Sans la vue, le goût de vivre

Chapitre 1 : Dans les Ténèbres

6727 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 15/10/2020 16:14

Chapître 01 Dans les Ténèbres

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De tout temps, les aveugles ont suscité tantôt l'effroi et tantôt l'admiration. Le théâtre lui a souvent donné l'image d'un mendiant ou du confiant en la religion, en quête de guérison par un pèlerinage long et tumultueux.

De nos jours, malheureusement, ils sont si peu considérés par la société actuelle que souvent, rien n'est conçu pour eux.

Il suffit souvent d'en voir les trottoirs pour comprendre, certains sont loin d'être praticables pour eux et que dire même des passages cloutés, souvent non signalés et encore plus dangereux. Et même quand il y a un feu de signalisation, il possède rarement la signalisation sonore.

La culture leur est devenue légèrement plus accessible, l'audio-description télévisuelle se faisant désormais plus courante, mais les livres eux, sont cependant rarement disponibles en braille. La presse l'est tout aussi peu.

Réfléchissez bien, combien de restaurants, de bars, de salons de thé autour de vous dispose d'une carte en braille? Et pourtant eux aussi aimerait vivre normalement tout comme l'héroïne de cette histoire.

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C'était un été chaud, cette année là à New York, des pics de température étant aisément atteints dans le milieu de la journée et les nuits l'étaient tout autant.

Dans une chambre d'un appartement de quatre-vingt-dix mètres carrés situé au troisième étage de son immeuble du quartier d'Astoria dans le Queens, sonnait alors le réveil d'une jeune femme de dix-neuf ans. Cette jeune femme d'ailleurs tâtonnant un instant pour le couper, elle avait dû légèrement le bouger la veille. À cause de cette chaleur, elle avait assez peu dormi, laissant la fenêtre ouverte, les sons singuliers de cette ville qui ne dort jamais lui étaient parvenus même au plus profond de son sommeil. Elle s'étira en bâillant avant de se parler à elle-même.

- Allez Claire, lève toi.

Claire Montal, dix-neuf ans donc, était une jeune française venue en Amérique pour y devenir journaliste, en plus de s'installer à New-York. Claire ouvrit alors les yeux, pur réflexe synaptique, car pour elle, il n'y eut aucune différence, elle était toujours plongée dans les même ténèbres éternelles. Claire était aveugle, non pas de naissance mais suite à un accident. Cet accident avait eu lieu près de cinq ans auparavant, sur une petite route de campagne dans ses Bouches-du-Rhône natale, près de Lyon, quand un chauffeur poids lourd s'était endormi au volant avant de percuter la Renault Mégane familiale qui avait finit dans le fossé. La dernière image qu'il restait à Claire était celle de la voiture en plein tonneau, les objets de l'habitacle se dispersant dans tous les sens tandis qu'elle et sa sœur de quatre ans son aînée, Caroline, criaient de peur. Son père Antoine était resté près d'un mois dans le coma et avait depuis quelques séquelles mémorielles au niveau de la mémoire courte. Sa mère et sa sœur avaient eu de nombreuses fractures plus graves les unes que les autres et le rein gauche de sa mère Jeanne avait dû lui être retiré. Celle qui au final eût la plus lourde séquelle fut Claire, à qui l'on diagnostiqua alors une cécité corticale totale résultant d'une destruction du cortex visuel bilatéral, un bout de verre lui avait en effet transpercé le crâne entre l'œil droit et le nez, provoquant sa cécité totale et définitive. Les chirurgiens avaient expliqué qu'il pouvait y avoir une chance qu'elle conserve au moins un peu de vision périphérique mais il n'en fut rien, les ténèbres étaient désormais son lot quotidien.

Sa première année fut très compliquée, on ne réalise la chance que l'on a de posséder quelque chose que quand on le perd et c'était cette sensation qu'elle sentait à chaque instant désormais. Un peu par chance, la société de transport routier qui avait obligé son chauffeur à faire beaucoup plus d'heures que ce qui était légalement autorisé, avait proposé un énorme dédommagement et le remboursement intégral de tous les frais médicaux à venir. Autant dire de quoi mettre toute la famille à l'abri du besoin voir plus.

