La cour des grands

Chapitre 62 : Mitor

3736 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 14/08/2018 15:48



Mitor



Son contact avec l'eau refroidie par la nuit lui rafraîchissait vraiment les idées. Plus l'aube se levait, plus la chaleur présente dans cette grotte avait de quoi l'étouffer. Il se trempa entièrement et laissa les vagues timides rouler sur son corps. Encore aujourd'hui, le soleil allait taper fort sur la cité de Lys et Mitor n'avait pas envie de sortir de l'eau pour que la chaleur l'enveloppe. Derrière lui, la falaise cachait la ville et aucun habitant ne pouvait le voir à partir de sa fenêtre. Il vit également Drusila sortir de la grotte. La voyant approcher, il se releva. Mitor, grâce à cette petite trempette, commençait à comprendre ce qu'il ressentait en la voyant aussi vivante qu'il l'était lui-même. Elle était en vie. Le fantôme qui le hantait depuis son "exécution" n'était qu'une illusion de son esprit. Était-ce le moment où sa folie se guérirait d'elle-même? Prendre conscience qu'il n'y avait plus de raisons de se rendre malade pour un meurtre qui n'en était plus un désormais pourrait le guérir. Mais il ressentait autre chose vis à vis de cette fille aux cheveux blonds plus courts et plus propres que la dernière fois qui l'avait vu. C'était une Sans-Visage, au service d'Apa, qui venait de lui révéler son existence pour une raison encore inconnue. Il restait encore des tâches d'ombres sur toute cette affaire. Mitor savait que Drusila n'avait pas agi sur ordre d'Apa en l'amenant ici et en lui révélant tout ça. Drusila approchait de plus en plus. Mitor était gêné car elle ne portait qu'une lanière de cuir sur le torse, ce qui ne cachait pas sa poitrine. Il décida de regarder plutôt vers l'horizon et il s'assit sur une pierre trempée par la mer et qui avait une allure de grosse éponge noire.


-Tu as les idées claires désormais? Lui demanda Drusila derrière lui.


-Oui, je crois. Vas-y. Dis-moi tout. Mais plus d'énigmes, cette fois. S'il te plaît.


Mitor vit Drusila s'asseoir sur une autre pierre de la même apparence que la sienne à côté de lui et attendit que Drusila commence à parler.


-D'accord. Qu'est-ce que cela te fait de voir que je suis en vie?


-Je.... Je ne sais pas. Je suis content mais bizarrement, je suis aussi terrifié.


-De quoi as-tu peur?


-Apa t'a parlé de moi, n'est-ce-pas? Tu sais donc ce qui tourmente mes nuits?


-Je te pensais plus mature, Mitor. Avoir peur des cauchemars, ce n'est plus de ton âge.


-Ce ne sont pas des cauchemars ordinaires. En te voyant en vie, j'ai peur de comment ils vont évoluer. Vais-je redevenir fou? Ou totalement guérir mon esprit?


-C'est donc cela qui te préoccupe le plus?


-Non. Ce qui me préoccupe, c'est évidemment tes desseins. Enfin, je veux dire, quel est ton but?


Drusila avait un air presque inexpressif mais une once de détermination se faisait sentir. Elle regardait elle aussi l'horizon.


-Je ne sais pas si tu es prêt à connaître mon but mais avant, il faut que je te dise ce qu'il va se passer très prochainement. Proclama-t-elle en tournant son regard vers Mitor.


-Comment cela?


-L'avenir de cette guerre. Sa fin est proche.


-Que sais-tu?


-À Qohor, il y a la base principale des Partisans, mais aussi des Chasseurs. Et je sais de source sûre que ce ne sera plus le cas dans peu de temps. Les Chasseurs ont changé de chef. C'est désormais une guerrière du nom de Méridia qui a pris les reines de ce camp. Comme nous, elle estime que cette guerre n'a que trop duré et qu'il faut désormais passé à l'action pure et dure. Les Chasseurs de Qohor vont tuer tous les Partisans là-bas. Ils sont plus nombreux et plus stratèges. Et ils savent où se trouvent leur QG. Lorsque la bataille sera terminée, les Chasseurs viendront ici. Les soldats postés à Astapor, qui est la troisième ville qui accueille cette guerre, finiront par savoir ce qu'il s'est passé à Qohor et viendront ici pour aider leur camp respectif.


-Tu veux dire, qu'ils vont tous venir ici, Partisans comme Chasseur? Et que Lys….


-Sera le théâtre de la bataille qui mettra fin à cette guerre pour de bon. Termina Drusila en se levant.


