Schisma : Tourment [Webtoon Concours 2022]

Chapitre 3 : Hallucination - Part III

Ce chapitre est en prélecture...

2519 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 05/03/2022 18:57

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Bientôt seize heures.

L’atmosphère calme et hivernale avait laissé place à un torrent de larmes sur toute la ville.

Il détestait la pluie, surtout en cette saison glacial. Il détestait la ville et les endroits bondés de monde. Il détestait ne rien voir à travers ses lunettes mouillées, qu’il rangea précautionneusement dans son écrin. En somme, il détestait tout ce qui pouvait nuire à sa tranquillité et se haïssait de ne pas avoir anticipé la météo.

Jessy prit une grande inspiration, se préparant psychologiquement à affronter le monde extérieur, maudissant par la même occasion ses amis qui le poussaient à sortir de sa grotte contre son gré.

Contre vents et marées, il devait traverser quelques ruelles et la grande rue du centre-ville pour s’abriter à la bibliothèque, retrouver ses deux amis, toutefois, il était enclin à s’arrêter en chemin pour prendre un café - il méritait au moins bien ça pour sa bonne action du jour : se socialiser.

« Voyons le côté positif des choses » se convainc-t-il, connaissant avec exactitude le chemin le plus rapide à suivre, se laissant cinq minutes top chrono pour arriver à la première destination.


Aujourd’hui, le café était incroyablement bondé - rare pour un début de semaine.

Devant prendre son mal en patience, il opta pour se promener sur son téléphone, sachant déjà ce qu’il allait commander. Même s’il n’avait rien à faire dessus, il préférait poireauter de la sorte, que de fureter son regard à droite, à gauche - l’observation du monde qui l’entourait, était pourtant une de ces activités de prédilections.

Non pas que les dernières actualités ne l’intéressaient pas, il préféra protéger son mental de toute négativité et lut des articles consacrés à la pop-culture.

Alors qu’il fermait une page pour en ouvrir une autre, les dernières nouvelles concernant des crimes en série ne cessaient de pulluler sur le home.

Hésitant un instant à appuyer sur le lien, une voix enjouée le fit sortir de sa bulle : à son tour de passer commande. Pour ne pas changer, il prit la boisson chaud la plus sucrée.

Une fois la commande prête, il attrapa le gobelet pour s’enfuir le plus rapidement possible de la foule et il percuta pas loin de la sortie une dame - pas loin de la trentaine - et quasiment trempés de la tête aux pieds. Elle avait réussi à protéger ses cheveux de la pluie grâce à un fabuleux manteau de cire.

Chacun s’excusa, limite à contre-cœur, partageant une humeur aussi maussade que le temps à l’extérieur..


Sortit de la boutique, Jessy pris une nouvelle bouffée d’air frais, enchanté de retrouver un brin d’intimité et s’être extirpé de cette gigantesque boîte à sardine. 

Maintenant, il lui restait encore une épreuve : atteindre la bibliothèque sous cette cataracte, un mocha blanc en main. « Quel connard » s’injuria-t-il - réalisant que la seule chose qu’il l’avait obsédé jusqu’ici était d’éviter le monde. Boire sa boisson sous la pluie était une des pires options et pour couronner sa bourde, il devait la siroter dans le froid. Ne tergiversant pas plus longtemps, il retourna sous le porche qui donnait accès à l’entrée du stormcoffee et appuya son dos contre le mur en face.

Pendant la dégustation, il avait tout le loisir de se malmener l’esprit sur des choses totalement insignifiantes se questionnant sur sa laborieuse existence, aspirant à une vie d’ermite, si ce n’est des fois, il songeait à une fin du monde pour ne plus ruminer.

Sifflant la dernière goutte, Jessy exhala, écrasant le gobelet au creux de ses mains et chercha du regard une poubelle.

L’article sur lequel, plutôt, il voulait donner quelques minutes de son temps, popait dans son esprit.

Décidé à s’informer lui-même de la situation, Jessy parcouru divers journaux sur le net pour comprendre ce qu’il en résumait sur ces affaires de meurtres encore non élucidés. La majorité des articles commençaient à se mettre d’accord sur le fait, que le ou les criminels travaillaient en bande, mais les policiers ne connaissaient pas encore la raison de ces crimes.

Dans les commentaires, rien de transcendant, toujours les mêmes rengaines.

Rangeant le portable dans une poche, le jeune homme à lunettes se motiva pour affronter le déluge.

Sur le chemin, il esquiva du mieux qu’il pouvait les passants, se faufilant telle une anguille lorsque ces derniers s’étalèrent en masse dans la rue.

Malheureusement pour lui, il heurta quelqu’un, chutant dans une mare d’eau.


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Songeuse, Eliah conclut qu’il ne fallait pas bousculer le cours du temps et renonça à envoyer un message, profitant des rayons de soleil réchauffant le contour de son visage.