Ce petit pactole qui ne remplacerait certe jamais ses yeux, lui avaient permis plusieurs choses: d'abord une opération de chirurgie faciale réparatrice pour effacer l'affreuse cicatrice qui figurait au milieu de son visage. Naturellement elle n'avait pas pu voir l'étendue mais son sens du toucher était désormais plus efficace et elle la sentait bien, aujourd'hui, on ne pourrait pas savoir qu'il y avait une telle blessure, à part peut-être en observant son œil droit plus opaque que le gauche. Cependant, ailleurs sur le corps, il reste bien d'autres marques. Ensuite, elle lui avait permis d'aller s'installer à Paris pour rentrer à l'INJA, l'Institut National des Jeunes Aveugles, situé au cinquante-six boulevard des Invalides dans le septième arrondissement de la capitale française. Il s'agit d'un institut qui acceuille et forme les jeunes aveugles et facilite ensuite leur insertion dans la vie active. La dernière chose qu'elle avait faite avec l'argent, même si il en restait bien sûr, était de se fournir en matériel pour faciliter la vie. Il existe en effet de nombreux outils pour permettre aux aveugles de lire ce qui apparaît sur un écran par exemple, cela s'appelle la plage braille. C'est un dispositif électro-mécanique utilisé par les aveugles pour afficher en temps réel des caractères braille, le plus souvent issus d'un ordinateur. Habituellement, ces caractères apparaissent sous forme de points saillants sur une surface plane. Cependant, à elle seule, cette plage braille a un coût exorbitant, de cinq à dix milles euros. Ce coût fait qu'habituellement, les entreprises prennent en charge ces coûts pour leurs employés aveugles mais Claire voulait aussi pouvoir s'en servir chez elle. Elle avait aussi acheté une machine à lire, un boîtier qui possède la même fonction que certains lecteurs d'epub pour smartphone mais permettant de le faire aussi sur des livres papiers. D'autres gadgets étaient aussi présents désormais comme une imprimante braille.

Après sa scolarité terminée avec brio, Claire voulait accomplir son rêve qu'elle avait depuis bien plus longtemps que l'accident: vivre à New-York. Adolescente, elle avait vu puis entendu toutes ces séries et ces films qui s'y déroulaient et déjà elle voulait la voir de ses propres yeux. Elle n'avait aucun problème personnel à utiliser les expressions et verbes des voyants. Elle s'en amusait presque. Mais ses parents eux, n'était pas des plus motivés à laisser partir leur fille aveugle aussi loin. Seul un évènement avait fait comprendre qu'elle avait besoin de découvrir sa propre vie: l'année dernière, sa sœur avait accouché d'un petit garçon, Joshua, chose qui ne posait pas de problème en soit, mais quand on lui posa son petit neveu dans les bras, elle se rendit compte de ce qu'elle ne pourrait jamais voir: le visage de ses enfants quand elle en aurait, si elle en avait d'ailleurs. Elle avait été inconsolable pendant deux jours entiers pleurant sans cesse, car certains l'ignorent mais les aveugles peuvent pleurer.

Alors elle avait pu partir et s'installer ici, dans la Grosse Pomme, pour tenter une carrière journalistique alors que jamais elle n'aurait la carrière qui la faisait rêver le plus, chef d'un grand restaurant. Elle n'y était pas venue seule à New-York, elle était venue accompagnée de quelqu'un, qui au vu du bruit lointain était déjà dans leur salon.

Claire se leva alors, se dirigeant machinalement vers sa douche, dont elle fit couler l'eau, à un mètre à sa droite se trouvait ses serviettes, et trente centimètres plus loin, la panière à linge. Elle se déshabilla et se glissa sous la douche, cherchant de la main droite son shampooing, elle ouvrit la première bouteille et, à l'odeur de pin, elle sut que c'était la bonne, l'odeur d'oliviers était plutôt celle du gel douche. C'était son monde désormais, organisé parfaitement. Après son accident, elle avait été surprise de saisir plus facilement les odeurs et surtout de la faculté mémorielle qui se développait très vite. Maintenant, elle pouvait se déplacer dans tout l'appartement, sauf la chambre de sa colocataire, sans rien percuter et en sachant où tout se trouvait.

Elle sortit de sa douche, se sécha rapidement puis se dirigea lentement vers son dressing. Elle tendit le bras gauche et saisit son chemisier blanc préféré, celui avec une rose brodée sur la hanche droite. Même si elle ne voyait pas, la disposition avait été optimisée, chemisiers à cet endroit, pantalons en face des chemisiers, sous vêtements en face d'elle, soutiens-gorges à gauche, dessous à droite. Elle n'avait qu'une seule manière de savoir les couleurs, grâce aux petites étiquettes qu'elle ajoutait sous le col avec la première lettre en braille. Elle avait eu du mal à l'apprendre mais avait fini par s'y habituer, par obligation. Le braille standard est constitué d'un système de points relief, dans lequel un caractère est représenté dans une matrice de six points sur deux colonnes, chaque caractère étant formé par un à six points en relief. Ces points sont conventionnellement numérotés de haut en bas et de gauche à droite, la lettre L étant composée par exemple des points un, deux et trois, ensuite bien sûr il y avait les variantes de ponctuation, qui compliquaient encore sans parler des chiffres. Mais s'y adapter avait du bon, Claire adorait surtout l'appellation donnée à un document sans caractère en braille: un livre en noir, comme ce dans quoi elle était plongée continuellement.

