La prophétie de la dernière sorcière - Tome 2 : Vengeance

Chapitre 26 : Mosaïque d'émotions

3564 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 21/08/2023 18:20

Chapitre 26 : Mosaïque d’émotions


Étendue sur le sol dur et froid, Néala lutta pour soulever ses paupières lourdes. On la secouait et lui tapotait les joues tout en l’appelant par son prénom. Pourquoi la réveillait-on ? Elle dormait si bien… Enfin, elle parvint à ouvrir les yeux pour se heurter au regard plein d’inquiétude de Jimbo. Au-dessus d’elle, Maroussia finissait de l’examiner à l’aide de sa magie.

– Trop d’émotions, indiqua-t-elle simplement.

Les événements revinrent violemment à la conscience de Néala.

– Où est Kogan ?

– Sous le joug d’Audric, répondit sombrement Amoric.

– Est-ce que Tiyani est…

– On n’en sait rien et personnellement je m’en fiche, grommela Elzannah. Qu’il meure si ce n’est pas déjà fait. Il n’a que ce qu’il mérite ce sale traître, ce faux frère !

– Elzannah ! Ce n’est pas comme ça que je t’ai élevée.

– Mais, papa, il a trahi Kogan…

– Il voulait se venger… murmura Néala. Si quelqu’un peut comprendre ce désir dévorant, c’est bien Kogan.

Sa voix s’étrangla quand elle se remémora qu’il était coincé sous sa forme de dragon et aux mains de leur ennemi. Son esprit revint à Tiyani et elle marqua un temps de réflexion. Une part d’elle ne pouvait lui pardonner d’avoir ainsi trahi Kogan, de l’avoir poussé à se battre, mais une autre ne pouvait se résoudre à le laisser mourir. Elle tenait à lui, même s’il avait trahi sa confiance. Elle ravala un sanglot et demanda :

– S’il te plaît, Maroussia, accompagne-moi auprès de lui.

À cette demande, Elzannah leva les yeux au ciel et tourna rageusement les talons, bien décidée à aller voir auprès des Asrayens comment aider Kogan. Néala la regarda s’éloigner, suivie de son père, avec un pincement au cœur. Elle comprenait la réaction de l’adolescente mais ne pas agir était hors de ses valeurs et au-delà du supportable. Tiyani avait veillé sur elle pendant des semaines. Elle lui devait bien ça.

La guérisseuse aux yeux indigo questionna instinctivement Jimbo du regard et il acquiesça, l’air grave. Il tendit la main à Néala et la laissa s’agripper à son bras. Elle le remercia d’un sourire triste et marcha avec lenteur vers la silhouette inanimée. Son cœur battait lourdement à ses oreilles et ses jambes lui semblaient en coton. Elle luttait pour empêcher les larmes de dévaler ses joues, lèvres pincées et tremblantes. Elle regarda Maroussia rejoindre Tiyani avant eux. Elle la vit prendre son pouls et son signe de tête inquiet en sa direction lui indiqua qu’il était en vie mais très mal en point.

Ils la rejoignirent et Jimbo les aida à le manipuler avec précaution pour le mettre dans une position qui lui permît de respirer plus facilement. Maroussia l’examina de sa magie tandis que Néala faisait pression sur ses plaies les plus profondes avec l’aide de Jimbo. Il avait perdu beaucoup de sang, peut-être trop. Maroussia n’avait pas l’énergie nécessaire pour le guérir. Les deux femmes se partagèrent donc le travail : Néala nettoyait et recousait les plaies, en commençant par celles qui saignaient le plus, et Maroussia complétait à l’aide de sa magie pour endiguer les hémorragies. Jimbo les assistait du mieux qu’il pouvait.


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De leur côté, les Asrayens réfléchissaient à comment tenir tête à Audric maintenant que Kogan était en son pouvoir. Gromki et Gromgur passèrent la tête par l’embrasure de la grotte, l’air penaud. Karmina poussa un cri de joie et courut vers eux.

– Ignil et Maugs sont avec vous ?

Le père d’Ignil secoua la tête et son cousin répondit pour lui.

