Schisma : Tourment [Webtoon Concours 2022]

Chapitre 3 : Hallucination - Part I

Ce chapitre est en prélecture...

2522 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 20/02/2022 17:53

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Engloutie par la noirceur, cette dernière se dissipa peu à peu. Recouvrant la vue, Eliah se trouvait déjà assise parterre, dos contre un mur. Toute groggy, percevant une voix, sans en déceler un seul bribe de ses mots, elle remarqua que très tardivement la présence d’un individu abaissé à son niveau.

Les yeux rivés ces chaussures en cuir, il lui fallut un grand temps d’adaptation pour réaliser ce qui venait de lui arriver.

À peine leva-t-elle la tête, que deux billes similaires aux émeraudes se plantèrent dans les siens, une lueur d’inquiétude qui se diffusait à l’intérieur avant de disparaître de la surface. Sur le haut de l’arête de son nez, se trouvait un piercing, permettant à Eliah, de reconnaître en un clin d’œil le beau ténébreux rencontré au bar, puis au salon de thé.

Celui-ci réitéra sa question : « Tout va bien ? »

Cette voix rauque, qui se diffusait dans l’oreille de la blonde, faisait palpiter les membres de son corps et ses joues ne manquèrent pas de se teinter, se laissant volontairement envoûter par son charme naturel. Son cœur s’emballa aussitôt, déchaînant une décharge électrique dans ses veines lorsque l’homme déposa le dos de sa main du son front.

Toujours subjuguée par sa beauté, l’individu marmonna dans sa barbe, jetant un coup d’œil derrière son épaule - le regard fixé sur deux sacs en plastique au bord du trottoir. Elle jurait d’avoir entendu de sa bouche que les humains possédaient une constitution fragile ; quelle étrange façon de s’exprimer, mais elle n’était sûr de rien et elle se contentait de rester la plus impassible. Jamais un inconnu aura su faire chavirer son coeur aussi vite.

Eliah était au bord de la déception quand son sauveur retira sa main et alla récupérer ses affaires. Il fouilla dans un des sacs et en sortie une bouteille d’eau, dévissa son bouchon et la lui tendit. Acceptant son aide sans rechigner, elle commença à boire quelques gorgées pendant qu’il prit son smartphone et tapotait sur celui-ci.

Comprenant qu’il appelait les secours quand il colla son téléphone à oreille, ni une, ni deux, la jeune femme se releva brusquement, pris d’un nouveau vertige, mais réussit à se saisir de l’objet, appuyant sur le bouton rouge et ramena le téléphone contre sa poitrine - désarçonnant le brun.

Secouant la tête de gauche à droit, elle se justifia :

— Pas besoin d’appeler qui que ce soit, je vais très bien !

— Faire un malaise en pleine rue, c’est aller bien ? Demanda-t-il mitigé.

Notant qu’il la tutoyait, elle restait le plus neutre possible.

— Juste un moment de fatigue, rien de grave. Puis, on ne fait pas appel au secours seulement si la personne est inconsciente.

— Peut-être… Répondit-il dubitatif - dérivant son regard dans le vide, tout en se massant la nuque. Mais voir quelqu’un courir comme une dératée, au point de bousculer les passants, comme si sa vie en dépendait… c’est un comportement plutôt suspect, donc permets moi de douter.

Eliah se mordit l’intérieur des joues, mais elle n’était pas à court d’arguments.

— J’ai peu dormi et le manque de sommeil me rend nerveuse, répliqua-t-elle.

L’observant, la tête légèrement inclinée, l’homme restait silencieux, comme s’il mesurait et quantifiait ses mots, finissant par murmurer de nouveau : « Les êtres humains sont vraiment bizarres… », avant de tendre sa main. z

Étonnée, la blonde le regardait un air ahuri sur le visage.

— Pourrais-je récupérer mon téléphone ?

Interloquée, elle serra sa main, puis contempla l’objet prisonnier de son joug. Le teint crémeux de la demoiselle se colora d’un rouge pivoine.

— Pardon ! S’écria-t-elle honteuse, lui rendant son bien.

Alors que l’échange se déroulait sans accroc, un bruit tonitruant retentit, hurlant presque de douleur et de façon intempestive.

Si Eliah se paralysait incommoder par la situation, son interlocuteur, au début étonné, esquissa un grand sourire, finissant par lâcher un petit rire étouffé. Elle ne savait pas si c’était la situation ou si c’était l’expression dessiner sur son visage qui la faisait rougir de plus belle.

Rangeant son téléphone dans la poche et essuyant d'un revers de la main les larmes qui lui montaient aux yeux, le ténébreux l’observait amusé.

— Tu pourrais peut-être au moins remédier à certains problèmes, se moqua-t-il ouvertement.

