Game of Thrones : Fire and Ice.

Chapitre 4 : Le sang du dragon. (Jon Snow)

6396 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 29/03/2020 04:10

Chapitre 3 Jon Snow (partie 2).


   Sans trop savoir exactement comment ni pourquoi il s’était rendu dans cette direction, Jon venait de quitter la ville de Blancport pour se tenir dans une zone dégagée non loin d’un petit bois. Il avançait seul puisqu’il n’avait pas jugé utile d’avertir quiconque de ses intentions. Certes les gardes qui l’avaient vu sortir avaient une idée précise mais sans plus.

   Jon progressait donc, emmitouflé dans son épaisse fourrure. Il semblait que depuis leur arrivée en ville l’hiver ait décidé de se montrer plus mordant comme pour rappeler qu’il était grand temps pour eux de gagner Winterfell. Jon avait donc décrété que cette nuit serait la dernière qu’il passerait ici et après hors de question de perdre plus de temps. Qui plus est si l’armée de Daenerys poursuivait sa progression il leur faudrait la rejoindre. Et d’après lui cela devait avoir lieu près de Moat Cailin. Tyrion avait beau prétendre qu’il faudrait du temps aux Immaculés et aux Dothrakis pour parvenir à ces ruines, Jon se sentait gagnait par un sentiment d’urgence qu’il ne s’expliquait pas.

   Après tout il savait que les morts devaient un jour fondre sur le continent. Quand ? Il l’ignorait. Toutefois son instinct lui disait que l’échéance approchait où les vivants devraient faire face à cette menace ou être condamnés à disparaître.

   Tout à coup il perçut le son d’un rugissement qui sembla faire frémir l’air tout autour de lui. Jon était content d’être assez loin de Blancport, s’interrogeant sur la peur qu’aurait pu éprouver les habitants en pouvant percevoir la présence des dragons aux abords de la bourgade. Lui-même ressentait toujours un sentiment d’inquiétude lorsqu’il se tenait près de telles créatures. Malgré tout une partie de lui commençait à ressentir une certaine attraction qui, l’a aussi, il ne parvenait pas à se l’expliquer.

   A bien y réfléchir les prémices de cette attirance avait débuté, bien qu’imperceptiblement, au contact de Drogon, le dragon de Daenerys. Comme si une part de Jon se sentait connectée à la créature et que l’inverse était également vrai. Certes cela n’avait aucun sens. Il était un Stark, les Stark étaient liés aux loups, pas à ces monstres volant. Alors pourquoi certaines nuits s’était-il surpris à rêver qu’il chevauchait l’un d’eux pour s’envoler dans les airs ?

   Jon secoua mentalement la tête. Ces questions étaient futiles. Il ne devait pas tant se disperser et continuer à conserver toutes ses pensées sur le Roi de la Nuit et la meilleure manière de protéger le continent de Westeros tout en découvrant un moyen de mettre un terme à l’existence de ces êtres contre nature qu’étaient les Marcheurs Blancs, les spectres et leur Maître.

   Cinq minutes s’écoulèrent quand Jon parvint dans un vaste champ en friche qui attendait le retour du printemps pour recevoir les prochaines récoltes. Là reposait Rhaegal. Le dragon paraissait à moitié endormi et la carcasse de plusieurs bovidés témoignaient que son frère et lui avaient déjà mangé. Jon leva les yeux au ciel, se demandant si Drogon était parti chasser ou profiter des ténèbres de la nuit pour explorer cette région qu’il ne connaissait pas.


   En le voyant s’approcher Rhaegal redressa son imposante tête et laissa échapper un léger jet de flammes qui brûlèrent quelques brins d’herbe. Jon s’interrogea alors sur l’intention du dragon qui paraissait avoir agit ainsi dans le but de lui fournir un léger éclairage. C’était certes tout bonnement inutile puisqu’il avait la lune pour voir où il allait.


« Je doute que le dragon réfléchisse comme un homme, se dit Jon. Il ne peut pas se dire que j’ai besoin de lumière et lui de décider de m’en fournir via ses flammes. »


   Toujours était-il qu’il effectua son approche du dragon. L’intéressé le toisait sans ciller, les ailes repliées sous le corps, paraissant l’avoir attendu toute la nuit durant. Jon retira un de ses gants, désireux de réitérer l’expérience d’avoir à toucher l’une de ces créatures impressionnantes. Il y était parvenu avec Drogon, pourquoi donc n’y réussirait-il pas avec Rhaegal ? Après tout celui-ci était bien moins impressionnant.

