La dernière âme

Chapitre 17 : À la croisée des chemins

1758 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 03/07/2025 08:33

La Marionnette s'éveilla là où elle s'était endormie. Une autre nuit, un autre réveil. Cette routine dont elle était prisonnière depuis plus de cent ans maintenant avait cessé de l'attrister depuis bien longtemps. La petite Charlotte Miller, si gentille et naïve avait cessé d'exister à l'instant où elle avait abandonné l'idée de sortir du corps de cet Animatronique. Elle ne savait plus vraiment qui elle était, ni pourquoi elle continuait à s'acharner sur Afton, qui, au fond, était aujourd'hui aussi perdu et prisonnier qu'elle.


Et puis elle baissa les yeux sur les petites âmes de Bonnie et Chica, tranquillement installées contre elle, en pleine discussion. Leur rire cristallin et innocent, ponctué d'amertume et de tristesse, lui brisa le cœur. Ils lui brisaient toujours le cœur, d'une manière ou d'une autre. Lorsqu'elle perdait espoir, elle regardait ces pauvres petites créatures sans vie et elle y voyait de la peur, de la colère. Elle devait les sauver. Mais combien de temps encore devrait-elle les sauver ? Le temps passait et leur situation restait similaire, inchangée, vide de sens. Et pourtant, au lieu d'être en colère contre elle, les petites âmes l'aimaient comme des enfants aiment leur mère. Et elle aimait ça. Peut-être un peu trop.


La petite fille qui n'avait jamais reçu d'amour de la part de son père découvrait ce sentiment pour la première fois de sa vie -ou plutôt, de sa mort-, et elle ne voulait pas qu'il lui glisse entre les doigts. Elle voulait que cette sensation dure... éternellement. Mais elle se l'interdisait. William Afton pouvait toujours les menacer dans cette autre vie, et elle ne trouverait le repos que lorsqu'il serait hors d'état de nuire, à jamais.


Doucement, elle se redressa. Son doigt fin effleura les joues des deux enfants fantomatiques qui se laissèrent chatouiller avec joie. Entre les planches, de la lumière perçait, illuminant faiblement sa cachette. Elle rampa vers la sortie, pour avoir un meilleur point de vue. Un obstacle se tenait devant la scène de Circus Baby, silencieux. Elle écouta un moment : l'animatronique ne paraissait pas réagir, la promenade de Golden Freddy avait sans doute pris plus longtemps que prévu.


"Elizabeth ? appela une voix grave, éraillée par l'âge et presque robotisée. Je sais que tu es là, tu n'as pas à faire semblant avec moi."


La Marionnette se figea. Même modifiée, l'intonation de cette voix restait gravée dans sa mémoire. Sa main voulut pousser la planche, mais elle n'osa pas. Elle doutait. Elle avait peur.


"Toi aussi, Charlie, reprit la voix. Je sais que tu es ici, j'ai vu les caméras de surveillance. Je viens juste pour parler, je ne vais pas te faire de mal. Je suis venu seul, pour te prouver ma bonne foi."


La Marionnette se tourna vers les deux petites âmes à ses pieds. Incertaines, elle secouait frénétiquement la tête pour la décourager d'y aller. Mais avait-elle seulement le choix ? Elle poussa les planches et se glissa à l'extérieur. Elle se redressa immédiatement pour faire face à l'intrus... Et fut très déroutée par ce qu'elle avait sous les yeux.


"C'est moi, dit l'homme. Michael Afton, tu te souviens ?"


Il n'avait plus rien du fringant jeune homme qu'il avait été. Outre les signes évidents de vieillesse qui parsemaient son visage et ses mains, il paraissait... mort. Sa peau autrefois si claire avait pris une teinte verdâtre, cadavérique. A certains endroits, elle était même d'une autre couleur, comme si on avait collé des morceaux pour rafistoler les restes de ce corps si maigre. La transformation était encore plus visible sur son crâne. Chauve, de grandes cicatrices couraient de l'arrière de sa tête jusqu'à son nez et sa bouche, recomposés à n'en point douter. Ses bras et jambes étaient reliés à de nombreux appareils qui pendaient sur sa chaise roulante dernier cri.


Les mots de Circus Baby lui revint à l'esprit immédiatement : "C'est toi qui a dit aux autres de se débarrasser de moi, une fois qu'ils auraient tué Michael."; "Je sais ce que Papa a fait. Mais je sais aussi ce que vous avez fait à mon grand frère.". Elle n'avait jamais voulu ça. La demande d'exécution de Michael Afton datait d'avant la punition de William Afton. L'ordre n'avait jamais pu être annulé, les Animatroniques du Circus Baby's World étant trop inaccessibles. Ils l'avaient prise au mot et avait transformé le fils Afton en monstre.


"Tu ne t'attendais pas à ça, pas vrai ? reprit le vieillard. Mais comment a-t-il pu survivre tout ce temps ? Une chance que j'ai le talent de mon père pour la robotique."


Il déboutonna sa chemise et dévoila à la Marionnette une vision qu'elle n'était pas prête d'oublier : la peau qui protégeait ses côtes n'existait plus, et la majorité de ses organes avaient été remplacés par des machines.