Elle se dirigea ensuite vers sa coiffeuse, faisant glisser sa main jusqu'à la boîte à bijoux, où elle sélectionna son collier avec un croissant de lune. Et ses boucles d'oreilles avec le même modèle. Ensuite le rouge à lèvres, posé dans ma boîte à droite de celle des bijoux, pour prendre celui qui était rose pale. Ayant appris à se maquiller avant son accident, elle se maquillait encore les lèvres mais plus jamais les yeux.

Une fois prête, elle récupéra sur sa table de chevet, son smartphone et son si précieux contrôle vocal, et avança vers le salon après avoir franchi la porte de sa chambre dans le coin haut droit de la pièce. Elle progressa dans le couloir de six mètres qui débouchait dans la cuisine, elle en toucha d'ailleurs l'îlot central, avant d'être saisie par la douce odeur de café.

- Salut ma belle.

- Salut Sybille, bien dormi ?

- Trop chaud...

Sybille Martin, dix-neuf ans également, serveuse dans un petit restaurant de quartier était sa colocataire mais avant tout sa meilleure amie depuis qu'elles avaient l'âge de sept ans. Après son accident , beaucoup de gens lui avaient tourné le dos, mais pas Sybille. Sybille l'avait accompagnée avec joie à New-York, dont la découverte était également le rêve. C'était avant tout une artiste, une peintre de talent qui depuis l'accident de sa meilleure amie, avait appris des techniques de peinture en relief pour continuer d'obtenir l'avis de Claire. Affectueusement, Claire l'appelait sa chienne d'aveugle, avec beaucoup d'humour, car dès le départ, elle l'avait aidée à s'habituer à sa nouvelle condition mais ne la considérait jamais comme handicapée. Quand elles regardaient un film, avant que ce ne soit courant, Sybille lui faisait l'audio-description dans des termes souvent loin d'être poétiques, sachant que Claire avait pu voir auparavant. C'était par Sybille que Claire vivait un peu par procuration, surtout une vie sentimentale qu'elle n'avait pas. Il est en général très dur pour une personne aveugle de se découvrir une vie sentimentale et encore plus sexuelle, entrer dans un mode de séduction est assez compliqué pour eux, et trouver un homme attirant étant encore plus compliqué. Claire ne sortait que de très rares fois en boîte avec Sybille, comment s'amuser quand on ne peut pas danser sans tomber ou mener une conversation dans une ambiance si bruyante qu'elle perturbe les sens qui lui restaient. Donc elle ne rencontrait jamais personne, comment construire une relation quand la plupart des gens la verraient comme une personne à assister et qu'imaginer fonder une famille était encore pire. Combien de personnes trouveraient normal qu'elle aie un enfant en étant aveugle? Elle s'y était faite, et Sybille aussi. Unies comme jamais.

- Je te comprends. Tu n'as pas passé la soirée avec Mark?

- Si mais tu sais bien que je préfère rentrer.

Mark Porter, le cuisinier du restaurant où travaillait Sybille, était son petit ami depuis un mois et semblait comprendre que Sybille veuille absolument rentrer chez elle chaque jour. Claire le trouvait sympathique, les discussions avec lui étant amusantes et elle devait se fier aux dires de Sybille quant à son physique d'Appolon.

- Tu n'es pas obligée tu sais, je me débrouille bien.

- Je sais t'inquiètes pas pour ça. Et puis il vient quand il veut.

- Tu bosses aujourd'hui ?

- Je pars dans deux heures mais je rentre avant le service du soir, heures supplémentaires à récupérer.

- Ok, tu regardes quoi?

- Je suis sur la chaîne people.

- Super...

- Quoi? Je me détends cocotte.

- Mais j'ai rien dit moi, dit Claire en souriant. Par contre monte le son, j'entends pas.

- Ok. Sers toi du café, il vient de passer, croissants à droite.

Claire déplaça sa main sur la bulle de la cafetière et l'attrapa ainsi que son mug situé à environ vingts centimètres en haut à gauche. Cette précision impressionnait toujours Sybille même si au début de leur colocation, l'obligation de toujours tout ranger pile au même endroit l'avait perturbée. Mais pour sa meilleure amie, elle s'y était forcée, cependant l'anarchie régnait dans sa chambre empêchant en général Claire d'y rentrer. Elle prit un croissant et se dirigea en mordant dedans vers le canapé pour s'assoir devant la télévision.

- Même si c'est une boulangerie française, les croissants étaient meilleurs à Lyon.

- Tu m'étonnes.

- Alors il se passe quoi sur la planète People?

- Bah Tyler Warrington a encore fait des folies pour son anniversaire hier soir.