Et avant qu’elle ne rétorque, il poursuivit:

— Je devais déposer ça à la boutique, dit-il - en levant son bras pour désigner les deux sachets blancs, et je n’ai pas encore mangé non plus.

Arquant un sourcil, les méninges d’Eliah se mirent en route, incertaine de ces propos : était-ce un sous-entendu ?

— J’ai de quoi nous sustenter là-bas, et pas que du sucre. Loin de moi à l’idée de profiter de ce petit incident pour te draguer, débita-t-il, mais je n’aurais pas à m’inquiéter, encore moins à me triturer le cerveau pendant mon sommeil pour savoir si j’ai bien fait ou non de laisser partir comme si de rien n’était, une fille à deux doigts de s’évanouir en public. Puis, je pourrais dire que c’était ma bonne action de la journée.

Rencard ou pas rancard, même si ces interrogations - bien qu’éphémères - se bousculaient, Eliah ne retenu qu'une seule et unique chose. Il l’invitait à manger en tête-à-tête. z

Bouillonnant d’excitation, sentant ses lèvres s’étirer naturellement vers ses oreilles, elle mima l’étouffement, se raclant pitoyablement la gorge pour rester neutre :

— Si le karma vous… tu…te tiens tant à cœur, pourquoi pas. Je ne voudrais pas que tu sois perturbé pour le reste de ta vie, nargua-t-elle - un sourire satisfait qu'elle ne pouvait dissimuler.



Ne pensant pas remettre un pied de sitôt dans le salon de thé, Eliah franchit la porte de l’enseigne avec beaucoup de précautions, suivit pas le maître des lieux. Par peur de provoquer un désordre, avançant de quelques mètres, elle ne bougea plus d’un iota, attendant sagement qu’on lui dicte quoi faire, mais alors qu’elle faisait face à un mur, elle admirait la décoration, jugeant qu’en plus d’être affreusement sexy, l’homme avait de bon goût en matière de fantaisie, sans tomber dans l’excentricité. Cet endroit était pittoresque, loin des gros clichés que ce soit en matière de salon de thé « chic » ou des pâtisseries « excentrique », on pouvait même y discerner quelque chose de mystérieux, subtile gardant une atmosphère pure pour les personnes en quête de sérénité.

— Je te saurais gré de faire attention où tu marches, je ne souhaite pas une nouvelle catastrophe dans mon boudoir. 

La blonde se retourna, dévisageant de ses grands yeux vairons son interlocuteur. Elle ne savait pas si elle devait être hébétée par le fait qu’il se souvenait d’elle ou du vocabulaire qu’il employait, incohérent avec son style digne d'un bad boy.

Ce terme lui collait bien à la peau avec son style vestimentaire actuel : un cargo noir, entré dans sa petite paire de bottines et un t-shirt légèrement ample, un col en V, sous sa veste en cuir. Qui donc s’habillait de la sorte alors que l'hiver était encore présent ?! Enfin, ce n’était pas pour lui déplaire, la demoiselle avait toujours eu un faible pour ce type de gars - mais lui…

— Oui, je suis le dirigeant et j’ai énormément galéré à retirer la tâche de thé sur ma chemise de boulot, déclara-t-il.

Son sourire narquois confirma les doutes de la jeune femme, la mettant légèrement dans l’embarras.

— Ahahah… merde… rit-elle nerveusement - se grattant la joue. Je pensais que vous… Tu ne te souviendrais pas de moi.

— Difficile d’oublier une personne atteinte d’hétérochromie. C’est assez rare d’en croiser, surtout quand la couleur des deux yeux sont bien distinctes et c'est assez déroutant que ces deux derniers soient aussi clair.

Le franc-parler du ténébreux troubla Eliah - complexant déjà assez sur cette particularité qu'elle partageait avec son jumeau.

— Il n’y a aucune honte à avoir. Ça te confère un charme authentique, répliqua l’interlocuteur conscient de la chose. Enfin, arrêtons nous en là, il y a des estomacs à nourrir.

D’un petit clin d’œil, le bel homme invita Eliah à le suivre vers le comptoir, désignant la seule table posé dans la pièce voisine - ouverte au publique, où il était possible d’acheter du thé en vrac. 

— Tu peux t’installer là-bas, c’est plus tranquille. Vu qu’on est encore fermé, les gens ne nous verrons pas.

La blonde hocha la tête et s’exécuta.


Alors que l’apollon disparaissait dans les coulisses, Eliah posa un coude sur la table, sa main portant sa lourde tête remplit d’interrogations : qu’elle était la probabilité qu’ils se rencontrent à nouveau - trois jours de suite ? Quelles étaient les chances pour qu’ils se retrouvent là, ici maintenant ? Qui donc acceptait de déjeuner et discuter avec un inconnu, alors que la minute d’avant elle faisait une syncope ? Il n’y avait aucune logique dans cette continuité hasardeuse. Là voilà en proie à une grande agitation.

