Maud et le lutin maléfique (conte)

Chapitre 1 : Maud et le lutin maléfique (OS)

Chapitre final

3271 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 15/02/2022 19:07

Maud et le lutin maléfique


 

Il y a fort longtemps, dans une forêt magique et ancestrale, vivait une très gentille fée nommée Maud.

Maud était la gardienne de la forêt et vivait en harmonie avec la nature. Symboles de ses immenses pouvoirs, son œil droit était bleu comme l’eau du lac et le gauche marron comme le bois des arbres.

Les mercredi après-midi, Maud accueillait les enfants des villages voisins pour jouer avec elle. Elle leur apprenait les arts, les lettres, la musique, le chant et les sciences de la vie. Pour la remercier de sa gentillesse, chaque enfant lui apportait un sous d’or. La gentille fée gardait précieusement ses pièces dans une grande marmite en cuivre. Elle économisait pour acheter à la foire des graines, qu’elle pourrait ensuite planter pour agrandir la forêt et remplacer les arbres coupés par les bucherons chaque hiver.


Une nuit, alors que Maud dormait du sommeil des justes, une ombre s’approcha furtivement de son précieux chaudron et déroba son contenu. Le lendemain matin, après avoir avalé son velouté de concombres au petit déjeuner, la fée s’en alla auprès de sa marmite. Elle découvrit avec stupeur qu’elle était désormais vide.

« Mais que s’est-il passé ? » S’écria Maud catastrophée.

En entendant ses lamentations, Marie, la belette qui vivait sous le sapin auprès duquel reposait le chaudron, sortit de son nid.

« J’ai vu le voleur, couina Marie. C’était Ivynek, le lutin maléfique !


- Comment ça ? Qui est-ce ? Demanda Maud, outrée.

- Il vit dans la partie la plus sombre de la forêt. Il est tellement méchant que personne n’ose l’approcher, hormis les insectes du bois maudit.

- Ça ne va pas se passer comme ça ! » Protesta Maud avant de s’en aller prendre conseil auprès du sage Benoit, le roi des poissons.

Maud se rapprocha de la berge du grand lac et appela de vive voix.


« Ô Benoit, grand roi des truites, des saumons et des morues, j’ai besoin de ton aide. »

L’onde bleue argentée du lac se plissa lorsque jaillit un énorme esturgeon coiffé d’une couronne de laurier dorée. L’empereur des poissons nagea jusqu’à Maud.

« Que me veux-tu petite fée de la forêt ?

- Majesté, c’est terrible ! Un lutin maléfique a volé mon or ! Si je ne le récupère pas, je ne pourrais pas planter de nouveaux arbres cette année. La forêt est en grand en péril !


- C’est regrettable mais je ne peux t’aider. Le lutin et moi sommes en paix depuis 250 ans. Je ne veux plus de nouvelle guerre entre les poissons et les insectes. »

Maud eut beau protester, le roi poisson ne céda point.

« Si tu veux récupérer ton or petite fée, tu devras te rendre toi-même au royaume des insectes. Mais prends garde : c’est un territoire hostile et dangereux. Tu ferais mieux de renoncer.

- Jamais ! » Cria Maud.

Malgré le refus du roi des poissons, la vaillante fée des bois ne se découragea pas. Elle s’en alla aussitôt quérir de l’aide auprès de ses amis les animaux.

 


Maud s’arrêta d’abord au pied du vieux chêne.

« Nicolas ? Nicolas où es-tu ? »

Un écureuil au pelage roux vif, sortit de sa cachette au sommet du grand arbre.

« Bien le bonjour petite Maud, que t’arrive-t-il ce matin ? Tu as l’air contrariée.

- Je le suis : un vilain lutin a volé mon or et je ne pourrai pas acheter de nouvelles graines.

- Quoi ? Pas de nouveaux arbres ? Plus de noisette, ni de gland ? Plus de châtaigne, ni de marron ? S’effara l’écureuil. Mais que vais-je devenir ? Je vais mourir de faim !

- Tu dois m’aider à récupérer l’or de la forêt. Si tu le fais, je t’offrirais une tarte aux noix.

- Chouette ! »

Nicolas descendit de son arbre et bondit sur l’épaule de Maud.

« Allons punir ce méchant lutin ! » Brailla Nicolas avec détermination.


Maud et son nouvel allié poursuivirent leur chemin jusqu’à la tanière d’Opale la femelle lièvre.

« Opale, Opale ! Viens me voir jolie lapine, j’ai quelque chose à te demander. »

La hase sortit précipitamment de son terrier, elle était couverte de brindilles et de terre.

« Je refais la décoration de ma maison. Que se passe-t-il Maud ?