   Jon savait que c’était un mensonge. Peu importe la taille d’un dragon il fallait être fou pour se dire qu’il était possible de les approcher sans ressentir la moindre peur. Malgré leur côté majestueux, ces dragons étaient une menace sans rien de comparable si l’on exceptait le Roi de la Nuit. Il n’en demeura pas moins qu’après une demie-minute d’hésitation sur si oui ou non il allait se risquer à établir le contact ce fut Rhaegal qui se mit à se mouvoir en s’approchant pesamment de lui, les ailes repliées le long du corps. Le dragon laissa échapper un léger grondement sans paraître vouloir se montrer hostile.

   Néanmoins il était hors de question pour lui de quitter Rhaegal des yeux. Si tel devait être le cas une partie de lui redoutait de finir carboniser sous le jet brûlant des flammes que Rhaegal lui cracherait dessus.

   Une partie car Jon réalisa que ce qu’il redoutait n’était pas tant son trépas probable à agir de la sorte, inconsciemment sans que nul n’est vent de sa présence en cet endroit. Non il craignait davantage les conséquences qui en résulteraient. En effet s’il venait à périr ici et maintenant et que les Nordiens l’apprenaient, à coup sûr ceux-ci intenteraient cette responsabilité à Daenerys et l’alliance qu’il souhaitait établir entre les habitants du Nord et cette dernière ne se produirait jamais et les hommes se retrouveraient divisés lorsque surviendrait l’armée de milliers de soldats morts.

   Toutefois il restait également probable qu’il ne se passe rien de tout cela. Après tout, la dernière fois qu’il avait eu l’occasion de se trouver dans une situation similaire lorsqu’il s’était tenu aux côtés de Drogon, Jon se rappelait que la créature qu’était le dragon lui avait certes dévoilé ses crocs à la taille impressionnante bien qu’au final il avait fait montre d’un certain contentement si tant est qu’une telle chose fut possible pour ce genre de créature fantastique et ce dès le moment où Jon lui eu caressé le museau.

   Il paru bien rapidement que la tournure des événements présents seraient similaires cette fois aussi. En effet, Jon nota que Rhaegal ne lui opposait aucun refus au contact de la paume de sa main gauche. Il paraissait même chercher à prolonger ce contact avec lui. Curieusement, et durant une fraction de seconde, Jon eu la vision idiote d’un chat gigantesque et pourvu d’ailes qui se mettrait subitement à ronronner.

   Soudain le dragon déploya son aile gauche avant de la replier de sorte qu’il paru à Jon qu’il s’agissait là d’une invitation à prendre place sur son dos. Jon ne cacha pas son étonnement d’une telle action.


« Je ne peux te monter, déclara-t-il. Je ne suis pas un Targaryen. »


   Non, il n’était qu’un simple bâtard. Fils d’un Stark. De sa mère il ne savait rien. Ni son nom, ni ce à quoi elle pouvait ressembler de son vivant. Seul son père aurait pu lui décrire cette femme mystérieuse. Quand bien même Jon ne voyait pas Eddard tromper Lady Catelyn avec une Targaryen alors qu’il participait à une rébellion ouverte contre cette famille.

   Malgré tout il nota que le dragon ne paraissait pas enclin de se satisfaire de l’excuse qui lui avait été servi pour ne pas le monter. Il agita l’aile de façon pressante. Jon hésitait toujours. Il avait certes le désir de monter mais craignait le déroulement de la chose sitôt qu’il s’élancerait à l’assaut des airs. Il ne connaissait rien à la navigation d’un dragon et la seule qui aurait pu le lui dire c’était Daenerys sauf qu’il s’imaginait mal retrouver la jeune femme pour l’enjoindre à lui apporter des éclaircissements sur comment manœuvrer Rhaegal.


« Non, je ne peux pas, assura-t-il sur un ton ferme. »


   Il n’en ferait rien. Si jamais Jon devait se résoudre à céder à une telle pulsion et que quelqu’un le remarquait à coup sûr on se poserait des questions. Son allégeance pour les Targaryen prévalait-elle sur celle qu’il devait aux siens les Stark ? Voilà une interrogation qu’il refusait que les Nordiens aient à se poser. Il était certes un Stark mais savait qu’il devait s’unir aux Targaryen.

