MÉMORIA ZÉRO - TOME 1

Chapitre 7 : HASARDEUSES RETROUVAILLES

3962 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 13/06/2021 09:08

Kyeran émergea de son sommeil après une nuit agitée. Tout en se frottant les paupières, il se redressa lentement et survola la pièce du regard. Les souvenirs de la veille lui réapparurent quand il constata qu’il était seul. Angélina avait dû se lever tôt. Les yeux encore mi-clos, il avisa son réveil et sa mâchoire manqua de se décrocher lorsqu’il remarqua qu’il était déjà plus de dix heures.

— Putain de merde !

Il bondit hors du lit, mais s’effondra lourdement sur le parquet. En se relevant, il maugréa contre le coupable de sa chute : son drap enroulé autour de sa cheville droite. Après s’en être dépêtré, il se précipita sur son armoire avant de l’ouvrir avec fracas et d’attraper un pantalon de toile gris. Un brin de toilette plus tard, il sortit de sa chambre, sans oublier son épée.

Au rez-de-chaussée, un doux parfum de pâte feuilletée l’interrompit dans son élan et il repéra très vite une panière en osier remplie de croissants posée sur le comptoir. Il hésita, mais céda à la tentation lorsque son estomac gronda. Avec un retard de plus de deux heures, il n’était plus à une minute près ! Il piocha aussitôt une viennoiserie qu’il dégusta avec délectation. La saveur du beurre emplit son palais et la gourmandise le poussa à se resservir. Il engloutit son repas presque en une bouchée et, avec un ronronnement satisfait, se lécha les doigts jusqu’à ce qu’un papier posé sur une boîte rouge à son nom attire son attention.

Il le déplia et reconnut l’écriture de Karen. Aussitôt, sa bonne humeur s’envola et, les mains tremblantes, il lut les quelques lignes.

« Salut Kyeran,

Je ne serai pas à la guilde aujourd’hui, ton frère et moi avons dû nous rendre sur le terrain pour une affaire urgente. Je t’ai laissé un petit cadeau au passage. Le gouvernement a donné des subventions à toutes les guildes pour les équiper de la dernière technologie, alors fais en bon usage.

 À plus !

Karen.

PS : Ne t’inquiète pas, je ne t’ai pas oublié pour la contravention ! »

Kyeran soupira de soulagement, puis la tension redescendit d’un cran. La boule au creux de son ventre se dénoua et son pouls retrouva une cadence normale. Un autre billet posé à plat sur le bar l’interpella et cette fois, ce fut l’écriture d’Angélina :

« On est au marché avec les parents. N’oublie pas de fermer à clé si tu sors et ne mange pas tous les croissants ! À tout à l’heure ! »

Le petit mot lui décrocha un sourire et il s’intéressa ensuite au contenu de la boîte. Ses yeux s’arrondirent lorsqu’il découvrit à l’intérieur de celle-ci une montre : la remplaçante du T019-A1, celle qu’il avait toujours rêvé de posséder depuis sa commercialisation. Son désir était devenu réalité. Avec précaution, il l’enleva du présentoir pour l’observer de plus près. Un cadran sphérique et sombre deux fois moins gros que son poing, pour l’instant vierge de tout affichage, se raccordait à un bracelet constitué de maillons en métal noir articulés.

Kyeran siffla d’admiration face à cette incroyable technologie. Les téléprismes devenaient obsolètes, alors, les ingénieurs de Mania Corp, une société spécialisée dans la conception d’engins mécanicomagiques, avaient mis au point un appareil susceptible de réunir toutes sortes de fonctions. En d’autres termes, la T020-Z pouvait non seulement aider à communiquer à distance, mais permettait de stocker des objets par numérisation ainsi que de payer en direct dans les boutiques sans s’encombrer d’argent liquide.

Incapable de contenir son excitation, il l’attacha à son poignet. Grâce à cet artéfact, il pourrait sauvegarder n’importe quoi, y compris son pendentif, mais le réglage attendrait. Il devait d’abord se concentrer sur son principal objectif : retrouver la voleuse.

Son épée accrochée à sa ceinture, il se mit en chemin pour Dabéorn. S’il voulait écumer la forêt à sa recherche, il avait tout intérêt à porter sur lui une arme parfaitement affutée. En effet, le Fléau rôdait partout et même en tant qu’exterminateur, il n’était pas à l’abri de se faire attaquer par une bête infectée. Kyeran arpenta les deux kilomètres qui le séparaient de sa destination et bien qu’il soit à peine onze heures, le soleil jouait déjà de ses rayons ardents, sans toutefois l’affecter. Grâce à son sang reptilien, il régulait aisément sa température corporelle pour s’adapter à celle de son environnement et une canicule comme celle-ci restait pour lui une promenade de santé.