- Le lutin Ivynek a volé tout l’or que j’économisais. J’ai besoin d’aide pour le récupérer.

- L’or des graines ? Alors que tu avais promis d’acheter du lin et du pavot pour que je puisse me faire des rideaux ? C’est inadmissible ! Je vais lui apprendre moi, à ce fichu lutin, à voler l’or des honnêtes travailleuses ! »


Et la véloce Opale se joignit au groupe. Enfin, Maud s’en alla récupérer sa marmite vide. Elle en profita pour appeler Alice le hérisson.

« Alice, Alice. J’ai besoin d’un hérisson pour m’aider dans ma quête. »

Un petit hérisson, brun et gras, sortit timidement le bout de son museau hors du buisson.

« Tu vas récupérer l’or chez le lutin ? Toute la forêt ne parle plus que de cela. Mais qu’aurai-je en échange ?

- De la tarte aux noix, comme Nicolas.

- Aurai-je une double part ? Demanda la gourmande.

- Si notre entreprise réussit oui.

- Alors je viens. »


Ainsi, Maud la fée et ses amis les animaux se mirent en marche vers le cœur de la forêt, là où le soleil ne perce jamais.

Ils marchaient depuis plusieurs minutes lorsqu’un nuage de papillons de toutes les couleurs les enveloppa. Ils battirent de leurs ailes arc-en-ciel avant de s’éloigner de Maud et ses amis.

« Comme ils sont beaux ! S’extasia Maud.

- Ne t’y trompe pas petite fée, ce sont des espions à la solde d’Ivynek ! La mit en garde Opale. Il sait que nous arrivons. »


En effet, la hase disait vrai : plus loin sur la route, une horde de cloportes leur barra le passage.

« Reculez ! Reculez ! » Ordonnaient en chœur les insectes.

« Que faire ? Demanda Maud. Il y en a trop et je ne veux pas les écraser… »

Alice n’hésita pas autant que son amie la fée, elle trottina vers les cloportes et en avala quatre d’un coup.

« Humm… J’ai encore faim. » Dit Alice en savourant ses premiers insectes. Elle en goba trois de plus et encore trois. Le mur de cloporte commença à s’effriter.

« Fuyons ! Fuyons ! » S’écrièrent à l’unisson les cloportes qui prirent la poudre d’escampette avant de finir dans l’estomac du hérisson glouton.

Une fois la voie libérée, la petite troupe de Maud put continuer son périple.


Cette fois, ce fut un troupeau de scarabées qui arriva en face d’eux.

« Arrêtez ! Reculez ! Arrêtez ! Reculez ! » Chantonnaient les scarabées, alignés en rang comme une armée de mille et une pattes.

« Encore des insectes, constata Maud.

- Je suis repue… Précisa Alice avant qu’on lui demande quoi que ce soit.

- Il faut les disperser pour pouvoir passer, mais comment faire ? S’interrogea Maud.

- J’ai une idée ! » S’exclama Nicolas.


L’écureuil escalada avec une grande habileté le tronc d’un châtaigner qui bordait le chemin. Une fois dans les plus hautes cimes il se mit à bondir de branches en branches en secouant le feuillage. Une pluie de châtaignes aux piquants acérés s’abattit alors sur l’armée de scarabées. Les insectes, effrayés et désordonnés, s’enfuirent en criant.

« Retraite ! Retraite ! »

Fier de sa prouesse, Nicolas bondit de son arbre et remonta sur les épaules de Maud.

« Bravo Nicolas ! Continuons notre marche, nous touchons presque au but. »


Le feuillage des arbres se faisait de plus en plus dense, l’obscurité engloutissait peu à peu la forêt, Maud et ses compagnons inclus. Quelques lucioles faisaient le guet pour Ivynek et éclairaient faiblement le sentier.

La petite troupe arriva finalement à une fourche, la route se divisait en deux parties, aussi sinistres l’une que l’autre.

« Mince alors, quel chemin devons-nous prendre ? » Demanda Maud à ses amis.

Opale hocha la tête négativement : « Je ne sais pas. »

Nicolas l’imita : « Aucune idée. »

Alice ajouta : « J’ai faim. »

Maud soupira, c’est alors qu’une cinquième voix s’éleva en écho de la pénombre.

« Moi je sais. »


Les quatre compagnons levèrent les yeux vers un ciel inexistant. Ils scrutèrent les branches des arbres et remarquèrent un maigre hibou, perché en haut d’un hêtre planté entre les deux sentiers. Ses yeux jaunes brillaient dans le noir.