Tyler Warrington était le chef en vogue à New York, âgé d'à peine vingt-cinq ans, il avait ouvert un restaurant l'année dernière, le Palais du Goût, et obtenu une étoile grâce à sa cuisine mêlant tradition française et autres gastronomies internationales. Il s'était fait un nom en remportant l'émission culinaire Golden Chief, présentée par Gordon Ramsay. Il l'avait remportée à l'âge de vingt ans devenant le plus jeune chef à la remporter et il avait en plus survolé la compétition. Sybille et elle avait découvert cette émission grâce aux éditions précédentes diffusées sur Netflix. Cependant, sa tendance à être prétentieux l'avait rapidement catalogué dans la presse people, et selon les critiques, sa cuisine n'innovait plus du tout, et elles se faisaient de plus en plus tranchantes. Sybille avait un peu augmenté le son et Claire entendit ainsi les questions de la journaliste.

- Tyler, pensez-vous que votre cuisine va revenir à son plus haut niveau?

- Vous savez, j'ai eu une étoile en moins de six mois et c'est pas quelques critiques jalouses qui vont me briser.

- Ce n'est que de la jalousie ?

- Bien sur ma cuisine est particulière, assez Rock'n'roll en soi. Et ça fait chier du monde. Ça leur fait mal au cul autant de talents aussi jeune.

- Je vais vous laisser retourner à la fête.

- Merci, et ça c'est pour les connards qui me critiquent.

- Il fait un doigt à la caméra, fit Sybille à destination de Claire.

- Il est quand même vachement prétentieux.

- Ouais mais vu la liste d'attente pour avoir une table... ça doit être bon non?

- C'est sûr que j'aimerais bien y goûter mais bon... N'empêche qu'il va encore être dans les tabloïds.

- C'est sûr mais qu'est-ce qu'il est beau mec.

Claire regarda alors dans la direction de Sybille de la même manière qu'elle l'aurait fait si elle pouvait voir.

- Quoi? Ha oui... désolée.

- C'est rien, j'ai toujours apprécié que tu oublies facilement que je suis aveugle. J'adore voir ta tête.

- Imbécile va.

- Plus beau que Mark?

- Non mon mec est le plus beau mais il est canon. C'est aussi pour ça qu'il a été la coqueluche de son édition.

- Tu vois, depuis que moi je ne vois plus, la personnalité est plus importante...

- Ouais mais pour s'envoyer en l'air on s'en fout.

- Ha ben tu vois je m'en fous des plans culs.

- Tu sais quand-même qu'il y a des applis dédiées ?

- Super... le genre de pervers qui kiffent de baiser des aveugles, je crois que je serais pas à l'aise.

- Tu vas pas vivre comme Hellaine Keller, cette femme d'Alabama qui n'a jamais connu d'homme à cause de son handicap?

- Ça va, j'ai le temps.

- Ouais ouais, en fait en parlant de temps, ça va être l'heure d'aller au boulot mémère. Je t'accompagne?

- Non repose toi, j'ai l'habitude.

- Laisse ta tasse sur la table je m'en occupe.

Claire se leva, attrapa sa veste et son sac à main, habituée à sa texture, y prit sa canne blanche et ses lunettes noires et elle partit.

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Marchant sur le trottoir, Claire avançait lentement vers son lieu de travail. Le magazine où elle travaillait, le "Other People" était une revue paraissant sur trois formats différents : papiers, disponible également en braille ou en plus gros caractères, choses qu'il suffisait de préciser lors de l'abonnement ; sur internet, où désormais il y avait beaucoup plus de lecteurs, et en podcast où par un habile jeu de ping pong, la plupart des articles finissaient par être également disponibles. La ligne éditoriale du magazine était assez simple, montrer la vie du point de vue du handicap. Il y avait de nombreux articles classique, limite petites news people, mais surtout des articles dits dédiés au handicap. Comme il s'agissait surtout d'une revue New-yorkaise et qu'ils n'avaient pas des fonds illimités non plus, les articles portaient en général sur la grosse pomme: les endroits accessibles, les salles de cinéma équipées pour non-voyants ou sourds, et même des critiques des divers endroits où les new-yorkais sortaient mais toujours du point de vue confort et accessibilité. Claire avait assez rapidement découvert ce magazine avant même d'arriver à New-York et une fois sur place leur avait écrit. La petite française débarquant aux États-Unis et découvrant la vie en tant qu'aveugle dans un monde plus grand et plus bruyant avait séduit et puis on l'avait prise au sérieux et il ne s'agissait plus des petites différences entre France et États-Unis mais maintenant elle rédigeait les articles sorties. Si un aveugle se trouvait un bar avec une carte disponible pour lui, c'est qu'elle l'avait peut-être orienté vers ce bar. Une des rubriques marchant le mieux était la rubrique sexo, amour et handicap posaient beaucoup de questions, et étonnement ils en recevaient aussi de conjoints ou de personnes qui avaient craqué pour une personne avec handicap.

- Oups, pardon, fit Claire en reprenant sa route après avoir bousculé quelqu'un.

