Mortem Regis

Chapitre 21 : Un nouvel objectif

5563 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 18/02/2021 17:56

Cela faisait plusieurs heures qu'Ewen, Harvay et Othéo avaient quitté le village Moa à l'est de Grendia. Après avoir franchi la frontière Grendio-Vegarionne, ils s'étaient rendus dans une auberge là-bas la veille, afin de s'y reposer durant la nuit. A présent, ils se dirigeaient vers l'ouest, en direction de la capitale Grendienne située au coeur de la république: Glorië. La résidence présidentielle se trouvait dans cette citadelle, et le trio, et en particulier Othéo, voulait s'y rendre afin d'avoir une audience avec Edgard. Ewen appréhendait l'instant où ils feraient face au président de Grendia. Bien que celui-ci était réputé par les habitants du continent comme étant un gouverneur exemplaire, la princesse Vopaquine ne pouvait pas s'empêcher de repenser aux soupçons que son père portait à son égard. Le roi de Vopaqua avait-il raison de se méfier à ce point d'Edgard ? La jeune fille à la longue chevelure bleutée ne le savait pas. C'est alors qu'Harvay les interpella, elle et Othéo, pour leur faire remarquer le grand lac de Gren qui s'étendait un peu plus loin de leur position. La citadelle de Glorië se trouvait de l'autre côté de cette vaste étendue d'eau. Les trois devaient donc contourner cette dernière afin d'atteindre leur destination. Mais soudain, ils entendirent des hennissements de chevaux au loin. En tournant leur tête en direction du point d'où provenait ce vacarme, le roi, la princesse et leur serviteur virent trois cavaliers galoper à vive allure, avant de s'arrêter devant eux. Othéo reconnu le jeune Léonard, qui lui avait adressé un sourire un tantinet sournois et malicieux. Le fils du président était accompagné de deux soldats Grendiens.


« Nous nous retrouvons, votre Majesté de Vopaqua, le salua Léonard, à l'étonnement d'Ewen et de Harvay. Et je vois que vous êtes bien accompagné, cette fois-ci.

– Cela tombe bien que vous soyez là, jeune Léonard, répliqua Othéo d'un air neutre. Je me rends justement à Glorïe pour rencontrer votre père.

– Oh ? Une audience avec mon père ? Voilà bien une chose à laquelle je ne m'attendais pas ! Si vous voulez, je peux vous escorter ! »


Ewen observait ce jeune homme avec étonnement. Bien qu'elle avait déjà entendu parlé de lui à maintes reprises, c'était la première fois qu'elle rencontrait le fils du président actuel de Grendia. Elle le trouvait beau et élégant, mais un tantinet arrogant et hautain dans sa gestuelle, et sa façon de s'adresser aux gens. C'est alors que le regard de ce jeune homme croisa le sien. Léonard lui adressa un sourire charmeur:


« Vous êtes la fille de sa Majesté Othéo, je présume. La princesse Ewena, c'est bien cela ? Certains citoyens de notre capitale vantent votre beauté, et je constate qu'ils ont raison. Ce n'est pas souvent que je rencontre une jeune femme aussi magnifique que vous. »


Il lui avait adressé un clin d'oeil séducteur à la fin de sa réplique. Ewen, qui ne s'était pas attendue à de tels compliments de sa part, cligna les yeux de stupéfaction à plusieurs reprises, tandis qu'Harvay avait levé les yeux au ciel d'exaspération, tant il trouvait l'attitude du fils du président Grendien envers la jeune fille ridicule en cet instant.


« Il est vrai que ma fille aînée est devenue une belle femme, approuva Othéo en souriant légèrement. Dommage que vous ne soyez pas le genre de personne qui l'attire. »


Alors qu'Ewen avait écarquillé ses yeux d'étonnement face à cette pique envoyée par son père à l'adresse de Léonard, Harvay tenta de penser à autre chose pour ne pas éclater de rire. Il jugeait que c'était une excellente façon de remettre le fils du président à sa place. De plus, le roi aux cheveux azur avait raison: les hommes imbus de leur personne, et jouant les séducteurs avec les belles filles qu'ils croisaient n'étaient clairement pas le genre d'individu qui plaisait à Ewen. Harvay le savait mieux que quiconque, tout comme Othéo. Léonard, devant une telle réplique de la part de ce dernier, rigola légèrement:


« Vous êtes vraiment marrant, votre Majesté ! Vous êtes bien le premier à me dire une telle chose ! D'habitude, les jeunes filles tombent sous mon charme, et sont prêtes à se battre pour m'épouser.

