La cour des grands

Chapitre 67 : Mhaegen

3019 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 21/10/2018 21:43



Mhaegen



"L'harmonie de l'alchimie" était un livre bien compliqué pour des débutants. En tant que simple apprentie, Mhaegen devait apprendre les quelques bases qui lui manquaient en alchimie. Cela passe par des concoctions simples et l'adoption des outils mais également par un peu de cours théoriques. Le livre qu'elle tenait recensait ce à quoi devait servir l'alchimie et ce que ce domaine représentait pour le monde et l'individu. Ce livre se mélangeait avec beaucoup de notions philosophiques et Mhaegen devait parfois relire plusieurs fois une même ligne pour en comprendre le sens. Après en avoir lu un chapitre entier, Mhaegen s'accorda le droit de prendre une pause et elle ferma le livre avec joie. Elle se demandait si commencer un tel livre de bon matin était une bonne idée. En effet, bien que l'aube était présente depuis déjà plus d'une heure, il était encore assez tôt pour que Lollys ne daigne pas se réveiller. Mhaegen ferma le livre assez bruyamment et elle cru avoir réveillé sa maîtresse mais quand elle se retourna, elle vit Lollys souriante la regarder, couchée sur son lit. En réalité, elle semblait réveillée depuis déjà plusieurs minutes.


-Cela fait longtemps que tu me fixes avec ce regard niais, Lollys? Demanda Mhaegen en souriant tout aussi niaisement.


-Tu n'as pas idée. S'exclama Lollys en se levant pour entamer son petit-déjeuner.


Mhaegen posa son livre sur une commode et commença elle aussi à manger. Son ventre gargouillait et Lollys comprit qu'elle l'avait, encore une fois, attendu pour manger.


-Je t'ai déjà dit que tu n'as pas besoin de m'attendre si tu as faim. Protesta-t-elle.


-Je sais mais je refuse que tu manges toute seule.


-Mais pourquoi donc?


-Parce que je t'aime, banane. Rétorqua Mhaegen en avalant une grande part de tartine.


Lollys ne s'attendait pas à cette réponse et continua son repas avec un plus large sourire qu'auparavant. Le couple avait l'habitude désormais de s'insulter de noms de fruit, juste pour plaisanter. Mhaegen appelait souvent Lollys «banane» tandis que Lollys la surnommait «prune», mais toujours dans un bon ton qui ne se voulait jamais vexant. La suite du petit-déjeuner se fit étrangement calme aux yeux de Lollys. Celle-ci remarquait le silence curieux de Mhaegen. Sa servante avait le sourire aux lèvres pour une raison qu'elle ignorait. Mais au fond, elle s'en fichait bien, du moment qu'elle était heureuse, ce qui avait l'air d'être le cas. Mhaegen avait en réalité plusieurs raisons d'être contente. Elle avait réussi à entrer dans la Guilde des Alchimstes et avait commencé l'apprentissage de sa passion. Elle sentait également que sa vengeance était proche. Elle n'en était pas spécialement fière que cela la rende heureuse. Mais elle y avait beaucoup réfléchi et désormais, rien ne lui ferait plus plaisir de voir le roi Joffrey Baratheon, seigneur des Sept Couronnes, six pieds sous terre. Enfin, elle était avec Lollys. Et cela était un important facteur à son bonheur.


Mhaegen et Lollys se préparèrent plus tard à sortir prendre l'air matinal dans le Bois Sacré. Alors qu'elle ajustait sa robe dorée, Lollys vit une bout de tissu caché sous une armoire. Lollys commençait à se pencher pour prendre le tissu en question, qui avait l'air d'être un petit sac, quand Mhaegen l'en empêcha.


-Attends, n'y touche pas! S'exclama Mhaegen qui s'occupa de prendre le sac avant sa maîtresse.


-Qu'y-t-il dedans? Demanda Lollys, aussi curieuse du contenu du sac que du comportement étrange de Mhaegen.