- Pourriez regarder.

- Désolée, je suis aveugle.

- Ho... euh... pardon mademoiselle, je ne vous ai pas fait mal?

- Non. Merci de demander.

- Encore désolé, bonne journée.

- À vous aussi.

Claire soupira, ça arrivait tellement souvent, les gens sont rivés sur leurs téléphones et devraient apprendre à lever les yeux, les malvoyants ou non-voyants ne les voient pas arriver comme des flèches. Le plus drôle était qu'alors qu'en général, ils s'apprêtaient à lui hurler dessus, dès qu'ils remarquaient qu'elle était aveugle, ils se calmaient. Cependant, le choc avait perturbé ses repérages et elle dû sortir son smartphone et lancer l'application pour aveugle qu'elle avait installée et qui permettait de se déplacer avec un GPS pour aveugle extrêmement précis, précisant même les bouches à incendie. Elle continuait d'avancer et pû se repérer à l'odeur particulière de tomates chaudes et de fromages fondus, signe qu'elle passait devant la pizzeria à laquelle elle allait déjeuner parfois, même si au bureau, les services de livraison étaient largement plébiscités. Elle avança encore et finit par sentir l'odeur du petit salon de thé et, avec sa canne, toucha alors la bordure de la marche pour entrer.

- Bonjour Claire.

- Bonjour Mme Morton.

- Comme d'habitude ?

- Lavande et miel pour changer un peu.

- Ça vient... pas eu trop de difficultés aujourd'hui ?

- Une seule personne m'a percutée.

- Quand on voit la taille des trottoirs... oh... je...

- Ce n'est pas grave Mme Morton, je ne suis pas susceptible sur les mots.

Ça aussi, ça énervait profondément Claire, toujours des excuses pour l'usage de ce genre de mot, ce sont pourtant des mots normaux et elle ne peut pas en tenir rigueur. Elle ressortit après avoir payé, et avança sur trois cents mètres pour rejoindre le bâtiment du journal. Elle passa la porte battante.

- Bonjour Mademoiselle Montal.

- Bonjour William, du courrier?

- Deux lettres, elles sont déjà sur votre bureau, à droite de votre clavier.

- Merci, à tout à l'heure.

Elle progressa en ligne droite vers l'ascenseur et appuya sur le bouton d'appel.

- Ouverture des portes, fit la voix mécanique. Portes ouvertes.

Elle y pénétra et chercha le bouton du quatrième étage et appuya dessus. Tout était annoncé dans ce bâtiment et c'était l'avantage. Arrivée au quatrième, elle attendit la fameuse phrase avant d'avancer sur vingt mètres, tourner à droit et progresser de cinq avant de vérifier si la porte était ouverte. Elle l'était déjà et elle entra, suivant le mur et atteignit son bureau.

- Bonjour Claire.

- Bonjour Martin, tout va bien?

- Oui merci et toi?

- Parfaitement, ho bonjour Clyde, fit elle en caressant le chien.

Martin Hobbs, à prononcer à l'Américaine, la cinquantaine était mal voyant, il avait préféré prendre le chien d'aveugle car cela lui faisait de la compagnie en plus. Il faisait la même chose qu'elle dans le service et lui filtrait les yeux où on acceptait les chiens guides. Elle savait que Martin était incapable de discerner les formes mais voyait les taches de couleur.

- Tu as eu le mail sur la réunion?

- Oui hier soir.

- Je me demande si son nouveau projet aboutira.

- Helen a l'art et la manière d'obtenir ce qu'elle veut.

Helen Blanchard, une femme dans la trentaine, était la rédactrice en chef de Other People, et pourtant elle n'avait aucun handicap. Elle avait grandi dans un quartier du New Jersey avec un voisin âgé et aveugle et avait découvert les difficultés de vivre avec un handicap. Depuis c'était son cheval de bataille, après une grande école de journalisme, elle avait arpenté les investisseurs et la ville de New York pour obtenir des fonds et fonder le journal. C'était une femme douce et sympathique qui, par un pied de nez du destin, avait accouché six ans plutôt d'une fille, Diana, aveugle de naissance. Naturellement elle s'était consacrée à cœur perdu à sa fille et malheureusement son mari les avait abandonnées à leur sort. Helen et Claire était devenue très proche, vu la jeunesse de Claire et elle lui demandait conseil pour la petite fille qui avait étonnement beaucoup de mal à supporter sa condition. C'est d'ailleurs Claire qui depuis récemment essaye de lui apprendre à lire le braille. La petite détestant les cours prévus pour lui apprendre dans des centres dédiés. Helen est d'ailleurs une des premières personnes à qui Claire avait osé demander si elle pouvait lui toucher le visage. Elle savait comme ça qu'Helen était assez magnifique dans son genre avec des cheveux ondulés et doux.