   Il avait tout juste effectué un demi-tour pour regagner Blancport et fait trois foulées qu’il reçu un coup dans le dos. S’étalant au sol il porta aussitôt sa main vers la garde de Grand-Griffe, prêt à dégainer lorsqu’il réalisa que Rhaegal venait de le pousser. Le geste n’avait pas été fait dans l’optique de le blesser ou autre mais davantage pour l’enjoindre à accepter de gravir l’aile pour prendre place sur son large dos aux écailles verte.

   Jon se releva lentement et refit face au dragon qui une fois de plus agita son imposante aile.


« Très bien, très bien, concéda-t-il de mauvaise grâce. »


   Il lâcha son épée et posa son pied gauche sur une écaille, évaluant s'il pouvait peser de tout son poids sans courir le risque de blesser le dragon. Celui-ci ne parut pas se formaliser le moins du monde, attendant qu’il prenne place. Jon obtempéra, ayant l’impression que depuis le début c’était le dragon qui guidait ses décisions plutôt qu’il ne les ait prises en toute conscience. Jon eut tout juste le temps de s’asseoir dans une posture relativement confortable que Rhaegal déploya ses ailes et décolla dans l’air froid de l’hiver.

   Jamais Jon n’aurait cru ressentir un tel frisson. Le froid n’avait rien à voir avec la sensation qui l’envahissait tout entier. Jon se sentait enivrait par la vitesse avec laquelle il se déplaçait dans les cieux et fut encore plus étonné de réaliser qu’il n’éprouvait pas la moindre trace d’une peur quelconque. Plusieurs minutes s’écoulèrent ainsi pendant que Rhaegal planait si haut dans le ciel que Jon ne parvenait à distinguer le sol.


« Tout doux, tout doux, essaya-t-il d’articuler tout en claquant des dents. »


   Par les Anciens Dieux comment faisait Daenerys pour supporter des températures si glaciales. Même en portant une fourrure Jon avait le sentiment d’être nu. Le souci était que le dragon poursuivait son ascension sans paraître un instant faire montre d’un désir d’inverser la tendance. Jon s’interrogea sur s’il devait se servir de ses talons pour tâter les flancs de la créature et ainsi lui dictait la conduite à tenir ou si Rhaegal obéissait à des ordres sonores, de simples mots qui feraient office d’injonction pour aller à droite, à gauche, vers le haut, vers le bas.

   D’après le peu qu’il en savait, c’est-à-dire pas grand-chose, les dragons comprenaient le Valyrien, une langue ancienne que Daenerys avait employé lorsque Jon était à ses côtés sur Peyredragon. Cependant il ne se souvenait plus des termes employés et ne se sentait pas à même de les répéter à la perfection. Aussi, à tout hasard, jugea-t-il qu’il userait de la langue commune.


« Descend, ordonna-t-il sur un ton qui se voulait ferme. »


   Jon sentit son estomac remonté lorsque le dragon plongea en piqué. Cette sensation disparu presque aussitôt et il se sentit grisé. Pour la première fois depuis bien longtemps il se laissa gagner par un éclat de rire qui le surprit lui-même. Comme si Rhaegal partageait la même joie, le dragon se mit à tourner en vrille, forçant Jon à se cramponner fermement pour ne pas choir. Et là où il savait qu’il aurait dû ressentir une pure panique il comprit que l’exaltation allait croissante. Dire qu’il avait redouté d’avoir à s’élancer dans cette aventure.

   Plusieurs minutes s’écoulèrent avant qu’enfin Jon ne guide sa monture en direction du sol où Rhaegal s’y posa lourdement avant de ployer l’aile en guise de marchepied. Jon sentit ses jambes trembler lorsqu’il foula l’herbe. Dieux qu’il se sentait bien. Il comprenait enfin pourquoi Daenerys aimait tant se retrouver sur Drogon.

   Tout à coup une voix le tira de ses pensées. Une voix où perçait la stupeur.


« Jon ? »


   C’était elle. Jon l’avait reconnu. Et en pivotant il eu la confirmation qu’effectivement il s’agissait de la reine des dragons. Cette dernière était sur son propre dragon, toisant le bâtard du Nord comme si elle n’en revenait pas de ce à quoi elle venait d’assister. Jon réalisa subitement qu’il y avait de fortes chances pour que Daenerys fût présente depuis qu’il était arrivé dans la clairière et trop concentré sur Rhaegal il n’avait pas jugé utile de fouiller des yeux toute la zone, pensant à tort que Drogon était quelque part dans les cieux.

   Il aurait certes pu ressentir une pointe de culpabilité d’être surpris ainsi à avoir prit son envol sur le dos de Rhaegal pourtant il n’en était rien. Il avait établi une connexion avec cette créature et tout son corps lui criait cette vérité, il était fait pour ça.