Au détour d’un dernier bosquet, un pont de pierre enjambait un torrent asséché tandis que de l’autre côté, la forêt s’ouvrait sur une vaste vallée. Au milieu de celle-ci apparut un bourg ne comptant pas plus de deux cents âmes avec des maisons bâties dans le plus grand désordre.

À première vue, tout semblait calme. Quelques rares habitants s’affairaient à jardiner ou bricoler pendant que le soleil matinal demeurait supportable. Un effluve de foin fraîchement coupé mélangé à celui d’excréments bovins flottait dans les airs tandis qu’au-dessus de ce havre de paix, la dentelle sombre et acérée des Atalantes se découpait sur l’azur limpide du ciel. Au printemps, lorsque la sève engorgeait la végétation, ce cadre idyllique rayonnait de vie avec ses prairies fleuries et ses ruisseaux poissonneux, mais la sécheresse l’avait transformé en nature morte. En dépit de sa triste apparence, le paysage plaisait à Kyeran et il se voyait bien y vivre un jour, loin du bruit assourdissant de la ville.

Avec elle, murmura son dragon.

Merveilleux. Il entendait de nouveau cette voix. Il devenait fou, c’était l’explication la plus probable.

Après de longues minutes de marche, sans avoir repéré le moindre indice signalant l’existence d’une forge, il s’approcha d’une ferme et tenta de se renseigner auprès d’un homme occupé à arroser son potager. Coiffé d’un chapeau de paille usé à la corde, le vieillard releva son visage cuit par le soleil quand il remarqua sa présence. Intrigué, il s’avança et Kyeran se renfrogna face à la désagréable odeur de ses bottes couvertes de fumier.

— T’es perdu, p’tiot ? T’cherches queq’chose ? le questionna-t-il d’une voix nasillarde et bourrue.

— Euh... oui, il paraît qu’il y a un forgeron, ici, vous sauriez où il se trouve ?

Le paysan acquiesça et se tourna pour pointer une grosse maison au toit en ardoise située à une centaine de mètres, près d’une chapelle.

— Oui, elle habite là-bas, mais ch'sais pas s’elle est là aujourd’hui, la p’tiote !

Kyeran suivit son doigt du regard avant de s’arrêter sur un détail.

La petiote ? Le forgeron serait une jeune fille ?

Perplexe, il emprunta aussitôt la direction désignée, non sans remercier l’homme qui repartit s’occuper de ses légumes. Quand il arriva au pied de l’imposante bâtisse, une nuée d’oiseaux perchés sur le toit s’envola à son approche avec des pépiements stridents. La façade en pierres apparentes se couvrait d’une vigne vierge envahissante et un vieux volet en bois grinçait au gré de la brise. D’après son aspect, la demeure donnait plus l’impression d’être abandonnée. Sur la droite, une large porte légèrement entrebâillée attira son attention. Sur celle-ci, aucune pancarte ni boîte aux lettres n’y était apposée, aussi hésita-t-il à frapper.

Après un court moment de réflexion, il toqua un coup. Personne ne répondit. Une deuxième tentative... toujours rien. Avec prudence, il jeta un œil autour de lui avant de se faufiler à l’intérieur. Malgré une apparence austère, l’atelier était propre et bien ordonné. D’innombrables armes et outils garnissaient les étagères, soigneusement rangés selon leur catégorie. Dans l’âtre, un feu crépitait et une barre de fer encore chaude posée sur une enclume lui confirma une récente présence humaine. L’odeur du métal chauffé se mélangeait à un subtil parfum difficile à identifier.

Ne s’avouant pas vaincu, Kyeran quitta la forge et continua son excursion au sein du village. Sur son chemin, il interrogea quelques habitants, mais aucun ne fut en mesure de lui dire où se trouvait l’artisane et à sa plus grande déconvenue, certains ne la connaissaient même pas. Alors qu’il allait abandonner ses investigations, il entra dans un petit bar où quelques ivrognes buvaient déjà leur dose d’alcool quotidienne.

Le propriétaire de l’établissement, un homme potelé et souriant coiffé d’un foulard rouge, l’accueillit chaleureusement. Kyeran jeta un coup d’œil circulaire avant de demander :

— Bonjour, un café, s’il vous plaît.

Le maître des lieux s’exécuta et posa la boisson noire sur le comptoir.

