Divalis : l'éveil

Chapitre 2 : Renaître.

4028 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 06/02/2022 11:32

Il fait bon et même plutôt chaud, mais il n’y a pas de quoi s'affoler. Nous sommes arrivées dans une zone marécageuse et comme toute chose en Russie, elle aussi est démesurée. Je sais que ce n’est pas une brillante idée de passer par là, mais le marais n’est pas du genre très fréquenté. Si on ne prend pas en compte l’odeur nauséabonde de la vase quand on s’enfonce dedans, le paysage est franchement idyllique.

 

J'ai un peu de mal à avancer par moment, mais pour Abysse cela relève presque de l'impossible. Le sol est trompeur, l’herbe donne l’impression que c’est stable, mais une fois la patte posée dessus, je m’enfonce bientôt jusqu’au ventre. Abysse, malgré son faible poids, disparaît de plus en plus dans la vase… Ses cris de détresse sont en train de s'éteindre derrière moi… Elle finira par mourir en restant avec moi de toute façon… Je ne l’entends à présent plus du tout. Je ferme les yeux et soupire… Puis fait volteface, je me retourne pour l’y en extirper. Génial, je vais avoir ce goût vaseux en bouche en prime ! Les pattes glissantes, me voici à plat ventre dans la boue nauséabonde avec la petite toujours coincée entre mes canines. Essoufflée, je me contorsionne pour la poser sur mon dos, afin de reprendre ma marche sans avoir à la surveiller, elle.

 

La chaleur devient suffocante, mais avec toute l’eau qui nous entourent, il n’y a pas de quoi s’en faire… Pourtant, plus mes yeux parcourent le marécage, plus mes sens me disent de ne surtout pas approcher du bord. C'est étonnant de ne pas y voir d'animaux plus gros. Les orignaux avec leurs longues pattes se déplacent sans problèmes dans ce genre d’endroit, mais rien à l’horizon et ce sentiment qui m’oppresse ne me quitte pas !

 

-Là !

 

Le cri de la coïste me fait friser la crise cardiaque, mais également glisser de tout mon long dans la vase… Génial.

 

-Quoi ?

-Là ! Dit-elle en pointant l’eau.

-Qu'as-tu vu ?

-Là, les dents !

 

Mon regard balaie la surface… Il y a effectivement un mouvement dans l’eau. Il n’y a pas de crocodile ou d’alligator dans ce pays, j'ai beau me repasser le glossaire de la faune locale, je ne vois rien d’assez gros pouvant vivre sous l’eau, pour créer de telles vagues. 

 

Quoi qu’il en soit, maintenant qu’il se sait repéré, il va forcément passer à l’attaque. Que ce soit pour défendre son territoire ou parce qu’il a tout simplement faim. L’ironie, c'est qu’il y a un peu, je me serais laissé dévorer sans sourciller. Qu'est-ce qui a changé aujourd'hui ? Je tourne les yeux vers la petite…

Je fais demi-tour, tout en récupérant Abysse en gueule, mais pas facile de se dépêtrer dans ce bourbier sans risquer de se retrouver en mauvaise posture. Je dois faire avec, le maître de ces eaux vient de se jeter sur le rivage en soulevant une gerbe d’eau dans son sillage. Ces intentions sont claires, nous sommes le repas !

 

L’eau trouble et ma panique, ne me permettent pas de me faire une idée sur ce qui se cache entre ces eaux, Alors je détale à toute vitesse en me débattant comme je le peux, alors que la terre gorgée d’eau m’aspire dans son piège mortel. Heureusement, mon poids plume me permet de ne pas totalement m’enfoncer, mais la bête ne nous a pas lâchées. Dans la panique, je tente de sauter par-dessus la fosse pour rejoindre l’autre berge. Très mauvaise idée de ma part : En prenant de la vitesse, j’ai glissé et me voici sous l’eau ! Je remonte aussi vite que possible à la surface et dans un mouvement zélé, je balance Abysse sur la berge, mais pour moi… Il est l’heure d’être embrassée par cette mâchoire pleine de dents qui, dans un souci de pudeur, préfère m'entraîner dans les profondeurs.