– Ben voyons... Soit il ment, soit les jeunes filles en question ne sont vraiment pas difficiles, pensa Harvay en regardant l'autre blond d'un air mi-amusé mi-blasé.

– Quoi qu'il en soit, intervint Ewen en fronçant les sourcils, un peu agacée par la tournure de la conversation, nous devons nous rendre à Glorië au plus vite. Nous n'avons pas de temps à perdre en bavardages inutiles.

– Oh ? sembla s'étonner le fils d'Edgard avec un sourire un peu provocateur. Pourquoi tant de hâte, très chère ?

– Parce que le temps nous est compté. » répondit Othéo d'un ton ferme et sec, qui eut pour effet de faire disparaître le sourire qui s'était dessiné sur les lèvres de Léonard. Ce dernier observa le trio d'un air suspicieux, mais se décida finalement à l'accompagner jusqu'à la ville.



Quelques instants plus tard, ils parvinrent à destination et franchirent les portes de Glorië. Toujours sur le dos de leurs chevaux qui marchaient en direction de la résidence présidentielle, Ewen, Othéo et Harvay contemplèrent la somptueuse citadelle Grendienne. Celle-ci contrastait visuellement avec l'architecture d'Emerald. S'il fallait choisir deux adjectifs pour qualifier la capitale de la grande nation, ce serait lumineuse et ordonnée. Des bâtiments droits et symétriques de plusieurs étages peints d'un blanc éclatant s'élevaient, et les vitraux aux couleurs clairs qui les ornaient reflétaient avec douceur la lumière du soleil qui trônait au milieu des cieux. Les ruelles étaient longues et vastes. Certaines d'entre elles étaient même carrelées, les rendant aussi élégantes que les différentes habitations aux alentours. Aussi, la ville était très vivante, animée, et le commerce semblait être à son paroxysme. Glorië reflétait vraiment l'image de la nation de Grendia: imposante, majestueuse, et éblouissante.


Léonard, qui arborait un sourire fier en voyant le trio Vopaquin conquis par cette citadelle, leur fit signe de le suivre jusqu'à la résidence présidentielle qui se trouvait un peu plus en retrait à l'ouest. Il leur fallut une bonne vingtaine de minutes pour atteindre celle-ci. Un immense jardin composé d'arbustes colorés, probablement importés de Vegario, s'étendait devant la résidence d'Edgard. Celle-ci n'était pas aussi énorme que les palais royaux de la nation des océans, ou de celle des forêts. Mais elle était tout de même vaste, possédait une architecture élégante, et était décorés d'une multitudes de drapeaux Grendiens. L'emblème de Grendia, de couleur vert clair sur un fond vert foncé, possédait une forme particulière. Il était difficile de le décrire, car très abstrait. Mais il était connu à Kaärann pour sa symbolique particulière: Celle d'une entité veillant sur le continent, voir même sur le monde entier. Selon certains, l'entité en question serait la déesse Shakra, la déesse de la vie qui est très vénérée dans cette nation centrale.


« Léonard ! Te revoilà enfin ! » s'écria une voix féminine, alors que la silhouette frêle d'Annette s'avançait vers lui et les autres. Le regard de la jeune blonde se tourna ensuite vers Ewen et Harvay qui descendirent de leurs chevaux, avant de se poser sur Othéo qui en faisait de même.


« Comme on se retrouve, majesté ! lui dit-elle, le visage neutre. Que nous vaut l'honneur de votre visite ? »


Après avoir échangé un regard avec sa fille, le roi Vopaquin lui expliqua son souhait de s'entretenir en urgence avec Edgard.


« Si ce n'est pas indiscret, intervint Léonard qui s'était placé aux côtés de sa soeur cadette avec un léger sourire, c'est à quel sujet ? Cela m'a l'air d'être quelque chose de grave, si c'est aussi urgent.