-Mais alors, il faut prévenir Apa et les autres, non? Conclut Mitor en se relevant lui aussi.


-Ils le sauront bien assez tôt. Il y aura des survivants parmi les Partisans qui retourneront à Lys pour les prévenir.


-Mais d'après ce que tu me dis, tout le monde va mourir. Apa, Karak et… ta mère.


-Je n'ai pas de mère.


-Quoi? Bien sûr que si. Rika est ta mère.


-Elle est la mère de Drusila, pas la mienne. Apa ne t'a jamais dis qui sont les Sans-Visages? Ils ne sont personnes. Je n'ai plus de mère, ni même de passé. Je ne suis plus Drusila. Je suis personne.


-Mais….il faut qu'elle sache.


-Qu'elle sache quoi? Drusila est morte pour de bon, Mitor.


Mitor savait qu'au fond, Drusila ne pensais pas réellement ce qu'elle disait. Une partie d'elle voulait revoir sa mère. Mais en effet, Apa lui avait dit que les Sans-Visages n'ont plus d'identité une fois qu'ils se mettent à servir le Dieu Multiface. Jusqu'ici, il ne s'était jamais intéressé aux Dieux. Mais en voyant que Drusila renonçait à sa propre existence pour son Dieu, une sorte de colère naissait en lui. Il ne pouvait accepter de voir Drusila se donner autant à son Dieu tout en oubliant sa propre identité, qui elle était. Mais avant qu'il ne put rétorquer, elle s'exclama:


-Je ne changerais pas d'avis, Mitor. Tu ne diras rien à Rika. Ni à qui que ce soit d'autre, d'ailleurs. Tout ce que je t'ai dit, la bataille à venir, le retour de Drusila, ton infiltration au QG des Chasseurs. Ne dis rien à personne. Même pas à Apa.


-Alors comment dois-je t'appeler alors? Répondit Mitor d'un ton plus froid qu'il ne s'y attendait.


-Drusila est le nom du visage que je porte. Appelle-moi ainsi jusqu'à ce que j'en change.


À ces mots, Mitor jeta un œil vers quelque chose qui était accroché à la ceinture de Drusila. C'était le visage de Rohko qui sortait d'une petite bourse en tissus. Mitor se rassit et se mit à joindre ses mains en regardant de nouveau l'horizon. Sans se tourner vers Drusila, il demanda:


-Quel est ton but alors? Il n'est pas le même que celui d'Apa, je me trompe?


-Je ne peux pas te le dire, Mitor. Pas encore.


-Mais comment je peux te faire confiance si tu ne me dis pas ce que tu veux?! S'écria Mitor en se tournant une nouvelle fois vers Drusila.


-Pour la même raison que toi, Mitor! Je ne sais pas si je peux te faire confiance!


-Alors nous sommes dans une impasse. Très bien. Peux-tu au moins me dire pourquoi tu voulais tout me révéler? Enfin, presque tout.


-J'ai besoin de toi, c'est tout, Mitor. Bientôt, nous combattrons ensemble dans une guerre que nous savons stupide et sans intérêt. J'ai besoin de ton destin.


Mitor ne comprenant qu'à moitié. Il se sentit idiot car cette fois, elle ne lui posait même pas d'énigmes. Il vit Drusila prendre sur sa ceinture une dague. Sa dague. Elle lui tendit. Mitor la prit et la rangea à sa ceinture. En rangeant son arme, il s'aperçut qu'il était habillé d'une tenue de Chasseur.


-Nos chemins doivent se séparer maintenant, Mitor. Je retourne à ma mission. Trouve de nouveaux vêtements avant de rentrer. Je te retrouverai bien assez tôt, ne t'en fais. D'ici-là, guette les nouvelles que reçoivent les Partisans. La bataille arrive. Vaut mieux t'y préparer.


-Attends! Quand me diras-tu ton plan?! Quand nous reverrons-nous? Que veux-tu?!


Mais Drusila ne lui répondit pas et partait déjà en direction du QG des Chasseurs, à l'Est. Mitor comprit qu'il n'aurait pas de réponse ce jour-ci. Il se leva une dernière fois et partit en direction de l'Ouest, vers le QG des Partisans. Après, avoir marché pendant quelques pas, il se retourna. La silhouette fine de Drusila s'était transformée en masse musculaire et une longue tresse se dessinait dans son dos. Elle avait repris le nom de Rohko.