   Daenerys sauta avec grâce au bas de Drogon qui reprit aussitôt la voie des airs, aussitôt imité par son petit frère. Les deux humains les regardèrent faire pendant près d’une minute. Finalement Jon fixa la jeune femme, attendant qu’elle fasse part de ses impressions.


« C’est très étonnant, déclara celle-ci sur une voix tout juste audible. Je n’avais jamais vu mes dragons se comporter ainsi avec qui que ce soit. Drogon vous a permit de le toucher, à présent Rhaegal vous laisse le monter. C’est … .

-Incroyable, conclu Jon. »


   Daenerys l’observa comme si elle cherchait à fouiller au fond de son âme. Jon soutint ce regard et comprit ce qu’elle devait se demander. Etait-il un Targaryen puisque seuls ceux-ci étaient en mesure de pouvoir monter un dragon ? Jon connaissait la réponse. Non il n’en était pas un. C’était impossible et rien ne pouvait venir infirmer le contraire, quand bien même il ressentait ce lien étrange avec Rhaegal.


« Votre mère, débuta Daenerys. »


   Elle ne put terminer sa phrase. Jon voyait bien à quel point tout ceci la troublée profondément. Lui aurait tant voulu partager la joie de l’impression qu’il venait de vivre, partager cette enivrante sensation qu’était de pouvoir survoler le monde. Il s’approcha lentement de la jeune femme, tendant une main vers celle-ci. Une légère blessure s’ouvrit en lui quand Daenerys chercha à éviter tout contact physique.


« J’ignore pourquoi votre dragon a réagit ainsi, débuta-t-il maladroitement. »


   Daenerys ne paraissait pas à même de vouloir écouter ce qu’il avait à lui déclarer. Au lieu de quoi elle se contentait de lever les yeux pour suivre les pérégrinations de Drogon et de Rhaegal.


« Depuis quand savez-vous que vous pouvez les approcher de la sorte ? »


   Jon n’en savait rien et il le lui dit. Le croyait-elle pour autant, Jon ne put en juger avec certitude. Il voyait à quel point tout ceci pouvait chambouler la jeune femme. Et qu’il aurait aimé la réconforter si lui-même ne ressentait pas des sentiments similaires. Il ne pouvait cependant pas céder à cette pulsion. Une partie de lui, celle qui était pragmatique, lui dictait que l’heure était venue. Il était enfin seul en sa compagnie et avait toujours une décision à prendre quant à leur relation.


« Daenerys, fit-il. Votre Grâce, continua-t-il, tentant d’accrocher son attention. »


   Voyant qu’il n’y parvenait pas il attendit en silence que Daenerys daigne lui prêter la moindre attention.


« Mes dragons ont senti l’affection que je vous porte, affirma Daenerys. Je présume qu’ils ont comprit à quel point vous m’étiez cher. Voilà pourquoi pour eux vous pouvez les approcher sans risque. Ils savent qu’ils peuvent avoir confiance en vous car je le fais moi-même. »


   Était-ce là l’explication au fait qu’il soit parvenu à approcher les dragons et à en chevaucher un ? Manifestement Jon ne s’en contentait pas vraiment. C’était trop simple pour que ça fût vrai. Mais à quoi donc pouvait-il se raccrocher pour éclaircir ce mystère ? Il n’en savait rien et jugea que ça devrait suffire. Au moins à l’avenir saurait-il qu’il faudrait éviter de trop s’en approcher.


« Je dois vous parler votre Grâce, reprit-il. »


   L’intéressée observait toujours ses deux enfants qui rapetissaient à mesure qu’ils atteignaient des sommets de hauteur. Finalement Daenerys se tourna vers lui, les sourcils légèrement redressé, curieuse d’entendre ce qu’il avait à lui dire.


« Notre relation est impossible, lâcha Jon de but en blanc. »


   Les mots étaient lâchés. Il avait préféré allait droit à l’essentiel plutôt que d’avoir à tergiverser longuement. Daenerys se concentra donc sur lui, espérant une suite. Quant à lui, Jon aurait amplement souhaité pouvoir accéder aux pensées de la jeune femme. Se disait-elle qu’effectivement leur histoire était impossible ? Qu’en tant que reine légitime de Westeros elle ne pouvait se permettre de s’afficher avec un homme de sa stature et dont le nom témoignait aux yeux du monde de son état de bâtard ? Souhaitait-elle au contraire prétendre que rien de tout ceci ne pouvait avoir la moindre importance, qu’elle l’aimait et se ficher des convenances ?

