Ifrit et Léviathan tome 1

Chapitre 9

2735 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 03/07/2022 13:18

La session d’entraiment qui suivit fut sans aucun pouvoir, Sélène insistait pour d’abord cerner au maximum le style de Léo avant de travailler ses pouvoirs. Les quatre heures suivantes furent une danse guerrière où chaque coups évoquait tantôt la puissance du feu, tantôt la fluidité et la vitesse des torrents.

Léo perdit le compte du nombre de fois où il fut éjecté sur le sol ou hors du ring. La puissance de ses coups ne pouvait rien face à la souplesse de la jeune femme. Après deux heures d’échanges de coups donc, Sélène déclara que la session d’entrainement était terminée. Léo pouvait se reposer et ranger ses affaires jusqu’au lendemain.

Fourbu, Léo ne se fit pas prier et après avoir remis ses vêtements civils en toute hâte, il regagna sa chambre. Il prit une douche qui lui sembla couler directement du paradis avant de s’écrouler de fatigue.

Sélène de son côté prenait un bon bain tout en faisant un bilan mental de cette première séance. La technique de Léo était sans surprise, très solide sur les bases, dès demain ils attaqueraient la pratique des pouvoirs.

Le lendemain matin, Léo se leva à sept heures et après un petit déjeuner rapide, il retrouva Sélène dans la salle d'entraînement. Heureusement pour ses nerfs, Sélène était venue peu avant lui et s’était changée.

 

─ Bien, dit-elle, aujourd’hui on va travailler tes pouvoirs. Affronte-moi comme tu l’as fait sur la plage.

─ Très bien, acquiesça Léo.

Il se concentra et le feu blanc inonda ses muscles.

Sélène sourit, elle ne se l’expliqua qu’après : elle trouvait que Léo était beau lorsqu’il invoquait son pouvoir. La combattante songea un instant à utiliser à nouveau son hydrokinésie, mais elle se dit qu’il était temps de montrer son autre facette à Léo. Elle en appela à son totem. L’immense serpent tatoué prit vie à nouveau et s’enroula autour de Sélène.

La jeune femme ne put s’empêcher d’apprécier l’expression de surprise sur le visage de son opposant. Cela le rendait très…mignon, oui mignon.

─ C’est donc ça que l’on appelle un « tatouage totem » ? déclara Léo, un enthousiasme à peine dissimulé dans la voix, c’est bien plus impressionnant à voir en vrai.

─ Tu en as donc entendu parler, ajouta Sélène.

─ Dans les quelques vidéos des combats de tes parents, celui de ta mère Xiong Mao est assez difficile à manquer quand il apparait.

C’était vrai, le totem panda roux de la cheffe des triades pouvait atteindre une taille immense.

─ Très bien, conclut Sélène, commençons. A toi d’engager.

Léo se mit en position et passa à l’attaque. Le léviathan entra à son tour dans la danse, chaque mouvement du Flamendo de Sélène était accompagné par le grand serpent.

En dépit de ses réflexes décuplés, Léo arrivait à peine à suivre le rythme de son entraineuse. Il vit le fossé qui le séparait de la jeune femme, certes il avait suivi l’entrainement de ses professeurs, mais après l’obtention de son diplôme il avait dû réduire son entrainement pour exercer son métier de cuisinier. Sélène, elle, avait poussé sa formation martiale et la maîtrise de ses pouvoirs bien plus loin. Et à présent elle allait lui apprendre à faire de même.

Le combat s'intensifia, les deux adversaires se mouvaient avec une vitesse et une grâce surnaturelles. Les coups de Léo étaient lourds et puissants, ceux de Sélène étaient vifs et acérés. Mais alors que les enchaînements se succédaient, Sélène et Léo sentirent quelque chose prendre forme en eux. Leurs mouvements étaient en train de se synchroniser, comme si un lien se formait entre leurs âmes. Finalement, Léo parvint à prendre Sélène de vitesse et lui lança un puissant coup de pied rotatif droit sur l'abdomen. La jeune femme eut tout juste le temps d'utiliser son totem comme protection.

La collision du feu argenté et du serpent eut le même effet que la foudre frappant le sol. Cette étrange décharge parcourut le corps des deux jeunes gens. Tous deux sentirent leur corps s'embraser, ils étaient connectés dans une étrange transe presque physique. Tous deux restèrent pétrifiés, se demandant ce qui venait de se passer. Léo reprit brièvement ses esprits et demanda s'ils pouvaient s'arrêter là pour aujourd'hui, Sélène accepta. Léo partit comme une flèche vers sa chambre sans même prendre le temps de retirer son kimono.