-Rien. Juste un ingrédient alchimique qu'il vaut mieux ne pas toucher. Répondit la servante, un peu en panique. Je...je vais le ranger avec mes outils.


Lollys donna un regard un peu accusateur à son amante. Celle-ci lui cachait quelque chose. Lollys n'était pas née de la dernière pluie mais elle décida de lui faire confiance. Cet ingrédient, quel qu'il soit, ne devait pas être touché pour une bonne raison.


Il avait plu cette nuit-là et le Bois Sacré était humide. Le soleil, montrant ses premiers rayons, réchauffa le lieu du mieux qu'il put. Mhaegen et Lollys restèrent plus longtemps que d'habitude dans les jardins car elles n'avaient pas vraiment envie de rentrer dans l'appartement. En fait, c'était surtout Mhaegen qui ne voulait pas partir, pour une raison que Lollys ignorait. La servante lui disait souvent: «Pas maintenant. Profitons encore de l'air frais matinal». Le même sourire se dessinait sur son visage depuis son réveil. Mhaegen avait toujours été une personne mystérieuse, Lollys s'en était rendu compte et c'était sans doute une des raisons pour laquelle elle l'aimait. Par respect pour son amante, elle ne demanda pas ce qu'elle avait derrière la tête. Mais si elle continuait à avoir ce comportement toute la journée, Lollys allait devoir regretter d'enclencher leur première vraie dispute. De son côté, Mhaegen, même si elle continuait d'avoir le sourire, était assez stressée. Elle avait fait en sorte que, lors de leur préparation pour sortir dans le Bois Sacré, Lollys ne la voit pas prendre le petit sac en tissu pour le cacher dans sa robe.


Les jardins étaient bien peuplés ce jour-là. De nombreux groupes se réunissaient pour discuter. Mhaegen et Lollys furent étonnées de voir tous ces groupes se former mais surtout, elles furent très intriguées lorsqu'elles virent sur certains visages de l'effroi, du dégoût ou parfois de la fierté. Elles avaient devinées qu'ils parlaient tous du même sujet et elles se demandaient bien de quoi il s'agissait pour provoquer autant d'intérêts. Elles se rapprochèrent alors discrètement de certains groupes en se concentrant sur leurs oreilles. Elles entendirent alors que des mots brefs qu'elles tentèrent, en vain, de déchiffrer: «Foutue guerre…horrible…au moins, on est tranquille…le roi doit être réjoui…». Le mystère restait entier pour les deux amantes. Elles virent alors devant elles une jeune femme, une dame de la Cour, seule et des larmes coulants sur ses joues, assise au bord d'une haie. Lollys s'approcha d'elle, suivit de peu par Mhaegen, chacune s'asseyant à ses côtés.


-Ma chère amie, que vous arrive-t-il? Demanda Lollys avec un air triste.


-Je suis en deuil, lady Castelfoyer. Répondit la dame d'une voix tremblante. Mon père se trouvait là-bas. Je suis une Manderly. Wylla Manderly.


-Qu'entendez-vous par là-bas? Interrogea Mhaegen à son tour.


-Vous n'êtes pas au courant? S'étonna Wylla. La nouvelle a pourtant fait le tour du continent ces derniers jours. Elle a certainement déjà atteint Essos à l'heure qu'il est.


-De quoi parlez-vous, dame Wylla? Insista Mhaegen.


-La Guerre des Cinq Rois est terminée. Lord Walder Frey a assassiné la quasi-totalité des seigneurs du Nord et du royaume de Vivesaigues à un mariage, ainsi que l'armée du Nord. Et mon père est également mort là-bas.