– Audric les garde en otages. Nous sommes venus vous demander de l’aide. On ne peut pas les laisser entre ses mains.

– Je suis désolée, on voulait juste aider Kogan. C’était pas juste de le piéger pour le roi. Et maintenant ils sont en danger. Et le dragon obéit parfaitement au roi. Qu’est-ce qu’on va faire ?

– Il faut qu’on arrive à le libérer de son emprise et à lui faire reprendre forme humaine, résuma Sang-Lin en saluant froidement les deux nains. J’imagine que vous savez comment faire ça.

– Plus ou moins… Le contrôle vient du collier autour du cou du dragon et du bracelet au poignet du roi. Tant que son cou est enserré, il ne reprendra pas forme humaine, même en contact avec le médaillon, précisa-t-il en désignant l’objet qu’Elzannah avait à la main, et le mécanisme du collier est quasiment inviolable. C’est le bracelet, ou la volonté de celui qui le porte, qui en est la clef. Et ce bracelet ne quittera le poignet de son porteur que s’il le décide de lui-même.

Les personnes présentes échangèrent des regards sombres. Par Sokar, comment allaient-ils pouvoir convaincre La Poigne de se défaire de son précieux faire-valoir volant ?


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Audric aurait bien fait un tour d’honneur en survolant ses troupes neuves mais la créature entre ses cuisses était bigrement inconfortable et il sentait sa souffrance qui se transmettait à lui par le biais du bracelet. La bête monumentale présentait plusieurs plaies conséquentes et avait besoin de soins. Il se laissa glisser au sol et lui ordonna de le suivre à nouveau à l’intérieur de la caverne. Frappant dans ses mains, il fit venir son médecin et deux palefreniers et leur ordonna de panser le dragon et à la bête de se montrer docile, laissant les trois hommes désemparés devant l’ampleur de leur tâche. C’est donc à pied que le roi quitta La Cloison pour accueillir ses nouveaux soldats.

La petite fée albinos, qui l’avait suivi depuis la fin du combat, choisit ce moment pour se révéler à lui.

– Sire, permettez-moi de me présenter, Zibellule, pour vous servir.

La Poigne plissa les paupières en regardant la minuscule femme ailée diaphane. Un sourire mauvais éclaira son visage.

– Pour me servir ou pour essayer de me voler mon dragon ?

– Votre dragon m’importe peu. C’est votre aura qui me plaît, votre soif de pouvoir et de puissance, votre profond désir de voir votre peuple soumis et tremblant à vos pieds.

Audric tendit sa paume en direction de la fée qui était en vol stationnaire quelques pas devant lui. Elle s’y posa et le fixa de ses yeux dont le noir abyssal contrastait avec sa blancheur lumineuse.

– Vous me plaisez, ma chère. Je sens que nous allons bien nous entendre. Installez-vous donc sur mon épaule et murmurez-moi votre vision des choses, en quoi pensez-vous pouvoir m’être utile ?

– Vision est bien le mot clef, Monseigneur. Il m’arrive de voir des bribes de l’avenir et, croyez-moi, le vôtre promet d’être à la hauteur de vos espérances.

Elle grimaça en sentant la joie d’Audric puis sourit quand des images de haine, de carnage et de terreur affluèrent. Oui, cela promettait d’être grandiose quand Kogan serait libéré de l’emprise du roi et pourrait déchaîner toute sa noirceur sur le peuple. Elle allait pouvoir faire des hommes deux alliés, soumis à ses moindres désirs malgré eux. Et quand elle en aurait fini avec eux, plus rien ni personne ne pourrait l’arrêter.


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Néala et Maroussia avaient fait tout ce qui était en leur pouvoir. C’était à présent à Nikushi de se battre pour survivre. Elzannah était venue les regarder œuvrer avec rage et incompréhension. Comment Néala pouvait-elle tenir à sa vie ? Elle tournait comme un lion en cage, les poings serrés. Elle avait envie de hurler, de frapper dans les murs, et son émotion ombrageuse contaminait les personnes autour d’elle.

Amoric finit par intervenir. Il posa la main sur son épaule et l’entraîna vers l’extérieur.

