The Dark Love (& Matt le jukebox)

Chapitre 13 : Souvenirs éparpillés ooOoo L'Alpha et l'Oméga ooOoo

4247 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 24/06/2022 14:58

ooOoo L’Alpha et l’Oméga ooOoo

 

 

Je ne sais pas ce que Jessy lui a dit exactement, mais j’ai bien senti que Scotty marchait sur des œufs et que c’était de sa faute s’il m’esquivait régulièrement. Il était un peu trouillard sur les bords, même si je n’ai pas trop de leçon à donner en matière de courage. Pourtant, comme j’adorais ses chansons et que je lui faisais savoir, il ne pouvait pas résister à l’envie de venir me voir en cachette pour m’en parler. Artus m’appelle souvent son petit champion de poésie. C’est de la moquerie, et je le lui rends bien à mon gros chanteur d’opéra… Mais le vrai champion de poésie, c’est Scotty.

 

Comme on dit : toutes les bonnes choses ont une fin, et le paquebot du Nymphéa est arrivé à bon port. J’ai filé toutes nos dates de concerts à Scott, mon numéro de téléphone et les adresses de nos pieds à terre. J’espérais vraiment qu’il viendrait nous voir sur scène… Mais nan. Il n’est venu qu’une fois, pendant qu’on répétait un aprèm. Quand j’ai vu sa gueule de déterré, j’ai vite deviné qu’il s’était encore passé un truc avec Jane. Tant mieux. J’ai profité de l’occasion pour mettre les pieds dans le plat.

 

— Scotty, ça te dirait de venir avec nous ?

— Euh… Venir où ?

— Nous rejoindre. Entrer dans notre groupe, comme musicien et parolier.

— Quoi ? Moi ? s’étonna-t-il. C’est… Euh… Gentil, mais je n’ai pas ce qu’il faut pour monter sur scène.

— Tu joues du piano comme un dieu.

 

J’ai ignoré le double haussement de sourcils perplexe de Cyk et Artus, ils restaient de toute façon moins sceptiques que Scotty lui-même.

 

— M… Merci mais c’est faux, baragouina-t-il, gêné par mes flatteries. Je suis content que vous acceptiez de jouer mes chansons, mais je me sens mieux de ce côté de la scène.

 

Il a passé l’après-midi à nous écouter jouer nos musiques, et les siennes aussi. Malgré sa nature réservée, on a bien senti qu’il était ému quand il entendait ses couplets si touchants jaillir de la gorge d’Artus. Malheureusement, je ne l’ai pas recroisé avant notre concert au casino, quelques jours avant le concours de l’Alpha et l’Oméga.

 

On était en train de remballer le matos avec les gars, quand on est tombé sur les Train Twins en balade dans la rue. Coco a accouru encore plus vite que moi pour saluer les rouquines. Pendant qu’il occupait Jane avec ses bavardages, j’ai tenté une nouvelle fois de me rapprocher de Scott et Jessy, mais j’ai été perturbé par la toux d’Artus.

 

Déjà pendant le concert, j’avais l’impression qu’un truc n’allait pas avec sa voix, il a essayé de me le cacher, parce qu’il savait que j’allais criser si je me rendais compte de quelque chose. On s’est dépêché de rentrer à notre gite, j’avais peur qu’Artus prenne froid, il était déjà trop tard, évidemment…

 

— Artus, t’es sûr que ça va ? lui demandai-je.

— Ne t’inquiète pas. Je vais prendre une tisane et me coucher tôt ce soir, ça ira.

— Toi et tes manies d’vieux… ricana Cyk.

— Arrête, c’est pas drôle.

 

J’étais clairement pas d’humeur à écouter leurs chamailleries. Je l’ai rembarré assez brutalement, ça a jeté un froid dans la pièce.

 

J’ai soulevé le pull d’Artus sans lui demander son avis et j’ai mis ma main sur son sternum pour vérifier les vibrations de ses bronches et sa respiration. Il m’a demandé ce que je faisais, j’ai rien répondu, j’étais trop concentré sur sa respiration. C’était en train de s’encombrer, c’était sifflant sous mes doigts… Deux jours avant un concours putain, il ne manquait plus que ça ! J’étais déjà contrarié de ne pas avoir pu parler à Scott, il fallait en plus qu’Artus tombe malade.

 

— Tu ne répètes pas demain et t’arrête de parler, ordonnai-je en retirant ma main.

 

Il a soupiré.

 

— Bien chef…

 

On était entre nous, je ne faisais pas attention. Du coup, je crois que j’devais tirer la gueule au lieu de garder ma constance habituelle. Je les ai affolés. Artus s’est mis à me murmurer à l’oreille :

 

— Inutile de paniquer Matt…

— Je t’ai dit de ne plus parler, et remet ton écharpe aussi.