– Vous le saurez lorsque nous nous serons entretenus avec monsieur le président. » répondit Harvay, qui trouvait ce jeune homme trop curieux. Certes, c'était son droit de l'être, surtout avec ce qui se passait à Käarann à l'heure actuelle. Mais quelque chose chez ce Léonard ne plaisait pas au garde personnel d'Ewen. Peut-être était-ce à cause de son arrogance et de son air hautain ?


« Je vous trouve plutôt culotté de me répondre ainsi, alors que vous n'êtes qu'un simple serviteur, répliqua alors Léonard à son adresse d'un air amusé. D'autant plus que je m'adressais à votre roi, et non à vous. »


Toujours avec ce petit sourire moqueur à ses lèvres, Léonard parla à Othéo et à Ewen.


« Je sais bien que les mentalités et les coutumes diffèrent d'une nation à un autre, mais je pense que l'éducation de vos valets est à revoir. »


Alors qu'Othéo et Ewen étaient stupéfaits par une telle réplique de sa part, Harvay avait serré ses poings, se retenant de balancer une réplique cinglante à cet effronté. Non mais pour qui se prenait-il ? Être le fils du dirigeant de Grendia ne le dispensait pas d'être respectueux envers les autres, peu importe ce qu'ils étaient !


De son côté, Annette avait observé Léonard, avant de lui donner un coup de coude. Visiblement, elle ne semblait pas fière de son frère sur ce coup. Une voix féminine se fit alors entendre, interrompant l'ambiance électrique qui venait de s'installer.


« Léonard, ce n'est point là une façon d'accueillir des visiteurs ! »


Les regards de tous se tournaient vers une femme ayant aux alentours de la quarantaine. Elle portait une belle robe simple orange, avec quelques dorures par-ci par-là. Elle possédait également une chevelure verte foncée et partiellement bouclée qui lui arrivait au dessus du milieu du dos. Cela devait probablement être une perruque, étant donné que le vert était une couleur de cheveux inhabituelle sur le continent. Othéo, qui avait reconnu cette nouvelle arrivante, s'inclina légèrement en guise de respect.


« Dame Félicia, la salua-t-il, alors qu'Ewen et Harvay l'avaient imité. C'est un plaisir de vous revoir.

– Le plaisir est partagé, votre Majesté. Cependant, je ne m'attendais pas à votre visite. Vous avez l'habitude de nous prévenir, lorsque vous venez nous voir.

– Je dois vous avouer qu'il s'agit là d'une décision de dernière minute, affirma le roi aux cheveux azur. Je reviens de Rhéa avec ma fille Ewen et notre serviteur, et je voulais m'entretenir avec votre mari avant de rentrer à Vopaqua.

– Je vois, compris celle qui se révélait être la femme du président de Grendia. Dans ce cas, je vais vous conduire jusqu'à lui. »


Voyant que cette Félicia n'était pas aussi désagréable ou prétentieuse que son fils aîné, Ewen soupira intérieurement de soulagement, puis échangea un regard avec son père et Harvay, avant de suivre la jeune femme.



Pendant ce temps, à l'est de Vopaqua, Seven et Shira avaient traversé la forêt de Calys, et venaient d'atteindre un village qui portait ce même nom. Celui-ci était simple, et pas aussi majestueux qu'Emerald, Glorië ou Xenati. Mais il possédait un certain charme. Les habitations assez nombreuses étaient construites en bois, et plusieurs citoyens très majoritairement Vopaquin se baladaient sur les petites ruelles en pierre qui parcouraient tout le village. Bien qu'il ne s'agissait pas d'une ville commerçante, ni particulièrement animée, on y trouvait toutefois quelques enseignes, comme des boutiques de vêtements, des tavernes, ou encore des auberges. Au loin, on pouvait apercevoir une plage de sable fin, bordé par l'océan. Le village de Calys n'était pas aussi humide que sa forêt, et la température y était modérée. Il n'y faisait ni trop chaud, ni trop froid, bien qu'un vent marin frais y soufflait de temps en temps.


