La prophétie de la dernière sorcière - Tome 2 : Vengeance
Chapitre 8 : Émotions fortes
Néala battit vainement des bras, tentative désespérée de ralentir sa chute. Rien ne semblait plus en mesure de l'empêcher de s’écraser plus bas. Sans cesser de crier, elle serra les paupières pour ne pas voir le sol se rapprocher à pleine vitesse.
L’air qui lui sifflait aux oreilles sembla soudainement devenir plus compact et elle crut ralentir. Reprenant son souffle, elle entrouvrit un œil surpris et constata qu’elle s’était immobilisée sans que rien de visible ne la retienne. L’air sous son corps était comme solide et elle put se redresser, éberluée. Maroussia et Elzannah, qui s’étaient retournées à son cri, la regardaient, tout aussi interloquées.
Son étole flamboyante flottant autour d’elle, Shen-Lü s’éleva jusqu’à Néala qui se sentit reprendre de la hauteur, portée par l’air. La vieille femme, qui affichait un visage serein et lumineux, les achemina ainsi jusqu’à la plateforme délimitant le sommet de « Cime au vent » où les rejoignirent bientôt les deux autres femmes, légèrement essoufflées.
Assise, ses genoux tremblants ramenés contre sa poitrine, Néala était livide. Elle se remettait de ses émotions au centre du large panier végétal circulaire qui formait le point culminant d’Asraya. Elzannah, qui ressentait également son émoi, tenta de lui insuffler un peu de sérénité en posant délicatement ses mains sur ses épaules et Maroussia projeta son pouvoir de guérison vers elle pour s’assurer qu’elle n’était pas blessée. Shen-Lü observait, attendant patiemment que la jeune femme rousse rouvre les yeux pour ramener leurs attentions vers ce qui les préoccupait : l’amenuisement progressif du monde refuge.
– Merci, Madame, vous m’avez sauvé la vie, souffla enfin Néala.
La doyenne offrit un sourire indulgent.
– Je n’ai fait que ce qui était en mon pouvoir. Tout le monde n’est pas nécessairement à l’aise dans les hauteurs. Maintenant, j’aimerai votre avis sur ce qui ronge notre île, si vous voulez bien venir voir.
Les trois femmes la rejoignirent contre le parapet feuillu. Le vent d’altitude contrecarrait la morsure de l’astre solaire éblouissant et faisait voler leurs cheveux. Une main en visière, elles observèrent enfin les alentours.
De là où elles étaient, elles avaient une vue à trois-cent-soixante degrés sur Asraya. Elles apercevaient la forêt avec ses clairières et son cours d’eau en provenance des reliefs entourant un petit lac ; environ une lieue plus bas, l’arche de pierres jumelle de celle de Midrilemi à proximité du village principal ; les falaises escarpées sur le pourtour ; la pente douce donnant accès à l’unique plage à l’opposé.
Si à première vue tout semblait paradisiaque, en y regardant plus attentivement, on pouvait voir les zones noircies en périphérie. Ce fut Néala qui les désigna à ses compagnes, pointant la falaise à proximité de la plage. Un arbre y apparaissait bicolore, son feuillage vers l’intérieur de l’île était luxuriant tandis que du côté de la falaise, il ne restait que des branches nues et noires.
– Vous pensez qu’il est possible de le sauver ?
– J’ai déjà tenté de soigner ce qui est atteint par la noirceur mais ça n’a jamais fonctionné. Tout ce qu’elle recouvre est comme vidé de son énergie et desséché.
– Avez-vous déjà associé votre pouvoir guérisseur à celui d’une hydrokinésiste ? demanda la doyenne.
– Nous avons fait l’expérience mais sans succès, son pouvoir était limité et nous ne parvenions pas à nous coordonner, indiqua Maroussia.
– J’ai déjà fait sécher des vêtements mais jamais imaginé les humidifier sans déplacer une masse d’eau… Je ne suis pas sûre d’en être capable mais je peux tester. Pour ce qui est de se coordonner…
– Peut-être une jeune empathe pourrait-elle apporter son concours ?
– Je ne promets rien mais je veux bien essayer, murmura Elzannah.
– Auriez-vous une éponge à me prêter, que je puisse m’exercer ?
Shen-Lü hocha la tête en souriant.
.oOo.