– Viens respirer dehors avec moi. Ça ne sert à rien de déambuler ici. On est tous à cran et inquiets de l’avenir et la priorité c’est de se calmer et de se mettre en sécurité en attendant de trouver une solution.

Elle accepta de le suivre et, debout sur la corniche, se laissa aller contre le torse solide de son père qui referma les bras autour d’elle, lui insufflant de l’apaisement. Tous deux virent alors Audric qui marchait vers la plaine, Dimit sur les talons. Devant eux, un camp hétéroclite. Amoric plissa les yeux en observant la foule disparate. Elzannah sentit son père se redresser dans son dos et son élan de joie la traversa.

– Qu’est-ce que tu as vu ?

Il lui désigna un groupe à la périphérie des soldats et la joie d’Elzannah vint renforcer la sienne.

– Mais, c’est maman, Arthur et Jared ! Alors ça veut dire que ceux qui ont répondu à l’appel sont là ! Allons les rejoindre !

Elle sautillait d’impatience et Amoric affichait un sourire béat à l’idée d’avoir sa famille enfin réunie. Il tempéra néanmoins l’enthousiasme de sa fille.

– D’abord, il faut prévenir Sang-Lin que les renforts sont arrivés. Ensuite, il vaut mieux attendre qu’Audric soit rentré avec ses hommes pour aller rejoindre les nôtres. Dès qu’il fera nuit, nous irons à leur rencontre. Le faire maintenant serait donner à La Poigne des cartes pour jouer contre nous. Il a déjà les deux petits et Kogan. C’est bien assez.

– D’accord, mais on pourrait au moins demander à Zibellule ou une des autres fées d’aller leur dire qu’on est là.

Amoric valida la proposition d’un signe de tête et la suivit alors qu’elle allait à la rencontre de la cheffe des Asrayens.


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Tout comme Zibellule, confortablement installée sur son épaule, Audric savourait le frémissement qui traversait le camp sur son passage. Les yeux qui se posaient sur lui étaient impressionnés voire admiratifs et reflétaient une lueur de crainte qui lui plaisait énormément. Il était très satisfait de voir que les personnes réunies pour lui étaient bien plus nombreuses qu’attendues. Il y avait d’ailleurs plus de femmes qu’il ne l’avait escompté. Voilà qui allait remonter le moral de ses troupes et achever d’asseoir son autorité auprès de ses hommes.

En périphérie du campement, Isadora et ses fils étaient en train de préparer de quoi se restaurer quand Audric se dirigea vers eux pour les saluer. Zibellule verdit quand elle fut assaillie par la vision de chaleureuses retrouvailles entre ces personnes et Amoric et Elzannah. Elle en déduisit que c’était leur famille et afficha un sourire cruel en susurrant l’information à l’oreille du suzerain.

Les pensées sadiques qui le traversèrent furent une récompense pour la petite fée qui se recomposa un masque neutre pendant que le roi affichait un sourire affable.

– Voilà qui sent divinement bon, Madame. Vous permettez que je me joigne à vous ?

Isadora offrit un sourire avenant, calmant d’un regard ses deux fils qui s’étaient tendus à ses côtés.

– J’en serais honorée, Seigneur, feignit-elle. Les garçons, préparez donc un siège et un bol pour notre invité.

Les deux frères contournèrent l’attelage pour aller chercher à l’arrière ce que leur mère leur avait demandé. Hors de portée de vue et d’oreilles, ils échangèrent quelques paroles inquiètes. Leur père leur avait beaucoup parlé d’Audric La Poigne. Ils savaient comme il pouvait se montrer retors et impitoyable. Qu’il tourne autour de leur mère ne leur plaisait pas, mais alors pas du tout. Ils ne pouvaient néanmoins rien y faire.

Isadora, de son côté, observait l’homme face à elle. Sa stature, ses longs cheveux sombres et raides parsemés de fils blancs, son regard atypique et déroutant. Il lui souriait, lui faisait sentir qu’elle avait toute son attention et elle faisait de son mieux pour manœuvrer habilement afin d’éluder les questions dérangeantes qu’il ne manquait pas de lui poser, ravi de la mettre en difficulté. Tout comme ses fils, Isadora avait conscience de la dangerosité du roi et elle souhaitait qu’il ignorât leur identité. Aussi, quand ce dernier lui demanda son nom, elle mentit éhontément.

