Divalis : l'éveil

Chapitre 12 : Vision érronée.

3879 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/10/2022 20:52

La créature, qui au passage est bipède, ressemble à un genre de reptile mais avec des plumes. Il a une mâchoire qui se termine par un bec avec une proéminence qui fait penser à des dents. Il a trois cornes sur le crâne, une épaisse dentelé partant du milieu de son front et deux symétriques un peu plus sur le côté. Il est aussi grand que Vlase et moi. 

Sa queue plumeuse se balance rapidement derrière lui, alors qu’il nous observe. Ce que je retiens surtout, ce sont les longues épines qui lui couvrent le dos et la croupe. Il a un plumage coloré sur une base bleu métallique parsemé de rouge. 

Il veut s’approcher, Vlase et Aéon réagissent immédiatement, faisant claquer leurs mâchoires dans le vide en guise d’avertissement. Le grondement que produit Vlase semble sortir d’outre-tombe. L'individu écarte ses pattes avant en réponse et se voûte en rassemblant sa queue sous lui. Il a de longues griffes et une longue épine osseuse qui termine le coude.

 

–Du calme, du calme ! Entre Cryptides, il serait idiot de nous attaquer ! Et, mais… Je rêve ou vous n’êtes pas de la même espèce ?

–Qu’est-ce que tu es ? Demande alors Aéon.

–Je suis un balaur.

–Un balaur, comme la créature mythologique ? Ce n’est pas censé être un dragon à plusieurs têtes ? Continue Aéon.

–C’est bien ça, mais les humains aiment exagérer les choses. Je ne suis peut-être pas un dragon, en revanche, j'ai un lien avec le balaur préhistorique, dit-il en se secouant.

 

Je regarde Aéon qui lui sourit. Visiblement, elle a compris à quoi le cryptide fait allusion. C’est quoi préhistorique ? Je jette un rapide coup d’œil aux autres, je suis ravi de voir que les plus jeunes se posent des questions.

 

–Navré de vous avoir fait rater votre chasse. Ne partez pas, ce mâle adulte peut tout nous rassasier, continue l'individu en nous… souriant ?

 

Sa mâchoire inférieure s’ouvre en deux quand il parle… Ce truc est un peu flippant.

 

–Pourquoi partagerais-tu avec nous ? Maugrée Vlase, méfiant.

–Parce que cela fait des lustres que je n’ai pas croisé d’autres cryptides et que j’ai simplement envie de discuter un peu.

 

De nouveau, j'observe le canidé et ma congénère. Elle aussi regarde Vlase. Elle attend de savoir ce que lui en pense ?

 

–Alors, on peut manger avec le balaur ? Demande Abysse, retenue par Aéon.

–Oui, venez ! J’ai bien assez avec ce bison, je ne vais pas, vous mangez vous. L’invite le balaur en riant.

 

La créature ne se prive pas de se servir, Vlase laisse Abysse, Buntar et Sansa le rejoindre, tandis que lui s’assoit face au balaur sans le lâcher des yeux. Aéon imite le renard en se plaçant sur la gauche de la créature et s’allonge sur l’herbe.

 

–Vous ne mangez pas ? S’étonne le balaur.

–On laisse toujours les jeunes manger en premier, même s’il y en a assez, répond Aéon.

 

Le cryptide se redresse pour se hisser par-dessus la carcasse et les regarder, Buntar recule lui montrant les crocs, Sansa cachée derrière lui alors qu’Abysse, elle, s’étire pour venir le humer du bout de son museau.

 

–Des lisiis de la taïga, une coïste terrestre, mais toi, je ne vois pas ce que tu es ? Se tourne-t-il sur Aéon.

–Nous sommes des divalis, répliqué-je.

–Vous êtes de la même espèce ? Je n’en étais pas sûr comme elle a des poils et pas de cornes à l’inverse de toi. Enfin, cela ne m’avance pas. Vous êtes de quelle origine ? Demande le balaur.

–Je suis Finlandaise et je m’appelle Aéon.

 

Vlase et moi nous nous tournions alors sur elle. Je suis certain qu’il se fait la remarque qu’elle s’amusait à taire son nom avec nous depuis notre rencontre, préférant qu’on l’appelle par ce surnom ridicule : Croquette. Mais, d'une certaine façon, cela me flatte, qu’elle se présente avec son vrai nom.