Marchant toujours derrière les jumeaux, Kogan sut que leur arrivée était proche quand la brise tiède chargée des parfums capiteux des végétaux se rafraîchit d’une touche iodée et salée. Il guetta la trouée dans la végétation. La chaleur l’enveloppa en même temps que la lumière, quand il quitta l’ombrage forestier. Le sentier serpentait à présent dans un espace herbeux descendant en pente douce. Sur leur gauche, la falaise était visible et Kogan put enfin voir de ses yeux le mal qui rongeait Asraya.
Sur une surface de pas loin d’une toise, tout était noirci et racorni et ce, apparemment, sur tout le pourtour de l’île. Un craquement sinistre fut suivi d’un plouf.
– Ça continue de progresser, grimaça Zonder.
– Même l’arbre est touché, confirma son frère, il était encore intact il y a deux jours et le voilà déjà à demi-mort.
– Si ça continue comme ça on ne va bientôt plus pouvoir accéder à la mer, soupira Zibellule sur l’épaule de Kogan, je me demande si le récif est encore en vie.
– Allons poser la question à Melvy, après tout, c’est pour la voir, elle et ses semblables, que nous sommes là, non ?
Ils descendirent jusqu’à la plage. Le sable doré était jonché de fragments de coquillages colorés. Des rochers luisants sortaient de l’eau dans la crique formée par la falaise. Palmoli s’empara d’une conque posée sur une pierre plate et la porta à ses lèvres. Le son porta loin alentour. Ils patientèrent.
Kogan se laissait bercer par le mouvement tranquille des vagues quand il aperçut de la couleur. Un visage pâle auréolé d’une crinière arc-en-ciel sortit du bleu des flots. La sirène se hissa sur un rocher, dévoilant sa queue de poisson rouge et blanche scintillante sous le soleil. Elle les interpella de sa voix pointue :
– C’est à quel sujet ?
– Kogan n’avait jamais vu une sirène, répondit nonchalamment Palmoli.
– Alors quoi ?! Je suis pas une bête de foire ! Si c’est pour me faire perdre mon temps, je repars.
– Non, attendez, s’il vous plaît.
La sirène qui s'apprêtait à plonger jeta un regard de biais à Kogan. Ses yeux noirs lui intimèrent de se hâter.
– Zibellule voulait savoir si le récif est encore en vie. Cette noirceur est impressionnante et inquiétante.
– C’est justement pour ça que je vais pas traîner ici. On a Kelpy qui manque à l’appel depuis qu’elle est partie au large. La pleine mer est devenue inaccessible. Je ne sais pas si elle est coincée de l’autre côté de la noirceur ou pire. Allez, salut !
Un cri d’émerveillement et de frustration retentit un peu plus haut. Les trois hommes se retournèrent pour découvrir Néala courant vers l’eau. La femme était partagée entre l’émerveillement devant l’étendue d’eau et la déception de n’avoir qu’entraperçu la femme poisson.
Elle s’élança vers Kogan pour l’étreindre avec joie :
– C’est encore plus beau que ce que tu m’avais raconté !
Sous le regard amusé de l’assemblée, elle ôta ses chaussures, s’exclamant de la chaleur du sable dans lequel elle se roula comme une enfant. Elle courut ensuite vers l’eau et trempa un orteil dedans.
– Chaude comme un bain ! Qui vient se baigner ? Kogan ?
– Non, non, sans façon et tu sais très bien pourquoi.
– Moi, je viens ! s’enthousiasma Elzannah en se déchaussant à son tour et relevant le bas de sa robe. C’est vrai qu’elle est bonne ! Allez viens, Kogan !
Les jumeaux haussèrent les épaules et se joignirent à la baignade, suivis par Maroussia qui se délecta de les voir quitter leur chemise. Kogan, l’air maussade s’assit sur la plage et les regarda s’éclabousser les uns les autres. Zibellule sourit de son malaise :
– Peur de l’eau ?
Elle lui caressa tendrement la joue tandis que les souvenirs traumatiques affluaient. Néala y mit fin en lâchant une énorme sphère d’eau sur la tête de Kogan qui s’ébroua mi-amusé, mi-contrarié. Zibellule lança une flopée de jurons fleuris et alla se percher en hauteur. Elle étendit ses ailes diaphanes et irisées pour les faire sécher
– Oh pardon, Zibellule, je n’avais pas vu que vous étiez-là, rougit Néala.