Ceci dit, elle se rassurait comme elle pouvait, voyant carrément une opportunité s’offrir à elle : elle était en compagnie d’un gentleman doté d'un sex-appeal et qui manifestement se débrouillait bien dans la vie. Qui était-il ? Que faisait-il en dehors de son travail ? Passant en revue, les trois derniers jours, il pilotait une moto - une grosse cylindrée - suggérant que c’était une personne très active dans la vie.

La demoiselle secoua la main dans le vide pour chasser les mauvaises pensées qui surgissaient dans son esprit dépravé ; peut-être était-il en couple ou avait une préférence pour les hommes. Puis, c’était assez malsain de sa part de commencer à se faire des films et de le voir comme un simple objet de convoitise : c'était un être humain avec des sentiments. Eliah se flagella encore de longues minutes.

Toutefois, elle ne niait pas que ce dernier lui plaisait et c'était l'une des raisons qu’elle l’avait suivi les yeux fermés. Elle ne voyait aucune autre explication.

Bayant aux corneilles, la fatigue ne tarda pas à poindre, mais la blonde se força à rester éveiller, elle ne pouvait pas commencer la journée comme ça - même si elle avait très mal démarré, repensant à son frère et vérifia son smartphone. Aucun message provenant de sa part, confirmant qu’il lui faisait aussi la gueule. Quel petit con.

Enfouissant son visage dans ses mains, elle savait pertinemment qu’elle était en tort, mais faire l’autruche était beaucoup plus facile. Elle ne pouvait se permettre de montrer aucune faille. Il fallait bien que l'un des deux restes fort pour avancer et elle s’interdisait de demander de l’aide à ses parents. Elle ne souhaitait pas qu'on l’assimile comme une fille à papa et maman, bien qu’ils leur avaient acheté l’appartement pour éviter tout souci financier. La seule chose que ses parents regrettaient, c’est qu’elle n'est pas cherchée à faire de grandes études même après son renvoi du lycée. En même temps, le cul assis sur une chaise pendant des heures, très peu pour elle.

Eliah eut un petit frisson, l’obligeant à rentrer la tête dans les épaules et à retirer ses mains de son minois pour se réchauffer les bras. La température avait chuté et le temps à l’extérieur se montrait plus opaque, annonçant des perturbations imminentes, mais le temps qu’averses et orage arrivent, une bourrasque survint dans le magasin, faisant trembler les meubles - et elle par la même occasion.

Quelque chose clochait de façon très ostentatoire et ce changement d’ambiance lui donna des sueurs froides. Le sol vibrant dans la boutique, sous des bruits de pas lourds et métallique lui donnait raison. Elle aurait bien voulu appeler le beau gérant, mais elle ne connaissait même pas son prénom et demeurait tétanisée, lui rappelant un vague souvenir lorsqu’elle entendit des grognements.

Si son cerveau restait actif, son corps lui ne répondait toujours pas. Cloué sur sa chaise, des perles d’eau commençant à jaillir de ses yeux et à glisser le long de ses joues, elle attendait avec effroi son « agresseur ».

La première fois, il n’était qu’une silhouette informe, enveloppé d'une fumée noirâtre, se dévoilant timidement aux yeux de sa proie à chaque fois qu’elle le voyait dans ses cauchemars. 

Or, il resta à l'encadrement de la porte, demeurant silencieux, gardant son sourire qu’on pourrait qualifier de carnassier, si sa bouche n’était pas cousue.

Le monstre se contentait de la dévorer de ses yeux volutes et magnétiques.

Immobilisée sur sa chaise, les poings serrés, le courage ne poignait toujours pas. Sa mâchoire se crispait de plus en plus, entravant son désir de crier à l’aide. Eliah ignorait la raison de ces attaques, encore plus de ces visites impromptue en plein milieu de la journée. Ses interrogations obstruaient davantage tout mouvement, mais aussi toute réflexion sensée. Néanmoins, elle parvenait à tourner sa tête vers l’individu, perpétuellement impressionnée par son physique hors-norme.

Qu’était-il ? Un monstre ? Une chimère ? Un fantôme ? Un démon ? Dieu peut-être, qui était présent pour lui infliger le châtiment divin. Qui que ce soit et peu importe le motif, la blonde ne possédait plus la force nécessaire pour fuir son adversaire.

Pourtant, lorsque ce dernier pénétra dans la pièce, le premier réflexe de la jeune femme fut d’agripper ses mains sur le bord de la table, lui octroyant une nouvelle énergie - nécessaire pour bouger et possiblement se sauver d’ici. Alors qu’il s’avançait dangereusement dans sa direction, Eliah poussa aussitôt le rebord de la table, mais n’eut pas l’effet escompté. Au contraire, c'est elle qui recula avec le siège qui bascula et chuta en arrière - la demoiselle réussit à faire un roulé-boulé pour amortir le choc.

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