 

–Notre espèce est d’origine européenne. Les humains ont presque éteint les nôtres et mon nom est Dagan.

–Quel cryptide n’ont-ils pas éteint ? Réplique la créature en levant les yeux au ciel. Appelez-moi Anton.

 

Abysse se présente en sautant sur la carcasse tout en nommant Buntar et Sansa. L’être lui sourit et se tourne ensuite sur Vlase, qui laisse échapper le sien sur un ton sec. Buntar et Sansa s’écartent de la proie. Comme nous repoussons à chaque fois Abysse quand les jeunes ont fini, elle se gave et se montre un peu agressive à notre égard. Mais, si nous le faisons, c’est pour lui éviter d’être malade ensuite.

Elle s’éloigne et s'allonge, se plaignant d’avoir mal au ventre. Anton continue de manger. Avec sa mâchoire, il n’arrive en vérité qu’à percer la peau. Arracher des lambeaux de chair semble plus complexe pour lui. Il doit prendre le temps de découper la pièce avant de pouvoir l’avaler. Vlase et Aéon prennent les places des jeunes et j’en fais de même. Moment de vérité ! Est-ce que je vais enfin pouvoir manger de grosses proies sans l’assistance de Vlase ?

Le repas est fini et nous nous allongeons sur l’herbe. J’ai l’estomac un peu barbouillé, mais le contenu reste à sa place. Anton nous imite en gardant une certaine distance toutefois. Ainsi, il discute avec Abysse, Aéon, Vlase et Buntar. Quant à moi, je me retourne sur Sansa qui, étrangement, ose venir se nicher dans mon dos.

 

–Tiens, tu m’approches maintenant ?

 

La petite baisse les oreilles et détourne la tête boudeuse.

 

–Anton ne te plait pas ?

–Si…

–Tu n’en as pas l’air certaine, plaisanté-je.

 

Elle détourne la tête et soupire.

 

–Tu n’es pas une grande bavarde. Tu es fâchée après Vlase et Buntar ?

–Vlase, il oublie mon papa, ma maman et Stea ronchonne la rousse.

Ah ? Vlase n’est pas son père !

–C’est qui Stea ? Demandé-je alors, sentant bien qu’il est délicat d’aborder la question “papa”.

–Ma sœur.

–Pourquoi tu penses qu’il les oublie ?

–Parce qu’il part de plus en plus loin. Je sais qu’ils ne reviendront pas, mais pourquoi il suit Aéon ? On pouvait rester chez nous le temps qu’elle te trouve et revenir après, ronchonne la renarde.

 

Aéon m’a un peu parlé de ce qui est arrivé à l’ancienne meute des renards, comme l’abandon d’Abysse.

 

–Tu arriverais à vivre dans un endroit où tu as toujours vu ta famille, en sachant qu’ils ne sont plus là, toi ?

 

Elle me regarde surprise, puis baisse les oreilles et agite sa tête de côté.

 

–Ma maman me manque et je ne suis pas certaine que Vlase m’aime bien.

–Mais si, pourquoi tu dis ça ?

–Parce qu’il ne me fait jamais de câlin et maintenant, il me chasse.

–Il te chasse, parce que tu te caches tout le temps dans ses pattes et qu’il veut que tu arrêtes de craindre tout le monde.

–Mais, si j’arrête de le faire, il pensera que je suis assez grande pour partir à la recherche d’une autre meute, sanglote-t-elle.

 

Je connais vaguement les mœurs des lisiis et j’ai entendu dire que les jeunes quittaient leurs parents à un certain âge.

 

–Tu aurais dû le faire si ta famille était toujours là, alors pourquoi tu le refuses désormais ?

–Parce que Stea n’est plus avec moi. Je ne veux pas aller dans une meute que je ne connais pas toute seule.

–Tu préfèrerais rester avec nous ?

–Oui, répond-elle en hochant la tête.

–Je ne pense pas que Vlase te chasserait du clan. Tu sais, si tu pars dans une nouvelle meute, tu te feras de nouvelles amies et tu te trouveras un amoureux, lui dis-je en lui donnant un léger coup d’épaule pour la taquiner.

–Je ne veux pas d’amoureux, grommèle-t-elle.

–Rien ne t’oblige à partir et si nous croisons d’autres lisii, tu seras la seule à décider de partir ou rester.

–Vlase va me l’imposer.

–Je suis presque sûr qu’il ne le ferait pas et s’il le fait, je le chasse moi du clan pour que tu restes, lui dis-je en plaisantant.