Avant de retourner au QG, il prit de nouveaux vêtements. Pour ce faire, il dut se résoudre à s'infiltrer dans une maison. Il y vola une tunique simple et repartit in extremis dans la ville, alors que l'habitant rentrait du marché. Il jeta ses vêtements de Chasseur dans un tonneau vide, à l'ombre d'un commerce, et partit vers la taverne qui servait de couverture aux Partisans. Arrivé là-bas, il s'engouffra derrière la tapisserie murale qui cachait l'entrée et descendit les escaliers qui menaient aux étages souterrains du QG. Il ne savait trop quoi penser pour l'instant de tout ce qu'il venait d'apprendre. Il ne savait pas ce qu'il allait faire. Durant son trajet, il se décida d'obéir à Drusila en n'avouant rien sur le retour de cette dernière ou encore la bataille à venir. Il n'allait pas non plus avouer qu'il avait infiltrer le QG des Chasseurs. En outre, personne ne devait savoir ce qu'il avait fait la veille. Ce qu'il ressentait, c'était de l'appréhension. Il se demandait si cela valait le coup d'attendre calmement que la tempête arrive. Le but de Drusila était encore très flou et Mitor anticipait soudain la possibilité qu'elle aurait menti. Mais quelque chose dans sa tête lui disait qu'elle lui avait dit la vérité. Après tout, pourquoi mentir sur une telle chose? Les Partisans, les Chasseurs, ils allaient tous les deux s'entre-tuer dans une sanglante bataille qui se déroulerait certainement à Lys. Cette guerre avait duré plusieurs siècles pour se finir ici. Mitor n'en revenait pas d'être le témoin de la fin d'une guerre presque millénaire. Il n'en revenait pas non plus que cette guerre avait duré presque mille ans. Cela accroissait son agacement face à cette «stupide guerre». Celle-ci stagnait depuis des siècles. En voulant rester dans l'ombre, les actions des deux camps devaient se faire discrètes et minutieuses, en d'autres termes, lentes.


Il arriva dans la Salle des Torturés. Il n'y avait absolument personne dans cette si grande pièce. Mitor s'avança vers l'estrade et monta dessus. Il s'assit sur la chaise qu'occupait ordinairement Rika. Là, il contempla la salle toute entière comme jamais il ne l'avait contemplé. Ce n'était plus un sentiment majestueux qu'il avait en voyant la hauteur du plafond, l’Œil de la Liberté, les longues tables dressées devant lui éclairé par la lumière du jour. Désormais, il sentait que cette salle avait perdu de sa superbe à ses yeux. Il mit longtemps à comprendre quelle en était les raisons. En réfléchissant un peu, il estima trois raisons. La première était que maintenant, il savait tout cela éphémère, que cette beauté ne durerait pas. Bientôt, elle ne sera plus qu'un vestige du passé au même titre que toutes les ruines qui sont dispersés dans le monde. La deuxième était que depuis des siècles, cette beauté était gâché par une guerre bien plus idiote que toutes les autres guerres, si toutes fois cela était possible. Et la troisième, Mitor mit plus longtemps à la trouver. C'était pourtant limpide s'il avait eu l'idée de chercher également dans son cœur. Ce qui réduisait amplement la beauté de cet endroit, c'était les personnes qui la fréquentaient, ou plutôt, celle qui en était le chef. Apa. Mitor savait désormais qu'au plus profond de son cœur, il le détestait. En apprenant qu'il avait caché la survie de Drusila, à lui et à Rika, une haine incroyable s'emparait de lui. Depuis tout ce temps, il voyait Rika déambuler tel un fantôme après la perte de sa fille et il n'avait même pas bronché. Mitor ne savait pas pourquoi Apa avait choisi Drusila comme une sorte de disciple Sans-Visage. D'après ce que cette dernière lui avait dit, Drusila avait pour mission de s'infiltrer parmi les Chasseurs. Peut-être pour les exterminer de l'intérieur? Mitor souffrait du manque de réponse qu'il avait à sa disposition. Mais maintenant, c'était à Mitor de regarder Rika sans broncher. Il devait lui cacher la survie de Drusila car celle-ci lui avait demandé. Il ne savait pas s'il pourrait tenir. Depuis quelques temps, Rika avait retrouvé le sourire car Mitor était avec elle mais si un jour, elle se replongeait dans sa dépression, il ne savait pas s'il pourrait se retenir de lui avouer. Rika était si gentille et si Mitor était là, c'était pour la protéger. Si elle n'était pas là, Mitor serait déjà loin, voyageant (clandestinement) à travers le monde. Il était l'heure de faire ce pourquoi il était chez les Partisans: La protéger. Si jamais une bataille devait se dérouler à Lys, Mitor se promit de faire en sorte qu'elle en réchappera vivante. Alors perdu dans ses pensées, il entendit tout à coup des pas légers derrière lui, puis une voix, douce, grelottante et également familière.