"Avoir un robot à l'intérieur de mon corps pendant presque un an m'a beaucoup inspiré, comme tu peux le voir. Mais je ne t'en veux pas. Je ne t'en veux plus. Je sais ce que mon père vous a fait, à toi et aux autres. J'ai lu ses carnets. Si je suis descendu au cirque, c'était uniquement pour aider Elizabeth et les autres, pour les libérer. Je sais que ce qui s'y est passé n'est pas de ta faute, c'est même totalement de la mienne. J'ai payé pour mon père. C'est la vie."


Il éclata d'un rire mécanique, froid et amer. La Marionnette eut un mouvement de recul. Elle baissa les yeux : Bonnie et Chica étaient accrochés à ses jambes, le regard braqué sur le fils Afton. Elle pouvait sentir leur peur.


Pourquoi revenir maintenant ? demanda t-elle télépathiquement. Qu'est-ce que tu me veux ?


Un sourire étira le visage abîmé du vieil homme, dévoilant une rangée de dents pourries.


"Je sais que ce qu'il a fait, Charlie, au musée. Je sais aussi ce qu'il a fait à ma petite fille, et ce que tu as fait pour elle, avec Foxy. Et je t'en suis reconnaissant. Je veux aider à l'arrêter. Je veux vous aider à quitter ce monde. N'es-tu pas lasse de cette vie ? Tu pourrais enfin te reposer."


Pas sans eux, répondit-elle en esquissant un geste protecteur vers les enfants.


Le regard du vieil homme se fit triste.


"Charlie, tu n'es pas une marionnette. Tu es une petite fille, comme eux. Comme Elizabeth. Tu n'as pas besoin d'arrêter mon père, tu sais. Tu l'as déjà puni, tu pourrais partir en paix. J'ai bien compris que tu veux le mettre hors d'état de nuire une bonne fois pour toute, mais je peux prendre le relai. Je suis vivant uniquement parce que j'ai promis de l'arrêter. Je mourais en même temps que lui, et cet endroit fermera à la minute où il sera coincé à l'intérieur. Je vais être sincère, Charlie : c'est un piège. Le bâtiment est voué à brûler, avec lui à l'intérieur, ce n'est qu'un appât pour l'attirer."


Je ne partirai pas, trancha t-elle. Pas tant qu'il sera là.


Michael lui sourit tristement.


"Tu ne rends pas les choses faciles, tu sais. C'est un cercle vicieux : il te craint autant que tu le crains. Vous vous tournez autour, encore et encore, mais aucun de vous deux n'a le cran pour s'en prendre physiquement à l'autre. Si tu ne me laisses pas t'aider, d'autres le feront de manière plus extrême, Charlie."


Il fouilla la poche de sa chemise et en tira une vieille photo, qu'il lui tendit. La Marionnette saisit le fin papier. Un jeune adolescent y était représenté, dans un costume noir sobre, le regard sombre et le sourire narquois.


"Il s'appelle Vincent. Vincent Miller, c'est le dernier descendant d'Henry Miller. Je sais de source sûre que Henry lui a transmis des ordres. Il veut tout autant que moi que cette histoire se termine, mais de manière beaucoup plus violente. Il a un laboratoire de recherches sur les âmes, dans le sud du pays."


Le vieil homme pointa les Animatroniques sur la scène.


"Je suppose que tu te rappelles de Funtime Freddy, Foxy, Ballora ? Lorsqu'ils ont enfin accepté de quitter mon corps, malgré mon état, j'ai cherché leur trace, pour les aider. Je ne voulais vraiment pas leur faire de mal, tu sais. J'ai touché au but après deux ans de travail. Leur signature électronique se trouvait à l'intérieur du laboratoire. Je m'y suis infiltré et... Il a créé des monstres à partir d'eux, des tueurs sans foi ni loi. Je ne sais pas ce qu'il a fait à leurs âmes, mais elles ne sont plus elles-mêmes."


La Marionnette resta silencieuse, l'air grave. Cette annonce était très inquiétante. Si son père avait trouvé un moyen de corrompre les âmes, les enfants étaient tous en danger. Elle lut dans les yeux de son interlocuteur qu'il pensait la même chose.


"Il y a très longtemps, j'ai fait une promesse à mon père : celle de libérer Elizabeth avant de mourir. Ce restaurant, ce n'est pas seulement un piège pour lui, ça ne l'est plus depuis longtemps. C'est une mission de sauvetage. Miller n'oserait jamais se pointer, vous êtes en sécurité ici."


La Marionnette lança un coup d'œil aux fenêtres explosées par Springtrap la veille. Elle en doutait sérieusement. Chica et Bonnie discutaient à voix basse, nerveux. Elle devait faire un choix, elle savait que les autres la suivraient. Le cours de ses pensées fut interrompu par l'apparition de Golden Freddy. Quelques secondes plus tard, Elizabeth s'activait. L'ours se mit immédiatement sur la défensive et se rapprocha de la Marionnette.


"Michael ! s'exclama joyeusement Baby.


— Bonsoir, Liz'. Bonsoir, Georges."


Golden Freddy ne répondit pas, glacial. La Marionnette sut de suite qu'il n'attaquait pas parce qu'elle n'attaquait pas. Elle était dans un beau pétrin : de un Afton, elle passait à quatre Afton à gérer. La situation se compliquait, mais les alliés étaient trop rares pour qu'elle refuse cette main tendue inespérée. Elle finit par tendre sa main à Michael.


Faisons alliance temporairement. Je ne garantis pas de faire confiance, mais je ferais de mon mieux pour aider à la capture de William.


"Ravi de l'entendre. Une longue nuit nous attend, mes amis."


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