–Je ne veux pas qu’il parte non plus. Je boude parce que j'aimerais qu’il s’occupe de moi, mais je vous aime bien tous, me dit-elle en s’aplatissant sur l’herbe.

–Pourquoi tu ne le dis pas à Vlase ?

–Je n’ose pas…

–Tu sais quoi ? Je lui en parlerais moi, la rassurais-je.

 

Elle renifle tout en se rassemblant sur elle-même. Je me redresse pour venir me coller contre elle en posant ma tête à côté de la sienne, tout en la blottissant contre moi. Je veux juste lui apporter un peu de réconfort. Je pense qu’elle souffre juste d’un manque affectif que sa mère ne peut plus lui apporter. Je regarde brièvement vers les renards. Vlase veille sur eux, mais il n’a pas tant de complicité que cela, que ce soit avec son fils, sa nièce ou même Aéon et Abysse. En fin de compte, seule Abysse est bienveillante avec tout le monde. Elle vient chercher le contact et jouer sans même se demander si cela va déranger les autres ou non. Et, c'est exactement ce qu’elle vient de faire avec nous car la bleue se colle à nous sans un mot. Ça aussi, je l’ai remarqué, mais elle n’aime pas nous voir déprimer.

Je me tourne vers le groupe, le renard me fixe… Il pourrait me tuer avec ce regard. Mais, il revient à la conversation qu’ils ont avec Anton que je peux bien évidemment entendre. En toute logique, si Vlase a tendu l’oreille, il a dû lui aussi percevoir les inquiétudes de Sansa.

 

–Et donc, vous traversez des pays pour chercher les autres individus de votre espèce ? Demande Anton.

–C’est ça. Et, nous, nous la suivons bien gentiment, même si elle n’est pas toujours facile à vivre, ricane Vlase. 

 

Je pensais que cette histoire d’alpha ne l’intéressait pas. À moins que son interprétation de l’esprit de ruche l’ait rassurée et qu’elle pense plutôt tenir le rôle de gardien ? J’ai parfois du mal à la suivre. Nous avons fait une pause de quelques jours le temps de manger assez sur la carcasse avant de la laisser aux charognards. Anton nous explique qu’il vit depuis des années dans cette réserve naturelle et qu’il n’y a plus vu d’autre balaur depuis près de cent ans.

Il nous parle de Zlydzens, des créatures ressemblant à la fois à des chiens et à des chats, qui avaient trouvé refuge dans la réserve, chassés des villages où ils adoraient ennuyer les humains en cassant leurs affaires ou en les volant. Anton les trouvait amusants, parce qu’ils avaient la manie de dérober chapeaux et bottes aux touristes. Mais, il y a de cela deux ans, le groupe a contracté une maladie qui a rendu folle les créatures et les a faites s’entretuer. Il n’y en a donc plus depuis lors dans la réserve.

Aéon et Vlase s’échangent un regard que je ne peux comprendre. Les plus jeunes sont soudainement silencieux, ils observent les adultes, qui eux les ignorent. Je fronce les sourcils. Je sais qu’ils ont perdu les leurs, mais j’ignore comment cela est arrivé. En revanche, je me demande si cela n’aurait pas un rapport avec cette maladie et en y pensant, plusieurs cryptides parmi les feux follets avaient des souvenirs de ce genre d’attaques. Kotcheï m'avait dit de ne pas m’en faire, que cette maladie ne me tuerait pas.

Vu l’expression qu’ils ont affichée à ce moment-là, je préfère imiter Anton et ne rien leur demander et en soi, ce n’est pas que je m’en fous, mais des morts, nous en avons tous connus. J’ai bien vu les miens se faire massacrer. Ce n’est pas que je ne comprends pas leur peine, toutefois il faut se secouer à un moment. Faire ces têtes de chiens battus en pensant à ceux qui ne sont plus là, ne changera rien. Il faut les oublier et continuer.

Nous reprenons notre voyage. Aéon a proposé à Anton de nous accompagner, mais ce dernier a refusé. Nous avons marché plusieurs jours en suivant la direction que nous indique Aéon. J’ignore où nous allons, en tout cas, comme la météo est bonne et que nous ne souffrons plus de la chaleur, nous avançons de jour comme de nuit. Nous nous arrêtons une seule fois pour attraper une grosse proie, manger toute une journée avant de reprendre la route.

