. Alors que notre ennemie est à notre porte, le mal ronge la ville. Il faut y mettre terme. Il faut purifier ses habitants. Aujourd’hui un grand traître sera exécuté. Qu’il soit l’exemple qui guide le peuple vers un monde plus loyal et juste.

Halima n’entendit pas plus du discours que l’homme qui se pensait roi prononça. La chaleur, la honte devant la foule de curieux, l’effroi quant à la future perte de son ami assourdirent ses oreilles, asséchèrent sa bouche, aveuglèrent ses yeux, insensibilisèrent sa peau. Alors que Teremun la prit par la taille, elle se sentit tomber. Pour ne pas se faire voir en compagnie d’une faible femme, Teremun mit toute sa force pour l’empêcher de s’effondrer. D’une voix que seule elle pouvait entendre il lui murmura :

- Tu tombes, j’augmente ses tortures.

Halima prit une grande respiration, le verre que lui tendait un garde royal, ancien collègue de Pili et le but d’une traite. Alors que la foule commençait à s’impatienter Pili débarqua et Halima ferma les yeux, laissant une larme couler sur sa joue.

 

~

 

Son oncle était enfin là. Accompagné d’une femme. Layla plissa les yeux et soudain son cœur eu un raté. Elle ne sut comment réagir. Son amie était en vie, mais elle était au bras du pire homme sur cette terre. L’avait-elle souhaité ? Ou ne faisait-elle que suivre les ordres qu’on lui donnait en y insufflant des menaces ? Et soudain, l’effroi.

Alors que le peuple de This s’agita, les yeux de la princesse s’écarquillèrent. Soudain elle n’eut plus de force, ses bras tombèrent le long de son corps et elle fut incapable de se mouvoir. Le condamné à mort n’était autre que Pili.

Layla avait souvent imaginé les retrouvailles avec ses deux amis. Dans son esprit il s’agissait toujours de moments tendres et heureux. Loin d’une exécution. Que devait-elle faire ? Agir en tant qu’amie et s’interposer ? Son identité ferait certainement cesser l’exécution. Ou devait-elle agir selon le plan qu’elle avait mis en place et attendre le décès de Pili pour frapper ?

On accrocha les poignets de Pili à un poteau de bois. Son dos en direction du bourreau. Mort par le fouet. Quelle cruauté ! Et puis Halima. Elle qui était si proche de Pili… Était-elle en accord avec cette mise-à-mort ? Serait-elle prête à entendre les cris de supplice de son ami à chaque fois que le fouet s’écrasera sur son dos musculeux ? Le supportera-t-elle ?

Tout en Layla se bousculait et les premiers coups tombèrent. Au balcon, Teremun souriait et Halima fixait la scène. De si loin, Layla ne pouvait l’expression du visage de son amie. Puis soudain l’imposteur hurla :

- Encore ! Fouettez-le encore !

Et, alors que lors des six premiers coups il s’était tu, le septième lui arracha un hurlement atroce. Dans le public, la gêne et l’effroi commençait à apparaitre sur les visages. Huit coups. Une gerbe de sang gicla du dos de Pili. Neuf coups. Les poings serrés de Pili se détendirent. Il était à présent inconscient. Le bourreau cependant préparait le dixième coup.

Non. Elle se devait d’agir. Elle n’allait rester là à voir son ami se faire tuer. Et d’une voix forte, alors que le silence s’était effondré sur la Grande Place de This, elle ordonna :

- ARRÊTEZ ! Cessez cette exécution ! Je vous en conjure !

Les curieux se retournèrent vers elle. Elle ôta sa capuche et dévoila son visage au peuple et au traître. Le sourire de Teremun s’effaça subitement. Rapidement elle perça le groupe et avança vers Pili. Le bourreau ne sut plus quoi faire. La reine était de retour.

Dans la foule des chuchotements commencèrent à se faire entendre, mais Layla, elle, n’avait d’yeux que pour son ami. Elle détacha ses mains et l’empêcha de tomber au sol. La tête de son ami sur ses genoux elle pria le dieu Khonsou de lui rendre Pili. Elle pria le dieu Osiris de rendre la vie de son ami dans l’espoir d’un renouveau. Les paupières de celui-ci se levèrent et la faible voix questionna :

- Layla ?

- C’est moi, Pili je vais terminer cette horreur.

- Monstre.

- Chut Pili, je sais. Je vais le tuer et sauver Halima et This. Fais-moi confiance.

Puis la voix monstrueuse de l’imposteur retentit :

- Saisissez-la ! Saisissez la traîtresse au peuple de This et au royaume de This ! Elle a conspiré avec le pays ennemi ! Tout comme Seth a trahi Râ, Layla a trahi mon bien aimé frère Mosegi !

Mais si le peuple ne bougea pas, les soldats autour d’elle commencèrent à s’approcher d’elle. Elle n’avait plus de temps à perdre. Elle prit le cor qu’elle avait attaché à sa ceinture et souffla longuement dedans. La guerre venait d’éclater. Les troupes de Layla percèrent la porte principale de la ville et ne mirent pas moins de trois minutes pour atteindre avec les chevaux la Grande Place.

- Reprenons notre ville, reprenons notre royaume, hurla Layla, toujours accroupie, Pili endormi sur ses genoux. Ce jour est celui de la fin de la tyrannie ! Peuple de This, peuple du royaume de This, laissez Khonsou éclairé nos nuits à nouveau, laissez Râ briller d’une douce chaleur, laissez Nout nous offrir les goutes si fertiles de son monde ! Peuple de This, la tyrannie prendra fin en ce jour !

Elle leva une nouvelle les yeux vers le balcon et s’aperçut que ni Halima, ni Teremun s’y trouvait. Une femme de ses troupes s’approcha d’elle et elle lui ordonna :

- Protégez et soignez mon ami et dites à Osiris de me rejoindre dans le palais !

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