La prophétie de la dernière sorcière - Tome 2 : Vengeance

Chapitre 15 : Cocktail d’émotions

3785 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 22/01/2023 10:23

Chapitre 15 : Cocktail d’émotions


Kogan faisait les cent pas dans l’habitation qui lui avait été attribuée. Depuis qu’il portait le médaillon, il gardait forme humaine mais ses émotions étaient toujours aussi exacerbées et instables, oscillant entre rages intenses et tristesse incommensurable. Le matin même, coincé par les conditions climatiques et frustré de ne pas pouvoir assouvir sa vengeance, il avait bravé la neige pour aller s’exploser les poings contre le tronc d’un malheureux arbre. Quand il avait fini par s’effondrer en pleurs, il avait refusé que quiconque l’approche ou le soigne, contemplant son sang qui gouttait sur la surface immaculée. La douleur physique le distrayait de sa souffrance morale. Il avait enveloppé ses poings blessés dans des linges et était rentré s’enfermer chez lui où il ne trouvait pas le repos. Quelqu’un frappa à la porte et il grogna de le laisser en paix.

La quasi-totalité des asrayens avaient décidé de l’éviter pour se préserver de ses continuelles imprécations ou lamentations, voire ses agressions verbales. Effrayés par ses accès de rage, les enfants se cachaient quand ils l’apercevaient, quant aux adultes, ils détournaient les yeux, feignant de ne pas le voir, ni entendre ses provocations quand il cherchait un adversaire pour en découdre. Seule Sang-Lin, Elzannah et Zibellule persistaient à lui rendre visite. La première usait de son autorité pour le garder en respect, la seconde déployait toute sa patience et son amour à encaisser ses attaques gratuites tout en essayant d’être présente pour lui, quant à la troisième, elle s’installait dans un coin de la chambre et s’emplissait de ses émotions tout en visualisant des bribes de son passé, des images de ses désirs de vengeance et des flashes de potentialités futures tout en essayant de démêler les trois.

La personne derrière la porte insista.

– Par Sokar ! Je vous ai dit de me foutre la paix ! Je ne veux voir personne !

– C’est moi, Kogan. Je t’ai apporté un peu de nourriture. Laisse-moi entrer, s’il te plaît.

– C’est pas la peine, j’ai pas faim. Va-t-en, Elzannah.

Sa voix se brisa tandis qu’il imaginait Néala derrière la porte. Elle, il l’aurait laissée entrer. Elle savait toujours l’apaiser. Elzannah sentit sa tristesse et reçut de plein fouet l’image du visage de leur amie perdue. Elle poussa la porte et entra, malgré son refus.

Il venait de se laisser glisser au sol, le visage dans les mains, le cœur déchiré par la tristesse et la culpabilité. Elle posa l’assiette sur la table et marcha vers lui. Il ne réagit pas quand elle posa une main sur son épaule mais chuchota :

– Elle ne méritait pas ça… C’était une bonne personne, une des rares à m’avoir redonné un peu foi en l’humanité, et à cause de moi elle a à tout perdu, elle a souffert et elle est morte. Je suis un monstre.

– Ce n’est pas de ta faute… Tu as fait ce que tu as pu… Tu n’es pas responsable de cette guerre…

– Je le suis par ma seule existence. Si je n’étais pas aussi cette créature, cette bête, jamais tout ça ne serait arrivé.

– Tu n’en sais rien. Audric La Poigne a toujours cherché la guerre, enfin la domination, la reconnaissance qu’avait son père.

– Il la cherchera toujours. Bastius le Sage était respecté, lui. Il agissait pour le bien de Midrilemi, par pour son égo. C’est pour ça qu’Audric restera toujours petit à côté de lui. Et c’est pour ses choix et ses atrocités qu’il mourra de ma main, lui et tous ceux qui commettront des injustices. Je ne laisserai plus aucun bourreau vivant. C’est terminé ! Les assassins, les violeurs, les agresseur, les voleurs, pas de procès, juste la lame de mon sabre !

– Kogan…

– C’est un serment que je fais. Je tuerai Audric et prendrai la tête de ce continent pour y faire régner la Justice, Ma Justice !

