Divalis : l'éveil

Chapitre 8 : Je suis de l'ancienne génération.

2312 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/08/2022 20:23

J’ai chaud et je ne me sens pas bien. Mes yeux me piquent et j’ai l’impression que ma tête va exploser. Je secoue la tête et remonte mes prunelles vers la lune rousse. Cela recommence… Je recule face à l’entité, franchement pas serein par sa présence.

N’aie pas peur. 

Une nouvelle fois, j’agite la tête pour rassembler mes idées. Ce n’est pas la première fois que je l’entends, mais de là à ce qu’il interagisse directement avec moi, c’est une première.

J’ai toujours été là avec vous.

Je ne serais pas endormie ? Je dois sans doute rêver.

Ce que tu appelles folie est liée à mes interventions.

 

–Vraiment ? Pourquoi te manifestes-tu physiquement qu’aujourd’hui ?

Parce que tu l’as trouvé, lui.

 

Une porte s’ouvre sur un autre monde au ciel rouge et sans nuages ou la terre semble brûlée et les arbres morts. Une étrange odeur de sang en émane à m’en donner des vertiges. Le paranormal et la magie n’ont rien d’étrange pour moi, mais la prudence reste de mise. Pourtant, je ressens une certaine curiosité face à ce portail.

Un animal comparable à un croisement entre un canidé et un reptile vient à s’approcher de l’ouverture. La couleur de sa robe est d’un rouge sombre presque brun. L'extrémité de ces pattes, de sa queue, de son museau et de ces yeux tirent sur le noir. La crinière qui garnit le haut de son encolure et la moitié de sa queue, ont également une pigmentation sombre. Ses iris orangés me dévisagent tout autant que l’environnement qui m’entoure. Hormis la paire de cornes d’os sur sa tête et les écailles sur son corps, la ressemblance entre nous deux est frappante.

L’être m’observe, puis de nouveau regarde autour de lui. Il franchit d’un pas hésitant la brèche qui s’évapore après son passage, enlevant de ce fait à ma vue le paysage de cet autre monde.

Je recule vivement à son approche, m'apercevant qu’il est aussi haut que Vlase. Je prends garde à tenir les distances entre nous, plaquant les oreilles sur mon crâne, tout en retroussant légèrement mes babines, en espérant qu’il comprenne le message.

Le mâle s’assied avec lenteur sur la terre meuble. La couleur de ces yeux ressemble à un brasier, pourtant, son expression est d’une telle tristesse. Il hume l’air, puis se tourne en direction l’être de fumée.

Je ne peux nier notre ressemblance, mais est-ce qu’il est vraiment de mon espèce ? Comment se fait-il qu’il vienne d’un autre monde ? Est-ce pour cela que je ne les trouvais pas ? Ils sont cachés ?

Il est temps de tout lui expliquer Dagan.

Je me retourne à mon tour sur l’entité, bien que je me doute qu’il vient de nommer la créature rouge.

 

–Tu ne m’avais pas dit que tu la suivais, bougonne l’être.

Parce qu’il était inutile de te donner de faux espoirs sans savoir si elle parviendrait jusqu’à toi.

–Pardon ? Répliqué-je, confuse.

 

J’ai peur de cligner des yeux et qu’ils disparaissent. De me rendre compte que tout cela n’est qu’un rêve. Ou aurais-je plutôt envie de me réveiller ? Le mâle, bien qu’il paraisse calme, dégage une effluve qui m’informe du contraire tout comme sa posture et ces oreilles qui n’arrêtent pas de se tourner dans toutes les directions. Seule sa queue semble ne pas avoir la bougeotte, contrairement à la mienne qui martèle lentement le sol depuis qu’il s'est dévoilé. C’est tout de même étrange. Quelques mois auparavant, je peinais encore à suivre Abysse à la trace. Pourtant, lui, je lis ses phéromones bien mieux que je ne peux le faire pour la coïste ou même les renards.

 

–Il ne t’a rien dit ? Me le demande-t-il.

Elle ne m’écoutait pas.

–Je pensais être folle, dis-je d’un ton sarcastique.

 

Dagan regarde alors l’entité, contrarié, avant de porter son attention sur moi.

 

–Celui-là s’appelle Kotcheï. Moi, c’est Dagan. Je suis un Divalis et en l’occurrence, toi aussi.

–Divalis ? Je n’ai jamais entendu parler de cette espèce, dis-je, méfiante.