La fée albinos lui répondit par un rictus avant de lui tourner ostensiblement le dos pour cacher son sourire mauvais. Néala se tourna vers son ami :
– Maintenant que tu es mouillé, rejoins-nous ! Y a rien de plus gros qu’une sirène qui puisse venir jusqu’ici et puis, si besoin, je chanterai. Les poissons entendent les sons, non ?
Ce dernier argument acheva de convaincre Kogan de courir le risque. Les trois femmes restèrent figées un instant devant son corps marqué de cicatrices mais il les tira de leur rêverie en les éclaboussant à son tour.
Zonder fut soudainement happé sous l’eau, suivi de Palmoli. Alarmé, Kogan se figea.
– Ils sont passé où ?!
– Je ne sais pas, avec toute cette eau, je ne sais pas repérer les créatures qui s’y cachent.
– Sortez de là cria Kogan au moment où quelque chose vint l’entraîner à son tour sous les flots.
Il disparut sous l'eau et lutta contre ce qui lui avait agrippé les jambes. Il s'apprêtait à cogner de toutes ses forces mais fut surpris de tomber nez à nez avec une ravissante jeune femme au visage angélique auréolé de cheveux bleus. Pris de court, il la laissa l'enlacer fermement et l'entraîner vers les fonds, plaquant ses lèvres contre les siennes pour lui permettre de s'oxygéner.
Néala écarta les eaux là où Kogan venait de disparaître. Sur le fond sablonneux un petit crabe courut vers la sécurité de l’eau. À travers la paroi transparente, elle vit une grande queue de poisson rose et dorée s’éloigner. Elle lâcha son pouvoir.
– Ils ont été entraînés par des sirènes… Sont-ils en danger ?
– Je ne crois pas, elles sont nos alliées… Elles ont juste dû être contrariées qu’on joue ici.
– Ou peut-être qu’elles avaient besoin de leur aide ? suggéra Elzannah.
– Et pas de la nôtre ?
– En tous cas, elles ont encore jamais tué personne, indiqua Zibellule du haut de son perchoir.
– En parlant d’aide, nous étions venues pour l’arbre, rappela Maroussia.
– C’est vrai ça, allons-y.
Néala sécha leurs vêtements en un tour de main et observa, surprise, les traces blanches qui les maculaient.
– Du sel, indiqua Elzannah en goûtant.
Néala garda donc l’eau douce en lévitation, gravissant la pente vers l’arbre mourant.
.oOo.
– Je n'en peux plus, soupira Néala en se laissant tomber au sol, écarlate.
– Moi non plus, renchérit Maroussia.
– Ça n'a servi à rien mais vous aurez essayé, railla Zibellule, confortablement installée dans une fleur parfumée.
– En attendant, les hommes ne sont pas revenus, s'inquiéta Elzannah.
– C'est vrai ça ! J'espère que Kogan est en sécurité… Il n'aime pas du tout la mer.
– Pourquoi vous n'appelez pas les sirènes ?
– Les appeler ? Comment ça ?
– Tout simplement en soufflant dans la conque.
Zibellule désigna nonchalamment l'objet comme si c'était une évidence.
– Vous ne pouviez pas nous le dire plus tôt ?
– Vous n'avez pas posé la question.
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Kogan n'en pouvait plus d'être ainsi entouré d'eau. La sirène qui l'avait entraîné sous les flots le maintenait fermement contre son corps plantureux, fusant dans les eaux claires. Régulièrement, elle lui insufflait de l'oxygène en plaquant ses lèvres corail contre les siennes. Lui ne pouvait rien faire d'autre que de se laisser porter. L'eau salée lui brûlait les yeux et la pression dans ses oreilles était douloureuse. Il luttait contre la panique, uniquement rassuré par la sensation du corps de sa ravisseuse contre lui.
Il avait vu que les jumeaux avaient été entraînés eux aussi par des femmes poissons. Quelque part, cela le rassurait de n'être pas le seul en mauvaise posture. N'étaient-elles pas des alliées ? Et par Sokar, où les emmenaient-elles et pourquoi pas les femmes ?
La voix aiguë de Melvy se fit entendre alors que ses semblables ralentissaient :
– C'est là qu'on a besoin de vous. Faites vite, elle est coincée.
– Qui ?
Nila, la sirène aux cheveux bleus rendit aussitôt de l'oxygène à Kogan.