Tandis que Wylla replongeait de plus belle dans ses pleurs et enfouissait sa tête dans ses bras, Lollys et Mhaegen se regardèrent dans les yeux, secouées par la nouvelle. Lollys ressentait cela comme un horrible fait divers, d'avoir assassiné tant de gens lors d'un mariage. Mais Mhaegen, elle, eut un autre sentiment. La guerre terminée, elle n'avait plus d'espoir que celle-ci arrive aux portes de Port-Réal et se charge à sa place de la mort du roi. Il était donc clair que cette tâche devait lui revenir. Robb Stark, Stannis Baratheon, Renly Baratheon. Trois rois avaient échoué à tuer Joffrey. Et ne parlons pas de Balon Greyjoy qui est aussi prêt d'être sur le trône de fer que Mhaegen. Ces cinq rois, qui avaient donné le nom à cette guerre, ont succombé, sont inutiles ou ont fait leur temps. Joffrey avait gagné, si l'on peut appeler cela une victoire. Mais maintenant, le roi devait mourir. Maintenant que l'impardonnable était fait, Joffrey allait être montré du doigt. Sa mort serait une parfaite justice pour plus de la moitié du continent. Mhaegen se sentit grandir. C'était à elle qu'il revenait de rétablir la justice.


Wylla Manderly s'en alla dans ses appartements, n'ayant aucune envie de rester dans un lieu public. Mhaegen et Lollys se remirent à marcher sur les chemins fleuris. Elles ne parlèrent pas beaucoup de la tragédie qui s'était déroulée chez les Frey et tentèrent d'amener leur conversation vers des sujets plus joyeux. Mais il était difficile de penser à autre chose car tous les nobles autour d'eux, même les servants, ne parlaient que de ça. Elles allèrent alors dans un coin plus calme dans le Bois Sacré, le seul endroit où l'on peut être seul était au bord de la falaise. Elles descendirent donc les escaliers qui menaient à la rambarde de pierre qui empêchaient quiconque de finir écraser sur les rochers. Mais alors qu'elles s'attendaient à être seul, elles virent toutes deux une silhouette regardant l'horizon qu'elles n'eurent aucun mal à reconnaître: C'était Lord Tyrion. Mhaegen savait qu'il était rare de voir Tyrion ainsi seul, surtout sans Bronn, son garde du corps. Elle se doutait que quelque chose n'allait pas. Alors, elle demanda à Lollys d'aller le voir seul, ce que sa maîtresse accepta. Mhaegen s'approcha de l'ancienne Main du Roi et se pencha sur la rambarde à ses côtés.


-Bonjour, Lord Tyrion. Salua-t-elle. Allez-vous bien?


-Bonjour, Elizabeth. Salua-t-il à son tour d'un ton morne. Hélas, j'ai connu de meilleur jour.


-C'est à propos de ce qu'il s'est passé, aux Jumeaux? Vous êtes un Lannister, la plupart des gens penseraient que votre tristesse est une trahison.


-Je le sais bien. Mais ma femme est Sansa Stark. Je ne peux pas rester indifférent aux souffrances de mon épouse.


-Vous l'aimez?


-D'amour, vous voulez dire? Non, je ne pense pas. Mon cœur est déjà pris. Mais nous sommes quand même liés. Ce qui l'attriste doit m'attrister.


-Votre neveu a frappé un sacré coup, cette fois.


-C'est mon père Tywin qui a manigancé tout ça. Mais mon neveu n'a jamais été aussi content de toute sa vie. Il lui plaît de faire souffrir Sansa.


-Avec cette «victoire», le roi a éliminé beaucoup de ses ennemis mais il en a crée encore bien plus. Tout le monde le pointe du doigt et nombreux sont ceux qui souhaitent sa mort.