Audric laissa afficher un sourire carnassier face à ce détournement de la vérité qui était pour lui aussi irritant qu’amusant. Il hésita un instant à lui laisser croire qu’elle l’avait berné puis se ravisa.

– Allons, ma chère, je vais plutôt vous appeler Isadora, Isadora Raggan. Et j’imagine que ce sont Jared et Arthur qui vous accompagnent. Amoric m’a tellement parlé de vous que j’ai le sentiment de vous connaître depuis toujours. Votre époux serait très heureux de savoir que vous êtes là, parce que vous êtes venus pour lui, n’est-ce pas ? D’ailleurs, j’ai une bonne nouvelle à vous annoncer : il a retrouvé votre délicieuse fille, Elzannah.

Audric marqua un temps d’arrêt, savourant l’effet de son annonce sur la femme et ses fils face à lui. S’il fut étonné de l’absence de surprise de ses interlocuteurs à la mention d’Elzannah, sur son épaule, Zibellule ne perdait pas une miette des émotions qu’il générait, mélange de crainte, d’indignation et de colère.

– Ça me ferait une grande joie d’assister à vos charmantes retrouvailles, reprit-il, mais je crains que ça n’aille pas bien avec mes projets. Aussi vais-je vous inviter à rassembler quelques effets et à me suivre. J’ai une proposition à faire aux Asrayens et il me semble que vous allez pouvoir faire pencher la balance en ma faveur.

– Et si nous refusons de vous accompagner ? demanda fièrement Isadora.

Campée sur ses jambes, elle le toisait, menton relevé, ses yeux bleu océan plantés dans le regard vairon d’Audric qui ne put que reconnaître la détermination qui émanait d’elle et de ses fils tendus à ses côtés. Il attrapa le tabouret dans les mains de l’aîné et le bol dans celle du benjamin et s’installa confortablement, se servant sans vergogne une généreuse louche de soupe avant de désigner Dimit derrière-lui.

– Ma chère, il vaudrait mieux pour vous et vos garçons que vous veniez de votre plein gré. Je doute que vous appréciez de terminer en sac de patate sur mon épaule et ne croyez pas que vos fils pourront faire quoi que ce soit contre Dimit. Ça serait dommage qu’ils finissent blessés, ou pire, à cause de votre fierté, n’est-ce pas ?

Dimit fit miroiter un instant le tranchant de la hache de guerre qui ne le quittait pas. Ses prunelles bleu délavé semblaient dénuées de tout sentiment, de toute chaleur. Il était là, menace imposante et silencieuse.

– Allons, allons, Isadora, vous avez l’air défaite, reprenez-vous. Asseyez-vous et servez-vous. Les garçons aussi, mangez tant que c’est chaud. C’est délicieux. Dès que nous nous serons restaurés, vous viendrez tous les trois avec moi. Ça nous donnera l’occasion de faire plus ample connaissance et d’aller voir ce cher Amoric et cette douce et charmante Elzannah.


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Elzannah s’était empressée d’aller voir Sang-Lin pour lui faire part de leur découverte et lui demander si elle pouvait envoyer Zibellule prévenir sa famille de leur présence à proximité. Il s’en était suivi un grand remue-ménage quand on s’était rendu compte que la petite fée diaphane était introuvable. L’inquiétude étreignit les Asrayens face à la perte de cette alliée dont les visions avaient guidé leurs actions depuis toutes ces années.

– Vous pensez qu’elle a été enlevée par Audric ? suggéra Néala qui s’était détachée à regret du chevet de Nikushi, toujours inconscient.

– C’est une possibilité. Ou alors elle est partie en reconnaissance, émit Sang-Lin pour qui la loyauté de la petite fée ne faisait aucun doute.

– En attendant de la retrouver, je veux bien aller à la rencontre de ta mère et de tes frères, Elzannah. Enfin, si vous le permettez, cheffe.