– Kelpy. Elle rev’nait d'la pêche et s'est faite prendre au piège par un éboulement de la falaise. C'est tombé sur notre passage dans l'corail et bien sûr elle était au mauvais endroit au mauvais moment ! La noirceur commence à s'étendre. Si on la sort pas de là… Allez grouillez-vous un peu !
Kogan voyait mal ce qu'on attendait de lui dans des conditions pareilles, Nila l'approcha de la zone sinistrée désignée par Melvy, les deux autres sirènes firent de même avec les jumeaux qui usèrent de leurs dons télékinétiques pour déblayer les blocs de roche. Bientôt, une jeune femme blonde à la queue rose et bleue apparut.
Elle était blême et inconsciente, visiblement blessée et Melvy se précipita pour l'extirper de sa prison. Elle la saisit par la taille et tira mais rencontra de la résistance. Un tentacule grisâtre la retenait. Nila lâcha Kogan et le poussa vers la créature. Il dégaina péniblement son sabre tout en nageant vers le problème, jurant mentalement de la situation. Il trancha dans le vif en essayant de ne pas blesser Kelpy. La bête laissa échapper un nuage d’encre qui enveloppa Kogan tandis que Melvy s'éloignait vivement, emportant sa compagne.
Kogan ne voyait plus rien. Il essaya de retourner vers le groupe mais deux autres tentacules s'élancèrent vers lui. Son instinct lui permit d’en trancher un mais ralenti par l’eau et gêné par la noirceur ambiante, il se sentit saisi à la cheville et entraîné vers le corail brisé où se tapissait la créature. Il l’entendit claquer du bec pendant que les sirènes l’appelaient pour essayer de le localiser. Il fut tenté de répondre mais le sang qui pulsait à ses oreilles lui indiquait qu’il ne pouvait se permettre de relâcher son air.
Son cœur battait à tout rompre et seule cette situation de combat lui évitait de céder à la panique. Impuissant, aveuglé, il se sentait entraîné inexorablement. La chaleur familière commença à se faire sentir au niveau de son plexus solaire. Il ne la laissa pas grandir, il devait garder le contrôle de ses émotions. Lutter était trop coûteux en énergie. Il se résolut donc à laisser la bête l'amener à elle et pointa sa lame vers l'avant. Il la sentit avec satisfaction s'enfoncer dans une matière spongieuse qui laissa échapper un nouveau nuage d'encre et un cri.
Kogan sentit le tentacule qui enserrait sa cheville se relâcher enfin et il s'élança vers la surface, les poumons en feu. La surface lui semblait inatteignable et il eut un mouvement de désespoir qui raviva la brûlure de son plexus mais Nila, qui le cherchait, le vit émerger de la zone troublée et s'élança pour l'oxygèner. Elle évita de justesse le mouvement de sabre qu'il imprima inconsciemment, croyant à un nouveau danger. Son regard troublé se rasséréna en reconnaissant la sirène et en sentant ses lèvres sur les siennes. Il ouvrit la bouche, accueillant avec soulagement l'oxygène avant de perdre connaissance.
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Le clapot de l'eau retentit au moment où Néala allait souffler dans la conque. Les trois femmes se tournèrent vivement vers l'agitation, sous le regard impassible de Zibellule.
Les jumeaux hissaient Kogan sur le sable tandis que Melvy et Nila entraînaient Kelpy.
– Qu'est-ce qu'il s'est passé ?! s'inquiéta Néala en voyant Kogan inanimé.
Elle s'élança vers lui, suivie par Elzannah.
– C'est bon, il va bien ! C'est Kelpy qui a besoin de soin, déclara Melvy avec agacement.
– Laisse-moi l'examiner.
Maroussia s’empressa de rejoindre les sirènes dans l'eau et toucha Kelpy de son pouvoir, glissant ses mains le long de son corps pour évaluer les dommages et panser une à une ses blessures. La sirène blonde reprit progressivement des couleurs mais resta inconsciente.
– J'ai fait tout ce que je pouvais. Comment va Kogan ?
– Il a l’air sain et sauf mais il a des traces violacées sur la cheville et autour du mollet, des cercles réguliers et quelques écorchures.
– Kelpy présente les mêmes empreintes de tentacule, je n’y ai pas décelé de toxine, tu as ce qu’il faut pour les plaies ?
– Oui, j’ai déjà appliqué un baume.