   Jon n’aurait su le dire car les yeux de Daenerys ne reflétaient en rien ce qui pouvait lui traverser l’esprit. Jon attendit donc en silence. Un silence qui s’éternisait.


« Je suis un bâtard, lâcha-t-il finalement. Vous savez parfaitement qu’en revendiquant le trône il est impossible pour vous de fréquenter quelqu’un de mon engeance.

-Est-ce donc là ce que vous désirez que je fasse.

-Ce n’est pas ce que je veux qui prime votre Grace. Mais ce qui doit être fait pour le royaume. Et qu’importe quel puisse être mes sentiments pour vous. »


   Jon n’alla pas plus loin, il savait en avoir trop dit. Aurait-il déclaré « Je suis amoureux de vous. » que cela n’aurait fait aucune différence.


« Si tel est votre choix, lui déclara la reine, »


   Non ce n’était pas son choix, il se contentait de faire ce qui est juste, de faire ce que son patronyme de Snow lui avait apprit depuis bien longtemps, il ne pouvait ni n’avait la possibilité d’établir une relation avec quiconque. Il se l’interdisait car il souffrait à l’idée que ses enfants ne puissent profiter des chances qui lui avaient été refusés à lui-même par ce nom bâtard.

   Si Jon avait pu faire autrement alors il aurait foncé tête baissée, prit Daenerys contre lui et lui dire qu’il l’aimait. Il ne le pouvait pas. Et seuls les Anciens Dieux pouvaient dire à quel point cette situation était difficile pour lui. Et ce n’était pas la première fois qu’il préférait écouter la voix de la raison plutôt que la voix du cœur.


   Il avait aimé Ygrid avec une passion qui lui paraissait encore irréelle aujourd’hui et qu’il ne s’était attendu qu’à trouver des les contes de preux chevaliers que Sansa raffolait alors qu’elle n’était qu’une enfant. Oui Jon avait été amoureux de la sauvageonne. Il aurait pu tout plaquer pour elle, fuir loin de tout et du reste du monde. Se cacher dans une des nombreuses cavernes que l’on pouvait trouver au-delà du Mur.

   Si il avait prit une telle décision qu’en serait-il de lui actuellement ? Il ne savait qu’une chose il ne serait pas présent en face de Daenerys. Quant à Ygrid… . Et bien Jon la saurait toujours vivant, en train de le taquiner sur son manque de connaissance et Jon apprécierait chaque fois qu’elle se montrerait espiègle.

   Les événements en avaient décidé autrement. Fidèle à ses vœux qui le liés à la Garde de Nuit, Jon s’en était retourné vers cet ordre séculaire en regagnant Château Noir où quelques temps plus tard Ygrid devait l’y retrouver et y rencontrer son funeste destin au cours d’une bataille qui vit s’affronter les frères de la Garde à une horde de sauvageons.

   Beaucoup de temps s’étaient écoulés depuis lors, beaucoup de choses s’étaient produites. Jon n’était plus un frère juré de la Garde, il n’était plus roi du Nord, il n’était qu’un bâtard devant faire face à la réalité, devant accepter que son destin à lui était de combattre les morts et de renoncer à tout autre chose, fut-ce ses propres sentiments à l’égard de Daenerys Targaryen, qui, impassible, se contentait de le fixer de ses prunelles améthystes.

   Jon escomptait grandement que Daenerys comprenne la portée de sa décision, Si elle considérait celle-ci alors elle réaliserait que c’était le mieux à faire. Beaucoup ne la respecterait pas et verrait en elle une femme fragile laissant parler son cœur avant de faire passer les intérêts du royaume en premier. Jon la savait à même de gouverner, il le sentait au fond de lui, Daenerys était vouée à faire beaucoup pour Westeros et l’ensemble de ses habitants. Lui n’y prendrait pas part et se maintiendrait à distance, hors de son chemin, si vraiment il devait survivre à la Grande Guerre.


