Schisma : Tourment [Webtoon Concours 2022]

Chapitre 2 : Confusion - Part III

Ce chapitre est en prélecture...

2934 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 06/02/2022 20:47

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Dans la pénombre, brutalement reconnecté à la réalité – yeux écarquillés, gorge desséchée, respiration saccadée – Eziel examinait ses mains complètement immaculées.

Fiévreux, il se caressa le ventre, gardant en mémoire la sensation de la lame se planter précisément entre son flanc et la région ombilicale – la douleur tellement insoutenable, l’obligeait à se recroqueviller sur lui-même, pendant un bref instant.

Déglutissant avec difficulté, il restait encore atterré par le cauchemar qu'il venait de faire, Jamais l'un d'eux lui avait paru autant réaliste que celui-ci, découvrant ce qu'endurait possiblement sa jumelle. À cette simple pensée, voilà que le frêle jeune homme qu'il était, tremblait comme une feuille.

Toutefois, son cerveau pleinement actif l'aidait à rationaliser, Retraçant ses activités des dernières semaines, il ne voyait aucun rapport avec son cauchemar. Rien de mémorable – concluant que son cerveau avait tout simplement une imagination débordante. Pris d'un léger spasme, une partie de lui s'attardait longuement sur les bribes de souvenirs qui subsistaient : une cabane en bois dans une clairière, des enfants en pleurs et un fou furieux. Quelle signification pouvait-il y avoir derrière tout ça ?

Redressé dans son le lit, tirant sur le col de son t-shirt, une grimace se dessina sur son visage : il n'y avait pas plus désagréable que de toucher un vêtement plein de sueur – et que dire des draps trempés?

Les neurones complètement fonctionnels permirent enfin au garçon de percevoir les hurlements résonner dans l'appartement. Tout en se questionnant depuis quand sa jumelle cauchemardait, il s'extirpa de son lit et se hâta de sortir de sa chambre.

Prêt à entrer, il se figea - frappé par un éclair de lucidité - se demandant s'il était bien sage de réveiller sa jumelle dans sa torpeur. Il se rappelait de son tout dernier essai : peur et agressivité n'ont jamais été aussi exacerbées ce jour-là et il en avait fait les frais.

Demeurant encore un long moment au seuil de la porte, il relâcha la poignée renonçant à toute tentative désastreuse. Or, le cri effroyable poussé par sa sœur l'obligea à entrer dans la pièce.

Allumant la lumière, le spectacle qui s'offrait à lui, le paralysa. Ordinairement, les personnes lambda se débattaient dans leur lit, Eliah n'en faisant pas exception, mais que dire quand cette dernière se contorsionnait dans tous les sens, comme si une force invisible la manipulait à sa guise ?

« Eliah, voulait-il crier, sa gorge se resserrait tellement qu'il lui était impossible de simplement d'ouvrir la bouche. Il n'y avait pas plus effrayant et oppressant pour le jumeau que de rester sans pouvoir rien faire, à l'observer les yeux démesurément ouverts. Son nez le démangeait, les larmes lui montaient. Il ferma les yeux et se pinça la bouche, convaincu qu'il était encore bloquée dans un mauvais rêve, sauf qu'après cinq minutes d'attente, il devait accepter de faire face à la réalité et de trouver une solution pour se sortir de là.

Pour venir en aide, il devait d'abord se détendre, chose peu aisée dans ces conditions, mais il réussit à persuader son esprit que rien ne l'entravait. De cet état de fait, le voilà de nouveau libre de tout mouvement, il se précipita vers le lit, attrapant sa jumelle par les épaules :

– Eliah, réveille toi, tu es en plein cauchemar ! Gueula-t-il, la secouant.



Par un merveilleux hasard, on l'aida à s'échapper du joug de son agresseur, la tirant irrémédiablement de ses songes.

Éveillée, la première chose qu'Eliah vit, était son frère : une mine affreuse sur son visage, presque terrorisé. Se redressant, poussant son jumeau à une certaine distance afin de conserver sa zone de confort, elle se massa le crâne comprenant ce qui le rendait inquiet. Même si elle y avait pensé, elle n'avait pas anticipé qu'il interviendrait, réalisant tardivement – lorsque ce dernier dévia son regard - que la plaquette de médocs se trouvait encore en évidence sur la table de chevet.

Le regard d'Eziel exprimait à lui seul une multitude de questionnement, se muant en un verdict hâtif et tranchant. À peine allait-il prendre la parole, qu'on frappa férocement à la porte d'entrée. Le voisin ne tardait pas à cogner plus fort, contraignant le jeune homme à se lever pour aller ouvrir.