— Ça fera trois doublons cinquante.

Après avoir payé sa consommation, Kyeran porta la tasse à ses lèvres en humant l’effluve qui s’en dégageait. À en juger son arôme épicé, le café était d’origine mérienne. Il en but un trait et lâcha un soupir appréciateur quand le liquide amer réchauffa sa gorge tandis que le serveur l’observait avec intérêt.

— Vous êtes traqueur ?

Kyeran hésita à révéler son véritable statut, aussi s’en tint-il à une réponse brève.

— Oui, entre autres...

— Je n’en vois plus beaucoup chasser à l’arme blanche. Maintenant, ils ont presque tous des flingues ou des épées laser.

— C’est vrai, mais il n’y a rien de mieux pour trancher des têtes qu’une vraie lame en acier.

L’homme au foulard écarquilla les yeux et un petit rire échappa à Kyeran.

— Pour changer de sujet, est-ce que par hasard, vous connaissez le forgeron qui s’est installé dans ce village ?

— Bien sûr que je la connais !

— Ah ? Alors... le forgeron est vraiment une femme ?

— Oui, Lyria est arrivée il y a six mois et elle a ouvert sa propre forge il y a quelques semaines environ. Elle débute, mais elle se démerde pas trop mal, la gamine.

La porte d’entrée grinça et interrompit leur conversation.

— Bah tiens, quand on parle du loup... s’exclama le serveur.

Kyeran se figea face à la silhouette qui venait de passer le perron. D’instinct, sa nuque se hérissa, son sang bouillonna, et un grognement menaçant émana de sa gorge. Les pupilles de la Dragyanne s’étrécirent lorsqu’elle croisa son regard et son visage prit la teinte de l’effroi.

Pendant ce temps, l’homme au foulard s’avançait vers elle avec un grand sourire.

— Hé ! Tu tombes bien, il y a ce type-là qui te cherchait pour...

La dénommée Lyria resta d’abord pétrifiée, puis sa jambe gauche esquissa discrètement un pas en arrière.

— Désolée, Joe, je repasserai plus tard...

Le concerné haussa un sourcil et en un quart de seconde, tout s’enchaîna. Lyria pivota à la vitesse de l’éclair et s’enfuit. Le corps envahi par une rage incontrôlable, Kyeran bondit à son tour. Cette fois, elle ne lui échapperait pas. Bien que sa proie soit rapide, il la talonna sans difficulté, et à sa grande satisfaction, elle courut trouver refuge dans la forge.

Au moment où la femme-dragon s’apprêtait à fermer la porte à clé, il se jeta sur elle et la projeta violemment à terre. Ils roulèrent au sol dans une étreinte endiablée avec des grondements assourdissants. Autour d’eux, les établis tremblaient chaque fois qu’ils les percutaient et des objets se fracassaient sur le plancher.

Avant que Kyeran ne parvienne à maîtriser Lyria, une botte à la semelle crantée s’écrasa brutalement sur son visage. Un craquement inquiétant retentit tandis qu’une vive douleur transperçait son nez. Cependant, sa blessure ne l’empêcha pas de repartir à l’assaut. Sa capacité de guérison se mettait déjà en œuvre quand il ressentit des picotements le démanger. D’un bond, il réussit à agripper la cheville de sa rivale, mais souple comme un serpent, celle-ci se retourna et lui planta ses crocs dans le bras. Il n’eut d’autre choix que de lâcher prise en criant face à la cuisante morsure. Lyria se dégagea et sauta sur une des poutres de la charpente. Ses prunelles rouges traversées d’éclairs et la chevelure ébouriffée, elle claqua des mâchoires en signe de menace.

— Va-t’en d’ici !

Kyeran savait que les femelles de son espèce pouvaient se montrer redoutables, surtout pour protéger leur territoire, mais il ne comptait pas se soumettre. Pas tant qu’il n’aurait pas récupéré ce qui lui appartenait. Le sang des Alphas coulait dans ses veines et il ne se plierait pas aux ordres d’un individu de rang inférieur au sien.

— Rends-moi d’abord mon pendentif.

— Je t’ai dit de dégager !

Campé sur leur position, aucun des deux Dragyans ne céda. Cependant, la patience de Kyeran atteignit bientôt ses limites. Ses membres tremblaient sous la colère et ses crocs crissaient l’un contre l’autre tant ses mâchoires étaient crispées.

Son éther s’emballa.