« Qui es-tu ? Demanda la fée. Est-ce toi qui viens de nous parler ? »

- Je suis Gaëtan le moyen duc, je sais quel chemin mène à l’antre du lutin… Si vous répondez à mon énigme, je vous le révèle.

- Merci monsieur le hibou, répondit Maud avec sincérité. Nous t’écoutons, quelle est ton énigme ? »


La tête du hibou opéra une rotation à 360 degrés.

« Qui vient en premier : l’œuf ou la poule ?

- C’est une question difficile… Souffla Opale.

- La poule ! C’est la poule ! Ce n’est pas l’œuf ! Hurla sans raison apparente Nicolas l’écureuil.

- C’est bon les œufs, surtout à la coque, précisa Alice en léchant ses babines de hérisson.

- En réalité ce n’est ni l’un ni l’autre… Répondit stoïquement Gaëtan, il détendit la patte vers la gauche. Le chemin que vous cherchez est celui-ci, vers le Nord.

- Pourquoi nous aides-tu monsieur hibou ? S’étonna Maud. Nous ne t’avons pas donné la bonne réponse.

- J’ai accepté de vous aider si vous répondiez à mon énigme, je n’ai jamais précisé que la réponse donnée devait être la bonne. Adieu. »


En deux battements d’ailes, Gaëtan le hibou quitta son arbre et s’envola à travers le feuillage. La fée put reprendre sa marche, toujours suivie de ses trois acolytes.

Alors qu’ils s’approchaient du royaume du lutin, les insectes se faisaient de plus en plus nombreux. Charançons, coléoptères, mantes et fourmis grouillaient au bord du chemin et sous la végétation. Le grincement de leurs maxilles, le bruissement de leurs antennes et les vibrations de leurs ailes généraient un brouhaha sonore et angoissant. Une odeur d’humus et de feuilles en décomposition flottait dans l’air. Les ténèbres régnaient en maîtresse dans ce royaume lugubre des rampants, pourtant Maud cru apercevoir des lueurs scintillantes au milieu du feuillage.


Lorsque les quatre aventuriers atteignirent enfin le centre de la tanière du lutin, ils purent identifier l’origine de ces lueurs. De belles lucioles virevoltaient dans les airs et leurs lumières se reflétaient dans les pièces d’or que quelqu’un avait percées puis accrochées aux branches avec des fils d’araignées.

« Mes pièces d’or ! » S’exclama Maud. Son cri résonna dans l’obscurité et se perdit dans les fonds invisibles du bois maudit. Les insectes s’agitèrent et une voix grincheuse s’éleva depuis l’un des recoins les plus sombres du bosquet.

« Qui ose pénétrer dans le repaire d’Ivynek le terrible ? »


Une silhouette minuscule surgie alors des ténèbres. Le lutin arrivait à peine aux genoux de Maud, il avait la peau verdâtre et une barbe brune hirsute bien fournie. Il portait devant son visage un masque effrayant fabriqué dans un bassin de chèvre.

« Je suis Maud la fée, gardienne de cette forêt, se présenta Maud d’une voix hautaine. Est-ce toi qui as dérobé mon or ?

- Ce n’est pas ton or, il appartient à toute la forêt et j’en ai plus besoin que toi.

- Tu as raison : cet or appartient à toute la forêt, c’est pour cela qu’il doit servir à acheter des graines et des semences qui remplaceront les arbres arrachés cet hiver. En agissant ainsi, tu nous condamnes tous, tes insectes y compris ! Le sermonna Maud.

- N’insiste pas, je ne te rendrai pas ces pièces.

- Ne t’en fais pas Maud ! Je m’en occupe ! » S’écria Nicolas.

 


Le courageux écureuil escalada à toute allure le tronc de l’arbre le plus proche et se dirigea vers l’une des branches d’où pendaient quelques pièces d’or.

« Arrêtez-le ! » Ordonna le lutin maléfique à ses sbires insectes. Des colonnes de fourmis se ruèrent vers l’arbre de l’écureuil. Cette fois, Opale et Alice réagirent.

« Manger ! » Gronda Alice avant de se ruer vers les insectes et d’en dévorer une vingtaine en trois secondes. La colonne se dispersa rapidement avant de servir de dessert.

 


Opale bondit au milieu des insectes et zigzagua comme une folle pour les obliger à se disperser. Elle s’arrêta dans un dérapage et souleva une couche de poussière et de feuilles mortes qui renversa plusieurs groupes d’insectes. Elle se mit ensuite à gratter le sol pour déloger le plus d’insectes possible.

De son côté Maud faisait face au lutin maléfique.

« Tu ne me fais pas peur lutin, mais ne m’oblige pas à utiliser la magie contre toi.

