Schisma : Tourment [Webtoon Concours 2022]

Chapitre 3 : Hallucination - Part II

Ce chapitre est en prélecture...

3199 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 01/03/2022 17:14

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Croyant que son bourreau se jetterait sur elle la seconde d’après pour la tuer, rien de tel ne se déroulait. Non, quand elle se redressa, quelques douleurs dans le dos et bras, il avait disparu laissant place au gérant qui se retrouvait de nouveau agenouillé en face d’elle, plus suspicieux que jamais. 

— Cauchemar sur cauchemar, voilà maintenant que je rêve en étant éveillée. Ah putain, faut surtout pas que mon frère apprenne ça, je le vois déjà venir avec son petit air de vainqueur : tu vois, j'avais raison. C’est bien ma veine. J’ai l'air de quoi maintenant ? Je vais finir par passer pour une grosse hystérique, alors que j’ai juste des problèmes de sommeil. Devant un beau mec en plus. Tout va bien hein. Ce n'est pas ce que tu crois, déblatéra Eliah - dans un monologue quasi-inaudible pour son interlocuteur, l’empêchant d’en placer une. Mes problèmes remontent à loin. Depuis toute petite, j’ai fait juste des parasomnie, sauf que c’est la première fois que ça se passe en plein jour. Je sais même pas pourquoi je te dis ça, alors qu'on se connaît même pas. Qui parle de ses problèmes à un inconnu ? Puis tu dois t’en foutre, c’est compréhensible. Je comprendrai si tu veux partir. Mais pourquoi tu partirais, c’est ton magasin et je ne suis qu'un parasite…

Certes surpris par cette situation cocasse, le ténébreux ne moufta pas pour autant, se contentant de poser ses mains sur les épaules d'Eliah pour acquérir son attention. Chose faite, la demoiselle se tut, un air ahuri sur le minois.

— On se tait et on respire, dit-il fermement.

— On se tait et on respire, répéta-t-elle.

— Pas un mot, rétorqua-t-il.

Secouant la tête de haut en bas, la blonde inspira grandement et souffla, ce à plusieurs reprises, observant « le bad boy ». En plus de son bridge, elle distingua un autre piercing sur ce divin visage : il portait un labret - l’obligeant à contempler le pourtour de ses lèvres, tout bonnement délicieuses. Consciente qu’elle passait du coq à l’âne, il lui était tout bonnement impossible de passer outre, elle se délectait secrètement de ce moment fâcheux.

Après ce petit exercice respiratoire embarrassant, Eliah figée sur place se voyait de nouveaux invités à s’asseoir lorsque le gérant remit sur pied la chaise. Remerciement timidement, elle s'installa et analysa le moindre fait et geste de l’hôte d’accueil qui repartait dans la pièce voisine, mais restait dans son champ de vision, récupérant seulement des petits bols et couverts posé sur le comptoir - le tout avec dextérité.

— Ce n'est pas grand-chose. Heureusement que j'étais parti m’acheter deux trois courses pour la maison, sinon tu aurais eu le droit à une bonne dose de sucre.

Le menu du jour était effectivement simple, mais visuellement très appétissant que même l'estomac de la blonde tenait à en informer l’intéressé. Dans la coupelle en bois : du riz, des haricots rouge saupoudré d’épices tels que de l'ail, de l’échalote ou encore des poivrons rouge. La fumée qui se dégageait du plat se divulguait dans ses narines, pouvant notées l'ajout de thym ou de laurier.

— Merci, répondit la demoiselle - empruntant la cuillère qu’on lui présentait.

Par politesse, elle attendit que son voisin termine le service et s’installe à son tour.

— Bon appétit, dit-elle - commençant à boire le verre d’eau.

— Pas de commentaire sur mes fesses, commenta l’autre amusé.

Avalant de travers sa dernière gorgée, Eliah toussa, se frappant la poitrine puis s’essuya les lèvres, mais si ses joues s’empourpraient, la cause était tout autre.

— Malheureusement pour toi, j’ai une très bonne mémoire, ajouta-t-il - vraisemblablement diverti par le tumulte qu’il provoquait chez son invité.

— J’ai le pressentiment que cette histoire va me hanter jusqu’à la fin de mes jours, pesta la blonde - plongeant enfin la cuillère dans la nourriture.

Ses yeux s’écarquillèrent lorsque les aliments entrèrent en contact avec sa langue et son palais. Elle ingéra aussitôt. Dans ce plat aussi banal soit-il, chaque ingrédient trouvait sa place en temps et en heure. 

— C'est délicieux !

— C’est gentil, sourit humblement son interlocuteur.