 

Une espèce de reptile tout droit sorti d’un jeu vidéo, m’a happée la patte qu’il tient fermement. La douleur qui me parcourt, m’en fait presque perdre conscience. Il l’a très certainement cassée. La froideur du liquide ranime mon mal et me maintient éveillée, peut-être pas pour le meilleur. Il se contente de me retenir sous la surface, il va gentiment attendre que mes poumons se gorgent d’eau. J’ai bien tenté de le mordre, mais je perce à peine sa peau épaisse. Lutter ne sert à rien, je ne fais pas le poids…

 

Mon regard se perd dans les profondeurs… Ces minutes vont être longues avant que mon corps ne me réclame de l'oxygène. Est-ce qu'elle a fui ? Elle serait idiote de rester là, à attendre. Quelle ironie du sort. Moi qui pensais pouvoir repartir sur de bonnes bases, le destin me rattrape finalement. Pourquoi me lamenterais-je ? j’attends ce moment depuis ce jour…

 

Mon corps s’alourdit et ma vue se trouble ! C’est étrange… Je me sens sereine, mais il y a quelque chose au fond de moi qui lutte, qui se tord et se déchaîne. « Bon sang, réveille-toi ! » J’en rirais bien. Ce reptile ne fait que se nourrir, ce n'est pas un méchant, ce n'est qu'un prédateur… J’atteins ma limite, mes poumons veulent de l’air… Je vais ouvrir la gueule, l’eau va s’infiltrer et ce sera terminé. Aurais-je la chance de les voir là-haut ? Certainement pas… Si paradis et enfer existent… Ce n’est pas le paradis qui m’accueillera.

 

Alors que je plonge dans l'obscurité, une sensation soudaine envahies mon corps, me faisant revenir à moi ! La créature m'a relâché et semble souffrir… Je ne prends pas la peine de chercher à comprendre, mon corps manque d’oxygène ! Un vigoureux coup de queue et me voilà propulsée à la surface ! Ma tête hors de l'eau, je recrache celle que j’ai avalée et retrouve la berge. Mon corps en est encore secoué, mes os… C'est comme s’ils allaient exploser ! 

 

Abysse se jette dans mes pattes, pauvre sotte, tu n’as pas fui ! Mais, ce cri aigu et perçant que j’ai entendu et qui a neutralisé la créature, je suis certaine que c’était elle.

 

Elle s’écrase et couine comme si elle venait de faire une bêtise. Elle ne se rend pas compte qu’elle vient de me sauver la vie. J’ai mal, mais je n’ai pas envie de vérifier si le prédateur est toujours en difficulté. Je serre les dents, happant la coïste au passage et fuis sur trois pattes, jusqu’à enfin retrouver une zone plus sèche.

 

La nuit nous couvre de son voile noir depuis quelques heures déjà, le marais laisse peu à peu la place à de la végétation qui ne s’évase pas sous mes pas. Quelle joie de se glisser parmi les arbres.

 

J'ai honte… Mon odeur bat à plate couture celle des putois. Je ne me supporte pas moi-même ! Abysse sautille devant moi tout en se secouant et manque de tomber de ce fait. La tout de suite, nous aimerions trouver de quoi nous rincer, car notre odeur est infecte ! Il faut croire que la forêt elle-même en a marre de notre senteur, puisqu'un point d’eau, pile ce qu’il nous faut, vient à apparaître juste devant nous. Ni une, ni deux, Abysse n’est déjà plus sur terre… Visiblement pas traumatisée par ce que nous venons de vivre. Il ne devrait pas y avoir de prédateur embusqué dans une aussi petite marre, mais je dois avouer avoir hésité à me glisser dans le liquide, même si la coïste s’y roule allègrement, m'éclaboussant au passage. 

 

La vase se dissipe, mais l'odeur reste malgré tout ancrée. Mon pelage terne et ses écailles bleues gardent une couleur noirâtre. Faire des allers-retours dans l’eau et m’ébrouer comme si un séisme en faisait trembler la terre n’a pas franchement servi à grand-chose. Je m’allonge entre les racines d’un chêne et ausculte mon postérieur qui est toujours douloureux... L’os n’a pas l’air dévié. Enfin… Ce n’est pas la première fois que je me blesse de la sorte. Ça fait mal au début et puis, je m’y fais. Est-ce que je tente de nettoyer la plaie ? Bah, je ne l’ai jamais fait et tout ce que j’en récolte, ce sont des cicatrices que ma fourrure finit par cacher de toute manière.