Le duo masculin était soulagé d'être parvenu jusqu'ici sans trop de problèmes. Néanmoins, une question leur venait en tête, et particulièrement chez Seven: Qu'allaient-il faire, à présent ? Sachant que le boss du Mortem Regis allait envoyer certains de ses anciens collègues à sa recherche, il ne pouvait pas se permettre d'aller n'importe où sans y réfléchir au préalable. Son regard se posa alors sur Shira, qui semblait apprécier l'endroit, mais qui ne bougeait pas de là où il se trouvait. C'était comme si le jeune prince était anxieux malgré lui. L'assassin se disait qu'il avait besoin de repos après le long trajet qu'ils avaient effectué. Faisant signe au plus jeune de le suivre, l'homme aux longs cheveux d'ébènes commença à s'avancer parmi la population de Calys. Mais aussitôt après, le prince Xenois s'était accroché à son bras, l'obligeant à stopper son avancée.


« Est-ce que c'est vraiment une bonne idée... d'y aller comme ça ? demanda-t-il avec hésitation, chose qui étonna le plus âgé.

– Qu'est-ce que tu veux dire ? s'étonna l'assassin qui ne comprenait pas.

– Si jamais... Si jamais on croisait un membre de ton organisation par ici ? Si jamais on croisait... »


Shira avait bloqué dans sa phrase, tandis que Seven l'observait en plissant des yeux. Qu'est-ce qui prenait à ce nabot, tout à coup ? Lui qui n'avait pas hésité à braver un déluge et à se mettre inutilement en danger quelques heures plus tôt, voilà qu'à présent, il agissait comme la personne la plus peureuse du continent. Et cela l'inquiéta un peu, car ce n'était pas du tout le genre du petit prince de réagir de cette façon. Shira, lui, n'avait pas lâché le bras de l'assassin, mais avait détourné son regard de lui.


« Si jamais on croisait ce Eight... » finit-il par dire, alors qu'il serrait un peu plus le bras de Seven contre lui. Le plus grand comprit: après ce qu'Eight avait fait à Shira, ce dernier avait peur de recroiser sa route, et de revivre une fois de plus ce moment horrible que le huitième assassin le plus fort du Mortem Regis lui avait fait subir.


« Il faudrait vraiment qu'on ait une chance de merde pour tomber en particulier sur lui, répliqua l'assassin avant de poser sa main sur l'épaule de son ami pour le rassurer. Mais tu ne devrais pas t'en faire pour ça. Si on croise un membre du Mortem Regis, peu importe lequel, je lui ferai sa fête.

– ... Tu as l'air bien sûr de toi ... »


Bien que Shira n'avait pas tout à fait tort sur ce point, Seven ne pouvait pas s'empêcher de se sentir légèrement vexé, et enleva sa main de l'épaule de l'adolescent:


« Merci pour la confiance que tu m'accordes, rétorqua-t-il sarcastiquement en affichant un air blasé.

– Je ne doute pas de tes capacités, Sev... Je veux dire Lao, corrigea le prince aux yeux cramoisis, avant de continuer. Seulement... Ils sont nombreux. Et on ignore où ils se cachent...

– J'ai fait en sorte de limiter leurs déplacements, avant de quitter le quartier général de l'organisation. Donc, à moins que celui-ci ne soit dans les environs, chose qui m'étonnerait beaucoup, on n'a pas à craindre de croiser qui que ce soit ici. En tout cas, pour aujourd'hui. »


Shira ne dit plus rien. Mais malgré les paroles de l'homme en vert qui se voulaient rassurantes, le garçon à la peau bronzée ne pouvait pas s'empêcher de s'inquiéter par rapport à tout cela. En constatant cela, et voyant que le prince ne voulait pas lâcher son bras, Seven poussa un léger soupir, avant de reprendre sa marche, entraînant le plus jeune avec lui.