Enfouissant la tête dans les mains, la blonde soupira : « si même un inconnu le dit… ». Repensant au propos de Stan, qui comme un commun accord, soutenait plus ou moins le discours de son frère.

Son minois exaspéré laissa place à un faciès décrépit, lâchant un petit rire nerveux. Depuis quand se laissait-elle influencer par autrui ? Qui était Stanley pour se permettre autant de familiarité ? Néanmoins, elle ne pouvait nier l’existence d’une connexion particulière entre eux - et à cette simple pensée, Eliah se frappa le crâne, se punissant pour penser à de telles inepties. 

Tapotant ses joues, la demoiselle ravala un zeste d’énergie, retrouvant son courage à deux mains pour se bouger les fesses et passer une journée à errer sans but précis, oubliant avec une facilité déconcertante les consignes donné par ce très beau gérant de salon de thé.


Eliah avait une furieuse envie de consommer, mais rien ne lui plaisait pendant qu’elle se baladait de magasin en magasin. Au moins, elle pouvait se féliciter de ne pas succomber à n’importe quelle tentation, aussi futile elle soit.

Au cours de la journée, le ciel s’assombrit annonçant une terrible averse apparaissant dans les minutes qui se succédèrent, forçant la blonde à s’abriter sous la première toiture qui s’offrait à elle. Pour y accéder, il fallait entrer dans une cours, d’une superficie moyenne, recouverte partiellement de verdure. Pour accéder sous le porche de l’édifice, il fallait gravir un des trois petits escaliers en pierre, menant chacune à une porte - pour les extrémités, celle du centre en possédait deux, séparées également par un pilier, mais d’une taille moins conséquentes, servant de socle pour une statue d’ange.

Si rien n’était gravé sur le bois, les anciens avaient sculpté la pierre de la cloison et la voûte de l’arche. Eliah trouvait ça jolie, mais n’était pas sensible à l’histoire que cette dernière pouvait raconter et entra directement par l’une des porte à moitié entrouverte.

Pas un rat déambulait dans l’église, outre trois croyants assis et disséminés dans la nef. 

À minima respectueuse pour ces individus, elle marcha à pas de loup autour de la grande salle, contemplant l’architecture et ses vitraux. Même si elle ne comprenait pas qu’à leur époque, il y avait encore des gens pour croire à un être supérieur, peu importe la religion, elle ne dédaigna pas la beauté de ces monuments historiques.


Avançant vers la croisée du transept, elle percevait mieux ce qui se passait sur chaque côté, découvrant un quatrième individu admirant un tableau accroché sur le mur du croisillon de droite.

Pas loin d’un bon mètre quatre-vingts, doté d’une chevelure dorée et légèrement bouclée, cette silhouette - vêtu d’un manteau assez long et unie - lui était familière. Pas qu’un peu. Lorsque l’homme se retourna, son visage s’illumina d’un sourire bienveillant.

— Bonjour Eliah.

Malgré l’inexistence de soleil, la lumière qui transperçait les carreaux colorés, lui conférait une aura - si elle osait le dire - quasi-surnaturelle. Surtout quand il dévoilait ses yeux azur au grand public. Si les anges existaient, il en serait la parfaite incarnation. 

— Monsieur Flec, chuchota Eliah - saluant l’homme qui la suivait du regard jusqu’à ce qu’ils soient au même niveau.

— Appelle-moi Uri s’il te plaît, allégua-t-il.

La blonde baragouinait, trop surprise de le voir ici, mais visiblement, l’homme comprenait sa langue.

— Surprenant, n’est-ce pas ? Pourtant, ce n’est pas si fantastique que cela. Un homme de science se doit toujours de rester ouvert d’esprit, sourit le fameux Uri.

— J’ai peut-être aussi tendance à oublier que croyant n’est pas synonyme de pratiquant, souligna Eliah - un petit air espiègle.

S’il avait répondu à sa question, sa curiosité n’était pourtant pas assouvie, elle observa la peinture devant laquelle il semblait s’émerveiller.

— C’est une réplique de l’original, annonça Uri contemplatif - mais attentif à son interlocutrice, dont il remarquait des gouttes d’eau éparses sur ses cheveux et vêtements. Elle couvre le plafond entier d’un des plus grands châteaux phare de notre pays. L’auteur de cette œuvre voulait rivaliser avec Michel-ange et Rubens.

Remarquant le silence de son interlocutrice, qui semblait l’écouter avec naïveté, il ajouta :

— Tu vois la créature ? Il possède sept têtes. Il correspond tout bonnement aux sept péchés capitaux. Et ici, dit-il en désignant du doigt, le bas du tableau où se trouvaient trois personnages mis en lumières par rapport au reste, tu as la représentation du diable, de la chair et du monde, vaincu par le grand Saint-Michel.