–Il n’y a rien d’étonnant à cela. Enfin, comment expliquer sans que tu en aies la migraine…

 

Je m’assieds en clignant des yeux… J'ai déjà mal à la tête. 

 

–J’ai une question pour toi. Comment se fait-il que tu débarques de ce portail ?

–C’est la dimension ou se régénère Kotcheï… Cela devait être temporaire.

–Donc tu vas repartir ?

–J’étais coincé là-dedans. J’espère que non !

 

Je penche la tête. Ce n’est pas une méthode pour se protéger ?

 

–Et les autres ? Ils ne vont pas te chercher ?

–Il n’y en a pas d’autre. Je suis le seul qu’Aérin ait pu sauver.

–Heu… Je ne sais pas qui est Aérin.

–Mon ancienne alpha, celle qui m’a confié à Kotcheï.

–J’ai vu les nôtres se faire massacrer quand j’étais enfant. Aérin m’a cachée dans le monde de Kotchei le temps de sauver d'autres enfants. Sauf, qu’elle n’est jamais revenue.

 

Il baisse les oreilles. Je l’observe, silencieuse, tanguant entre un sentiment compatissant et une méfiance peut être inutile. Je regarde alors en direction du clan, que je ne peux que deviner. L’entité, toujours présente, ajoute à son tour: 

Dagan et toi avez un vécu similaire. Vous avez tous les deux perdu vos proches.

Non, cela n’a rien avoir… Je suis responsable de la perte des miens.

 

–Tu as dit que tu étais enfant quand tu as été enfermé. Cela fait combien de temps que tu attends ton alpha ?

–Près de quatre-vingts ans.

 

J’en ferme la gueule et me racle la gorge. Je dévisage Dagan qui n’a toujours pas bougé de place. Celui-ci en fait de même puis penche la tête sur le côté tout en me demandant :

 

–Au fait, quel est ton nom ?

–Je n’en ai pas.

–Ne dis pas de bêtise ! Tout le monde a un.

–Ceux de mon clan m'appellent Croquette, libre à toi, de m’appeler ainsi.

–Croquette ? Je peux t’en donner un si tu le veux ?

–Si cela t’amuse, dis-je en haussant les épaules.

–Vraiment ? Aéon ça te plait ?

 –Aéon ? En penché-je la tête.

–Tu ressembles à Aérin et elle voulait appeler sa fille Aéon. J’étais censé veiller sur elle en sortant de la dimension de Kotcheï.

–Vas la retrouver !

 

Dagan grimace alors et détourne la tête ennuyée… Oui, je suis idiote… Elle doit aussi avoir été tuée.

 

La fille d’Aérin n’est plus de ce monde, toutefois, sa petite fille, oui.

–Tu peux la retrouver elle ?

C’est déjà fait.

 

J’en fronce les sourcils, sans comprendre la réplique de l’entité, alors que Dagan lui, en sourit de gêne tout en détournant les yeux… Je n’aime pas cette expression.

 

–Je pense qu’il serait plus simple de t’expliquer au fur et à mesure les mœurs de notre espèce. Du moins celle que je connais.

 

Je n’ai pas envie de rester ici, il fait trop chaud et je me sens de moins en moins à l’aise en leurs présences. Mais, Dagan me pose soucis. Je ne peux pas le laisser en plan maintenant qu’il peut vivre normalement. Il ne saura sans doute pas survivre seul.

 

Tu n’as pas à tout comprendre aujourd’hui. Toutefois, tu dois connaitre l’essentiel. Tu es de la race des Divalis, tu es la descendante d’Aérin. Ce qui fait de toi l’alpha de cette nouvelle génération. Dagan n’est pas le dernier individu que tu croiseras. En te réveillant, tu as réveillé les autres, ceux qui, comme toi, se pensaient humains. Eux aussi sont dans l’ignorance de leur véritable origine. Mon rôle à moi s’achève ici.

 

Je me tourne sur l’entité qui disparaît alors. Il n’aura pas d’interaction avec nous ? Je ne le verrai plus quand je dors ? Je me tourne alors sur Dagan qui en baisse la tête et grimace. Il ne doit plus savoir où donner de la tête.

 

–Je ne comprends pas cette histoire d’alpha, mais je n’ai rien d’une chef de meute…

–J’ai juste promis à Aérin de veiller sur sa fille, moi. 