« Je ne laisserai plus personne te toucher, si c'est ça qui t'inquiète. » lui murmura-t-il toutefois, en espérant que cela suffirait à rassurer l'adolescent. Celui-ci, tout en marchant et en restant accroché au bras du plus âgé, observa ce dernier. Malgré la révélation de la veille sur la véritable identité de l'assassin et le fait que celui-ci lui avait menti, Seven semblait malgré tout déterminé à protéger le jeune prince. La confiance de Shira envers lui avait beau avoir pris un sacré coup, cela ne changeait pas le fait que l'assassin était actuellement la seule personne sur laquelle il pouvait se reposer pour le moment. Et connaissant ses capacités aux combats, il savait que Seven n'hésiterait pas à le défendre si un quelconque individu osait les attaquer. Cela étant dit, le jeune Xenois possédait ses bracelets de Rhaj. Il pouvait se défendre seul, voire même défendre Seven si besoin. Toutes ces pensées se bousculaient dans la tête de Shira, qui était plus que confus en cet instant, en plus de ne pas être très à l'aise parmi les citoyens de Calys pour le moment.


C'est alors qu'il remarqua que lui et Seven venaient d'entrer dans un établissement ressemblant à une taverne. Il y avait un peu de monde dans celle-ci, mais plusieurs tables étaient vides, au grand bonheur de l'assassin, qui commençait à se diriger vers l'une d'entre elles. Mais en avançant ainsi, il remarqua des regards insistants d'hommes et de femmes à leur égard. Certains d'entre eux avait même l'air de glousser gentiment en les observant. Shira avait également remarqué ce fait, et s'était légèrement crispé alors qu'il demandait à son compagnon à voix basse:


« Pourquoi ils nous regardent de cette façon... ?

– Je ne sais pas, répondit l'assassin d'un air un peu blasé. Mais je pense que le fait que tu sois pendu à mon bras depuis tout à l'heure n'aide pas. »


Réalisant qu'il n'avait effectivement pas lâché le plus grand depuis leur arrivé à Calys, le petit prince rougit légèrement d'embarras, et délaissa enfin le bras de Seven en murmurant un « désolé ». L'homme aux longs cheveux d'ébènes leva les yeux au ciel d'exaspération, tandis qu'il s'était installé à une table avec Shira. Une jeune tavernière approchant la trentaine, et coiffée d'une longue tresse bleue azur descendant derrière son dos, les aborda avec un sourire chaleureux:


« Bienvenue messieurs ! Ce n'est pas souvent que nous recevons des clients aussi jeunes dans notre établissement ! Qu'est-ce que je vous sers ? »


Seven et Shira s'échangèrent un regard en réfléchissant quelques instants, puis passèrent leur commande. Quelques instants plus tard, la serveuse aux cheveux bleus leur apporta deux soles meunières accompagnées de quelques pommes de terre. Elle avait également servi un verre de vin à Seven, et un verre de jus de raisin à Shira. Les deux garçons remercièrent à l'unisson la tavernière qui s'éloignait d'eux, avant d'entamer leur repas. Celui-ci était délicieux, et était une source de force et d'énergie aussi bien pour l'assassin que pour le prince.


« Ça faisait longtemps que je n'avais pas mangé un plat Vopaquin... affirma Seven avec un demi-sourire.

– Le poisson n'est pas quelque chose dont je raffole, pour être honnête, confia Shira après avoir avalé une bouchée. Mais je reconnais que ce plat est vraiment délicieux. »


Voyant que le plus jeune mangeait avec appétit, le sourire du plus grand s'agrandit. L'homme en vert jeta ensuite un coup d'oeil à toutes ces personnes présentes dans la taverne: Elles avaient cessé de les observer, et étaient retournées à leurs occupations.


« C'est une chance que personne ne t'ait reconnu par ici, parla-t-il à voix basse au jeune Xenois qui l'accompagnait. Il faudra qu'on fasse attention à ce que ton identité ne soit pas dévoilée.

– Je pense qu'il n'y a pas de soucis à se faire de ce côté là. Avec les vêtements que je porte, et mes cheveux un peu en pétard, si les habitants de Xenati n'ont pas réussi à me reconnaître, ça m'étonnerait que les citoyens des autres nations le peuvent. »


Seven ne releva pas. L'adolescent marquait un point. Néanmoins, on ne savait jamais. Il suffisait que le duo tombe sur une connaissance de Shira, et celui-ci pouvait se faire démasquer. Si cela arrivait, les risques que le Mortem Regis ne les retrouve augmenterait considérablement.