Elzannah frissonna, la haine et la conviction de Kogan étaient si fortes qu’elle les sentait pulser en elle. Des images mentales de décapitation l’assaillirent brutalement, lui retournant l’estomac. Tant de violence, tant de haine. Elle sentait avec tristesse et inquiétude qu’il pensait chacun de ses mots. Où donc était passé le jeune homme qui lui racontait ses aventures et lui avait appris à se battre ? Où était celui qui l’avait traitée comme une amie, une sœur ? Elle n’avait devant elle qu’un homme brisé et amer.

La jeune fille prit le guerrier dans ses bras, accueillant la rage qui vibrait à travers son corps. Elle se força à respirer et se réfugia au bord de son lac intérieur, fixant son esprit sur la surface lisse et paisible, y puisant toute la sérénité et l’amour dont elle avait besoin pour apaiser Kogan. Elle lui diffusa ses sentiments apaisant par vague et progressivement, elle le sentit se détendre entre ses bras. 

Kogan n’avait pas réagi quand Elzannah l’avait enlacé, la rage le consumait tellement qu’il s’était forcé à l’immobilité de peur de la blesser à son tour. Son contact lui parut d’abord difficilement tolérable, il sentit ensuite le calme le gagner et se relâcha petit à petit. Quand elle desserra son étreinte pour lui laisser de l’espace, il se tourna vers elle, plongeant dans ses yeux bleus où il ne lut que douceur et compassion. Il ouvrit les bras et elle se nicha contre son torse. C’était bon de la sentir là. De nouveau, l’absence de Néala le poignarda et il s’obligea à recentrer son attention sur Elzannah, humant ses cheveux. 

Pour la première fois, il la regarda autrement que comme une jeune sœur. Elle était une jeune femme, à présent. Il en prenait soudainement conscience. Mal à l’aise, il mit fin au câlin et la congédia.

– Je me sens mieux, merci. Je vais manger ce que tu m’as apporté et me reposer. Au revoir, Elzannah.

– Hem, oui, bien-sûr. Je te laisse te reposer… Kogan ?

– Hum ?

– Tu es quelqu’un de bien et Néala le savait et croyait en toi, tout comme je crois en toi.

– Je n’en suis plus si sûr.

Elzannah secoua la tête avant de la baisser. Elle comprenait qu’il était inutile d’argumenter. Elle mit sa capuche pour affronter la tempête pour retourner dans ses quartiers, lui envoyant une dernière vague d’amour en partant, inquiète pour lui.


.oOo.


Le temps s’étirait interminablement pour Néala qui restait clouée au lit par ses souffrances. Les plaies causées par le filet avaient nécessité de nombreux points de suture qui se rappelaient à sa conscience au moindre de ses mouvements, tout comme ses côtes cassées qui lui interdisaient de respirer librement. Nikushi restait à son chevet, ne la quittant que pour répondre aux convocations d’Audric, qui le sollicitait régulièrement pour ses plans. Le roi trépignait et tournait comme un lion en cage en attendant le retour des hommes envoyés au Montagnes Rousses, il employait donc ce temps d’attente à prévoir toutes sortes de stratégies.

Dès lors qu’elle avait compris où elle était, Néala avait refusé d’adresser la parole à quiconque, se contentant de signes de tête en réponse aux questions concernant sa santé et ses besoins. Elle attendait son heure pour quitter les griffes d’Audric dès que l’occasion se présenterait. 

Connaissant son lien avec Kogan, Nikushi avait pris le parti de se présenter à elle sous son vrai prénom. Il avait demandé à ses collègues de le nommer Tiyani devant elle et tous s’y tenaient. Quant à Audric, il passait rarement en personne et uniquement pour questionner Néala sur Kogan et les démons, ne récoltant qu’un silence hostile que le roi accueillait avec un calme de surface assorti d'un rictus rageur et malveillant. Furieux qu’elle lui tienne tête, il partait invariablement en claquant la porte.

La Poigne venait une fois encore de quitter la pièce en manifestant son mécontentement et Néala laissa échapper un soupir. Chacune de ses visites était éprouvante. Elle détestait la manière dont cet homme la regardait avec possessivité. Nikushi qui avait une fois encore assisté à l’échange avança son premier pion :

– Moi non plus, je n’aime pas la manière dont il vous regarde. On croirait qu’il vous considère comme sa possession. Une chose est sûre, je ne le laisserai pas vous faire de mal. Je vous dois la vie. 