Abysse, elle s'est déjà glissée entre mes pattes et collée contre mon ventre. Je ne suis toujours pas sereine quand elle le fait. Cette crainte au fond de moi persiste. Je reste une menace, une bombe à retardement…

 

Nous avons continué notre périple, sans franchement ralentir la cadence que j’ai adoptée avec Abysse, mon appui manquant ne me gênant pas spécialement. Nous nous sommes enfoncés continuellement plus profondément dans la forêt boréale. Le couvert des arbres nous protège des dernières chaleurs de l’année et il est agréable de s’allonger au soleil quand nous nous arrêtons sur une petite plaine. Nos pas nous ont menées tout droit sur une montagne escarpée. Les arbres sont larges, cette forêt est ancienne, il s’en dégage une atmosphère étrangement apaisante et stressante paradoxalement. Du moins pour moi, Abysse, n’en a cure. Elle escalade les parois rocailleuses d’où s’échappent les plus grosses racines de chênes.

 

Mon regard se porte sur elle, puis sur la pénombre environnante qui semble nous écraser. Je vérifie derrière moi la plaine que je ne peux désormais plus distinguer, ensuite soupire en secouant ma tête, emboitant le pas à la bleue, bondissante. Vraiment contrariante cette forêt, je m’y sens à la fois chez moi et pas franchement à l’aise. Les racines ressortent fortement du sol, heureusement que nous sommes petites et que nous nous faufilons partout, tels des chats. Les oiseaux agrémentent nos pas de leurs chants mélodieux, même si certains crient aussi pour indiquer notre intrusion et leurs craintes pour les oisillons qu’ils protègent.

 

Je commence à avoir soif et Abysse vient de me faire remarquer qu’elle aussi a envie de se désaltérer. Je regarde autour de nous. Elle arrive à sentir l’eau. Mais j’ai beau humer l’air, je ne sais pas discerner son odeur parmi celle du bois, des feuilles, de la terre et sans doute celle des animaux que je n’identifie toujours pas. Alors, je la suis et comme à chaque fois, elle finit par trouver ce qu’elle cherche.

 

C’est une rivière peu profonde qui ondule entre les arbres. L’eau fraîche qui tombe dans nos estomacs fait tellement de bien ! Il ne faut pas longtemps pour que la coïste se jette dedans et cherche à attraper les poissons qui se cachent sous les pierres. Je la regarde faire, souriant de la voir s’amuser d’un rien… Dire que le passage du marais ne remonte qu’à quelques jours.

 

Ma crainte de lui faire involontairement du mal reste là, mais je ne peux nier que sa présence rend mes journées plus douce. Je ferai tout pour la protéger.

 

Et ce n’est pas mince de le dire ! Je viens de relever la tête, alertée par un mouvement dans une saillie de l’autre côté de la rivière. Je me crispe et gronde alors pour faire réagir Abysse qui s’empresse de revenir près de moi !

 

Un canidé aussi grand qu’une biche se tient là devant moi, posture droite, les oreilles dressées, le poitrail en avant et un large sourire qui m’en donne des frissons à l’échine. Il descend en me fixant dans les yeux… Je viens de dire que je devais protéger Abysse, mais… Il fait deux fois ma taille. Je me place au-dessus d’elle dans un réflexe presque naturel et le menace de mes crocs en feulant…

 

Il a une tête qui rappelle celle des chacals, de longues oreilles pointues et effilées. De longues pattes comme ses cousins à crinières, un corps bâti pour la vitesse comme les lévriers et une longue queue rappelant celle des lions. Son pelage est court et de couleur bleu-gris pour la partie supérieure. En dessous, ses poils sont blancs. Une ligne noire dessine une flèche sur sa tête jusqu'à ses oreilles. Il a une longue mâchoire et un sourire digne d’un démon, sans parler de la couleur rouge de ces yeux et qui n’arrange en rien, ce côté effrayant qu’il dégage. 

 

Il vient de traverser la rivière. Je baisse la tête, j’ai beau espérer me faire impressionnante, dès qu’il a franchi l’eau, j’ai directement plaqué ma queue sous mon ventre. Il nous tourne autour, nous observant silencieux. Vous l’aurez compris à sa description, il s’agit d’une autre espèce de cryptide. On les appelle Lisista Taynii ou renard furtif et il a tout de suite remarqué que je suis blessée.

 

–Tu oses me montrer les crocs alors que tu es sur mon territoire ? Lance le renard.

–Et comment je fais pour le deviner ? Rétorqué-je.

–Tu n’as pas d’odorat, chérie ? Réplique le renard.

 

Non, pas vraiment… Il s’est figé, il regarde Abysse. Je la rassemble sous mes pattes, m’écrasant par-dessus elle, tout en essayant de gérer mon équilibre sur trois membres.