« Dis Lao, l'appela le garçon aux yeux cramoisis. Où est-ce qu'on ira ensuite ? Qu'est-ce que tu prévois de faire ? »


L'assassin ne répondit pas sur le moment. C'était une question qui méritait d'être posée, et pourtant, Seven n'avait pas de réponse à apporter. Sa priorité était d'éviter de croiser tous ceux qui le recherchaient, que ce soit le Mortem Regis, ou les dirigeants de Kaärann, et à cela s'ajoutait la tâche de protéger Shira de son ancien boss. Mais ils ne pourraient pas fuir éternellement leurs poursuivants. Tôt ou tard, lui et le second prince de Xen allaient devoir affronter certains d'entre eux. Peut-être Nineteen... Sixty-Nine... Four... Le boss... Ewen...

Ewen.


En repensant à cette dernière, Seven se figea sur place, le regard perdu, sous les yeux un peu surpris du prince.


« Lao ?

– Ewen... Je dois la revoir.

– Ewen ? Tu veux dire Ewena, la princesse de Vopaqua ? »


En guise de réponse, Seven le regarda en hochant la tête. Shira se souvint que l'assassin lui avait confié être un ami de longue date de cette jeune fille. C'était d'ailleurs pour cette raison que le plus grand n'avait pas voulu la tuer malgré les ordres de son supérieur. Seven voulait probablement prévenir la princesse Vopaquine qu'une organisation d'assassins étaient à sa poursuite. Mais un problème se posait: Où se trouvait Ewen à présent ? La dernière fois que le prince Xenois l'avait croisée, c'était dans l'une des forêts de Vegario. Elle se dirigeait vers Rhéa ce jour là. Y était-elle toujours, depuis ? Le prince aux yeux cramoisis interpella une tavernière qui passait non loin d'eux. Par chance, il s'agissait de celle qui les avait servis quelques minutes plus tôt.


« Veuillez m'excuser, madame, commença Shira en souriant, sous le regard un peu abasourdi de Seven. Mon ami ici présent voue une grande admiration pour la princesse Ewena, et son plus grand rêve est de la rencontrer en personne. Malheureusement, nous nous sommes rendus à Emerald, mais avons entendu dire qu'elle s'était absentée du royaume.

– Oh, la princesse Ewena ! fit joyeusement la serveuse en leur faisant un clin d'oeil. Elle est belle, n'est-ce pas ? Il est vrai que cela fait plusieurs jours qu'elle a quitté Vopaqua. Elle s'est d'abord rendue à Redfir, puis à Vegario. Malheureusement, elle s'est faite attaquée à plusieurs reprises. Quelqu'un cherche à la tuer. Comme si les morts du roi de Redfir, et du pauvre prince de Vegario ne suffisaient pas... »


Discrètement, Seven avait serré ses poings en détournant le regard. Pourquoi fallait-il qu'on mentionne encore le souverain de la nation des flammes devant lui ?


« Savez-vous quand est-ce qu'elle reviendra à Vopaqua ? demanda l'adolescent à la tavernière.

– Ça, je l'ignore... Néanmoins, à ce qu'il parait, elle aurait quitté Rhéa hier, accompagnée de sa Majesté le roi qui l'a rejoint. Si c'est réellement le cas, ils devraient être à Grendia à l'heure où je vous parle. Ils seront probablement de retour à Emerald dans une semaine environ.

– Je vois, fit Shira devant cette information. Merci beaucoup. »


La jeune femme acquiesça d'un signe de la tête sans perdre son sourire, avant de retourner à son service. Seven, lui, observa le prince d'un air vraiment blasé:


« Une grande admiration pour la princesse Ewena ? Sérieusement, le nabot ?

– Je ne pense pas qu'elle m'aurait cru, si j'avais révélé que tu étais son ami d'enfance, répliqua Shira en le regardant d'un air sérieux. Quoi qu'il en soit, ça va être compliqué de retrouver Dame Ewen. On peut toujours se rendre à Emerald, et attendre qu'elle revienne là-bas, mais avec le Mortem Regis à nos trousses, j'ignore si c'est une bonne idée.

– C'est même carrément se jeter dans la gueule du loup, si on fait ça, affirma Seven avant de boire une gorgée de vin.