Une vapeur givrée émana de ses poings serrés et la température chuta brusquement dans toute la pièce. Lyria tressaillit lorsque tous les murs de l’atelier se couvrirent de glace. Les portes ainsi que les fenêtres se retrouvèrent condamnées. Kyeran ne lui laissa aucune échappatoire, la forge était à présent devenue son terrain de chasse.

Une lueur d’effroi traversa les yeux de la femme-dragon, puis elle usa soudain de sa téléportation. Tandis que son corps disparaissait, Kyeran ne chercha pas à l’en empêcher. Le sortilège invoqué bloquait et annulait toute forme de magie dans un périmètre bien défini, mais pour une bonne efficacité, sa zone d’action devait s’étendre à un lieu clos. Il ne tarderait pas à obtenir la confirmation de sa victoire.

Dix secondes s’écoulèrent quand un bruit sourd l’interpella. À trois mètres de lui, sa voleuse venait de s’écrouler sur le parquet et tentait de se remettre sur pieds. Avec sa vitesse, elle avait percuté les parois gelées et paraissait à moitié sonnée. Il s’approcha d’elle dans une démarche prédatrice, mais en l’entendant arriver, elle dégaina aussitôt un long poignard de sous sa cape.

— Reste en arrière ou tu l’regretteras ! siffla-t-elle entre ses crocs serrés.

Kyeran avisa l’arme avec laquelle elle le menaçait et ricana.

— Tu comptes me défier avec ton cure-dent ?

Les prunelles de Lyria s’assombrirent et l’artéfact qu’il venait de ridiculiser étincela avant de se distordre et s’étirer. Dans un dernier éclat lumineux, la dague se transforma en une imposante faux construite dans un métal noir aux tranchants phosphorescents rougeâtres semblables aux épées photoniques.

Il haussa les sourcils face à cet imprévu de taille et grimaça.

— D’accord... je retire ce que j’ai dit...

Elle brandit son arme.

— Maintenant, t’annules ton sort et tu dégages d’ici, sinon, tu vas goûter de ma lame.

Cessez de vous battre, rugit soudain son dragon, tu dois chérir ta compagne, pas la malmener !

Kyeran grogna suite à cette énième intrusion dans sa tête et lui intima aussitôt le silence. Cette conscience, quelle qu’elle soit, n’avait pas à lui dicter sa conduite ni à interférer dans ses pensées. Il décida d’utiliser les grands moyens et invoqua discrètement un nouveau sortilège.

— Encore faudrait-il que tu puisses m’attaquer, la provoqua-t-il avec un sourire en coin.

Lyria sourcilla, puis sursauta avec un petit cri lorsque ses jambes se couvrirent peu à peu d’une épaisse matière gelée. Elle tenta de résister contre l’envahissante magie, mais à force de se démener, ses entraves cédèrent au niveau de ses pieds. Déstabilisée par le poids de la glace, elle en lâcha sa faux avant de chuter à plat ventre.

Kyeran l’observa se tortiller comme un ver avec une certaine satisfaction vengeresse. Cette rencontre inopinée lui avait grandement facilité la tâche et ainsi, il n’avait pas eu à passer une journée entière à écumer les bois.

Épuisée de s’être débattue dans tous les sens, sa prisonnière finit par se laisser choir sur le dos en haletant pendant qu’il s’accroupissait près d’elle, la main tendue.

— Maintenant que j’ai toute ton attention, rends-moi ce qui m’appartient.

Lyria le fixa d’un air dégoûté, mais s’obstina.

— Je n’l’ai pas ton pendentif, j’te l’ai déjà dit.

— D’accord, et bien dans ce cas, on verra si tes petits mensonges seront toujours aussi convaincants quand tu auras les menottes aux poignets.

Elle blêmit.

— Tu n’vas quand même pas me livrer aux flics ?

— Est-ce que j’ai l’air de plaisanter ?

Les traits tordus par la panique, elle fouilla alors sous sa cape avant de déposer une bourse en velours noir dans sa paume sans émettre le moindre mot. Kyeran en vida le contenu et récupéra son précieux bijou qu’il rangea aussitôt dans une de ses poches. Le brouillard de la colère se dissipa et un soupir contrit s’échappa de ses lèvres quand il remarqua l’expression dépitée de la femme-dragon.

— Si tu me l’avais rendu plus tôt, on n’en serait pas là.

Voyant qu’elle ne répondait pas, il reprit d’un ton cette fois plus autoritaire.

— Je peux savoir ce que tu comptais faire avec ça ?

— Ça t’regarde pas, gronda-t-elle sur un ton venimeux.