La pyrokinésiste valida la proposition de Manon et la fée s’envola dans le soir tombant, sa couleur sombre auréolée d’une lueur orangée se fondant en toute discrétion dans le décor flamboyant du couchant. Elle se dirigea vers l’attelage désigné par Amoric et sa fille. Le feu était en train de s’éteindre. La jument paissait paisiblement. Le campement alentour était animé, là, seul le silence et l’immobilité régnaient. Où étaient-ils donc passés ?

Manon voleta à travers le camp, se dissimulant parmi les effets des humains pour tendre l’oreille à leurs conversations. Elle identifia certains de leurs alliés, tenta de les dénombrer puis rentra à la grotte pour faire son rapport. Sang-Lin lui offrit un godet d’alcool fort et la laissa récupérer avant de l’inviter à s’exprimer. Elzannah ne tenait plus en place et, comme son père et tous les Asrayens présents, elle était suspendue à ses lèvres. Manon se tourna vers elle et afficha une moue peu rassurante.

– Y avait personne au chariot, rien que la jument. J’ai fouiné dans le camp mais j’ai pas su les trouver. En tous cas, j’ai pas vu trois personnes ensembles telles que vous les avez décrites et je vois pas bien pourquoi ils se seraient séparés.

– Effectivement, ça ne leur ressemble pas de laisser les affaires et la jument sans surveillance, s’assombrit Amoric.

– Bon, j’ai quand-même identifié pas mal de nos alliés, reprit Manon, Je propose qu’on prépare un plan d’action et que Hilimi fabrique un nouveau rêve pour dire à nos alliés où nous sommes et de ce que nous allons faire.

– Et ce que nous attendons d’eux, confirma Sang-Lin. Donc si je résume, Kogan est aux mains d’Audric coincé sous sa forme draconique et lui obéissant au doigt et à l’oeil, Ignil et Maugs sont aussi ses prisonniers et Zibellule est portée disparue tout comme la famille d’Amoric et d’Elzannah. Il va falloir la jouer fine pour rétablir cette situation. Quelqu’un à une suggestion ?

Le silence se fit le temps que chacun réfléchisse puis les échanges se firent et les plans s’échafaudèrent.


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Blottis l’un contre l’autre dans leur cellule, les jeunes nains essayaient de lutter contre les tremblements. Ils avaient froid et la faim commençait à les tenailler mais ils hésitaient à se faire remarquer. Le garde devant leur grille de fortune avait une mine sombre et peu avenante. Il n’avait même pas tressailli quand le roi était passé juste devant lui suivi par le dragon terrifiant. Ils avaient beau savoir qu’il s’agissait d’un humain métamorphosé, cela ne les rassurait pas vraiment, et même d’autant moins du fait que la créature était sous la totale emprise d’Audric.

Le roi et le dragon avaient fait un rapide passage avant que la bête ne revienne, flanquée de plusieurs hommes à qui il avait ordonné de le soigner. Ignil et Maugs avait alors constaté les nombreuses entailles d’où coulait le liquide vermeil. Ils avaient perçu la peur des hommes et leur désemparement. Panser des blessures de cette taille et une peau aussi solide n’était pas une mince affaire. Par chance, l’animal se tenait parfaitement immobile, obéissant à l’injonction impérieuse de son maître.


Le dragon souffrait. Son corps était douloureux mais moins encore que son esprit verrouillé par la magie. Sa volonté était insupportablement muselée. Il n’y avait que ses fonctions physiologiques sur lesquelles il gardait la possibilité d’agir. Et encore… Il avait voulu rôtir les moustiques importuns qui lui causaient de la souffrance en tripatouillant dans ses plaies mais son souffle avait refusé de se charger de la lave qui envahissait sa gorge. Même ses hurlements intérieurs ne parvenaient à sortir.

La peur le tenaillait, accompagnée d’une rage terrible qu’il ne pouvait exprimer d’aucune façon. Il ignorait où il était et ce qu’il faisait là. Tout ce qu’il savait c’est qu’il avait une monstrueuse envie de broyer sous ses dents les personnes qui l’entravaient et de fuir. Dans un recoin de son esprit parasité par la douleur et les entraves psychiques, une autre conscience tentait de s’éveiller.


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