 

–Je pensais que c’était ton petit, qu’est-ce que tu fous avec une coïste ?

–Qu’est-ce que cela peut te faire ? On ne fait que passer…

 

Je ne suis pas certaine qu’il va me laisser passer… Bien que les cryptides en général évitent de se battre entre eux. Je recule une nouvelle fois, puis mon cœur s’arrête le temps d’un instant. La bleue vient tout bonnement de rejoindre le canidé pour se percher sur sa patte et se présenter à lui. Il la regarde avec ce sourire qui ne me permet pas de savoir si c’est bon ou mauvais signe.

 

–Tu n’es pas très prudente, tu sais que je pourrais te manger ?

–Tes yeux sont gentils ! Tu veux que je t’attrape un poisson ?

 

Il pouffe… J’appelle Abysse à revenir vers moi en me glissant doucement vers elle. J’essaie de m’éloigner de ce fait du canidé. Il me regarde faire, mais je n’aime pas sa décontraction. D’accord, je ne suis pas effrayante du tout, mais je peux quand même mordre et griffer !

 

–D’où tu viens comme ça ?

–Je voyage depuis la Finlande 

–Je n’avais jamais vu une bestiole comme toi.

– Je ne sais pas ce que je suis.

 

Le renard penche la tête, perplexe quant à ce que je viens de lui dire.

 

–Comment peux-tu ne pas savoir ce que tu es ! Les tiens ne te l’on pas dit ?

–Non…

–Tu ne sais pas ce que tu es, tu ne sais pas respecter un territoire, tu te balades avec une patte inutile, tu dois avoir un sacré instinct de survie !

 

Je souris sarcastique à sa réplique… Pourquoi est-ce qu’il ne m’attaque pas ?

 

–Je ne savais pas que j’étais chez toi, je vais vite partir…

–Si je te laisse faire.

–Je suis petite, mais ne pense pas que je vais te laisser me tuer facilement, grondé-je

 

Il sourit en dévoilant ses crocs… Un frisson me traverse de part en part ! Le menacer, n’est peut-être pas la meilleure de mes idées. Il décrit des cercles autour de moi. Je dévoile aussi mes crocs, ce qui lui ne fait ni chaud, ni froid. Il s’immobilise d’un coup, regardant autour de nous.

 

–Elle est où, la bleue ?

 

Je me retourne et la cherche des yeux, sans même penser qu’il pourrait dire cela pour détourner mon attention et me sauter dessus. Mais en effet, Abysse n’est plus là ! Je crie (après), Je l’appelle mais pas de réponse. Où est-elle partie ? Je veux aller la retrouver mais je m'arrête en regardant le renard… Son regard est ailleurs, il est pensif … Soudain il me regarde à nouveau.

 

–J’en oublie mes fils… Soupire-t-il.

–Je vais la chercher et nous partons, c’est promis.

–Je suis de bonne humeur, alors dépêche-toi de la trouver. Dès que j’ai mes fils, je m’occupe de vous si vous êtes toujours chez moi !

 

Je m’esquive tout aussi vite, préférant ne pas perdre de temps. J’essaie de sentir les effluves environnants, mais je n’arrive pas à distinguer le sien de celui des autres… J’ai peur de m’éloigner d’elle et si je ne prends pas le bon chemin. Et s'il la trouve avant moi ? Il m’a peut-être laissée partir intentionnellement. Il est peut-être en train de jouer avec nous… Je secoue la tête, paniquant davantage. Pourquoi es-tu partie ?

 

Je freine des quatre pattes, serrant les crocs face à la douleur, enfonçant mes griffes dans le sol en reconnaissant son cri d’alerte. Il l’a trouvée, l’enfoiré ! Je fais expressément volte-face, soulevant la poussière dans mon sillage et fonce tête baissée vers l’origine du cri, prête à sortir les griffes. J’entends d’autres aboiements, il ne l’a quand même pas offerte comme proie facile à ses petits ? Les cris me retournent l’estomac et une colère intense s’éveille en moi… Non, je ne dois pas la laisser monter. Mais c’est peut-être mon seul espoir face au renard… Laisser ma folie me dévorer, est-ce vraiment une bonne idée ?

 

Je me hâte, ils sont derrière ce talus, je saute sans même savoir où est le renard qui en fait un bond en arrière pour m’éviter… Sauf que ce n’est pas lui… C’est un lynx qui a pris Abysse en chasse ainsi que deux renardeaux. Certainement les fils de sourire d’enfer… Et ton flair à toi, on en parle ?