« Vous avez raison, concéda-t-elle à son grand soulagement. Il est préférable que les choses en restent là. Je suppose que les Nordiens n’auraient pas non plus accepté de vous voir arriver dans votre pays aux bras d’une Targaryen. »


   C’était vrai. Jon en avait conscience. Toutefois pour l’heure le fait que la jeune reine est acceptée suffisait pour lui bien qu’une part de sa personne ressentit une profonde affliction. Dieux que c’était douloureux. Nonobstant il réalisa bien vite que Daenerys paraissait surtout prête à approuver cette décision car pour l’heure et en ce qui la concernait c’était le fait d’avoir vu Jon sur un de ses dragons qui paraissait lui donner plus de soucis de réflexions. Jon décida de ne pas s’étendre davantage sur la question. Peut-être en reparlerait-il un jour, quand les choses seront plus simples, si tant est qu’elles puissent l’être à l’avenir ce dont il en doutait. Et tout comme le fit la souveraine, Jon se mit à toiser les créatures ailées dans le silence le plus complet,


              ********************


   Tous deux venaient tout juste de regagner la périphérie de Blancport lorsqu’un garde de la ville se présenta à eux,


« Le seigneur Manderly compte vous recevoir dans la salle d’audience, Sire. »


   L’homme ignora superbement Daenerys au grand dam de Jon. Toutefois l’heure n’était pas à la discussion, le fait que Manderly cherche à les voir à une heure aussi indue témoignait d’une certaine urgence. Échangeant un regard inquiet avec la jeune femme, Jon hocha la tête pour signifier au fantassin avoir prit acte de la requête. L’intéressé s’empressa de les mener à destination qu’ils atteignirent quelques minutes plus tard.


   Jon réalisa bien vite que le seigneur n’était pas seul dans la pièce. Tyrion les y attendait ainsi que Davos. En ce qui concernait la salle, cette dernière n’était pas bien grande et se trouvait à l’arrière de la salle principale qui servait pour les grands repas. L’embonpoint de Wylis rendait la zone plus exiguë encore.


« Sire, débuta aussitôt Manderly dès qu’il l’aperçu. Je m’excuse pour vous avoir mandé en une telle heure. Je ne l’aurai pas fait si d’étranges nouvelles ne m’étaient parvenues.

-Quelles sont-elles, demanda Daenerys. »


   La pointe de froideur que Jon décela dans la voix de la souveraine témoignait que cette dernière n’appréciait pas le déni que leur hôte lui octroyait et l’usage du « Sire » n’aidait pas. Loin de s’en formaliser Manderly montra les sièges présents, invitant chacun des individus à y prendre place. Une fois que tous se furent exécutés, Jon observa ses condisciples.

   Tyrion et Davos ne paraissaient pas avoir été tirés du sommeil ce qui ne l’étonnait guère. En effet le nain était connu pour son amour de la lecture lorsque la nuit tombait. Quant à Davos, ce dernier se plaisait à marcher afin de s’éclaircir les idées. Une toux résonna vers sa droite, émanant de Manderly, l’incitant ainsi à se concentrer sur ce dernier.


« Le Mestre est venu me trouver voilà moins d’une heure. Des navires Greyjoy auraient été aperçus voguant plus à l’est d’ici. »


   Jon s’en étonna mentalement. Comment était-ce possible ? S’agissait-il de Theon venu gagner le Nord avec les rares Fer-Nés qu’il avait en sa possession ? Si c’était le cas tout ceci n’avait pas le moindre sens. Theon escomptait sauver sa sœur, Yara, si Jon se souvenait bien du nom de cette dernière. Pour quelle autre raison Theon pouvait avoir décidé de changer d’avis et de voguer vers le Nord ?


« En êtes-vous tout à fait certain, interrogea Tyrion en toisant Manderly avec intérêt.

-Des pêcheurs les auraient aperçu en train de voguer et ce durant de nombreux jours. Loin des côtes pour éviter qu’on ne les repères.

-Theon aurait-il prévu quelque chose, chercha à savoir Daenerys, sa missive s’adressant à Jon. »


   Comment aurait-il pu le savoir ? Jon doutait toutefois que Theon soit à l’origine des mouvements de la flotte Greyjoy. Ce qui ne laissait qu’une autre perspective. Malgré tout pour Jon s’était tout autant inconcevable que la première hypothèse.


« Mes avis qu’il puisse s’agir de cet Euron, pronostiqua Davos.

-N’était-il pas censé regagner les Îles de Fer, s’en étonna Daenerys.

-Sauf si tout ceci n’était qu’une fourberie fomentée par ma sœur afin de nous faire croire que telles étaient les intentions d'Euron, rétorqua Tyrion. Et telle que je la connais elle en serait bien capable.

-Devons-nous nous attendre à une trahison de sa part, fit Daenerys avec froideur bien qu’il ne s’agissait pas là d’une véritable question mais plus d’une affirmation.