- Réunion dans cinq minutes, fit la voix d'Helen dans l'interphone.

Claire se releva et se dirigea vers la salle de réunion et partit s'installer à sa place. C'était un rituel, les aveugles et malvoyants s'installaient d'abord, les sourds ensuite et en dernier les handicaps physique moteurs.

- Bonjour à tous, j'espère que vous n'avez pas trop psychoté sur le mail. Bon déjà les articles en cours.

Helen interrogea toutes les personnes prévues une par une et arriva enfin sur Claire.

- Alors ce petit bar irlandais Claire, le " Leprechaun", c'est ça ?

- Oui, j'ai presque fini l'article. Il me reste surtout la correction. Je le recommande, carte en braille, gros caractères aussi. Un des serveurs connaît le langage des signes, euh... petite difficulté à y entrer à cause de deux marches par contre. Mais je vais le recommander quand même.

- J'aurai d'ailleurs une petite surprise pour toi.

- Ha?

- Oui mais pas tout de suite. D'abord les nouvelles. Bon la ville a encore reporté le vote pour les feux à signalisation sonores. Mais ils vont le voter le mois prochain, le maire De Blasio me l'a juré et même si ça plait pas au conseil municipal il le fera. Ensuite la récolte de fonds pour le nouveau projet du magazine est en très bonne voie, on va même pouvoir bientôt commencer.

Tout le monde applaudit alors. Le nouveau projet, Other People Teach, est un programme de mise aux normes des différents lieux acceuillant du public, mais nécessite de l'argent car il va falloir initier les propriétaires et les employés à la vie avec handicap pour leur faire comprendre. Pour l'instant, il s'agirait surtout pour le début de volontaires pour s'adapter, avant d'essayer de réellement convaincre. Claire était enchantée du projet et rêvait de montrer cela à des sociétés. La réunion se poursuivi sur les articles futurs, les projets, les éventuelles embauches... Enfin arriva la grosse surprise.

- Alors, pour la première fois, Other People, va tester une table étoilée. Ça te dit Claire?

- Ho oui... C'est quoi ? Le Ritz, le Carlton?

- Euh non quand même pas.

Claire était trop enjouée oubliant un instant que le journal finançait lui-même les dégustations, et que ce genre de table coutaient d'immenses fortunes.

- Désolée...

- C'est rien, en fait nous avons reçu une invitation pour deux personnes au Palais du Goût. Tout est payé.

- Le restaurant de Tyler Warrington ?

- Celui-là même. Tu veux le tester?

- Et comment.

- Comme d'habitude tu emmènes qui tu veux. C'est ce soir, j'espère que tu n'avais pas trop de projets.

- J'avais rendez-vous avec ma bibliothèque.

- Parfait, et amuse toi bien alors. Et pas trop d'alcool non plus.

C'était toujours pour deux personnes, ils devaient y aller avec une personne dite valide au cas où rien ne serait conçu pour eux. Avec son téléphone, elle contacta immédiatement Sybille, qui l'accompagnait toujours, et lui annonça la nouvelle. Autant le dire, les deux étaient impatientes d'être au soir.

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Le soir même, elle et Sybille s'étaient préparées soigneusement. Claire portant sa robe noire de cocktail. Elles allaient découvrir la table à la mode à New York et l'ambiance était à la fête. Elles avaient attendu longuement et impatiemment leur Uber, le restaurant étant assez loin, fourré au milieu des beaux quartiers. Tout le long du trajet, Sybille s'impatientait nerveusement, toute à son excitation. Elles descendirent de la voiture. Claire entendait bien la foule dans la rue, elle avait entendu dire qu'il y avait une fille d'attente assez longue en général mais du fait de leur invitation, elles ne durent pas attendre.

- La réservation est à quel nom?

- Claire Montal, dit-elle, ou sous Other People.

- Je la vois, suivez moi.

" Ha... ça commence mal" pensa Claire.

Dire à une aveugle de le suivre sans proposer de la guider faisait partie des mauvais points, si elle était seule, elle aurait eu l'air d'un éléphant dans un magasin de porcelaine, cognant dans toutes les chaises et toutes les personnes entre elle et sa table. Au moins, le serveur lui tira la chaise mais il devait sans doute le faire pour tout le monde.

- Désirez vous un apéritif ? fit le serveur.

- Un cocktail sans alcool pour moi, fit Claire. Faîtes moi la surprise.

- Un Mojito pour moi, fit Sybille.

Le serveur partit et revint avec les cocktails et les cartes, sentant le mouvement près d'elle, elle se rendit compte qu'il lui tendait sans aucun doute la carte.

- Auriez vous une carte en braille ?

- Euh... non Mademoiselle, je suis navré.

- Ce n'est pas grave, mon amie me fera la lecture.

Le serveur disposa, second mauvais points, un aveugle seul était clairement laissé à l'abandon ici. Comment connaître la carte?