 

J’ai vérifié le col de son foulard. Il rougissait. À l’époque, il se sentait mal à l’aise quand je le tripotais devant témoin. Avec le temps, et la confiance en Cyk et Coco, il a fini par s’y habituer.

 

Plus personne ne causait, ils m’évitent tous quand je commence à me comporter comme ça. Je me retiens la plupart du temps, et de mieux en mieux, parfaitement maintenant, mais là j’avais trois problèmes à régler simultanément : protéger la voix d’Artus, car même un simple rhume à la con peut abimer des cordes vocales si on ne fait pas gaffe, trouver une solution pour le concours, et je pensais encore et toujours à Scotty. Je voulais qu’il nous rejoigne, officiellement et définitivement.

 

J’ai cogité une bonne partie de la nuit, allongé sur le canapé en jouant avec la baballe rouge et blanche de Ford, le clébard de Coco. Je ne voulais pas passer à côté de cette opportunité de malade, il fallait jouer la chanson de Scotty en public avant que Jessy ne l’entende en off. Ce n’était plus un concours de talent, c’était une course contre la montre…

 

Évidemment, je pouvais la chanter moi-même, c’était la solution la plus simple. J’avais pas la voix d’Artus, mais j’étais – je suis – quand même un bon chanteur, sauf que ça n’allait pas avoir le même effet, ce ne serait peut-être pas suffisant pour gagner. Il n’y a qu’à demander aux fans, ils seront tous d’accord avec moi : Artus qui chante « Déclaration d’Amour », c’est juste le truc le plus romantique de la terre. Enfin pas tout à fait… Pour moi, y avait un truc qui pouvait le surpasser, un seul et unique truc…

 

C’était un pari fou, j’aimais cette idée, elle m’excitait et me faisait flipper en même temps. Je ne suis pas une tête brûlée, je suis Matt le malin, Matt le stratège. Mais à vingt-deux piges, j’avais quand même des petites impulsions de jeunesse et des excès de confiance par moment. Ça, c’en était une.

 

Le lendemain matin, quand Artus est venu me voir avec ses grands yeux de chien battu parce qu’il n’avait plus du tout de voix, j’avais pris ma décision. Matt le manipulateur avait du pain sur la planche. J’ai dégainé mon portable et Artus a baragouiné :

 

— Qu’est-ce que tu fais ?

— Je t’ai dit de ne plus parler Artus bordel, tu vas abimer tes cordes vocales.

 

J’ai simplement envoyé un texto à Scotty, un truc bien vague du genre :

 

[Salut Scott ! Tu peux passer demain matin de bonne heure stp ? Désolé de te faire chier avec ça, mais c’est important et c’est urgent. Merci vieux !]

 

J’ai briefé mes gars sur ce que je comptais faire. Coco n’a pas vu le problème, Cyk un peu plus, mais déjà à l’époque il avait bien pigé que je pouvais faire faire n’importe quoi à n’importe qui ou presque. Il était ma première victime d’ailleurs. Je savais qu’Artus n’était pas d’accord. Il pensait toujours la même chose que ce qu’il m’avait dit sur le Nymphéa, mais moi, j’étais bien décidé à lui prouver que je restais le patron, et il a continué de se taire, pour protéger sa voix, en théorie. C’était plus probablement pour éviter qu’on s’engueule.

 

Mon héros s’est pointé le jour J après le petit dej’, comme j’lui avais demandé. Je voyais en lui mon sauveur, mon preux chevalier sur son blanc destrier. Avec le recul, la métaphore d’une grosse mouche qui tombait dans ma toile de veuve noire était probablement plus appropriée.

 

— Ah ! Scott ! On est sauvé ! m’écriai-je.

— Euh… Pourquoi ?

— Artus est malade, il n’a plus de voix du tout.

— Ah, oh… Je suis désolé pour vous, c’est terrible… nous dit-il.

 

Il est tellement gentil et candide Scotty… Il a regardé mon pauvre Artus, vouté sur le canapé, enroulé dans mon plaid, avec beaucoup de chagrin. J’ai pas laissé durer le suspense.

 

— Tu dois le remplacer.

— PARDON ?!?

 

Je ne pensais pas qu’il était capable de gueuler aussi fort. C’était drôle et plutôt bon signe pour la suite.

 

— Ça va être trop galère à trois, tu connais la chanson mieux que quiconque vu que c’est la tienne, et tu n’appartiens à aucun groupe, t’es le seul à pouvoir remplacer Artus.