Exaspéré, il sortit alors son téléprisme de sa poche et l’agita devant elle, le doigt prêt à enclencher le bouton de télécommunication. Cette démarche ne l’enchantait guère, aussi, espérait-il sincèrement que la jeune femme coopère.

— Très bien, tu ne me laisses donc pas le choix, je vais devoir les appeler...

Lyria écarquilla les yeux et joignit ses mains en signe de prière.

— Non ! S’te plaît, n’fais pas ça ! J’te dirai tout et j’ferai tout ce que tu voudras ! Mais par pitié, ne les appelle pas !

En tant que collaborateur professionnel des forces de l’ordre, Kyeran aurait dû ignorer ses supplications, mais Lyria appartenait à son espèce. L’idée qu’ils étaient peut-être les deux derniers représentants de leur ancienne civilisation se rappela à sa conscience. Finalement saisi par les sentiments, il l’écouta tout en feignant l’impassibilité. Cela se révéla néanmoins difficile face à son regard envoûtant.

Il déglutit, puis se racla la gorge.

— Bien, alors vas-y, dis-moi tout.

Elle prit une profonde inspiration.

— Mes patrons recherchent des pendentifs en forme de croix et quand j’ai vu que t’en avais un, j’te l’ai pris.

Il haussa un sourcil.

— Et... c’est tout ?

— Oui, c’est tout.

— Tu travailles pour qui et pourquoi ils veulent ces objets ?

Elle soupira.

 — Pour les Red Skulls et pour ta deuxième question, j’en sais rien.

Kyeran resta sur sa faim, mais il sentait que Lyria lui disait la vérité. Il pouvait le déceler à son regard profond ancré au sien. Il se redressa, puis claqua des doigts. La glace s’évapora alors en un rideau de pluie scintillante, mais ne libéra pas sa prisonnière. Il voulait d’abord qu’elle fasse preuve de sa loyauté.

— Au fait, tu as bien dit que tu ferais tout ce que je voudrai ?

Lyria sursauta face à cette nouvelle question.

— Euh... oui ? Enfin... tout dépend de ce que tu veux.

Kyeran ne put s’empêcher de la laisser mariner et face à son air suffisant, elle détourna le regard et commença à dégrafer sa cape.

— Ok, je vois... si tu veux profiter de moi, alors vas-y, fais-toi plaisir...

Il déglutit face à cette proposition inattendue.

Qu’Yldrarth me vienne en aide ! Comment ai-je fait pour me retrouver dans ce genre de situation ?

L’image de Lyria nue étendue sur un lit s’immisça dans son esprit et un éclair de chaleur le traversa l’espace d’un instant. Son dragon rugit de triomphe.

Oui ! Rien de tel pour repartir sur de bonnes bases !

La honte le submergea aussitôt pour avoir éprouvé des pensées aussi scandaleuses.

— Non, merci, réagit-il enfin sur un ton sec. J’étais juste venu ici pour faire aiguiser mon épée jusqu’à ce que je découvre que tu es forgeronne en plus d’être une voleuse...

Lyria cligna des paupières, pantoise. Peut-être ne s’attendait-elle pas à avoir affaire à un mâle dépourvu de mauvaises intentions ? Toutefois, l’ambiance sembla se détendre et devenir propice à la discussion.

— Voilà ce que je te propose… reprit-il, tu la répares gratuitement et en échange je te rapporterai des clients.

Elle grimaça, perplexe.

— J’trouve ça bizarre que tu m’pardonnes aussi facilement et que tu veuilles m’aider. Ça cache quelque chose, j’me trompe ?

Quelle perspicacité ! Elle venait de voir clair dans son jeu et il étouffa un grognement agacé. Il n’allait certainement pas lui révéler l’incontrôlable attirance qu’il ressentait envers elle. Décontenancé de voir que sa proposition sérieuse n’avait pas fonctionné, un sourire courba malgré tout ses lèvres et il joua la carte de l’humour pour détendre l’atmosphère.

— Disons que, c’est juste une manière pour moi de te dire que je meurs d’envie de te mettre une fessée pour ta mauvaise conduite.

Si Lyria resta d’abord bouche bée, ses yeux ne tardèrent pas à briller d’amusement et elle s’esclaffa. Puis, son visage blêmit et ses éclats de rire se turent. Avant que Kyeran ne comprenne la raison de son brusque changement d’expression, quelque chose le frappa violemment à l’arrière du crâne dans une sonorité métallique. Pendant de longues secondes, l’écho d’une cloche sonna dans son cerveau et une voix tonitruante retentit derrière lui.

— Ose toucher ma fille et tu verras de quel bois je me chauffe, espèce de taré !


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