- Par contre tu peux me dire où est le verre.

- Attends, fit Sybille en le bougant. Quelques centimètres à gauche de ton assiette.

- Merci Syb...

- Oh putain de bordel de merde, dit Sybille en français.

- Quoi? C'est cher à ce point là ?

- Putain ouais.

- Et c'est comment la déco ?

- Assez clair, très rock, beaucoup de symboles liés à la musique, derrière toi il y a une partition assez stylisée en forme de vague.

- Par contre le bar au fond est très bruyant, fit Claire.

- Désagréable ?

- Un peu... hum... le cocktail est bon, on dirait vraiment une pina colada sans le rhum, je crois qu'ils y rajoutent des arômes à mon avis.

- Ho tu vas être contente, une revisite de l'hachis parmentier.

- Je prends.

Les deux amies passèrent commande et eurent leurs entrées.

- Alors ça ressemble à quoi?

- C'est graphique très complexe. Tes Saint-Jacques sont au nombre de trois et les légumes sont pas bien nombreux.

- Ok merci Syb.

Claire commença à manger et comprit la complexité de manger ce plat. Il y avait des points de sauces à différents endroits et trouver les légumes disposés très artistiquement relevait de l'exploit pour une aveugle.

- Les Saint-Jacques sont pas mauvaise mais bon sang il a la main lourde sur la sauce des carottes, son soja est très sucré et âpre.

- C'est pas bon?

- C'est écoeurant, sucre plus sucre, les pickels de fanes de carottes sont inutiles en plus. Et ses salsifis sont très gras.

- Bah dis donc. Moi j'ai pas à me plaindre. Mais c'est vrai que ton palais est beaucoup plus développé.

- Le problème est surtout le manque de prise de risques, rien d'extraordinaire. Je comprends quand on entend qu'il manque déjà de souffle et de surprise.

- On verra la suite, mais je t'ai déjà dit que j'adorais ton boulot ?

- Ouais souvent, fit Claire amusée.

- Ce serait le genre de restaurant ou tu peux pas demander quelqu'un en mariage, trop agité.

- Merde alors, ma surprise est gâchée.

- Pff idiote.

- Bon j'avoue que j'ai vu aucune bague en vitrine qui me plaisait.

- Dit comme ça, j'en verrai pas l'ombre d'une.

Les deux jeunes femmes profitaient bien de leur soirée où l'humour de Claire sur son handicap fut mis à l'œuvre de nombreuses fois. Arriva ensuite le plat principal. Et ce n'était guère plus impressionnant, l'hachis parmentier avait été recréé en sphère, où la purée étaient placée au centre et le tout était frit. Il y avait plusieurs sphères et des sauces diverses.

- La purée est très relevée en muscade.

- Là même moi je suis d'accord.

- Ha ok. Je suis pas juste chiante. Et cette sauce ici elle est tellement poivrée que je ne sens plus rien et en plus même mon odorat morfle un peu.

Claire était franchement déçue de la cuisine du Chef Warrington, la télévision avait tellement hissé cet homme en surdoué de la cuisine qu'elle s'attendait à être transcendée par ses plats. Et à part le désert, une tarte au citron meringuée retravaillée avec des agrumes plus exotiques, rien n'était à la hauteur de la réputation de surdoué. Une vaste escroquerie.

- Un petit café avant de rentrer? demanda Claire.

- Ho oui.

Claire devait laisser Sybille commander, pour une raison qui ne devait laisser aucun doute, elle semblait ignorée, elle ne pouvait nullement voir si un serveur l'avait remarquée après tout.

- Ho...

- Quoi? dit-elle en reposant son café.

- C'est le chef, il est dans la salle.

- Il salue des clients ? C'est gentil de sa part. Tu crois qu'il va venir ?

- Franchement ça m'étonnerait, il... préfère la table des journalistes de télévision là-bas. Nous on doit pas compter.

- Et pourtant tous les clients sont importants.

- Je vais essayer de l'attirer si tu veux.

Sybille avait dû agiter son bras, qu'aurait elle pu faire d'autre ? Puis sans doute vexée grognait sur sa chaise.

- Connard...

- Quoi?

- Il m'a vue mais m'a totalement ignorée.

- Ha... la grosse tête.

- Avec ce qu'on voit à la télévision je me demandais... mais ils ont un peu raison.

Elle finirent tranquillement leurs cafés avant de rentrer chez elles.

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Une fois rentrée chez elles, les deux amies enlevèrent leurs chaussures et se jetèrent dans le canapé. Repues mais insatisfaites, sans aucun doute.

- Tu vas passer ta soirée au téléphone avec Mark?

- Bien sûr, tu crois quoi?

- Si ça vire au visio-sex tu fais pas trop de bruit merci.

- Comme si je faisais du bruit. J'ai trop de respect.