Mangeant en toute tranquillité, Eliah rompu rapidement le silence, désireuse d'en savoir un peu plus sur ce bel inconnu.

— Maintenant que j’y pense, je ne connais même pas ton nom. Parce que bon, on ne se connaît ni d’Adam, ni d’Ève et je me retrouve à déjeuner avec toi, qui m’est parfaitement inconnu.

Laissant quelques secondes s’écouler, avant de poser ses coudes sur la table, le ténébreux approcha son menton vers ses mains jointes et s’éclaircit la voix.

— Je ne me suis pas posé la question, j’avoue ne pas trop mesurer la situation. Est-ce un mal ?

— C’est pourtant pas anodin. Personne ne fait ça. À part dans la fiction. Dans la logique des choses, on serait partie chacun de notre côté.

— Et donc, se soucier de l’état de quelqu’un après qu'il se soit évanoui est incohérent avec la réalité ? Demanda-t-il - un air espiègle sur le visage.

Ingurgitant une nouvelle bouchée, Eliah grogna et posa le couvert.

— Aaaah, ce n'est pas ce que je voulais dire. Enfin, peut-être un peu. Mais admet tout de même que c’est pas un truc qui arrive tous les jours.

Haussant les épaules, il répliqua :

— Tout ça me parait naturel.

Sceptique, Eliah se remit à manger, mais n’abandonna pas pour autant :

— Et sinon, c'est quoi ton petit nom ?

Le gérant ne répondit rien, continuant de manger comme si de rien était. À croire qu’il prenait un malin plaisir à torturer sa convive, ce qui avait le don à agacer la jeune femme emplit de curiosité. Terminant enfin son assiette, il ouvrit enfin la bouche.

— Stanley, dit-il goguenard. Mais tout le monde m’appelle Stan.

« Stanley ». Elle répéta silencieusement ce prénom dans la tête, contente de pouvoir enfin connaître l’identité de son sauveur. Et commença toute une myriade de question : « Et quel âge-tu Stan ? Qu’est-ce que tu faisais auparavant ? Quels sont tes hobbies ? Et le plus important Stan, es-tu en couple ? » Et heureusement pour elle, elle ne pensa pas à voix haute. Cependant, Stan, l’observait, les bras croisés, semblant attendre quelque chose en retour. Quelque peu honteuse, elle se gratta le côté du front, évitant un bref instant ses deux billes vertes. Bordel de merde, il était vraiment à tombé par-terre. Elle se sentait comme une adolescente qui tombait en pâmoison devant une célébrité.

— Eliah. Avec un h.

— Eliah avec un h, répéta Stanley mi-amusé, mi-intéressé. Qu’est-ce qui ne va pas ?

La peur et la colère fusionnèrent, refermant automatiquement la coquille protégeant la perle à l’intérieur, appréhendant la suite.

Connaissant un tant soit peu la nature humaine, elle craignait des représailles en évoquant ne serait-ce quelques mots. À quel niveau de curiosité s’établissait cette question à la fois inoffensive et déplacée ?

Stanley s’adaptant à la situation, se cala confortablement, posant un coude sur la table, son avant-bras servant de support de tête - profitant du conflit interne de la jeune femme pour l’analyser. Les yeux vairons semblait révéler l’ambivalence propre à l’être humain. S’abandonnant à quelques réflexions sur la nature de l’homme, le ténébreux tomba dans la contemplation, décelant un attrait magnétique et mystérieux chez son invité. Son frère possédait quelque chose de très similaire. Mettant de côté ces informations, une chose plus préoccupante le travaillait et il avait besoin d’en avoir le cœur net.

— Ce matin, tu disais avoir passé une mauvaise nuit. Ôte-moi d’un doute, dit-il - affaissant un peu plus sa tête dans le creux de sa main, plissant les yeux pour mieux entrevoir la personnalité d’Eliah. C’est quelque chose de récurrent, mais c’est la première fois que tu rencontres ce souci en pleine journée.

Les poils de la blonde se hérissaient, se sentant honteusement prise en flagrant délit.

Jaugeant l’expression et la posture de son interlocuteur, rien ne lui indiquait une quelconque malveillance de sa part et à voir plus loin que le bout de son nez, il s’était plutôt montré soucieux et respectueux. Jusqu’à là, aucun malaise - peut-être un peu de timidité dans l’air.

— Oui, répondit-elle - écoutant attentivement son instinct lui dire sciemment qu’elle pouvait se confier les yeux fermés. Par où commencer..?

Décidée à parler, elle ne s’imaginait pas un seul moment à quel point elle accaparait toute l’intention du beau Stan.