La mâchoire crispée, regardant son jumeau quitter les lieux, Eliah inspira puis expira bruyamment lorsqu’elle se retrouva seule, rabattant ses jambes, les collant à son buste pour y enrouler ses bras et enfouir sa tête, cognant son front plusieurs fois contre les genoux.

« Putain de merde » maugréa-t-elle.

Tandis que le voisin menaçait d'appeler les flics et qu'Eziel tentait de l'apaiser, la demoiselle se débarrassait des couvertures pour sortir de sa couche, puis s'échauffa pour détendre ses muscles et surtout apaiser sa conscience avant de faire face à un interrogatoire. Alors qu'elle s'étira, les bras en l'air, elle ressentit de la chaleur dos, plus précisément une sensation de brûlure au niveau de la dorsale droite quand elle travailla les obliques. Étonnée et curieuse, elle souleva son débardeur. Son teint blanchâtre se liquéfiait, tandis que ses lèvres oscillaient et que ses yeux devenaient humide, elle effleura du bout des doigts - toute tremblant - l'égratignure marquer sur sa peau. Terrifiant.

Entendant la porte claquer, Eliah remis en place le pan de son haut, rabattant quelques mèches de cheveux derrière ses oreilles, et resta plantée devant son miroir, attendant nerveusement qu'Eziel revienne.

Celui-ci s'arrêta à l'entrée de la chambre et appuya son épaule contre l'encadrement, les bras croisés, dévisageant sans scrupule ce qui lui servait de sœur, attendant des explications. Illico-presto.

Hein ? Qu'est-ce qu'il a foutu, s'interrogea la jeune femme, remarquant l'énorme trace de sueur sur le t-shirt de son frère.

– Ne me sors pas d'excuse bidon, dit Eziel d'un ton menaçant – Constatant que la sœur gardait le silence qui se frottait machinalement le bras. À quand exactement remonte tes terreurs nocturnes ?!

Se mordillant frénétiquement la lèvre inférieure, Eliah serra les poings réfléchissant à une réponse, mais il lui était impossible de déterminée une date, puis elle était bien trop obnubilée par son tout dernier rêve. Si le précédent lui avait paru des plus réalistes, celui-ci dépassait l'entendement. Fébrile, elle se souvenait avec exactitude ce qui s'était passé dans son cauchemar et souhaitait à nouveau vérifier si elle était oui ou non, victime d'une hallucination. Elle voyait et sentait encore, les griffes de son assaillant érafler sa peau précisément là où elle avait encore mal. Loin de croire au paranormal, un frisson parcouru son échine à l'idée que ses mauvais rêves puissent prendre forme...

– Encore hier, tu me soutenais que tu ne prenais rien, pesta son frère, visiblement contrarié au ton de sa voix.

Le blond se trouvait vers la table de nuit, inspectant minutieusement le contenu de la boîte, la notice dans l'autre main.

– Surtout ces merdes-là. Tu sais que tu es sujette à ces effets secondaires.

– Je n'avais pas d'autre solution sous la main...

– Bien sûr que si, coupa-t-il. Quand est-ce que tu vas finir par te foutre dans le crâne, que consulter un psy n'est pas la signification de faiblesse ?!

Piquée au vif, la sœur se contenta de se mordre la langue avant de rétorquer :

– Ce n'est pas parce que cela t'a aidé à une époque, que ça fonctionnera pour moi. Ce n'est pas parce qu'on est lié par le sang, qu'on doit faire tout pareil.

– Quel est le putain de rapport ? S'agaça l'autre. Tout ce que je souhaite, c'est que tu ne retombes pas dans certains travers, est-ce trop demandé ?! Si papa et maman l'apprennent...

– Ils n'en seront rien, objectait la jumelle. Je suis assez grande pour savoir ce que je fais. Je comprends tes inquiétudes, mais j'avais grandement besoin de me reposer.

– En te bourrant de somnifère ? Eziel ouvrit le tiroir de la table, découvrant d'autres boîtes de somnifère.

– Hé, je ne te permets pas, s'approcha Eliah, énervé qu'on fouille dans ses affaires.

– Bordel, il avait raison.

– Qui ça « il » ?

Eziel ne répondit rien, rendant plus furax la blonde.

– Qui ça «IL» ? Répéta-t-elle.

– Personne. Maintenant, si tu me permets, je vais prendre tout ça et les jeter.