— Mais… Mais non ! Non, non-non-non ! Bien sûr que non ! Je n’y arriverai jamais ! D’abord je ne suis pas chanteur, ensuite je ne suis jamais monté sur scène, et puis les filles vont me tuer !

 

Il était au bord de la panique, j’ai dû me montrer ferme.

 

— Arrête, tu sais chanter ! Je t’ai entendu ! Quant aux Train Twins, elles n’ont rien à dire. Tu ne fais pas partie de leur groupe, c’est toi-même qui me l’as dit !

 

J’avais haussé le ton, il m’a regardé avec de grands yeux ronds. Eh oui Scotty ! C’était moi le boss. Cyk l’avait pourtant prévenu que j’étais un type dictatorial. Lui et Artus ne se mêlaient pas à la conversation, ils me laissaient gérer, par contre Coco est venu m’épauler. Il n’est pas fourbe, contrairement à moi, mais il est très pragmatique. Quand une solution lui parait évidente, il la défend. Elle est là, la belle intelligence de mon Coco.

 

— Matt a raison. Quand on a un pokémon légendaire dans son équipe, on le sort, on ne le laisse pas sur le banc de touche.

 

J’ai entendu Cyk marmonner :

 

— Tu pouvais nous éviter ta réplique de geek…

 

Et Scott a continué de geindre, mais je sentais qu’il était sur le point de céder. De toute façon, il s’était jeté dans la gueule du loup en acceptant ce rendez-vous. Pardon : ce guet-apens. Il était à ma merci depuis le moment où il avait franchi le seuil de la porte du gite. J’ai d’abord joué ma carte dramatique, en essayant d’avoir un regard un peu larmoyant. C’était facile avec Artus à côté qui était vraiment en train de culpabiliser à mort pour sa laryngite.

 

— Sans Artus ou sans toi, on déclare forfait. C’est tout.

— Je… Je voudrais bien vous aider mais… Je n’y arriverai jamais.

 

Ensuite, je l’ai attrapé par les épaules, je lui ai fait le coup du faux espoir. Le plus dur pour moi ce n’était pas de jouer la comédie, au fond j’avais vraiment envie de passer ce concours, et j’avais besoin de lui et de sa chanson. Nan, le plus dur c’était de me contenter de lui toucher les épaules alors que j’avais une folle envie de l’embrasser.

 

— Si, tu vas y arriver. Tu restes avec nous aujourd’hui. On va répéter avec toi. Si par miracle Artus récupère sa voix, on pourra se passer de toi ce soir. Mais dans le cas contraire, tu es notre seul espoir.

 

J’ai vu, dans le dos de Scott, Corentin en train de faire son geste de la main pour dire aux potes que j’étais zinzin. Comment un gars aussi brillant que lui peut-il être aussi à l’ouest par moment ? C’était évident que je disais ça juste pour rassurer Scotty, il n’y avait qu’un grand anxieux comme lui pour croire une bêtise pareille.

 

En regardant à nouveau la tête de mon Scotty chéri, j’ai su que j’avais gagné la partie.

 

— C’est… C’est d’accord.

 

Je lui ai immédiatement fait éteindre son téléphone en prétendant que c’était pour la répétition. En vrai, il ne fallait surtout pas qu’un membre des Train Twins arrive à le joindre. J’ai tout fait pour qu’il évite de les croiser jusqu’à ce qu’il soit sur scène avec le micro entre les mains.

 

Entre deux répet’, on a tourné le remake de Pretty Woman. Artus est allé farfouiller dans mes fringues pour dégoter une chemise et un pantalon décents à prêter à Scott pour le spectacle. Il était hors de question qu’il monte sur scène avec son accoutrement de Tanguy d’la cambrousse. Il était beaucoup plus petit que nous quatre, mais comme j’étais très mince, mes fripes lui allaient à peu près, c’est juste que ma chemise lui arrivait en bas des cuisses, et il a fallu retrousser les fourreaux du pantalon. Sans ses lunettes, avec mon futal noir et ses cheveux correctement coiffés, il avait presque une allure de bad-boy. Il ressemblait enfin à un jeune homme, pas à un gosse. C’était super bandant de le voir comme ça, et j’me doutais que les demoiselles de l’assistance allaient apprécier le spectacle aussi.

 

Mon plan se déroulait exactement comme je l’avais prévu. Le soir, quand il a commencé à chanter devant le jury et le public… C’était l’apothéose ! La foule était subjuguée, ça nous arrivait régulièrement avec la voix divine d’Artus, mais là c’était encore autre chose, on avait atteint un tout autre niveau. C’était pas contrôlé comme avec Artus, c’était authentique. Il y avait des émotions sincères, c’était du cent pourcents Scotty, du texte à la voix.

