Recueil de divagations

Chapitre 10 : La planète-prison

1920 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 30/01/2021 14:06

Dans ce texte, nous nous sommes intéressés à la pratique du worldbuilding, littéralement la construction d’un monde. Nous avons donc d’abord dû imaginer un environnement et les êtres le peuplant ; après quoi nous avons créé un personnage (à la première personne) arrivant dans ce nouvel environnement et apprenant à interagir avec ceux qui l’habitent.

Dans ce petit texte, j’ai repris le concept de la planète prison que j’avais développé dans ma toute première fanfiction (non disponible sur ce site), que j’écrivais avec quelques camarades de forum. J’ai essayé de le travailler davantage pour le rendre plus crédible, en espérant que ça vous plaira.

Les consignes nous ayant été données au fur et à mesure, vous observerez un brutal changement de style lorsque je commencerai à narrer l’histoire en elle-même. En espérant que cela ne vous perturbera pas trop, bonne lecture !

Dernière précision : j’ai rédigé ce texte quelques jours après la mort de Samuel Paty. Vous verrez peut-être comment cet événement m’a inspiré une partie du récit.


La planète est uniformément recouverte d’immeubles, dont les fondations sont posées sur d’autres bâtiments, eux-même supportés par une couche précédente d’habitations – et ainsi de suite. Seule une immense montagne de pierre blanche parvient à s’extraire de la masse d’acier qui barde toute la planète de reflets métalliques. Haute de plus de vingt mille mètres, seule la cime de cette montagne parvient à se dégager de la décadence de ce monde.

Sur cet astre, nulle mer en vue, nul océan. Tous sous enfouis sous des kilomètres de gratte-ciels bâtis par une civilisation disparue des millénaires plus tôt. Depuis ce temps, la cité planétaire a été laissée à l’abandon, sombrant dans la décrépitude. Ancienne œcuménopole, capitale d’un empire stellaire oublié, ce monde déchu n’est plus, désormais, qu’une prison où sont conduits les pires criminels de la galaxie.

Ces êtres miséreux vivent et meurent dans les niveaux supérieurs de la ville-prison. Ils s’installent dans les appartements qui, autrefois, étaient les plus luxueux mais qui ne sont désormais plus que des ruines. Ils forment des sociétés précaires, basées sur la violence. Beaucoup se regroupent par espèces, trouvant des repères rassurants, notamment linguistiques, dans des communautés qui leur ressemblent. Des alliances entre gangs se forment parfois, toujours précaires. Les prisonniers évoluent ainsi dans les ruines d’une gloire et d’un luxe passés.

La nourriture est rare. Les gardiens, qui observent la planète depuis des stations orbitales, s’assurent que les prisonniers disposent de fermes synthétiques pour produire de la viande artificielle, ainsi que de serres leur fournissant les végétaux nécessaires à leur survie. Ces installations sont de véritables points stratégiques dans les escarmouches incessantes que se livrent les gangs de détenus. La capture d’une telle structure constitue une victoire célébrée en grande pompe car gage de prospérité, tandis que sa perte aux mains d’une bande adverse entraîne des rationnements sévères. Depuis plusieurs générations maintenant, le nombre de prisonniers et de leurs descendants dépasse largement leurs capacités de production alimentaire, condamnant un nombre toujours croissant de personnes à la disette. Dans cet environnement, les captifs perdent peu à peu espoir.

Certains ont des cornes, d’autres des tentacules. Certains ont besoin d’appareils pour respirer une atmosphère qui, autrement, leur serait fatale, d’autres peuvent se rendre invisibles. Certains se repèrent à la vue, d’autres à l’odorat. Certains sont rouges, certains sont bleus, d’autres encore sont verts, blancs, roses ou jaunes. Tous ont été jugés coupables, mais peu ont eu un procès.

Ils sont peu nombreux à s’aventurer dans les niveaux inférieurs, et encore moins à en revenir. Certaines rumeurs parlent de bêtes effrayantes, monstrueuses, qui vivraient dans les profondeurs où le soleil ne va jamais et n’attendant que des explorateurs ambitieux et imprudents pour les dévorer vivants. D’autres disent que loin sous les immeubles se trouve un dôme immense, posé sur une véritable terre, et où vivraient en harmonie les derniers survivants de l’espèce qui avait autrefois peuplé ce monde. Ce conte de fées aide les enfants nés dans l’enfer de cette prison à s’endormir et à rêver d’un ailleurs plus clément.


L’éclairage blafard illuminait faiblement le visage de mes camarades tandis que la navette était brinquebalée par les turbulences atmosphériques.

— Je veux ma maman... gémit un gamin en larmes.

Sa voix me rappelait celle de ma sœur jumelle, Mirhi. J’avais été séparé d’elle durant la rafle anti-humains. Les derniers mots qu’elle m’avait lancé s’étaient gravés dans ma mémoire :

— Alum ! On se retrouvera là-bas !

Là-bas, c’était la prison où la Confédération envoyait tous ceux dont elle ne voulait pas. Depuis quelques années, ça impliquait beaucoup d’humains. En effet, un mouvement fanatique, auto-proclamé les néo-humains, prônant la supériorité de notre espèce, avait attisé la haine à l’encontre de toute notre communauté, qui condamnait pourtant les actes monstrueux de ces fous. Mais la semaine dernière, un de ces extrémistes avait commis un meurtre ignoble sur un innocent, déclenchant une nouvelle vague de rafles et de condamnations express. Ma sœur et moi avions été embarqué à notre domicile sous les yeux de nos parents en larmes. Nous savions que, une fois condamnés pour séparatisme sans même passer devant un juge, nous serions conduits sur la planète-prison et avions juré de tout faire pour être réunis.