– Quoi ? Mais non !s'injuria Eliah – Se saisissant de l'avant-bras de son frère. Fais ça et je...

– « Je » quoi ? Tu vas me frapper, répliqua Eziel, haussant d'un ton.

Eliah libéra brusquement Eziel, déconcerté par ce qu'il venait de dire – restant silencieuse, cela ne l'empêcha pas de se confondre en excuse. Les jumeaux se regardaient en chiens de faïence, perdus chacun dans leur propre tourment.

– Eliah... souffla le garçon, arborant une expression plutôt morose. Si tu commences à me mentir et à garder tes problèmes au fond du placard, les choses vont tôt ou tard resurgir et ne feront que s'empirer. On a à peine entamer le sujet hier et peut-être que je me trompe, mais j'aimerais sincèrement que tu y réfléchisses...

La sœur, ne cachant pas son exaspération, souffla lui permettant de faire face à son aîné :

– Ce que tu peux être pénible, mais d'accord... Je songerais à prendre rendez-vous. Mais je te préviens, avant que tu ne sautes de joie. Si, je ne le sens pas, je stoppe tout et ça s'arrête ici. Tu ne peux pas me forcer à faire quelque chose dont je n'ai pas envie.

Même si la réponse ne lui plaisait guère, Eziel hocha la tête. Si sa jumelle était enclin à accepter un compromis, il devait aussi consentir à sa part du marché.


÷≑÷


Après cette petite altercation, Eliah avait un profond besoin de prendre l'air, frustrée d'avoir cédé pour stopper tout conflit avec son frère.

Piochant avec soin les fringues rangées dans son placard, elle opta pour un petit débardeur noir, caché subtilement sous un large pull, laissant entrevoir une épaule, et assez grand pour dissimuler une partie de ses cuisses, donnant l'impression de posséder de longues et fines jambes. D'ailleurs, celles-ci étaient cachées dans un skinny en simili cuir, aidant à sublimer ses formes. Formes qu'elle n'appréciait guère, mais qu'elle finissait par accepter avec le temps : le sport ? Pourquoi pas. Manger équilibré ? Que nenni. La gourmandise était un péché dont elle ne pouvait s'y soustraire.

Scrutant son visage de plus près, elle entrevoyait toutes ses petites imperfections. Pas terrible, mais encore masquable, se disait-elle.

Se posant devant la coiffeuse, elle termina de laver son visage avant de procéder au maquillage. Elle aimait se pouponner, sans trop d'excès - bien que ses préférences se portaient sur un style sombre, sans donner l'impression d'être gothique. Ceci dit, elle admirait ces personnes qui prenaient le temps de parfaire leur style sans omettre aucun détail – chacun ses passions. À vrai dire, elle ne savait pas comment mettre en valeur ses yeux, vairons et c'était le plus simple, puis elle appréciait bien le look, n'était-ce pas l'essentiel ?

Une fois le camouflage terminé, la blonde se dirigea vers la porte d'entrée et enfila son écharpe, mis une paire de bottines noire, à tout petit talon et se couvrit enfin les épaules avec un manteau pour affronter le froid de l'hiver. Elle récupéra son sac à dos et sortit enfin de son trou à rat.


Une fois, les deux pieds à l'extérieur, la blonde était prise d'un léger vertige, lui donnant cet étrange sensation d’atterrir dans un nouveau monde.

Cette drôle d'impression se dissipait à mesure qu'elle marchait, mais restait tout de même ancrée dans un coin de sa tête.

Décidée à se balader au centre-ville, elle emprunta les transports en commun.

Trouvant une place assise dans le bus, elle pianota très rapidement sur son téléphone, lisant les derniers messages de son groupe. Pendant qu'elle répondait aux messages, elle se demandait ce qu'elle allait pouvoir bien faire, n'ayant absolument pas prévu de sortir, mais avait préféré fuir son frère. À peine venait-il de rentrer, qu'ils se disputaient : événement rarissime au sein de leur fratrie. Puis ça ne lui ressemblait pas de se soumettre sous la pression, elle était la plus têtue et la plus impulsive des deux. Posant son front contre la vitre, elle se disait que la fatigue devait probablement y être pour quelque chose, il n'y avait pas d'autres explications possibles.

Eliah se demandait s'il elle n'était pas prisonnière d'un long rêve, sentant encore les lésions bel et bien présent suite à son cauchemar. Enfin, comment aurait-elle pu se griffer ? Elle déglutit péniblement, appréhendant ce phénomène surnaturel, espérant au fond d'elle, qu'elle finirait enfin par se réveiller.