Néala leva les yeux au ciel.

– Je suis très sérieux. Quand j’ai vu votre ami se transformer, j’ai voulu vous tirer de là et le dragon a craché son feu sur nous… Je ne sais pas ce que vous avez fait mais nous sommes en vie et je sais que c’est grâce à vous. Je tiens à payer ma dette.

Néala laissa s’étirer le silence. Ses yeux jusqu’alors rivés sur le plafond se tournèrent vers Nikushi, comme pour le sonder. Il lui offrit son regard le plus franc et se surprit à penser qu’il voulait vraiment l’aider. Il la sentait si pure, si innocente. Il était injuste qu’elle se retrouvât au milieu de ce conflit.

Elle laissa échapper un soupir qu’elle regretta aussitôt quand la douleur la poignarda. Nikushi lui offrit un regard compatissant et se leva pour lui servir un peu de décoction à laquelle il ajouta un peu d’opiyemi.

– Tenez, ça va soulager vos douleurs. Par contre, vous risquez de somnoler de nouveau… Ça va prendre un peu de temps mais bientôt vous serez sur pied et je verrai comment je peux vous aider. 

Néala détourna le regard.

– Je ne suis pas sûre de mériter ce soulagement… laissa-t-elle enfin entendre.

Nikushi, qui se réjouissait de ce progrès, fronça les sourcils, interloqué. 

– Je ne comprends pas.

– Je suis votre ennemie… Et j’ai… j’ai… j’ai…

Les mots refusaient de sortir tant ils étaient définitifs et insupportables. Elle revoyait les deux hommes desséchés par sa faute. Elle sentait encore comme elle en avait appelé l’eau, entendait le son que ça avait fait lorsqu’elle avait quitté leurs corps et le bruit de ces derniers quand ils s’étaient affaissés, rabougris. Sa bouche s’emplit d’une saveur amère et elle afficha un rictus de dégoût, les joues brûlantes de honte. Une larme coula sur sa joue.

– Je crois comprendre : vous étiez au milieu d’une bataille et vous vous êtes protégée.

– J’ai… trahi mes valeurs…

– Vous n’aviez pas le choix.

– On a toujours le choix ! Et là j’ai… j’ai fait ce que je n’aurai jamais dû faire…

– Et c’était la première fois…

– La fois de trop… J’ai été formée à soigner pas à…

– Tuer. Il faut que vous le disiez. Vous avez tué pour vous protéger. C’était de la légitime défense.

– Ce n’est pas une excuse. C’était des êtres humains. Ils avaient une famille…

– C’était des soldats, vos ennemis, qui n’auraient pas hésité une seule seconde à vous faire du mal, s’ils en avaient reçu l’ordre.

– Vous dites ça comme s'ils n’étaient pas de votre camp.

Nikushi haussa les épaules.

– Ce n’étaient pas mes amis, les soldats de ce camp ne sont pas mes amis. Pour la plupart, je ne les connais même pas. Je suis là depuis peu et mon alliance avec Audric n’a rien à voir avec un lien d’affinité…

Il s’interrompit par crainte de trop en dire. Elle le regardait avec curiosité, comme pour l’encourager à s’exprimer.

– Disons simplement que j’ai aussi quelque chose à y gagner. En tous cas, je ferai avant tout ce qui me semble juste. Et prendre soin de vous et vous aider autant que je le pourrai en fait partie.

– Ça ne va pas plaire à votre roi.

– Il n’est pas obligé de le savoir. Qui va le lui dire, vous ?

– Évidemment que non. 

– Moi non plus. 

Elle haussa les épaules et montra de nouveau des signes de douleur. 

– Et si vous preniez ce remède ? Il doit avoir déjà bien refroidi. 

Elle accepta l’aide pour se redresser et s’empara du bol tendu, satisfaite d’être en capacité de le faire. Elle déglutit à petites gorgées, appréciant la chaleur et le réconfort apportés. Comme annoncé, elle sentit ses sens s’engourdir, calmant aussi la honte et la culpabilité qui la taraudaient. Ses pensées dévièrent vers Kogan. Elle imagina sa réaction s’il la voyait dans cet état. Aucun doute qu’il la raillerait et la traiterait d’idiote avant de la secouer pour l’obliger à aller de l’avant. Tiyani n’avait pas tout à fait tort : elle n’avait pas vraiment eu le choix. Le sommeil la cueillit à ce stade de ses réflexions.