-Mitor, c'est….c'est toi? Demanda Rika.


Mitor se retourna pour voir la silhouette rousse et la mine une nouvelle fois déconfite de Rika. Il se leva et Rika sauta alors dans ses bras.


-Je t'ai cherché partout, idiot.


-Je….je suis désolé. Répondit Mitor, qui ne savait trop quoi répondre.


-Où étais-tu?


-Je suis parti prendre l'air. Répondit-il sans réfléchir.


«Quel idiot il faisait!» se disait-il. Rika n'avait certainement pas cru à ce mensonge à peine voilée mais elle décida de ne pas insister et continua à serrer Mitor dans ses bras quelques secondes avant de le relâcher et de lui donner un large sourire.


-Content que tu sois revenu. Apa aussi te cherchait. J'ai bien peur que tu lui doives des explications.


-Je n'ai pas envie de le rejoindre à son bureau pour l'instant. Estima Mitor qui savait que retrouver Apa était la dernière chose qu'il voulait faire pour l'instant.


-Qui t'a parlé de le rejoindre à son bureau?


À ces mots, et à son regard tourné derrière son dos, Mitor savait qui s'approchait de lui en traversant la salle. Ce fut d'autant plus clair lorsqu'il commença à entendre des bruits de pas réguliers avancer vers lui. Il ne voulait pas se retourner mais dû se résoudre à le faire lorsqu'Apa monta sur l'estrade. Il tenta de sourire mais quelque chose l'empêchait de rendre son regard aussi joyeux que sa bouche. Apa n'était pas en colère. Il n'était pas non plus content de revoir Mitor. Tout à coup, Mitor sentit qu' Apa aussi, pratiquait la fameuse technique du «faux sourire». Les deux hommes se regardèrent dans les yeux quelques secondes en silence. Rika ne comprenait pas de son côté pourquoi aucune joie ne se ressentait dans l'un et dans l'autre. Après un long silence, Apa ouvrit la parole sous un ton de joie, presque ridicule aux yeux de Mitor:


-Ah enfin te revoilà Mitor! Où étais-tu passé, mon garçon?


-Je prenais juste l'air. Répéta Mitor, cette fois par provocation.


Apa perdit tout à coup son sourire. Mitor savait pourquoi il s'était mis à le détester mais il ne savait pas pourquoi Apa avait également de l'animosité envers lui. Alors, Mitor pressentit soudain que quelque chose n'allait pas. Qu'il commençait à percevoir un point sombre dans toute cette affaire. Drusila aurait-elle dit à Apa où il était? Aurait-elle dit qu'il avait infiltré le QG des Chasseurs, qu'elle lui avait révélé son vrai visage? Lui aurait-elle menti? Drusila lui avait dit qu'Apa ne savait rien de sa présence dans la grotte. Était-ce faux? Après tout, Drusila avait toujours été flou dans ses réponses quand à ses objectifs ou concernant Apa. Mitor ne comprenait pas encore tout et il réclamait des réponses ardemment. Mais il savait bien que si Apa avait des réponses, il ne les lui donnerait pas. Leur lien était craquelé désormais. Quelque chose s'était brisé entre eux deux. Apa reprit son faux sourire.


-Bien. Heureux que tu sois revenu, en tout cas. Moi, je retourne à ma paperasse. À plus tard.


Apa descendit de l'estrade et traversa la salle avant de s'engouffrer dans les escaliers qui menaient à son bureau. Rika s'approcha de Mitor et posa une main sur son épaule.


-Qu'y a-t-il, Mitor? Demanda-t-elle, inquiète. Qu'avez-vous, toi et Apa?


-Oh rien, Rika. On s'est certainement tous les deux levés du mauvais pied. Répondit Mitor, décontenancé.


Décidément, Mitor avait le chic ce jour-ci pour sortir des réponses pour le moins stupide. Mitor mit cela sur le compte qu'il avait simplement la tête ailleurs. Comme il s'y attendait, Rika avait senti une nouvelle fois le mensonge. Mais celui-ci lui faisait un peu plus mal. Elle décida néanmoins de ne pas encore insister. Quelque chose en Mitor lui disait qu'elle n'allait pas en rester là et qu'elle allait tenter de découvrir plus avant les dessous de cette affaire. Mais Mitor ignora cela. En réalité, il voulait surtout se reposer. Il salua Rika et partit en direction de sa chambre.