Je n’ai pas échappé aux leçons de chasse de Vlase. Si j’avais beaucoup de mal à suivre au début, je dois avouer être surpris de gagner aussi vite en endurance et m’adapter à ce mode de vie. Vlase a effectivement entendu ma discussion avec Sansa. Depuis, le renard prend garde à sa façon d’agir avec elle. Je le sens moins sur les nerfs vis-à-vis de moi également.

Je considérais au départ que nous devrions peut-être retrouver nos espèces distinctes. Pas que je n’aime pas les lisiis ou même Abysse, en revanche, je pensais cela étrange que nous devions autant plier nos mœurs pour nous adapter les uns aux autres. Puis finalement, à force de les côtoyer, de les écouter et d’apprendre à les connaître, cette pensée m'a finalement quitté.

S’adapter, c’est ce que j’ai dû faire en quittant le monde de Kotcheï. Je voulais retrouver un mode de vie qui me serait naturel. Mais, qu'en sais-je à la fin ? J’ai juste connu l’état d’urgence quand Aérin m’a baladé d’un endroit à l’autre avant de me laisser à Kotcheï. Puis j’ai été éduqué par l’entité et sans doute ai-je un peu hérité de sa malice. Il n’était pas mauvais avec moi, mais quand il me parlait des souvenirs ou qu’il me les montrait, il pouvait se montrer belliqueux envers les autres créatures, que ce soit mes congénères ou non.

Nous approchons de l’automne. Je n’étais pas au courant des changements de saison et j’avoue en avoir une certaine curiosité quant à ces paysages colorés et blancs dont m'a parlé la meute.

J’ignore le nombre de kilomètres que nous parcourons, mais le décor change en très peu de temps, parfois en une seule journée. Nous avons droit à des forêts, des prairies, des vallées, des champs humains. Les villages que nous apercevons occasionnellement au loin, me donnent des frissons et comme un goût amer en bouche.

Nous avons considérablement ralenti l’allure en arrivant dans cette réserve naturelle appelée Monts Maramures. Nous avons trouvé une tanière dans les combles d’une ancienne structure humaine où une source s’écoule des murs. La chaîne de montagnes qui nous entoure est vaste, certains arbres sont gigantesques. D’après Aéon, nous ne sommes plus très loin du divalis… Il vit dans les arbres ou quoi ?

J’ai tenté de me rapprocher d’elle durant notre voyage. Ce n’est pas passé inaperçu aux yeux de Vlase et si celui-ci s'est montré aussi agaçant que quand il m’apprend à survivre. C’est parce qu’il m’estimait incapable de prendre soin d’elle. Ce qui ne m’avait bien sûr pas fait plaisir au départ… Puis, il est revenu vers moi en me montrant comment les mâles de son espèce courtisent leurs femelles, sans savoir si cela pouvait fonctionner avec Aéon. Eh ben, non. Elle continue de m’ignorer.

Pourtant, je suis un choix évident. Je suis de l’ancienne génération, le plus vieux qu’elle pourrait rencontrer. Je serai plus à même d’encadrer l’esprit de ruche. Enfin… Il me suffira de faire comprendre aux autres mâles qui pourraient nous rejoindre qu’elle est à moi. Elle m’acceptera plus facilement quand ses instincts la travailleront, d'ici à là, je n'ai qu'à attendre la prochaine éclipse de lune.

Quoi qu'il en soit, la nuit est tombée depuis un petit moment et je sens Aéon franchement nerveuse. Elle marche dans l’eau du ruisseau pour rejoindre la rivière dans laquelle il se jette un peu plus bas. Je grimace, hésitant à la suivre. Vlase vient alors à mes côtés en me souriant, moqueur. Puis, il me fait un mouvement de tête, pour m’inciter à la rejoindre. Je le regarde retourner vers les filles puis se vautrer sur Sansa et Abysse… Je pense qu’ils ont discuté, parce qu’il joue avec eux à présent.

Je prends mon courage à deux pattes, même si je sens que je vais encore me faire rejeter et retrouve Aéon plus loin dans le sentier. Elle a une drôle de démarche et semble ne pas savoir ce qu’elle fait. Elle tourne la tête à mon approche, m’attendant avant de se remettre en mouvement.

 

–Que fais-tu ? Lui demandé-je.

–J’ai mal au dos dès que je me couche, me répond-elle.

–Tu es tombée ?

