Le romancier fou

Depuis la mort de ma sœur, je vis seule dans notre ancienne maison. Cela fait 5 ans maintenant, je commence à avoir l’habitude. Mais depuis que je vis seule, je n’ai pas l’impression d’être seule. Dans le séjour, il y a un tableau que ma sœur avait acheté lors d’une brocante. Je n’ai jamais aimé ce tableau, il ne m’inspire pas confiance. Mais je n’ose pas le décrocher du mur, comme c’est ma sœur qui l’a mis j’aurai l’impression de la contredire en l’enlevant.

D’après les dires du vieil homme à qui ma sœur a acheté le tableau, il appartiendrait à un écrivain du XIXème siècle qui se passionnait à écrire des histoires d’horreur.

Si j’avais su, je n’aurai jamais accepté qu’elle le mette dans le salon. A chaque fois que je passe devant je me sens observée. La créature qui est peinte dessus me rend anxieuse.

Après réflexion, je me suis dit que ce tableau avait bien une signification pour qu’il me taraude l’esprit autant. Un matin de novembre, j’ai décidé d’aller dans une bibliothèque dans le but de me renseigner sur les écrivains connus du XIXème siècle.

En fait, j’habite un petit village dans la banlieue de Londres qui se nomme Pluckley. Les habitants sont peu nombreux et il n’y a qu’une épicerie et une bibliothèque. La bibliothécaire est une vieille dame âgée de 70 ans qui ne bouge jamais de son bureau. A vrai dire, je n’ai jamais osé la regarder dans les yeux, elle m’effraie un peu. Je viens souvent dans cette bibliothèque car on y trouve de nombreux livres très anciens sur l’histoire du village et sur le passé de l’Angleterre en général. Depuis, j’emprunte fréquemment des ouvrages qui m’intéressent. Après 2h de recherche, je trouve dans un manuscrit très ancien datant des années 1780 une biographie d’un auteur irlandais qui m’interpelle : Charles Robert Maturin. Je lis plus loin que c’est un romancier et un dramaturge du XIXème siècle. Mais quel rapport avec le tableau dans mon salon ? Je ne sais pas comment décrire ce que je ressens, mais j’ai l’impression que cet écrivain me fait penser au tableau. Il faut absolument que je me renseigne sur lui. J’emprunte le livre où il est fait mention de lui et je cherche par ordre alphabétique son nom dans les rangées de livres. Je trouve un ouvrage qui date de 1820 s’intitulant « Melmoth, the Wanderer ». Ce livre attise ma curiosité et je décide de l’emprunter.

Arrivée chez moi, je pose les deux ouvrages sur la table du salon et je m’assois pour réfléchir. Etait-ce vraiment une bonne idée de m’intéresser à cet auteur ? Je ne crois pas au paranormal de toute façon, mais je ne me sens pas en sécurité avec ce tableau donc il faut bien que je perce ce mystère. Je regarde le tableau quelques secondes et détourne immédiatement le regard. Je n’arrive pas à le regarder plus de dix secondes c’est très étrange. Je décide de m’approcher du tableau sans le regarder. S’il y a une quelconque indication sur l’auteur ça doit être marqué derrière. Je prends le cadre dans mes mains et je l’enlève du crochet et je retourne le tableau très lentement. On dirait que je suis paralysée par la peur. Je découvre une inscription au dos. Il y est écrit « I thought I lived alone until I saw that behind my door. C.R.M » (Je croyais que je vivais seul jusqu’à que je vis ça derrière ma porte). J’ai lâché le tableau d’un coup et j’ai crié. J’ai couru jusqu’à ma chambre et je me suis cachée sous ma couverture. J’étais en panique et je pleurais toutes les larmes de mon corps. Pourquoi est-ce que cette inscription au dos du tableau m’a fait réagir de cette manière ? J’ai tellement besoin de toi ma sœur, pourquoi m’as-tu quitté si soudainement ?

Plusieurs jours ont passés depuis cette après-midi. Depuis, je ne rentre plus dans le salon, le tableau est toujours sur le sol et prend peu à peu la poussière. J’essaie de vivre normalement sans repenser à ce qu’il s’est passé. Je décide de sortir prendre l’air et j’en profite pour aller faire une course. En entrant dans l’épicerie, je remarque un vieillard qui demeure debout devant le rayon. Il est tout de noir vêtu et ne dit rien. Je choisis d’avances vers lui pour lui parler. Il se retourne brusquement vers moi et me dit d’une voix rauque « Vous savez, depuis que ma femme est morte je raconte ma journée à un très bon ami, je le surnomme « mon petit Charles » vous le connaissez aussi ? A vrai dire, il m’a confessé hier soir que, lorsqu’il vivait encore, lui aussi racontait ses périples à une créature avec un crâne, je ne l’ai pas cru au début mais il m’a confié par la suite qu’il avait peint cette créature pour montrer à son entourage ce qu’il voyait la nuit. Avant de se suicider, le tableau s’est perdu et l’on raconte qu’il aurait été retrouvé non loin de Londres. » Quoi ? Mais, c’est le tableau que j’ai dans mon salon ! J’ai remercié le vieil homme et je décide de retourner en urgence chez moi. Il n’y a plus de doute possible, ce tableau est bien celui de Charles Robert Maturin. En arrivant chez moi, je remarque que ma porte d’entrée est ouverte. Je me précipite à l’intérieur, me dirige dans le salon et je me fige sur place. Je vois une silhouette noire avec un crâne, la même qu’il y a sur le tableau, ramasser la toile. Elle se retourne lentement vers moi et disparait d’un coup.

Le tableau avait disparu.

Le tableau de Charles Robert Maturin :

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