— Depuis toute petite, c’est comme ça, même si avec le temps mes troubles du sommeil se sont atténué. Ces derniers temps, c’est très chronophage.

— Des rêves récurrents. Ils se déroulent tous de la même façon, la situation diffère ou bien, il n’y a aucun lien entre eux ?

— Ça reste plus ou moins la même chose, déclara la concernée - haussant les épaules. Ceci dit, je prends de plus en plus conscience lorsque je rêve, mais il est de plus en plus difficile de trouver une échappatoire. Mon esprit refuse obstinément de s’extirper de là.

Avide de connaître les frayeurs qui torturaient Eliah, Stanley se forçait à garder le silence distinguant les yeux hétérochromes perdre leur éclat, dévoré par les affres de la désolation. Voyant qu’elle parvenait à franchir les obstacles, ses pupilles s’orientant vers un chemin plus lumineux, une lueur de témérité traversait son regard.

— Voilà, rien d’extraordinaire, juste des problèmes lambda pour des personnes de ma catégorie, déclara-t-elle.

— Un être humain normalement constitué, possède une horloge interne pondérée et ça m’a l’air loin d’être ton cas. C’est peut-être le moment de consulter…

— Un spécialiste, je sais, coupa Eliah - agacée. On croirait entendre mon frère. Il serait probable que, dans ma situation, il se pourrait que j’aie subi un traumatisme.

— Et il n’a pas tort, souligna Stan.

La contrariété prenant le dessus, Eliah serra les dents pour ne pas sortir de ses gonds, - surtout quand le beau ténébreux l’observait un air désolé, mais un sourire en coin.

— Enfin, je ne peux pas prétendre qui à tort ou à raison, mais les problèmes ne surviennent jamais sans raison valable. Personne ne peut te forcer à quoi que ce soit, mais tu devrais peut-être y songer, surtout après t’être évanoui en pleine rue. Remarquant qu’elle allait de nouveau objecter, Stan repris la parole aussitôt. Je me demande quel aurait été sa réaction, s’il avait été à ma place.

En guise de réponse, Eliah lâcha un grognement, levant les yeux au ciel.

— On s’est déjà pris la tête ce matin, pas besoin d’en rajouter une couche. Ceci dit, il faudrait que tu le vois. Chose compliquée, car il s’avère être un véritable casanier, donc bon. Et de toute manière, même si je te suis grandement reconnaissante pour ce qui s’est passé ce matin et pour ce repas, tu n’as pas à t’immiscer dans mes affaires.

— Quel caractère de cochon que voilà.

— Oui.

Courroucée par sa remarque, elle se renfrogna davantage lorsque le beau Stan riait de bon cœur.

— Désolé, ce n’est pas mon intention, mais c’est assez drôle de te découvrir. En quelques heures, tu m’as permis de voir des faciès assez incongrus. C’est pas souvent que les êtres humains s’expriment avec autant de sincérité. 

— Très drôle… J’étais partie pour apprendre à te connaître. Tu as carrément dévié la conversation sur autre chose !

Eliah se frappa le visage.

— C’est ce qu’on fait non ? Dit Stan en toute innocence - ne tiquant absolument pas sur le sous-entendu de la jeune femme.

— Mais on ne raconte pas ses problèmes dès la première rencontre.

Bouche bée, le ténébreux semblait résigner, mais il ne perdit pas la parole pour autant.

— Alors, comme ça, tu veux apprendre à me connaître, s’enorgueillit-il - un sourire plus que charmeur.

Par contre, Eliah se vit couper l’herbe sous les pieds et demeura silencieuse, se mordant la lèvre inférieure. Or, ce n’était pas le moment de fléchir, justement elle voyait l’opportunité de reprendre la main. 

— C’est vrai. Je commence à me demander si c’est réellement le hasard ou bien le destin qui nous réunis aujourd’hui même, poussant ma curiosité à son paroxysme, dit-elle un ton solennel. Donc, afin de pouvoir résoudre ce mystère, je me dis que ce n’est pas déconnant de vouloir apprendre à te connaître.

Au tour de Stanley de tenir sa langue pendant un bref moment, évaluant l’état des choses de son point de vue, mais Eliah n’attendait pas de réponse immédiate, un peu effrayée à l’idée de se prendre un vent, alors elle préféra conclure de la meilleure des façon pour garder les rennes :

— Ceci dit, il faut aussi que tu le veuilles, mais on va s’arrêter là pour aujourd’hui.