–Non, ma croissance a enfin décidé de reprendre. Je craignais de devenir la naine des alphas, dit-elle en riant.

–Il te reste encore quatre ans avant que ta croissance ne s'arrête, plaisanté-je.

–J’ai à peine pris dix centimètres en deux ans ! Grommelle-t-elle.

–Ne dit-on pas que ce qui est petit est mignon ?

 

Elle me regarde, pas certaine de trouver cela amusant et s’arrête dans le ruisseau qui s’écoule entre les racines et les roches. Aéon boit et mon regard se perd sur son dos. 

 

Une drôle de sensation me parcourt soudain l’échine et sans que j'y prête attention, vient à glisser mon museau sur sa colonne en la mordillant, trouvant l’idée bonne sur l’instant. Elle s’est retournée si vite, qu’elle m’a arrosé par la même occasion. Je secoue ma tête pour éjecter l’eau et la fixe tout en me retenant de rire. C’est quoi ce regard ? 

Elle m’ignore et continue son chemin. J’agite frénétiquement ma queue de nervosité et un peu agacé qu’elle continue à m’éviter.

Je la suis. Est-ce que je l'incite à réagir ? Cette fois, c’est volontairement que je furète dans son pelage. Elle s’écrase et s’écarte comme la fois d’avant. Elle rebrousse alors chemin en accélérant le pas. Cette fois, je ne mesure plus mes gestes et me lance sur elle, pour la bloquer. 

Je vais trop loin. Mais, impossible d’arrêter. J’arrive de moins en moins à réfléchir à mon comportement. Je m’en aperçois, mais impossible de desserrer ma prise. Cette fois-ci, elle se braque et ses mâchoires viennent à claquer juste à côté de ma tête, alors qu’elle me gronde dessus. Je la libère en reculant. Je le sais que je dois arrêter, comprendre le message. 

Une colère irréfléchie me fait bondir sur elle comme une bête furieuse et planter mes crocs dans sa nuque tout en cherchant à la plaquer au sol. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle soit aussi rapide à répliquer. Elle vient de faire un mouvement bizarre en s’élançant en l’air. Elle frappe ma rotule de ses pattes arrières, ce qui me fait tomber sur le côté. Je l’ai lâchée…

Aéon est prête à répliquer puis recule, comprenant que je cède à la folie. J’ouvre la gueule dans un mouvement saccadé, prenant une longue inspiration avant de lui envoyer une gerbe de flamme dans sa direction.

Elle y échappe en se laissant tomber lourdement au sol, bien que je lui ai roussi le poil. Je ne lui en ai pas encore parlé. Elle ignore que je peux le faire. L’alpha à l’esprit de ruche, alors en quoi cracher le feu serait plus étrange ? Son hésitation à réagir me donne l’occasion de la bloquer une seconde fois. Elle tente de me repousser, en appuyant ses quatre pattes sur mon poitrail. Je lui saisis un membre postérieur qui se brise entre mes crocs et tire dessus pour qu’elle me lâche, puisque ses griffes percent mon cuir. 

Le liquide qui me permet de cracher ses flammes s’écoule depuis ma gueule sur sa peau et lui ronge agressivement la chair. J’ai beau l’entendre couiner et me demander de la lâcher, je n’y parviens pas et garde ma prise.

Elle se contorsionne pour venir me mordre l’oreille en arrachant un bout, alors qu’elle se débat. Mes pupilles viennent de remonter vers les siennes, je la libère en reculant, m'apercevant trop tard de mon erreur. Ses iris, autrefois vertes, sont devenues rouges. Son pelage vient de laisser place à un corps écailleux et malade. Du sang s’écoule le long de sa colonne ou une multitude d’épines dorsales viennent de se former, comme cette petite paire de cornes raides qu’elle porte à présent sur le haut de la tête. Ainsi, elle me ressemble davantage. Les épines qui me traversent la peau du dos, sont sorties sans même que je ne le sente. Dans notre lutte, nous nous rapprochons dangereusement du rebord de la rivière.

Pas de retour possible. Voilà pourquoi les humains nous craignent tant. Nous n’y pouvons rien, cela fait partie de nous, une tare génétique. Une réponse disproportionnée à nos émotions les plus vives. La colère ou la peur peuvent nous rendre fous. Une fois que nous chutons, il est rare que la réception se fasse sans dégât. Ainsi, nous finissions par conséquent à l’eau, emportés par le courant…

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