– Qu'est-ce qu'on fait, alors ? On ne va quand même pas aller à Grendia !

– Et pourquoi pas ? » demanda l'assassin en posant son verre sur la table, avant de continuer à manger. Shira était étonné par la réaction du plus grand. L'assassin ne pouvait pas être sérieux en disant cela ! Grendia était la nation la plus vaste de Kaärann. Autant dire que rechercher Ewen là-bas, c'était comme rechercher une aiguille dans une botte de foin ! Mais l'homme à la longue chevelure d'ébène semblait déjà avoir réfléchit à un plan:


« Il y a un village pas très loin de la frontière qui sépare Vopaqua de Grendia. Acturus. A moins d'être suicidaire, et de traverser cette frontière sans s'être reposés avant, Ewen et son père s'arrêteront forcément là-bas à un moment où à un autre. De plus, même si on ne les retrouve pas là-bas, les habitants d'Acturus sauront sûrement où ils sont, ou vers quelle direction ils se dirigent. En fonction des informations qu'ils nous donneront, on avisera.

– D'accord... ? fit Shira qui ne semblait pas très convaincu. Admettons qu'on fasse ça. Sachant qu'on n'a pas de cheval, qu'il n'y a pas de bateau par ici pour s'y rendre plus vite, et qu'il faut retraverser la forêt, et probablement contourner ou traverser une montagne dangereuse pour arriver jusque là-bas, je ne sais pas si on sera capable d'y arriver à temps. Le temps qu'on fasse un tel trajet, Dame Ewena aura peut-être déjà regagné Emerald !

– Je connais un moyen de transport bien plus rapide qu'un cheval ou un bateau, confia Seven en souriant légèrement. Par contre, il faudra attendre la nuit tombée pour pouvoir l'utiliser. »


Le prince à la peau hâlée affichait un air ahuri. Un moyen de transport plus rapide qu'un cheval ou un bateau ? Attendre que la nuit soit tombée pour l'emprunter ? Qu'est-ce que c'était encore que cette histoire absurde ? Qu'est-ce que Seven lui cachait, encore ?


« Ne te préoccupe pas de ça, et mange, lui conseilla l'assassin. Ton assiette est en train de refroidir.

– Ne me parle pas comme si j'étais un enfant, s'il te plaît. Et puis c'est quoi ce moyen de transport dont tu parles ?

– Tu verras bien, quand il fera nuit. » le nargua le plus âgé, avant de prendre une bouchée de pomme de terre. En constatant que l'assassin n'allait pas cracher le morceau avant l'heure venue, Shira s'arma de patience, et continua de manger.



Au même moment, au quartier général du Mortem Regis, Four s'était rendu au bureau du boss. Il voulait en savoir plus sur la mission générale confiée à tous les membres de l'organisation, à savoir éliminer Seven et capturer Shira.


« J'ai songé à diviser nos troupes, et à les déployer un peu partout sur le continent. Mais sachant que cet idiot de Seven a saboté la machine qui me servait à créer les pierres de téléportation, revenir au quartier général une fois la tâche accomplie ne sera pas possible. J'ai demandé à One, Two et Three de m'aider à la réparer.

– Avec tout le respect que je vous dois, boss, pourquoi ne pas nous révéler l'emplacement de notre quartier général ?

– Je pensais que tu avais déjà la réponse à cette question, mon cher Four. Je ne veux pas prendre le risque que cette cachette soit découverte un jour. Et puis, savoir l'emplacement de notre quartier général n'enlèverait pas le problème de déplacement, et des pierres de téléportation. La force de notre organisation repose sur le fait que nos assassins peuvent aller et venir comme bon leur semble, à n'importe quel point de Kaärann, en fonction des cibles attribuées. Mais sans les pierres...

– Cette force s'en retrouve amoindrie. » compléta l'assassin éclatant qui comprenait où le boss voulait en venir. Le boss, lui, s'était levé de son siège et avançait à travers la salle, tout en croisant les bras.