 

Je ne sais quelle mouche m'a piquée. Oui, le félin est aussi grand que moi, mais il reste tout aussi dangereux que tout autre prédateur. Pourtant, malgré mon handicap, je me suis jetée dessus sans réfléchir. D’abord surpris, il a fait un bond en l’air pour m’éviter… Ce que je ne fais pas en contrepartie. Il me retombe dessus, ses griffes se plantent dans ma chair, m’arrachant un râle à la fois de douleur et d’énervement. Je ne sais pas me battre, mais pour l’heure, je veux juste qu’il quitte mon dos ! Pour ce faire, je rue et lance mes postérieurs haut dans le vide, plaçant ma tête entre mes pattes avant. Son poids et la douleur réveillée de mon membre me compliquent la tâche et le bougre tient ses positions !

Je m’épuise plus qu’autre chose et ses crocs dans ma nuque commencent à me faire paniquer. Dans un ultime regain de vitalité et surtout grâce à l'adrénaline qui s’écoule dans mes veines. Je viens à m’élancer dans les airs et me laisse tomber sur le dos en espérant ainsi lui faire assez mal pour qu’il me lâche ! J’ai réussi, mais mon propre choc m’en a coupé le souffle.

 

Le lynx se relève plus vite que je ne le pensais, quant à moi, je suis toujours sonnée par ma propre action. Je le regarde tout en roulant sur mon dos pour me rétablir, sans le lâcher des yeux. Je pensais qu’il allait en profiter pour finir le travail, mais pour une raison obscure, il se tourne cette fois vers les petits. Abysse est perchée au-dessus des renardeaux, pourquoi est-ce qu’elle fait ça ? Et eux, pourquoi ils restent là comme si c’étaient normal qu’une créature différente d’eux prennent leur défense ?

 

Je serre les dents et force sur mes membres pour me relever le plus vite possible et me lance sur le lynx, qui heureusement semble hésiter à attaquer Abysse. J’ai le souffle coupé depuis ma chute et j’ai du mal à respirer. J’ai le tournis à cause du sang que j’ai perdu ne m’aide pas à garder la tête froide. Je ne sais plus quoi faire et la seule option que je viens de trouver… est de me jeter sur les petits en les collant entre mes pattes, laissant le lynx m’assaillir…

 

Pourtant, je ne sens rien, pas de morsure, pas de griffures, en souffle sourd, un grondement sinistre et le bruit d’un corps qui tombe. Je me redresse abasourdie. Le lynx gît au sol… Mes yeux vont/ se posent sur le canidé, (Renard me permettrait de mieux suivre qui est de nouveau face à moi.

 

Je libère petits et les renardeaux qui s’empressent de rejoindre leur père. Le lynx m’a bien entaillé à l’épaule et au cou. Abysse et ces fils parlent, mais je n’arrive pas à me concentrer sur ce qu’ils disent. Je sais que le renard s'est approché, mais ma vue se trouble et je m’écroule, épuisée. Je suis toujours consciente, mais cette fois-ci, incapable de bouger le moindre muscle. J’ai envie de dormir, mais je lutte et tiens bon. Je ne peux pas céder maintenant ! Il y a quelque chose d’autre… Que ce soit pour le lynx ou même à présent. Je ne l’entends pas, je n’ai pas l’impression de perdre le contrôle. C’est étrange qu’il soit silencieux, c’est souvent dans ce genre de moment que cette voix me manifeste…

 

–Tu étais prête à laisser ce lynx te tuer pour des petits qui ne sont même pas les tiens ? Tu n’es franchement pas normale, chérie !

–Elle est tout ce que j’ai… Balbutiai-je.

 

Il regarde mes blessures, puis Abysse et ramène à nouveau son regard sur moi en soupirant.

 

–L’hiver est à nos portes et tu ne pourras pas chasser pour la nourrir. Tu peux rester ici, je t’aiderai jusqu’à ce que tu sois rétablie.

–Pourquoi tu ferais ça ?

–Tu as protégé mes fils, c’est la moindre des choses.

–Tu ne vas pas plutôt m’offrir à ta meute… Dis-je ironique.

–Chérie, même pour moi, tu n’es qu’un amuse-gueule.

 

Il me demande de le suivre, sauf que je reste sur place, non pas que j’hésite. Le noir m’entoure et puis plus rien… Je ne ressens plus la douleur. J’ai si froid…

 

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