À peine se prononça-t-elle, qu’une porte claqua contre le mur, annonçant probablement l’arrivé d’un employé :

— Stan ! Tu as vu les dernières nouvelles, s’écria l’homme - probablement entré par l’accès du personnel, car la voix provenait vers le comptoir.

— En même pas un mois, les meurtres se sont intensifiés et pas n’importe lesquels. On frôle les cent pour cent ; pas loin d’une vingtaine de victimes mortes le corps broyé, comme si on les avait écrasés sous un rouleau compresseur. Pour l’instant, il n’y a aucun lien entre les victimes, ils supposent tout de même qu’on a affaire au même tueur, si ce n’est plusieurs qui marche en bande, au vu de certaines heures de décès. Aucun doute, c’est bien notre démooooniaqueuh …Tueur en série… Bonjour, ajouta le salarié d’une toute petite voix, cachant le journal derrière son dos, voyant que son patron n’était pas seul.

Lâchant un rire nerveux, il recula de quelques pas, prétextant d’être arrivé en avance et s’excusa de la gêne occasionné, mais Eliah se leva aussitôt.

— Mince, j’ai pas vu l’heure ! Rit-elle nerveusement.

Attrapant ses affaires, elle rajouta à l’égard de Stan :

— Pardon, d’avoir fait perdre ton temps, j’y vais de ce pas.

— Attends, je te raccompagne, s’empressa le principal intéressé - visiblement incommodé par la tournure des événements, lorsqu’il jeta un coup d’œil vers son employé. Je débarrasserais après, fini de préparer le reste des pâtisseries et d’ouvrir la caisse.

Sentant une main se poser dans son dos, Eliah braqua ses yeux sur le patron, puis sur son subordonné qui la salua de la main - tout aussi confus qu’elle.


Alors que Stanley la faisait déguerpir poliment de son boudoir, ce dernier se saisit - avec une grande délicatesse - son bras quand Eliah mis un pied sur le pas de la porte. Si la déception arborait son visage, il l’était tout autant, voir plus, mais il était préférable d’en rester là - pour l’instant.

— Tâche de rentrer chez toi et de te reposer. Vu ton état actuel, ne va pas travailler. Sous aucun prétexte. Prends rendez-vous chez le médecin, si besoin et demande un arrêt de travail, morigéna-t-il. 

Eliah resta interdite, observant hagard le beau ténébreux. Celui-ci soupira, admettant qu’il n’était pas le mieux placé pour sermonner, mais invoqua un dernier argument :

— Étant donné que je suis témoin des faits et que mon intuition me dit que tu oublieras volontairement de prévenir ton frère, j’accepte que tu me mettes dans les personnes à appeler en cas d’urgence.

— Mais…

Stanley sollicita la jeune femme à sortir son téléphone, le déverrouiller et le lui prêter un instant.

Toujours troublée, la blonde accomplie la tâche, sans trop se poser de question, même si son cerveau continuait à carburer - que dire de son cœur ?

— Voilà. Au moindre souci, n’hésite pas à m’envoyer un message.

Hochant la tête, Eliah se limita un bref « au revoir » se perdant dans le brouhaha de la rue bien animés en ce début d’après-midi.

S’éloignant de la boutique, elle ne pouvait s’empêcher de tourner la tête jusqu’au moment où le ténébreux disparaisse de son champ de vision.

Bifurquant dans les rues, à la seconde où elle arrivait vers le premier square, elle se pressa pour se poser sur un banc et vérifier à plusieurs reprises les contacts de son smartphone, complètement paralyser en lisant le prénom de la première personne à appeler en cas de pépin : Stanley. 


÷≑÷


Fermant la porte - bien qu’il la claquait sans vergogne du point de vue de son employé - Stanley se pinça l’arête du nez, pestant de tout son être, énumérant tout ce qu’il avait pu foiré lors de sa première entrevue avec « Eliah ». Néanmoins, ses bourdes auraient été rattrapables s’il n’avait pas été coupé par « l’autre pécore de service. » 

Retournant sur ses pas, il s’arrêta face au comptoir scrutant Karim - alors qu’il l’avait épié tout du long - celui-ci finit par se stopper net, ressentant la haine viscérale à son encontre et retirait même sa cravate - question de prudence. Toutefois, il ne pouvait simuler la peur plus longtemps :

— Je vois que tu t’acclimates très vite à ton nouvel environnement, proféra-t-il.

Sans sourciller des yeux, Stanley rétorqua :

— Au moins, je ne chôme pas.

— En draguant une midinette ?!

Foudroyant de nouveau le subordonné, le visage de Stan s’embruma, toujours dans une analyse constante.

— Justement. Elle est la prochaine, inféra-t-il.


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