 

J’avais envie de pleurer en jouant sa chanson d’amour et en l’entendant répéter : « Mais je t’aime ! Oui je t’aime ! » de sa voix désespérée, comme s’il répétait encore une fois sa déclaration à Jane. J’ai même vu Cyk verser une larme pour de vrai à la fin.

 

Artus n’en revenait pas, il avait confiance en mon jugement, il me croyait sur parole quand je disais que Scott était une pure merveille musicale, mais il en a enfin eu la preuve en live. Rien que d’y repenser… J’en ai encore des frissons dans tout le corps.

 

Tous les quatre, Coco, Artus, Cyk et moi, on a senti qu’il s’était passé un truc ce soir-là, le début de quelque chose de grandiose. Une fois de plus, j’avais eu raison d’écouter mon instinct : on était enfin au complet, on avait trouvé notre égérie, on avait trouvé Scotty.

 

J’étais au septième ciel… J’ai pris Scotty dans mes bras en coulisses, mais les gars me l’ont aussitôt arraché pour le porter au-dessus de leur tête. Ça tombait bien, j’aurais pt’être fini par le toucher d’une façon inappropriée sinon.

 

À cet instant, je ne pensais plus aux Train Twins. Je les avais aperçus tous les trois dans la fosse pendant le concert. J’ai capté le regard foudroyant de Jessy, plein de haine, d’envie, de jalousie… Impossible qu’elle pardonne un truc comme ça à Scotty. Quant à Jane, après le gros râteau qu’elle lui avait collé un an plus tôt, elle ne risquait pas d’apprécier une deuxième déclaration publique tout en fanfare, enfin, c’est ce qui me semblait. Elle ne réalisait pas la chance qu’elle avait. Moi je rêvais que Scotty me chante ce truc rien que pour moi ! Ou qu’Artus le fasse. Après tout, c’est ce que moi je faisais pour eux.

 

Scott s’est éclipsé à un moment. Dans la joie et la folie de la réussite, je l’ai perdu de vue et il a complètement disparu… Il a disparu en abandonnant ma chemise derrière lui. Il s’était changé dans un placard en douce avant de filer, et son portable était toujours coupé. Il a fini par le rallumer dans la nuit, mais il n’a jamais répondu à mes appels. J’avais un drôle de pressentiment.

 

J’ai dû partir à sa recherche le lendemain matin, je savais où chercher : les Train Twins répétaient dans un odéon du quartier culturel, pas très loin de la salle de l’Alpha et l’Oméga. Sans surprise, le comité d’accueil fut glacial. J’ai quand même gardé mon sourire de VRP.

 

— Qu’est-ce que tu fous là ? aboya Jessy.

— On va bientôt quitter la ville, alors je viens dire au revoir à Scott.

— Bon ben c’est fait, aller salut !

 

J’étais persuadé qu’elle mourait d’envie de me balancer un bon débarras en supplément, mais son batteur est intervenu pour l’éloigner de moi. Je dois avouer que… J’ai eu un p’tit pincement au cœur. J’ai repensé à notre première rencontre, au fait que j’aurais pu aller la voir, et lui proposer de nous associer, si Artus m’en avait pas empêché. Qu’importe, j’étais venu pour Scotty, pas pour elle.

 

Quand il s’est approché de moi, mon estomac s’est complètement retourné. J’ai su, avant même que l’un de nous deux ouvre la bouche, qu’il n’allait pas me suivre.

 

 Tu es certain de ta décision ? demandai-je.

— Ma décision ?

— Tu ne veux vraiment pas venir avec nous ? J’adore tes chansons, et les gars aussi. En plus, j’ai quelques copains informaticiens qui seraient ravis de te rencontrer je pense.

— Ah, non… Enfin oui, je suis certain de ma décision.

 

Je lui souriais, comme toujours, parce que Matt est un type cool, tout le monde le sait. J’avais pourtant pas envie de sourire, pas du tout même. Je réfléchissais à ce que je pouvais lui dire pour le convaincre. Je ne comprenais pas pourquoi il s’accrochait aux Train Twins comme ça, surtout que Jessica avait déjà dû passer ses nerfs dessus toute la nuit. Leurs postures réciproques les trahissaient : Scott ressemblait à un homme battu. Quant à Jessy, je pense que si Fry n’avait pas été là pour la retenir, elle m’aurait cassé la gueule et on aurait ramassé Scotty à la petite cuillère dans le caniveau.