« Néanmoins, malgré cet inconvénient, j'ai toujours un atout dans ma manche, affirma-t-il en regardant Four. Je t'ai confié l'aura de vision en récompense à ton quatrième rang au sein du Mortem Regis, et je sais que Seven fait partie de tes marqués. Ce qui fait que tu es capable de savoir où il se trouve en regardant à travers ses yeux. »


Four ne répondit pas. Ce que son supérieur venait de dire était vrai, et il s'était attendu à qu'il se serve de cette faculté pour pister l'assassin déserteur. Néanmoins, bien que l'argenté avait une idée d'où se trouvaient actuellement Seven et Shira, il n'était pas enthousiaste à l'idée de révéler cette information au boss.


« Boss. Est-ce que je peux vous poser une question ?

– Je t'écoute, mon petit Four ! Pose donc ta question ! »


L'homme en blanc détourna son regard quelques instants du masqué, et demanda:


« L'arme de Nineteen... Est-ce une relique divine, tout comme les bracelets du prince Ashira ? Est-ce que Nineteen serait une élue bénie par les dieux, tout comme lui ? »


Le boss afficha un air étonné derrière son masque, mais aborda ensuite un léger sourire, avant de s'exclamer joyeusement:


« Tu es très malin, Four ! Effectivement, tu as vu juste ! Nineteen est une petite perle, et c'est pour cette raison que je lui ai confié le sabre de Keres, une lame ayant pour faculté de trancher n'importe quoi, et de foudroyer mortellement n'importe qui. Mais je ne pensais pas que tu serais arrivé à cette conclusion un jour.

– Je ne suis pas le seul à avoir deviné cela. » répliqua la quatrième assassin en regardant de nouveau son boss, qui éclatait à présent de rire.


« Je suppose que ce cher Seven l'avait aussi deviné ! Remarque, étant donné qu'il était au courant des reliques divines grâce à cet avorton d'Ashira, cela ne m'étonne pas. Ah là là... Un garçon si intelligent et talentueux dans le domaine de l'assassinat qui se révèle être un traître... Quel gâchis !

– Pourquoi n'avoir rien révélé au sujet des reliques divines et des élus bénis par les dieux ? » questionna ensuite Four. Mais le boss n'avait pas envie de répondre à cette seconde question.


« Tu m'as dit une question, Four. Pas deux, ni plus ! Et puis la curiosité est un très vilain défaut ! Surtout que ta question n'avait rien à voir avec le sujet qu'on abordait au départ. »


Un silence de la part de Four s'ensuivit, tandis que le boss avançait à pas lent vers lui.


« A moins que ce ne soit fait exprès ? supposa l'encapuchonné. Est-ce que tu essayes de m'empêcher d'utiliser tes visions pour retrouver Seven ?

– Je... vous demande pardon ? fit l'argenté, un peu troublé.

– Sachant que tu as formé Seven durant plusieurs années, tu t'es probablement attaché à lui, plus que tu ne le penses. Ce qui expliquerait pourquoi tu tentes de le couvrir, malgré sa trahison. Toutefois, mon cher Four, tu es bien placé pour savoir que les sentiments au Mortem Regis doivent être mis de côté pour le bien des missions confiées.

– Boss ! Vous... Vous vous méprenez. » se défendit le jeune homme en serrant ses poings. En réalité, il y avait une part de vérité dans les paroles de son supérieur, et Four le savait très bien. Il avait fait en sorte de paraître le plus indifférent et impartial possible lorsqu'il s'agissait de Seven. Mais depuis que celui-ci avait quitté le Mortem Regis, et surtout, depuis que le boss avait ordonné son exécution, Four n'arrivait plus à être insensible. En tout cas, pas autant qu'avant. Et son supérieur semblait avoir remarqué ce fait, ce qui pourrait lui attirer beaucoup d'ennuis. Poussant un léger soupir, il s'inclina devant le boss en guise d'excuse:


« Pardonnez-moi. Je ne cherche pas à couvrir qui que ce soit. Je me suis effectivement montré très curieux au sujet des reliques, et je m'en excuse si cela vous embête. »


Le boss, en voyant cela, posa sa main sur l'épaule de l'assassin en blanc, l'invitant à se redresser.


« Dis-moi où se trouve Seven, et je te pardonne. » lui promit-il en souriant derrière son masque.



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