Sélène resta seule sur le ring pendant quelques minutes avant de rejoindre sa chambre à son tour. Elle s'écroula sur son lit et entreprit de méditer. Ce qui s'était passé dans la salle d'entraînement, elle n'avait pas de mot pour le décrire. Jamais elle n'avait ressenti ça. Pendant un court instant, son esprit et celui de Léo n'avaient fait qu'un. Elle avait perçu toute la souffrance que Léo avait vécue pendant et après le crash de l'avion. Ce que son pouvoir incontrôlé lui avait fait vivre. Mais le plus déstabilisant pour Sélène était ce qui ressortait de ce maelström d'émotions et de souvenirs : de l'attirance pour Léo. C'était totalement grotesque, elle le connaissait depuis quelques jours. Elle se mit alors à répéter ses dernières déceptions en termes de relations amoureuses. D’une étrange façon, cela eut plus l'effet de lui démontrer que cette idée n'était pas si idiote, cela semblait même être une évidence.

Certes Sélène ne connaissait pas Léo depuis très longtemps, envisager d'en faire son compagnon était un peu précipité. Pourtant, après ses expériences avec Tao et Sarah, tous deux issus du même milieu qu’elle, mais uniquement motivés par l’ascension sociale, Léo était un candidat tout à fait valable.


Il n'était aucunement motivé par le pouvoir ou l'argent. Pour le pouvoir, c'était plutôt l'opposé. De plus, Sélène dut reconnaître que le côté peu expérimenté de Léo avec la gent féminine le rendait très mignon. Elle lui faisait penser à un gros félin, féroce certes, mais à qui elle aurait bien passé une laisse et un collier pour l'avoir près d'elle. Ils se seraient alors protégés l'un l'autre.

Mis à part ce petit fantasme coupable, ce qu'elle avait perçu de la personnalité du jeune homme laissait transparaître quelqu'un de bon, marqué par la souffrance et la solitude hélas. Toutefois deux grands inconnus se dressaient sur la route : Sélène était-elle vraiment prête à se lancer dans une nouvelle relation ? Et surtout, que penserait Léo de tout ça. Après une bonne partie de la soirée et de la nuit passées à réfléchir, Sélène décida de ranger tout ça dans un coin de son esprit et de laisser les choses se faire, du moins pour l'instant.

Le cerveau de Léo était à deux doigts de l’explosion, il n’arrivait pas à comprendre ce qui venait de se produire. Sa conscience s’était mêlée à celle de Sélène et pendant une fraction de secondes, il avait une vision claire de toute la personnalité de la jeune femme. Une âme magnifique, rayonnante, brave mais triste aussi. Marquée par la déception de l’amour, chassé par l’ambition personnelle de deux personnes en qui elle avait confiance. Une discipline d’acier et une volonté d’atteindre ses objectifs tout aussi acérées. La gentillesse et la compassion qu’il avait perçues dans l’âme de Sélène avait fissuré la carapace qu’il s’était forgée durant son adolescence.

Tout à coup il ressentait une chose qu’il avait rejeté toute sa vie : de l’attirance. Léo n’avait pas vraiment brillé pour son charisme au collège puis au lycée. L’évènement de l’avion avait agi comme un puissant répulsif à fille, ou à relation romantique. Il avait donc appris à se désintéresser de ce genre d'affaires. Mais ce contact avec Sélène, avait eu le même effet qu’un incendie sur un puits de pétrole. Un nouveau brasier venait de naître, comme si celui de ses pouvoirs ne suffisait pas.

Finalement la fatigue mentale eut raison de l’anxiété des deux jeunes gens. Ils sombrèrent dans un sommeil profond.

***

Les deux semaines passèrent très vite dans une ambiance pesante de non-dit entre Sélène et Léo. Chaque journée se déroula de la même manière : les deux partenaires se levaient, prenaient leur petit déjeuner et descendaient dans le dojo pour s’y entrainer jusqu’à midi. Une fois le déjeuner avalé et une petite pause jusqu’à treize heure trente, l'entraînement reprenait.

Ce dernier était éprouvant, Léo finissait souvent au tapis. Mais ses progrès étaient visibles, à chaque nouveau combat il décryptait davantage le Flamendo. Il trouvait un moyen pour s’accorder sur le rythme de Sélène et le briser en changeant brusquement le sien. Il ne parvint cependant à toucher la jeune femme qu'une seule fois, un coup de poing à l'abdomen. Sélène ne tarda pas à répliquer et elle lui fit faire un magnifique trois-cent soixante degrés aérien.

Lorsque le premier week-end de repos arriva, Léo rentra à Bois-Cor comme un animal regagnant sa tanière pour se protéger d'un prédateur. Sélène non plus n'était pas dans son assiette. Sans le savoir tous deux étaient tourmentés par les mêmes pensées et émotions.

En arrivant chez lui, le soir du vendredi 5 juin, Léo laissa sa valise dans l’entrée avant de filer vers sa chambre. Vidé de son énergie, aussi bien par l’effort physique que mental, il s’endormit aussitôt pour la première fois depuis des années. À plusieurs kilomètres de là, dans sa chambre d’hôtel, Sélène sombra tout aussi vite dans le sommeil. Mais aucun d’eux n’eut un sommeil calme cette nuit-là.