 

J’ai aperçu Jenny et son air de ne pas y toucher au fond de la salle, en train de badiner avec Fry. Je me suis retenu de froncer les sourcils. J’avais bien pigé son manège, depuis longtemps. C’était un beau petit exemple de saloperie de femelle alpha… Il lui fallait toujours tous les hommes à ses pieds, Scott n’échappait pas à la règle.

 

Sur le Nymphéa, elle faisait du rentre-dedans ouvert à Coco, elle tournait autour d’Artus aussi. Même à moi, elle m’a fait les yeux doux en se penchant bien en avant au cas où j’aurais envie de mater son décolleté. Il n’y a bien que Cyk qu’elle trouvait trop repoussant, ou alors elle s’était rendue compte qu’il était gay, mais j’pense pas.

 

— Si tu restes pour elle, je ne crois pas que ce soit une bonne idée vieux. Conseil d’ami.

 

C’est pas sorti tout seul mais presque. Je la fixais de loin, avec toute la haine que je pouvais ressentir pour elle à l’époque et que je masquais derrière ma trogne de mec sympa. J’ai brusquement tourné la tête pour regarder Scott. Du coin de l’œil, j’avais aperçu son visage changeant. J’sais pas pourquoi il s’était mis à sourire, avec une tendresse amusée, jaillie de nulle part.

 

 Non, je ne reste pas que pour elle. Je reste pour eux trois.

 

Pour eux trois, c’te blague… Et moi alors ? Je n’pouvais pas contrôler mes sentiments, mais je ne me faisais pas d’illusion pour autant. Scott était hétéro, c’était ironique : il avait plus l’air gay que moi, mais il était hétéro, et il était amoureux de Jane. Je ne pouvais pas tenter de le séduire de cette manière-là, j’pouvais juste essayer de lui faire comprendre qu’il n’avait aucune chance avec elle et qu’il allait dans le mur. Mais Jessy et Fry, sérieux ? Ils n’avaient rien en commun ces trois-là, rien ! J’étais vexé, et je ne l’ai pas cru, mais j’étais dans une impasse, ça ne servait plus à rien de discuter. J’ai baissé les armes en me disant que j’avais perdu une bataille, pas la guerre.

 

— Bon. D’ac. Tu vas me manquer Scotty… Si tu changes d’avis, ma porte sera toujours ouverte comme on dit.

— Merci Matt.

— À bientôt Scotty.

— À bientôt Matt.

 

Je lui ai serré la main et j’arrivais plus à la lâcher. Il a dû penser que je regrettais sa décision, que j’avais sincèrement envie qu’il rejoigne mon groupe. C’était le cas bien sûr, mais en fait je voulais juste lui tenir la main. Parce qu’à ce moment-là de ma vie, j’avais jamais tenu la main de quelqu’un de manière romantique. J’étais amoureux, j’étais vraiment amoureux.

 

Je ruminais cette poignée de main sur le chemin du retour. Je sentais encore la douceur de ses doigts tout fins sur ma peau, ainsi que son odeur sur mon corps. Il est tellement dans la lune parfois… Il n’avait absolument pas grillé que j’avais enfilé la chemise qu’il avait porté la veille au concert.

 

Quand je suis rentré au gite, les gars m’ont tous dévisagé, ils avaient l’air d’attendre quelque chose. Je me sentais mal face à leurs regards insistants. J’avais mon sourire figé, et vu que j’étais tout seul et que j’disais rien, ils ont compris. Je me suis contenté de hausser les épaules comme un couillon, puis je suis allé directement dans la cuisine me prendre une bière au frais. J’sais pas quelle heure il était, mais c’était clairement pas l’heure de l’apéro.

 

— Au fait Matt, on est passé à la banque ce matin avec Cyk pour encaisser le chèque du concours, me précisa Corentin.

— D’ac. Faites le virement Paypal pour Scotty. Un tiers comme convenu. Je t’emprunte ta chambre Cyk.

 Euh… Ok, m’a-t-il répondu sur son ton de : « je ne discute pas avec le patron mais je n’en pense pas moins ».

 

Je leur tournais ostensiblement le dos, je ne voulais pas qu’ils me voient faillir et je ne savais pas si j’allais réussir à garder mon flegme plus d’une minute ou deux.

 

J’ai entendu Artus ordonner un :

 

— Laisse-le, de sa voix enrouée, avant que je ne referme la porte de la chambre.

 

Je ne sais pas qui il a retenu, si c’était Cyk ou Coco. Je m’en foutais royalement. J’ai ouvert ma bière, j’en ai bu une gorgée, je l’ai posée sur la table de chevet, avant de m’affaler sur le pieu de Cyk et de me mettre à chialer, en silence.

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