-J’aurai pu le penser avant mon entretient privé. A présent j’en doute. Elle attend un enfant, les informa-t-il tous. Elle a toujours cherché à protéger ses enfants. Jusqu’à présent elle n’y est pas parvenue. Or Cersei fera tout pour sauvegarder celui à naître contre la menace des morts. Si vraiment les navires appartiennent à Euron Greyjoy il y a tout lieu de penser qu’il agit désormais dans son propre intérêt.

-Et que peut-il escompter d’agir de la sorte ?

-Nous couper la route, répondit Jon. Il compte nous isoler ici sur le continent et nous laisser à la merci de l’armée des morts. Il cherchera sans doute à prendre le pouvoir dès que l’hiver finira.

-Si tant est qu’il se finisse un jour, rétorqua Davos. Si le Roi de la Nuit parvient à nous vaincre alors Euron n’aura rien à escompter d’un continent où les morts pulluleront sur l’ensemble des terres.

-Ma propre flotte ne saurait rivaliser avec la sienne, les informa Manderly sur un ton chagrin. Ils sont trop nombreux pour essayer de nous frayer un passage. Qui plus est, les Fer-Nés sont meilleurs navigateurs qu’aucun autre peuple en Westeros.

-Je ne crois pas qu’il cherche à nous bloquer ici, souligna Davos. »



   Tout comme les trois autres personnes présentes, Jon toisa l’ancien contrebandier, cherchant à comprendre ce que l’autre entendait par là. Davos désigna Daenerys.


« Je crains qu’il ne cherche à s’approprier Peyredragon, en partant du postulat qu’il a agit dans un premier temps sous les ordres de Cersei alors je présume que la prise de votre île pourrait servir de message à Westeros. Non Cersei n’est pas vaincue, au contraire c’est elle qui vient de vous porter un coup en s’emparant du fief ancestral des Targaryen.

-Je le répète, protesta Tyrion, Euron œuvre dans ses propres intérêts.

-Le résultat ne change rien au fait que les gens s’interrogeront sur si oui ou non Daenerys est digne de les diriger si elle en vient à ne pas réussir à garder et sécuriser ses propres terres. »


   En entendant cela Jon ne put s’empêcher de repenser à son frère Robb qui, alors qu’il menait et gagnait de nombreuses batailles dans le Sud, perdait le Nord et Winterfell.


« Me préconisez-vous donc de me détourner du Nord pour retourner affronter Euron, s’enquit Daenerys. »


   Jon nota que Manderly n’avait rien contre cette proposition. L’aurait-il pu qu’il aurait probablement poussé la reine droit vers la sortie de son château.


   « Il ne s’agit que d’une flotte, Euron n’a pas assez d’hommes pour représenter une réelle menace, contra Tyrion. Qui plus est s'il doit faire face à deux dragons. Les navires brûlent, je doute que Greyjoy prenne de tels risques pour se voir tout perdre.

-Il doit savoir ce qu’il fait, fit Davos. Pour l’heure qu’importe ses agissements, la menace principale se trouve au Nord avec ce Roi de la Nuit.

-Et c’est là notre priorité absolue, concéda Jon. Voilà pourquoi il nous faut avant tout gagner Winterfell. Le cas Euron peut attendre à moins que nous ne découvrions entre temps quel peut bien être son but.

-Le trajet jusqu’à Winterfell sera long, rappela Tyrion. Parcourir une telle distance représentera plusieurs jours, plusieurs semaines.

-Je ne le sais que trop bien, d’autant qu’il nous reste à retrouver mes armées, répondit Daenerys.

-Je doute que les Nordiens soient prêts à vous accepter si par devanture vous devez parvenir jusqu’à eux en étant accompagnée d’une telle force militaire, protesta l’ancien contrebandier. Je gagerai qu’en apercevant tous ces Immaculés et ces Dothrakis, votre peuple penserait que vous avez ployé le genou sous la contrainte, poursuivit-il en s’adressant cette fois à Jon. »


   Ce raisonnement se tenait et Jon en avait conscience. Toutefois comment régler le problème ? Il pouvait certes prendre deux chevaux et voyager plus vite sauf que là aussi la durée jusqu’à Winterfell serait bien trop longue à ses yeux. Ce fut Daenerys qui proposa un moyen de se défaire de ce nœud Gordien.