Une fois encore Léo s’incarna en colonne de feu et Sélène en une mer infinie. Mais quelque chose était différent cette fois-ci : la colonne de feu et l’étendue d’eau étaient déchaînés. Ils gravitaient l’un autour de l’autre comme deux satellites attirés l’un vers l’autre.

Les deux protagonistes prirent peu à peu forme humaine. Sélène faite d'eau et Léo de flammes. Aucun d'eux ne comprenait ce qui se produisait sous leurs yeux. Leurs deux esprits connectés étaient en ébullition. Le même tourbillon d'émotions qu'ils avaient mutuellement ressenti deux semaines plus tôt prenait à présent forme dans cette vision onirique.

─ Sélène, qu'est-ce qu’il se passe ? articula Léo avec peine tant il avait dû mal à cause de la tempête sensorielle.

La jeune femme n'en savait rien, elle ne pouvait donner la réponse à cette question. Elle éprouvait simplement un besoin indescriptible et vital de toucher l’être de flamme qu’incarnait Léo.

Dès qu'elle eut cette pensée, son enveloppe aqueuse se rapprocha de lui en un clin d'œil. Sélène tendit la main et à l'instant où elle toucha les flammes blanches comme l'ivoire, une violente décharge traversa les esprits des deux protagonistes oniriques. Tous deux se réveillèrent brutalement, le corps en feu. Quelque chose brûlait en eux, c'était comme s'ils étaient des toxicomanes en manque de drogue.

Ils eurent la même idée, mais c’est Sélène qui fut la plus rapide pour utiliser son téléphone. D’une voix fébrile et excitée elle dit simplement :

─ Léo, si tu as vu la même chose et que tu es dans le même état que moi, reviens vite à l’hôtel, il faut sérieusement que l’on parle de ces visions.

Le simple son de la voix de la jeune femme fut comme une bouffée d’oxygène pour Léo, qui sentit son rythme cardiaque retrouver son calme. Le jeune homme déboussolé, mit quelques secondes avant de répondre :

─ Oui…j’arrive au plus vite.

─ Bien.

Sélène raccrocha, laissant Léo seul avec ce feu qui le dévorait et menaçait à tout instant d’exploser.

Il consulta l’heure : une heure du matin. Le jeune homme sut immédiatement qu’il ne retrouverait pas le sommeil : son corps était bien trop galvanisé. Dans quelques heures il ferait jour, il n’hésita pas une seconde de plus. Il enfila un survêtement propre, récupéra sa valise pleine de vêtements propres et fila vers son véhicule. Heureusement pour lui, aucun journaliste n’avait eu le temps de réaliser son retour. Il put ainsi prendre la route sans problème.

À l’autre bout du fil, Sélène n’en menait pas large. Jamais elle n’avait éprouvé cela. L’absence de Léo provoquait un horrible sentiment de vide en elle. Aucune de ses relations antérieures ne lui avait fait ce genre d’effet. Et voilà qu’un jeune homme qu’elle ne connaissait même pas depuis un mois lui faisait cet effet-là.

Pour elle il était clair que leurs âmes s’étaient liées lors de l’entraînement plusieurs jours plus tôt. Son père lui avait parlé de cas similaires à travers l’histoire des Lycans. Deux âmes qui dès leur venue au monde, étaient vouées à se trouver, à se lier et à s’aimer à jamais.

Ce genre d’histoire était plus de l’ordre du mythe que de la vérité, encore plus dans le monde moderne où les relations entre individus étaient des plus complexes et où on ne croyait plus au coup de foudre.

En dépit de son héritage chamanique, Sélène ne croyait pas au coup de foudre et à l’amour instantané. D’ailleurs elle doutait que ce qui se produisait entre Léo et elle puisse être qualifié « d’amour ». Pas encore en tout cas, il s’agissait plus d’une pulsion animale, ou surnaturelle. Elle savait déjà ce qu’ils allaient devoir faire pour régler ce problème. Mais cela ne serait que temporaire et ils allaient devoir répéter l’opération plusieurs fois. Et bizarrement elle se réjouissait à cette perspective.

Léo conduisit à toute vitesse, luttant de toutes ses forces pour ne pas enfoncer l’accélérateur. Les deux heures qu’il lui fallut pour atteindre Rennes puis l’hôtel, lui semblèrent durer une éternité. Il gara la voiture et monta les marches à toute allure. En moins d’une minute il était devant la porte de la chambre de Sélène. Léo prit alors une profonde inspiration et tâcha de calmer le volcan qui grondait dans son corps. Une fois sa contenance à peu près retrouvée, il toqua à la porte.

Sélène avait entendu la voiture de Léo, bien avant qu’il ne monte les escaliers. Elle compta les secondes avant qu’il ne frappe à la porte, sentant son calme s’effriter. Lorsqu’il le fit, elle fonça jusqu’à la porte, toute contenance perdue. Vêtue d’un court pyjama elle l’ouvrit d’un coup attrapa Léo dès qu’il fut visible par le col et le tira à l’intérieur avant de refermer la porte aussi rapidement qu’elle l’avait ouverte.


Laisser un commentaire ?