.oOo.



Quand Jimbo retrouva Amoric dans leur cellule ce soir-là, il était épuisé mais agité. 

– J’ai découvert quelque chose : je crois que Néala est ici, lança-t-il tout de go. 

Amoric afficha une mine surprise et inquiète. Il fit signe à Jimbo de lui en dire plus.

– Tu as vu que la guérisseuse s’éclipse tous les jours après le repas du midi ?

Amoric acquiesça. 

– Je la soupçonnais d’avoir d’autres patients mais je n’osais pas poser la question. Sauf qu’aujourd’hui, on m’a envoyé chercher de l’eau avec un des soldats et je l’ai vu entrer dans une cabane à l’écart. Quand elle a ouvert la porte, j’ai aperçu une silhouette menue aux cheveux bouclés. Je crois qu’ils étaient roux mais il faisait sombre là-dedans, je suis pas totalement sûr. En tous cas, pour ce que j’ai pu voir dans le lit, c’était pas un homme, c’est certain. Et t’as vu beaucoup de femmes, ici ? 

Amoric secoua la tête.

– Ben moi non plus… Si c’est bien Néala, j’espère qu’elle va bien… Qu’elle ait besoin des soins de l’ancienne ne me rassure pas beaucoup… Il faut qu’on trouve le moyen d’avoir des informations.

Le marchand acquiesça en levant les mains en signe d’impuissance. 

– Oui, tu as raison, que Je trouve le moyen… Je suis crevé mais il faut qu’on s'entraîne, n’est-ce pas ?

Amoric sourit et invita alors Jimbo à s'asseoir face à lui. En plus du renforcement musculaire, les deux hommes avaient pris le parti de se créer un langage mimé pour compenser le mutisme d’Amoric, qui souffrait de ne plus pouvoir communiquer. C’était rudimentaire mais il parvenait à se faire de mieux en mieux comprendre, articulant ce qu’il voulait dire tout en y associant des gestes que Jimbo reconnaissait de plus en plus facilement. Cette communication était primordiale, s’ils voulaient réussir à s’enfuir, et plus encore s’ils devaient délivrer Néala par la même occasion.

Une demi-heure plus tard, les deux hommes avalaient leur soupe refroidie, soufflaient la bougie et se laissaient glisser dans les bras de Morphée. 


.oOo. 


Audric contemplait le plateau de jeu devant lui, déplaçant un pion avant de se raviser. Il soupira et se laissa aller dans son fauteuil. Il en avait assez d’attendre mais savait pertinemment qu’il ne lui servait à rien de s’énerver. Il n’avait aucune emprise sur l’hiver. Une part de lui le maudissait de n’être pas rentré dans le confort opulent de Cité Centrale. La vérité était qu’il ne voulait pas perdre son temps, ni son énergie en trajets inutiles. 

Ressentant le besoin de changer de point de vue, Audric fit tourner l’échiquier. Il s’était amusé à sculpter des figurines pour représenter ses ennemis. Il essaya de se mettre dans la tête de Kogan : « Tu as perdu ton amie, tu la crois morte, qu’est-ce que tu vas faire maintenant ? ». Un élan d’appréhension et de jubilation le traversa simultanément. « Tu vas vouloir te venger, évidemment. À moi de décider où et quand, que le piège se referme sur toi parfaitement ». Fébrile, il chercha les copies des plans de Nikushi et entreprit de dessiner le lieu qui lui semblait idéal pour y placer le dispositif. Il nota à côté différentes stratégies pour amener sa proie là où il voulait. Restait également à trouver le moyen de lui faire garder la forme qu’il convoitait. Il n’avait que faire d’un jeune guerrier irascible.

Audric nota pour lui-même d’aller rendre visite à Amoric, Jimbo et Néala dès le lendemain. Il avait cru comprendre que la jeune femme n’avait que peu de liens avec les deux hommes mais, connaissant son cœur sensible, il était convaincu qu’il pourrait se servir d’eux pour la rendre plus coopérante. Il en discuterait avec Nikushi, qui était chargé de gagner sa confiance.