Tous ces événements, toutes ces révélations, tous ces nouveaux points de vues sur la guerre, sur Apa, sur Drusila, sur lui-même. Tout cela le mettait dans un état qu'il n'arrivait pas à définir et qui le rendait faible. Il titubait presque et déambulait dans les couloirs sans faire attention aux membres des Partisans qu'il croisait. Arrivé dans sa chambre, il ne bouda pas son plaisir de se coucher sur son lit, bien plus confortable que du sable et de la roche humide sur le sol d'une grotte. Dans sa nouvelle tunique, il sentit un objet froid s'engouffrer entre sa cuisse et son lit. Il trifouilla dans sa tunique pour débusquer l'objet. Ses mains agrippèrent le manche de sa dague. La lampe, sur sa table de nuit, qui avait été entretenue durant son absence, éclairait la lame et la moitié de son visage. Fermement, il serrait sa dague. Il sentait que dans un avenir proche, cette dague allait beaucoup servir. Sa colère montait en lui. Il leva tout à coup son arme et frappa sa table de nuit. La lame avait sa pointe plantée dans le bois. La lampe avait faillie basculer dans le vide. Mitor souffla et décida de se coucher. Il réfléchirait à son avenir le lendemain. Il souffla sur la flamme de la lampe et la chambre fut plongée dans le noir le plus total.


Alors qu'il était endormie, il entendit soudain un bruit qui le réveilla en sursaut. Cette fois, il ne rêvait pas. Il le savait. C'était comme si un objet métallique était tombé au sol. Il tâtonna sa table de nuit et vit que la dague n'était plus plantée dans le meuble. Évidemment, il n'avait pas assez planté son arme pour que celle-ci ne tombe pas pendant la nuit. Il essaya de récupérer sa dague qui se trouvait certainement sur le sol désormais. Alors qu'il venait à peine de touché le bout de son manche, l'arme esquiva son emprise. Elle avait glissé sur le sol et elle avait certainement fait la moitié de la chambre dans sa longueur. Mais qui l'avait tirée?


-Il y a quelqu'un? Demanda Mitor, perdue dans l'obscurité complète de la pièce.


Mais personne ne répondit. Mitor se concentra sur son ouïe mais il n'entendit aucun bruit de pas, aucune respiration.


-Rika?


Toujours aucune réponse. Soudain, une réponse qui lui sembla évidente lui vînt.


-Izzir?


Mais à son grand étonnement, là encore, personne ne répondit. Il descendit de son lit et avança vers le centre de la pièce où devait se trouver son arme. Il tâtonna de nouveau le sol pour retrouver sa dague avec son pied. Il ne sentit rien et Mitor sentait une petite inquiétude l'envahir. Il entendit alors un tout petit bruit métallique, certainement encore une fois sa dague, à sa gauche. Cette fois, le bruit était plus discret, comme si la lame avait calmement quitté le sol. Il lui parvînt alors un bruit différent à ses oreilles. Un murmure imperceptible s'étendit à travers la pièce. Celui-ci avait l'air d'être tout autour de Mitor. Il devînt au fur et à mesure plus fort et atteignit le niveau sonore d'une voix normale. Mitor pouvait alors entendre distinctement la voix grave qui lui disait:


-Il est bientôt temps, Mitor. La lumière et les ténèbres t'observent.


Mitor reconnut alors la voix d'Izzir. Mais elle avait changé. La voix d'Izzir n'était pas si grave et ne ressemblait pas tant à un râle. C'était comme si une autre voix fusionnait avec la sienne.


-Bientôt. Répéta la voix.


Mitor n'arrivait pas à parler. Il sentit alors soudain un vent froid le traverser. Il entendit un bruit mât derrière lui, près de sa table de nuit. Lentement, il approcha de son meuble. La dague était de nouveau là. Mitor avait l'impression que son arme était plus profondément planté dans le meuble. Il s'assit sur son lit, ne comprenant rien. Il alluma sa lampe, la lumière s'étendant dans la pièce. Il n'y avait rien à noter à part sa dague, effectivement plantée plus profondément dans le meuble, grâce à une force extraordinaire. Fatigué et déboussolé, il se coucha, laissant cette fois la lampe allumée. Doucement, le sommeil le gagna, estimant que depuis la dernière fois qu'il s'était endormie dans sa chambre, beaucoup trop de choses s'était passé pour qu'il le supporte.

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