–Écoute, je ne sais pas quoi penser de tout ça… Mais, je ne vais pas te laisser seul encore une fois. Mes amis sont plus loin.

 

Il me sourit, semblant rassuré que je ne le laisse pas sur place. Il se redresse, prêt à me suivre… Vlase va me narguer, je le sens. Je l'entraîne jusqu’au village. Il regarde un peu trop à mon goût les demeures, alors j’en presse le pas. À chaque fois que je tourne la tête vers lui pour vérifier sa présence et je croise son regard triste, qui m’accable à mon tour.

J’observe sa démarche nonchalante et sa queue qu’il laisse vulgairement tomber. Il est dans un meilleur état que moi, mais cette douleur qu’il affiche, je ne la connais que trop bien. Si je m’étais imposé la solitude, lui, ce n’est pas le cas. Il la subit de plein fouet. Je continue mon chemin pour rejoindre le clan.

 

–Il y a trois lisiis de la taïga et une coïste terrestre. Elle va vite t’adopter, il faudra sans doute du temps aux autres pour s’habituer à toi.

–Des coïstes s’étaient arrêtés près de la tanière où nichait ma mère, me dit-il en souriant. 

–Comment as-tu fait pour survivre aussi longtemps seul ?

–Kotcheï était là et pour me nourrir, il y avait la rivière de sang.

–Comment cela se fait que tu sois dénué de pelage et que tu aies des cornes ?

–L’autre monde a dû modifier un peu mon apparence et tes cornes, je sais qu’elles pousseront plus tard, mais je ne serais pas te dire quand exactement.

–Je vais aussi en avoir ? Avec ma maladresse, je serais encore capable de me coincer dans les branches…

 

Il sourit alors que je regarde les alentours. Je suis certaine que Vlase m’a vue partir. Je suis même étonnée qu’il n’ait pas tenté de me suivre. Il doit sans doute se cacher dans les fourrés à attendre que je passe…C’est le cas et s’il voulait me surprendre, c’est manqué, j’ai senti son odeur bien avant qu’il ne se redresse. Toutefois, ce regard noir qu’il vient de jeter à Dagan, me fait arrêter net mon pas.

 

–Des envies à assouvir, Croquette ? Tu es entêtée ! Gronde-t-il.

–Qu’est-ce que tu racontes, Vlase ? Je ramène surtout un autre problème sur pattes.

–C’est gentil de me voir ainsi, réplique Dagan en se penchant outré sur moi.

–Tu es un mâle de son espèce je présume ? Intervient Vlase.

–Je m’appelle Dagan.

 

Le renard s’avance sur le divalis alors que je m’éloigne dans l’idée de rejoindre Abysse. M’apercevant que les deux autres sont toujours sur place, je m’arrête en les regardant, surveillant tout de même Vlase. Il est vrai que pour un lisii la présence d’un autre mâle n’est pas naturelle. Il appelait bien les siens, lui… Il faudrait que moi, je reste seule ? Qu’est-ce que je raconte-la, moi ? Vlase parle avec Dagan, mais je n’ai pas fait attention à ce qu’il lui dise. En tout cas Dagan se contente de venir me rejoindre en se voutant face au renard. La hiérarchie va sans doute être un peu bouleversé avec lui en plus. Abysse et les petits se réveillent à notre approche. Je m’allonge dans le dos de la bleue et les renards qui regardent Dagan quelque peu surpris de sa présence. Si Sansa se hâte à aller se cacher derrière son oncle, Abysse quant à elle, le dévisage, l’observant sous toutes les coutures.

Le divalis se fige quelque peu, tendu par la coïste. Buntar rejoint aussi son père inquiet. Chez les Lisii, la venue d’un autre mâle signifie que l’ancien chef a été défait. Buntar s’attend donc à ce que Dagan le chasse lui et son père. Sauf qu’il n’en est rien.

Dagan s’approche lentement de nous, voulant se coucher près de nous, néanmoins le canidé accueille son idée d’un dévoilement de crocs. Le rouge se fige et s’allonge là où il est. Je me tourne alors vers Vlase, ennuyé…Enfin, je ne conteste pas le comportement du renard. C’est peut-être dur pour Dagan, mais la hiérarchie entre nous, c'est naturellement établi. L’arrivée d’un nouveau membre va bousculer nos habitudes.

Laisser un commentaire ?