Satisfait de ses réflexions, le roi s’offrit un godet d’alcool de prune et le sirota lentement, laissant son regard se perdre dans les lueurs dansantes de la flambée.

   .oOo.



Bien au chaud sous ses couvertures, de l’autre côté de la pièce qu’il partageait avec Néala, Nikushi regardait danser les ombres portées par le feu mourant. Il cherchait le courage d’affronter le froid pour aller l’alimenter mais son corps engourdi par le manque d’activité était lourd. Ses pensées cotonneuses oscillaient entre la douceur du moment et son désir de vengeance. Néala gémit dans son sommeil. Elle commença à s’agiter, le rêve se mêlant à la réalité de ses souffrances physiques :

– Je vous en prie, arrêtez ! Vous me faites mal ! Non, ne faites pas ça, laissez-les tranquilles ! Maman ! Maman aide-moi !!! Mamie ! Les laisse pas faire ça…

– Néala, vous faites un cauchemar, réveillez-vous… 

Sa détresse lui avait donné l’élan de se lever et il était à son chevet, essayant de l’apaiser. Elle ouvrit des yeux pleins de larmes et de détresse puis frissonna.

– Vous êtes en sécurité, ce n’était qu’un cauchemar, répéta-t-il.

– Tiyani, murmura-t-elle en essuyant ses larmes.

Le rêve était encore imprimé dans son esprit et son corps et elle se sentait terriblement vulnérable. 

– Vous êtes en sécurité, dit-il une fois encore.

Elle ne l’était pas vraiment, blessée, vulnérable, dépendante, retenue par l’ennemi, pourtant elle avait envie de lui faire confiance et, présentement, elle avait besoin d’un contact humain. 

– Tiyani…

Embarrassée, elle hésita.

– Dites-moi.

Elle hésita encore, son regard faisant des allers-retours entre ses yeux verts, ses lèvres charnues et ses mains qu’il avait posées sur ses cuisses.

– Bon, il fait froid. Je vais m’occuper de ranimer le feu. Ça vous laissera le temps de vous décider à vous exprimer.

Elle le regarda s’affairer, hésitant encore à formuler sa demande qui lui paraissait de plus en plus incongrue. Hormis Kogan, elle n’avait jamais laissé aucun homme la prendre dans ses bras. Là, elle en sentait néanmoins le besoin. Se sentir protégée, comme quand elle était petite. Elle prit le temps d’écouter son instinct, il ne lui soufflait aucun avertissement.

Nikushi se rassit à son chevet.

– Je vous écoute.

– Vous voulez bien me prendre dans vos bras ? Juste quelques instants…

Désarçonné, il marqua un temps d’arrêt puis acquiesça. Il l’aida à se redresser et s’assit à ses côtés, passant son bras autour de ses épaules en essayant, cause perdue, de ne pas prendre appui sur ses blessures. Néala posa la tête sur sa poitrine et ferma les yeux. Elle fit abstraction des douleurs pour se concentrer sur les battements de son cœur, son odeur très différente de celle de Kogan et le bien-être que lui procurait l’étreinte. 

Nikushi profita lui aussi du moment avant de faire taire sa petite voix qui lui disait qu’il était en train de s’attacher. Il ne s’attachait pas. Il remplissait la mission du roi d’obtenir la confiance de Néala et préparait sa vengeance contre Kogan, rien de plus.

– J’ai peur de faire encore des cauchemars. Vous voulez bien rester allongé à mes côtés ? se surprit à demander Néala d’une voix ensommeillée.

– Heu, oui… Si vous le souhaitez.

Il l’aida à se rallonger, elle bascula sur le côté pour lui faire face, préservant ses meurtrissures, et il adopta la même position devant elle. Il frissonna quand elle vint se blottir contre son dos pour profiter de sa chaleur et son cœur s’accéléra quand sa main se posa sur sa poitrine pour l’enlacer. Il observa son corps tenter de réagir à ces stimulis mais le maîtrisa. Elle soupira en gémissant à cause de ses côtes puis, très vite, sa respiration profonde lui indiqua qu’elle s’était rendormie. Troublé, Nikushi s’abandonna lui aussi à un sommeil peuplé de rêves satisfaisants.


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