« Nous pourrions nous y rendre en allant chacun sur le dos d’un dragon, proposa celle-ci sur un ton d’évidence. »


   Jon évalua les différentes réactions des personnes présentes. Que ce fut Wylis Manderly, Tyrion Lannister ou Davos Mervault, tous paraissaient étonnés par une telle suggestion,


« Votre Grâce, je doute qu’une telle chose soit seulement possible à moins que Jon ne soit sur la même monture. Car aucun dragon ne se laissera monter par quiconque n’est pas un Targaryen, fit Tyrion.

-Oh ils le feront si je le leur ordonne, répliqua la jeune femme. »


   Jon comprit que celle-ci ne comptait pas leur révéler la scène à laquelle elle venait d’insister peu de temps auparavant et il lui en fut grès. Une telle révélation aurait apporté son florilège de questions et Jon ne se voyait pas y apporter des réponses que lui-même n’avait pas.


« A votre place je me défierai singulièrement de telles créatures, le mit en garde Manderly.

-Ne serait-ce pas plutôt que vous vous défiez de moi et du fait que je puisse laisser choir Jon ? »


   Il suffisait de voir le visage du seigneur pour comprendre qu’elle avait fait mouche.


« J’ai entièrement confiance en notre reine, fit Jon sur un ton qui ne souffrait d’aucune réplique. J’irai à ses côtés. Les gens doivent comprendre que les dragons ne représentent aucune menace réelle pour eux.

-Fort bien, se récria Tyrion. Nous autres irons à pieds où nous retrouverons vos armées, déclara-t-il à l’intention de Daenerys. Il y a tout de même une chose qu’il nous faut faire pour celles-ci.

-Quoi donc, s’étonna Daenerys.

-Plus vos troupes arpenteront les contrées du Nord, plus elles devront faire face au froid. Je gage que les Dothrakis savent y faire face puisque les steppes possèdent aussi leur hiver. Toutefois je ne pourrai pas me montrer aussi affirmatif en ce qui concerne les Immaculés. Beaucoup seront ceux à périr à coup sûr avant d’être parvenu à atteindre leur destination finale. Or nous ne pouvons nous permettre de perdre autant d’hommes. »


   Jon observa leur hôte assez longuement. Si, comme il le pensait, Wylis et son père avaient œuvré des mois durant à la préparation de l’Hiver à venir alors la ville devait regorger de vivres visant à assurer ses habitants qu’ils puissent s’en sortir. Outre toutes cette nourriture, il devait y avoir des vêtements et autres pour lutter plus efficacement contre les températures glaciales qui surviendraient à coup sûr.


« Des vêtements chauds sont tout ce dont nous avons besoin, expliqua Tyrion.

-Il est hors de question que je me sépare de quoi que ce soit, protesta Manderly. Je dois avant tout penser à mes gens. L’Hiver est là, quand bien même la neige n’est pas encore parvenue jusqu’à nous on peut sentir que ça ne saurait tarder. Que devrai-je faire alors lorsque les habitants mourront de froid, leur conseiller de se réchauffer en se frottant les bras ?

-Ce qu’il nous faudrait ce serait des pourpoints, poursuivit Tyrion comme si de rien n’était. Cela devrait suffire aux Immaculés en plus de leur armure.

-Je le répète, je ne céderai rien, s’irrita le seigneur.

-Et si votre reine l’ordonne, l’interrogea Tyrion.

-Elle n’est pas la mienne, contra Manderly. Et je n’obéirai pas davantage à un Lannister. »


   Jon réalisa bien vite que la situation était sur le point de déraper. Aussi se leva-t-il de son siège afin de profiter de sa position ascendante pour dominer leur hôte.


« Et moi je vous commande d’agir comme on vous le somme. »


   Le seigneur le toisa en retour. Se sentait-il trahi par cette remarque ? Jon aurait parié que oui. Toutefois comme Tyrion l’avait fait remarquer il était capitale de s’assurer que les Immaculés parviendraient à Winterfell sans avoir à souffrir des affres de l’hiver.


« Soit je ferai comme bon vous semble, céda Manderly à contrecœur.

-Dans ce cas je pense que la séance n’a plus besoin de s’étendre davantage, reprit Jon. Il est grand temps pour nous de nous rendre à Winterfell, conclu-t-il à l’intention de Daenerys. »


   L’intéressée hocha la tête suite à quoi le silence s’installa dans la pièce malgré la tension que Jon pouvait toujours ressentir. Il le sentait au fond de lui toute cette scène ne serait que les prémices à ce qui devait l’attendre quand il parviendrait enfin à retourner chez lui. Et c’est avec cette angoisse que rien ne se déroule comme il l’escomptait, qu’il quitta la pièce.




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