Inquiète, Elzannah était penchée sur le visage de Kogan, son front presque collé au sien, à l’écoute de ses ressentis. Elle percevait sa peur jusque dans son inconscience et essayait de lui insuffler de la sérénité. De son côté, Néala, lui tenait la main et la lui tapotait en l'appelant par son prénom. Kogan grimaça et ouvrit péniblement les yeux. Il plongea le regard dans l'océan inquiet de celle qu’il considérait comme sa petite sœur.
Son cœur manqua un battement quand le visage de Malyäli se superposa un instant à celui à contre-jour d'Elzannah. Cette dernière ressentit avec joie son élan d'amour puis avec déception sa tristesse et sa rancœur. Le visage de l’amour déçu de Kogan s’imprima dans sa tête et elle ne put retenir une grimace de dépit. Il secoua la tête pour s'éclaircir les idées et la chasser de ses pensées et la jeune femme se recula pour le laisser se redresser.
– Comment tu te sens ?
– Je crois que ça va. Mais c’est la dernière fois que je m’approche de la mer. Vous m’entendez ?! La… Dernière… Fois !
– Quel dommage, murmura Néala, c’est tellement beau…
– Mais bien trop dangereux. Tu peux me sécher, s’il te plaît ?
Néala rougit en constatant que son compagnon grelottait. Elle s’empressa d’accéder à sa requête et proposa le même traitement à Zonder et Palmoli qui acceptèrent avec gratitude.
– Bon, c’est pas tout ça mais la cheffe a demandé qu’on rentre pour minuit pour participer à la chasse. Tu en seras, Kogan ?
– Evidemment. Ça me permettra peut-être d’avoir des nouvelles d’Amoric. De toute façon, ma place n’est pas ici. Tu te joins à nous, Néala ?
La jolie rousse éclata d’un rire sardonique, s’attirant un froncement de sourcils de Kogan.
– Je connais ton aversion pour la chasse mais rien ne t’oblige à participer à la battue. Tu peux aussi aider les cueilleurs…
– En tous cas, moi j’y vais, indiqua Maroussia.
– Et toi, Elzannah ?
La jeune fille rougit de plaisir de la proposition de Kogan puis sentit sa vague d’inquiétude à l’égard de son père. Elle répondit en modérant son enthousiasme à l’idée de marcher aux côtés du guerrier :
– J’en serais très heureuse !
Il hocha simplement la tête et tendit la main à Néala pour l’aider à se lever du sable. Elle tendit à son tour la main à Elzannah, un peu déçue. Le groupe se mit en marche vers le soleil couchant, profitant de la brise marine dans leur dos.
Comme à l’aller, ils s’arrêtèrent pour manger quelques pilemis et Kogan, aidé de Néala, leur prépara un peu d’infusion revigorante. La journée avait été longue et riche en émotions, et il restait une belle marche avant de rentrer au Village pour la nuit.
Après une bonne nuit de sommeil, ils rejoignirent l’arche de pierres peu avant midi. Sang-Lin et le groupe de chasseurs les y attendaient. Certains étaient méconnaissables, vêtus de capes ornées de feuillages et grimés à l’aide de peintures noires et blanches rendant leurs visages effrayants. Certains arboraient des bois de cerfs, des museaux factices ou autres becs acérés. La cheffe leur offrit un regard pénétrant. Elle ordonna qu’on peigne le visage de Kogan et lui indiqua :
– Le groupe se divisera en deux. Kogan, je vous laisse rejoindre les hommes qui vont s’occuper de ce que construit votre Roi. Nous ne pouvons pas laisser ses soldats s’approprier impunément le lieu. Les autres, vous vous occuperez de la chasse et de la cueillette.
Tous hochèrent la tête et Sang-Lin donna le signal du départ. Au moment où Néala s’apprêtait à passer devant elle, à la suite de Kogan, elle lui barra la route :
– Vous restez ici. Je tiens à ce que votre ami garde une bonne raison de revenir à Asraya.
Néala voulut protester mais d’un geste de leur cheffe, deux naines replètes et souriantes l’encadrèrent et l’entraînèrent vers le village. L’une lui murmura à l’oreille :
– Ce n’est pas la peine d’essayer de nous fausser compagnie, nous pouvons nous téléporter auprès de toute personne que nous connaissons. Fais confiance à Sang-Lin, c’est une cheffe sévère mais juste. Elle fait ce qui est le mieux pour son peuple et, que tu le veuilles ou non, tu en fais partie.