Arrivant à destination, elle se leva de son siège et patienta devant la première porte de sortie. Une fois à l'arrêt, les pieds sur terre, elle eut le tournis, mais continua à avancer, se massant la tempe droite. Étudiant plus sérieusement le problème qui l'assaillait, elle chercha enfin une cause plus logique à ses symptômes, déduisant qu'elle subissait les effets secondaires des cachetons.

« C'est bien ma veine » souffla-t-elle, irrité que son corps ne supporte pas ce remède miracle – bien que remède miracle soit un bien grand mot, puisque ses cauchemars n'auront jamais été aussi florissants...

« Peut-être qu'Eziel à raison...» pensa-t-elle, crispée, détestant à avoir tort. Elle devait aussi admettre qu'elle possédait un côté orgueilleux, aussi mineur soit-il, il pouvait lui faire défaut. Prenant un peu plus sur elle, elle se mit en tête de noter les adresses des psys qu'elle croiserait et verrait pas la suite – là, maintenant, elle voulait fureter tranquillement dans les petites boutiques pour oublier ses petits tracas.

Une chose est sûre, elle pouvait se féliciter de ne pas être un panier percé quand elle voyait tous ces gens se promener avec moult sac, à des horaires encore peu fréquentés. La consommation – à outrance - était un véritable fléau. Enfin, le pensait-elle vraiment ? Elle se complaisait à se dire qu'elle n'était pas une de ces victimes de la société et pourtant... Il lui arrivait également d'envier ses congénères, songeant à avoir une meilleure situation, pour profiter pleinement de la vie. Elle pourrait, si elle le désirait, mais sa soif d'indépendance avait été bien plus forte ; et il était probable que les aléas de la vie l'aient contraint à arrêter ses études plus tôt que prévu ; mais elle ne le regrettait pas - pour son frère, elle était capable du pire.


Errant dans les rues depuis plusieurs heures, la panique l'assaillit brusquement, provoquant un mal de crâne et accélérant les palpitations de son cœur. Pressentant qu'elle pouvait s'évanouir à tout instant, autre chose de plus angoissante s'emparait d'elle, enveloppée par un souffle tantôt froid, tantôt chaud.

Pétrifiée sur place alors que la vie continuait son cours et sans pouvoir justifier quoi que ce soit, elle savait qu'on l'épiait et que l'individu ne tarderait pas à jaillir des profondeurs. De plus, elle avait cette horrible sensation d'être accablé par une lourde charge sur les épaules et sa poitrine s'écrasait intensément contre ses poumons au point de lui couper sa respiration.

Cette terrible sensation ne dura pas aussi longtemps qu'elle le pensait, mais lorsqu'elle regarda derrière son épaule, une silhouette fondue dans la foule, ne bougeant pas d'un iota, regardait dans sa direction. Il n'avait rien d'humain et le plus terrifiant dans cette histoire, c'est que personne à part le ne semblait le voir. À mi-chemin entre squelette et créature inconnu, le monstre lui souriait – heureux d'avoir que sa proie ait pris conscience de sa présence.

Eliah se souvenait parfaitement de lui : ces cornes ; ces pupilles rouge et noir esquissant une spirale, prêt à absorber son âme ; sa tête allongée se confondant à celui d'un squelette et celui d'un démon, alors que sa bouche était cousue ; ces fils reliés à l'arrière de son crâne et de son dos, mais aussi à filtres similaires à ceux qu'on retrouve sur les masques à gaz ; grand ; de larges épaulettes aux pointes d'acier ; un buste squelettique...C'était la même créature démoniaque qui ne cessait de la poursuivre dans ces cauchemars.

Savoir que le monstre interagisse en plein jour, dans son monde et qu'elle était pleinement éveillée, l'épouvantait.

Tel un lapin, elle détala, poussant les quelques piétons sur son passage.

Pourquoi ? POURQUOI ? Se demanda-t-elle, en son for intérieur – continuant de cavaler dans les rues du centre-ville.

Sportive du dimanche, elle s’essouffla très rapidement, ralentissant le rythme, forcée à marcher – si ce n'est qu'elle finissait par tituber. Ses jambes s’engourdissaient au fur et à mesure et ses paupières s'avéraient affreusement lourdes. Elle peinait à se déplacer et sa vision devenait de plus en plus flou.

Eliah sombra soudainement dans l'obscurité la plus totale.

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