— Donc, si je comprends bien, ce tableau narre l’histoire de la chute de Satan, répondit Eliah - pas très sûre d’elle.

Uri eut un petit rire indulgent.

— Plutôt de Lucifer et des anges rebelles.

— Mais Lucifer et Satan sont une seule et même personne, commenta la blonde - confuse.

Laissant un silence flotter dans les airs, l’homme demeura un instant méditatif, se plongeant possiblement dans les livres d’histoires.

— C’est vrai… Enfin, c’est ce qu’on fini par penser les chrétiens au fils des années, mais selon certains écrits, ces deux-là sont deux entités distinctes, répondit Uri

— Hein ?

— Désolé Eliah, le devoir m’appelle, dit-il en vérifiant sa montre - puis observa la demoiselle. Tu as l’air fatigué, ne te surmène pas trop. Si je ne suis pas trop enseveli par les corrections, je passerai peut-être ce soir. Bonne journée,

Uri salua de la main Eliah et partie en direction de la sortie.

Même si Uri n’était au départ qu’un client récurrent, elle avait appris à le connaître et à apprécier sa présence. Il était un des rares consommateurs à savourer les bons alcools proposés au bar ; et omettant cette information, c’était une personne incroyablement cultivée et d’une générosité incroyable. Un véritable philanthrope qui restait pourtant dans l’ombre.


Continuant sa ronde, la blonde eut un coup de barre et s’assit sur le premier banc à disposition pour se reposer un peu.

Des picotements parcouraient le long de son cou, plutôt désagréable s’il est devait mettre un mot de dessus, mais le plus fâcheux dans l’histoire était la fatigue qui la poursuivait depuis quelques temps.

Un vent de panique la submergea, la même sensation que ce matin et ce midi… Persuadée depuis le début à du somnambulisme, elle se rappela avec amertume l’égratignure, mais également l’ecchymose quelques jours plus tôt.

En tout cas de nouvelles questions gambergaient dans la cervelle, pensant enfin trouver une réponse : le monstre qu’elle rencontrait dans ses cauchemars, n’était peut-être que l’ombre d’elle-même ; son côté obscur ; elle se faisait involontairement du mal pendant son sommeil. Était-ce dû au nouveau médicament qu’elle prenait ?

Se massant les tempes, laissant son esprit s’agiter, se faisant la réflexion que les gens encore présent dans l’église pourrait l’aider, une vague de froid tomba brutalement dans l’enceinte. L’ambiance, ainsi que la luminosité étaient plus opaques qu’à l’accoutumé, donnant à croire que la nuit s’était pointée plus tôt que prévu.

Malgré la peur, elle accepta soudainement que l’église la protège de tout danger.

La bonne blague.

Elle pouvait sentir la présence de la créature maléfique qui la hantait.

« Réveille toi » maugréa-t-elle dans sa barbe, se pinçant la peau.

Voyant que rien ne changeait, elle releva la manche de sa veste et de son pull pour se planter les ongles dans la peau. Si la douleur était belle et bien présente, et que du sang commençait à jaillir, l’atmosphère restait la même.

Elle ne cherchait même pas à savoir où se dissimulait son assaillant. Il n’était pas loin. Elle le savait au plus profond de ses entrailles. 

Elle en avait marre.

Eliah avait envie de : rager ; hurler ; pleurer ; crever.

Pourtant, elle se devait montrer plus courageuse…

Et si le courage s’appelait la fuite, elle choisirait ce prénom sans problème.

Ce qu’elle fit.

Sans regarder autour d’elle, elle prit ses jambes à son cou et quitta l’église.


Sprintant sur les pavés, atterrissant parfois dans des flaques d’eau, Eliah traça son chemin sans prendre le temps de regarder le décor qui l’entourait. Elle ne percevait pas grand-chose, à part des formes floues qui ondulaient lentement. À quoi bon à chercher son chemin ?

Si elle s’efforçait de garder un certain rythme, ses jambes allaient finir par la lâcher, elle le pressentait.

Plus que marquer une pause, elle voulait à tout prix se réveiller.

Persistant tant bien que mal, elle finit par heurter quelque chose d’invisible et tomba parterre. D’un coup-de-poing lasse, elle frappa le sol.

Si son corps tremblait sous la pluie glacée, il s’agitait davantage quand elle sentit une patte se poser sur son épaule. Prise au piège, elle fut obligée de faire face au monstre.



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« Et merde » pesta Jessy.

Visiblement, cette journée s’annonçait catastrophique, mais remarquant que ce dernier ne se relevait pas, son âme emplit d’altruisme refusa de céder et aida le pauvre individu qu’il avait bousculé dans l’empressement.

Cependant, il n’avait pas songé une seule seconde que l’individu en question était « Eliah » - manifestement affolée.


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