- Tu n’es qu’une petite idiote. Tu prétends être la gardienne de la forêt, pourtant lorsque le cerf disparaît, le corbeau apparaît et tu ne le vois même pas !

- Que signifie ce charabia ? »

 


Maud était intriguée, quand soudain une pièce de monnaie scintillante tomba entre la fée et le lutin. Nicolas avait réussi à la décrocher. Il entreprit alors de détacher les autres, le plus rapidement possible.

« Non ! Ne fais pas ça ! Imbécile d’écureuil, tu ne sais pas ce que tu fais ! »

La voix du lutin n’était pas simplement colérique, elle était aussi teintée d’inquiétude. Maud le remarqua mais ne comprenait toujours pas pourquoi.

Tandis que Nicolas décrochait sa quatrième pièce d’or, une ombre immense surgit du feuillage.

« Oh non ! Les revoilà ! » S’écria le lutin paniqué.

 


Bousculant Nicolas qui manqua de tomber de son arbre mais se rattrapa de justesse à la branche voisine, un grand corbeau se rua sur les lucioles et en goba trois en une béquée. Deux autres corvidés jaillirent à leur tour de l’ombre et plongèrent sur les papillons qui étaient jusqu’à présents restés en retrait. Ils les dévorèrent en déchirant leurs petites ailes sans la moindre pitié. Des corneilles et des choucas arrivèrent ensuite pour picorer les insectes au sol, tandis que Nicolas, imperturbable, continuait de décrocher les pièces d’or.

 


« Vois ! Vois le carnage que ton ami vient de provoquer ! Rugit Ivynek.

- Tu te servais de ces pièces pour éloigner les oiseaux ? Réalisa Maud. Il fallait me le demander, je t’aurais prêté quelques pièces.

- Tu mens gardienne, personne ne se soucie du sort des insectes.

- Moi je m’en préoccupe. » Répondit simplement Maud.

La fée ferma les yeux et écarta les bras. Elle rayonnait désormais d’une aura bleu-azur mystique. Une violente bourrasque se mit alors à souffler dans la tanière du lutin pourtant à l’abri du vent. Les arbres obéirent aux ordres silencieux de la fée de la forêt et écartèrent leurs branchages, ouvrant un passage vers les cieux. La lumière du soleil pénétra alors dans le sous-bois et éclaira le champ de bataille.


Le vent dirigé par Maud forma une petite tornade qui captura les affreux oiseaux un à un pour les propulser hors du bois par l’ouverture dans le feuillage. Dans un croassement de stupeur, les corbeaux furent expédiés loin des insectes sans défense.

Une fois le calme revenu, Maud et ses amis les animaux purent admirer la beauté du lieu. Éclairé par quelques rayons solaires, la clairière du lutin Ivynek était splendide, remplie de fougères, de champignons dodus et de plantes aux couleurs chatoyantes ocre et rouges. Les papillons rassurés purent s’élever librement au milieu des lucioles. Les cloportes rejoignirent paisiblement leurs souches d’arbres humides et les fourmis leurs fourmilières. Au loin, le bourdonnement d’une ruche résonnait comme un ronronnement familier et chaleureux.

 


« Tu… Tu m’as aidé à chasser ces infâmes oiseaux… Marmonna Ivynek penaud.

- Je te l’ai pourtant dit : je suis la gardienne de cette forêt. Si tu me rends l’or, je te promets que plus jamais tes amis les insectes n’auront à craindre les corbeaux.

- C’est d’accord. »

C’est ainsi que le lutin pas si maléfique que ça Ivynek rendit à Maud tout l’or récolté. Pour fêter cela, la gentille fée confectionna plusieurs tartes aux noix qu’elle partagea avec tous ses amis, anciens et nouveaux : Opale, Nicolas, Alice, Marie, mais aussi Ivynek et Benoit le poisson gourmet et gourmand.

 


Pour remercier le lutin de sa droiture, Maud lui confectionna, avec des fournitures achetées au marché, un épouvantail magique capable de bouger pour chasser les oiseaux trop audacieux. Elle accrocha même à ses oreilles de paille les dernières pièces d’or non dépensées. Loin des vilains corbeaux, à l’abri des nouveaux arbres plantés par la douce Maud, les insectes d’Ivynek pouvaient désormais vivre tranquillement, sans craindre qu’un gros animal ne les dévore…

« Dis Maud, j’aurai quand même toujours le droit de manger quelques insectes n’est-ce pas ? Demanda Alice, d’une petite voix préoccupée.

- Oui mais avec modération… Et puis tu as de la tarte aux noix.

- Ouais ! »

Et ils vécurent tous heureux, en harmonie (sauf les corbeaux qui moururent de faim).

 

Fin


Laisser un commentaire ?