- Toi non... mais le lit...

- Sérieux ?

- Non. Je plaisantais.

- Connasse va.

- On insulte pas une handicapée.

- Ho genre.

- Bon vais déjà rédiger mon article.

- À cette heure ci?

- Ouais j'ai pas de mec pour faire la conversation.

- Travaille bien.

- Merci amuse toi bien.

Claire se rendit dans sa chambre, se déshabillant et se douchant en conservant toujours son organisation. Elle déposa les vêtements sales dans la panière. C'était la seule tâche ménagère qu'elle laissait totalement à la gérance de Sybille, la lessive. Claire avait en effet peur d'abîmer les vêtements de son amie même si elle serait tout de même compréhensive, alors Sybille s'était proposée de gérer cela. Elle récupéra son ordinateur sur le bureau et se connecta au site du magazine pour rédiger sa petite critique.


" Le Palais du Goût : Encore faut-il en avoir.


Bonjour à tous chers lecteurs et lectrices, dans le test du jour, j'ai eu la chance de pouvoir essayer le restaurant dont tout le monde parle en bien comme en mal ( et je comprends pourquoi).

Je vais comme d'habitude commencer par son accessibilité :

- L'entrée : elle ne possède aucune marche permettant ainsi aux personnes à mobilité réduite d'entrer. Mais je n'avais pas l'impression que la porte était suffisamment large pour laisser entrer un fauteuil électrique.

- Le personnel et le service: peut-être n'ai-je pas eu de chance, mais dès le départ, il y a eu une faute. Vous savez le classique "Suivez moi". Et oui, je suis aveugle donc sans la personne qui m'accompagnait et bien je serais sans doute déjà aux urgences. Ensuite même quand il a su que j'étais aveugle, pas beaucoup plus de compréhension à l'horizon. Et je vous le dis d'avance, n'espérait aucune carte prévue pour vous ( et pourtant au vu des prix sur cette même carte, ils pourraient en imprimer mais bon). À part ça, il était correct et même assez rapide, notre attente ne m'a pas semblé bien longue même si il s'est avéré qu'on ignorait aisément l'aveugle qui faisait signe.


Maintenant le vrai problème du restaurant : sa cuisine. Elle est, sur le papier pleine de promesses, des plats raffinés et excellents... Pas du tout. Je ne suis pas une critique gastronomique surdouée mais quand même. Ne voyant pas l'intérieur de mon assiette, je peux vous assurer qu'elle est d'une complexité énorme : les légumes d'un côté, les points de sauce disposés, selon mon accompagnatrice, artistiquement. Difficile d'associer l'un et l'autre. Bon en même temps... c'est peut-être mieux, ce n'était plus des carottes dans mon assiette mais plutôt des bonbons tellement la sauce avait un pouvoir sucrant. Le plat principal me faisait rêver, un hachis parmentier, pour une native de France où il a été inventé, c'était tentant. Déception totale, sauce trop poivrée, purée qui vous laisse un goût de muscade pendant le dessert. Je commence à comprendre tout ce que l'on écrit sur Tyler Warrington, il se croit au sommet mais oublie qu'il doit le montrer. Petite exception pour le dessert que j'ai adoré et que je recommande, la tarte aux agrumes meringuée.


Et malheureusement, il y a un dernier bémol, chose assez drôle quand on sait que la décoration porte sur le rock'n'roll, le chef lui même. Mon accompagnatrice et moi-même nous faisions une joie de le rencontrer quand celle-ci l'a vu débarquer dans la salle. Raté... Il s'est concentré sur les V.I.P., les journalistes télé. Et pourtant, elle a attiré son attention et... il nous a ignorées. Nous ne devions pas être assez célèbres ou importantes ou bavantes devant Monsieur Warrington. Fiez vous à l'image que l'on a de lui dans la presse et empirez encore la situation.


Sur ce, je vous conseillerai quand même de l'éviter ce Palais du (Dé)Goût. Gardez l'argent pour faire une petite sortie culturelle c'est plus intéressant.


Bon courage à vous dans cette ville de New York qui tente chaque jour de s'améliorer mais que certains continuent de malmener dans le progrès. À bientôt pour une prochaine chronique.


C.M."


Elle n'était pas peu fière de son article mais espérait ne pas être allée trop loin. Sa petite attaque réservée au chef serait peut-être retirée par Helen, pour éviter un procès en diffamation, mais était cependant très méritée. Elle se doutait en effet que Sybille avait dû faire signe au chef en insinuant qu'elle était aveugle. Elle savait qu'elle l'avait déjà fait, ce n'était pas méchant mais juste pour rencontrer ces personnes. Elle cliqua sur ENVOYER et referma l'ordinateur avant de se coucher. Elle ignorait encore à quel point cet article allait avoir de l'influence sur son petit monde si bien ordonné.

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