Cœur sur Papier

Chapitre 9 : Dame Mara

777 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 12/06/2022 22:16

Dame Mara, déesse de l’amour et de la famille,

Venez à moi, Mara, car sans vous, j'oublierais les manières de nos pères, et, à la lueur de la dernière mode, mes paroles pourraient trembler comme les fins roseaux de la nouveauté dans la tempête des enthousiasmes.

C’est avec timidité que je dessine mes lettres et mes mots sur ce papier qui vous est destiné. Assise dans votre temple, je me sens tout de même un peu plus apaisée que j’ai pu l’être avant d’arriver ici. Quand j’ai posé le pied dans la ville de Faillaise, j’étais très anxieuse, principalement à cause des rumeurs qui courent au sujet de la guilde des voleurs. Mais à vos côtés, j’espère trouver la paix dans mon cœur, j’espère que vous me l’accorderez.

À présent grande Dame, il est temps que je me confesse car, voyez-vous, j’ai commis une faute. Elle me pèse sur le cœur à chaque instant que la vie m’accorde, j’y reviens sans cesse car j’ai conscience que ce que j’ai commis ne me quittera jamais.

Depuis ma tendre enfance, je ne rêvais que de partir à l’aventure, de fouler de mes bottes les plus vastes plaines de Bordeciel. Je ne cessais de m’entraîner, même très jeune, jusqu’à insister très longtemps pour apprendre la maîtrise de la dague. J’y pensais nuit et jour, prête à tout abandonner quand je serai en mesure de partir enfin.

Dame Mara, c’est ce que j’ai fait. Sans regrets, j’ai quitté la belle et grande ville d’Épervine qui m’a vue grandir de longues années durant. J’avais tout préparé, des ressources, des armes, le nécessaire de voyage. J’étais persuadée qu’avec mes connaissances en botanique, j’allais pourvoir concocter de puissantes potions qui allaient se vendre facilement et me permettraient ainsi de gagner ma vie très aisément. Mais voilà, Mère ne voulait pas que je parte. Nous tombions souvent en désaccord à ce sujet, jusqu’à ce que le ton monte un peu trop et que le débat prenne fin très brutalement. Elle n’a jamais accepté mon goût pour l’aventure, m’a toujours énormément protégée, mais je ne le voyais pas ainsi. Je considérais qu’elle me couvait beaucoup trop et me brûlait les ailes.

Malgré notre entente impossible quant à ma volonté de partir, nous avons toujours été proches. Nous ne vivions que toutes les deux, Mère ayant perdu mon père pendant qu’elle était enceinte de moi. Elle a toujours été d’une extrême bienveillance, d’une gentillesse sans pareille, nous nous aimions. Alors j’ai dû fermer les yeux sur sa tristesse et sur les larmes qui tâchaient son tablier lorsque j’ai quitté Épervine. Ma plus grande erreur fut de ne pas revenir la voir parfois, pour passer du temps avec elle. Nous échangions certes quelques lettres, mais… Elle s’est éteinte durant le mois de soufflegivre dernier, et je n’ai pas pu lui dire au revoir.

Si j’avais su… Je me dis toujours ceci, si seulement j’avais su, si seulement je pouvais changer le passé, revenir la voir, lui dire à quel point je tenais à elle, que c’est grâce à elle que je suis celle que je suis aujourd’hui… Mais rien ne peut changer le passé. Voilà pourquoi je vous prie ardemment et incessamment Dame Mara. Je n’ai plus le cœur à partir à l’aventure maintenant, mais j’ai d’autres projets qui emplissent ma besace. J’ai construit, avec l’aide de compagnons, un chalet au bord d’une route très calme. Je compte le décorer afin qu’il soit confortable et chaleureux, et accueillir dans les nombreuses chambres des personnes âgées isolées et esseulées qui auraient envie de compagnie.

Ce projet est très cher à mon cœur, et je désire plus que tout qu’il reçoive votre bénédiction. Je n’ai pas pu prendre soin de Mère, mais je serai là pour ces personnes. J’en fais le serment, je créerai un endroit où elles pourront être heureuses, en sécurité et entourées.

Je ne pense pas mériter votre pardon, Dame Mara, mais je ferai de mon mieux pour accomplir ce qu’on appelle, il me semble, ma rédemption.

         Laessidia


Laisser un commentaire ?