Je fus tiré de mes souvenirs par la navette, qui venait d’atterrir, sans doute au sommet d’un gratte-ciel. Aussitôt, des gardes armés de matraques électriques nous poussèrent vers le sas. Certains de mes camarades tentèrent de résister mais, affaiblis par le manque de sommeil, d’eau et de nourriture, ils se firent impitoyablement bastonner et pousser vers la sortie. Franchissant le sas, je dus me protéger les yeux du bras pour me protéger de la lumière aveuglante.

— N’approchez pas, hurla l’un des gardes à une bande d’une vingtaine d’Uggeers à l'air hargneux qui observaient notre arrivée non loin.

Sitôt le dernier détenu sorti, la soute de la navette se referma et elle décolla, nous abandonnant à notre sort. Les Uggeers se dirigèrent alors vers nous en restant bien groupés, sortant leurs griffes.

— Je déteste ces boules de poils, marmonna l’un de mes compagnons d’infortune. On les entend feuler d’ici.

Il fit quelques pas dans leur direction et s’exclama :

— Qu’est-ce que vous nous voulez ?!

Celui qui semblait être le chef des Uggeers fit stopper sa troupe et le fixa un moment avant de lui sauter dessus, toutes griffes dehors. Il se fit cependant intercepter par un projectile qui l’envoya bouler. Tandis que nous en cherchions l’origine, mon téméraire camarade rejoignait notre groupe et le chef Uggeer se redressait, sa fourrure désormais hérissée de rage. Nous aperçûmes finalement un groupe d’humains, armés de bric et de broc, qui de bâtons, qui de boucliers de fortune. L’un d’entre eux était équipé d’une fronde : c’était lui qui avait stoppé l’attaque. Je comptais douze individus, presque deux fois moins que les Uggeers... mais nous étions nous-même une quinzaine de détenus fraîchement débarqués, ce qui nous donnait au final l’avantage du nombre.

L’homme à la fronde s’adressa à la bande de félinoïdes. Je ne saisis pas tout, mais il les enjoignait à rebrousser chemin. Fou de colère, le chef des Uggeers le toisa un instant, prêt à s’élancer de nouveau avant de changer d’avis. Feulant et crachant, il fit faire demi-tour à sa clique et disparut rapidement.

Nous nous rapprochâmes de l’autre groupe d’humains, impressionnés par leur attirail. Maintenant que je les distinguais mieux, je me rendais compte que leurs habits étaient en lambeaux et que beaucoup portaient des bandages ou arboraient des cicatrices. L’homme à la fronde, un sourire soulagé aux lèvres, s’adressa à nous :

— Bienvenue à vous ! Désolé pour cet intermède désagréable... Nos relations avec les Uggeers sont un peu tendues en ce moment. Vous êtes en sécurité, maintenant. Nous allons vous escorter jusqu’à notre quartier général où vous pourrez vous reposer un peu, vous devez en avoir besoin. Ensuite, on vous expliquera comment fonctionne la vie ici et ce qui va vous arriver.

N’ayant guère d’autre solution, nous nous mîmes en marche, escortés par le groupe armé qui surveillait un retour possible des Uggeers. Durant le trajet, je me rapprochais de l’homme à la fronde. Je réalisais qu’il était plus jeune que je l’aurais cru, je lui donnais à peine quelques années de plus que moi.

— Pardon de te déranger, lui demandais-je, intimidé par son air de briscard, est-ce que tu saurais...

— Ne me dis rien, me coupa-t-il. Tu cherches ta famille ?

— Ma sœur, en fait. On a été séparés lors d’une rafle il y a trois jours et elle a dû être également envoyée ici.

— Vous êtes le premier arrivage d’humains auquel j’assiste depuis plusieurs mois, m’expliqua-t-il. Mais les gardes ne nous débarquent évidemment pas tous au même endroit, elle se trouve sans doute ailleurs sur la planète. Je sais qu’il y a un autre groupe principalement constitué d’humains à quelques jours de marche au sud, je pourrais essayer de me renseigner. Cependant...

— Merci beaucoup ! le coupais-je.

— Cependant, reprit-il sèchement, n’espère pas trop. Tu n’es pas le seul à avoir été séparé d’un proche et d’expérience je peux t’affirmer que tu n’as pour ainsi dire aucune chance de retrouver ta sœur.


Dans ce texte, j’ai essayé de me positionner au croisement des genres : de la science-fiction pour le background (genre qui pourrait prendre de l’importance si mes héros parviennent à quitter la planète pour rejoindre la galaxie), du post-apocalyptique pour le décor, etc. J’envisageais également d’explorer le genre de l’horreur en explorant les souterrains de la planète ainsi que sur le genre de l’évasion. Bref, tout un programme.

Comme vous pouvez le constater, ce texte n’est pas fini... et ce pour une raison très simple : alors que j’écrivais ces trois pages et demi dans mon cahier, la trame de toute une saga a germé dans ma tête. Du coup, cette courte nouvelle vient s’ajouter à ma (trop) longue liste de projets à développer !

Je pense que la première chose à faire, pour développer cette histoire, serait de supprimer toute la première partie d’exposition afin de réinjecter ces éléments dans le texte au fur et à mesure que mon héros découvrira ce monde-prison.

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