-La vengeance n'a jamais mené bien loin. J'avais un ami à Castral Roc. Ils étaient rare, ceux qui osaient s'approcher du nain. Ceux qui étaient ami avec lui l'étaient encore plus. Alfred était le seul à ne jamais s'être moqué de moi. Un jour, ma sœur voulait me couper un doigt par pur caprice. J'ai réussi à lui échapper car Jaime est intervenu avant qu'elle n'atteigne les os. Je l'ai tant détesté ce jour-là que j'ai imaginé plusieurs moyens de la faire souffrir pour me venger. J'ai raconté tous mes stratagèmes à Alfred. Il m'a alors dit: «Si tu as un ennemi, ne perds pas ton temps en complot contre lui. Assieds-toi juste au bord de la rivière et tu verras passer un jour son cadavre». Depuis, j'ai simplement détesté Cersei. Et Alfred est parti à Essos jouer les marchands de poissons.


-Mais, sommes-nous capable d'attendre que les corps passent devant nous? Il faut bien que quelqu'un se charge des mauvaises personnes pour les faire flotter sur l'eau.


-Je ne sais pas. Peut-être, oui.


Tyrion sembla plonger dans ses pensées et baissa la tête avant de la relever et dire:


-Merci de vous inquiéter pour moi, Elizabeth. J'ai hâte que l'on se recroise sous un jour plus gai.


-Moi aussi, Lord Tyrion.


Le Lannister s'en alla alors et salua Lollys en passant devant elle. Cette dernière rejoignit Mhaegen et se posa elle aussi sur la rambarde. Mhaegen lui confirma quels étaient les tourments de Tyrion.


-Tout le monde est plus ou moins impacté par cette tragédie, même s'il s'agit d'ennemis. Proclama Lollys. On va en entendre parler encore un bon bout de temps.


-Oui. Soupira Mhaegen.


Elle était désormais perdue dans ses pensées. Elle avait réfléchi un instant à ce qu'avait dit Alfred à Tyrion. Elle s'était demandée s'il était plus sage d'attendre de voir passer le cadavre de Joffrey plutôt que de le tuer elle-même. Mais comme elle l'avait dit, il fallait que quelqu'un se charge de faire flotter le cadavre de l'ennemi sur l'eau. Elle se devait de le faire flotter pour que toutes les autres mères qui avaient subis le même sort soient venger. Et désormais, cette règle s'appliquait aussi à tous ceux qui avaient subis des pertes lors des Noces Pourpres des Jumeaux comme Wylla Manderly ou Sansa Stark. Mhaegen sentait sa peur et, inconsciemment, serra dans sa robe le petit sac en tissu qui se trouvait caché vers sa poitrine. Quand elle s'en rendit compte, elle fut heureuse de savoir que ce qu'elle cachait lui donnait de la force.


Mhaegen et Lollys avaient bien profité de leur promenade, même si elle ne s'attendait pas à avoir des nouvelles aussi tragiques. Lollys avait remarqué que son amante avait perdu son sourire, ce qui était normal vu ce qu'elles venaient d'apprendre. Elle décida de lui prendre la main en plein milieu du chemin principal, encore peuplé de nombreuses personnes. Mhaegen s'empressa de se libérer de son emprise.


-Que fais-tu?! S'exclama-t-elle.


-J'avais envie de te rassurer, Elisabeth. Répondit Lollys, un peu vexé par le geste de sa servante.


-Nous ne devons pas nous montrer ensemble, tu le sais bien.


-Je sais mais...c'était un reflex, je voulais juste te rendre le sourire.


Mhaegen s'arrêta de marcher et Lollys ne fit que quelque pas de plus avant de faire de même. Elle tenait le sac en tissu caché dans sa poitrine.


-Qu'as-tu, là-dessous? Ne crois pas que je ne t'ai pas vu le prendre discrètement tout à l'heure. Qu'y a-t-il de caché dans ce sac?


-Rien. Écoute, je...je suis désolée, je m'excuse. Suis-moi, s'il te plaît.


Mhaegen partit soudain dans l'autre sens, près des allées de cerisier. Lollys la suivit donc. Mhaegen lui faisait presque peur mais Lollys était persuadée de l'avoir vu sourire une nouvelle fois en lui ordonnant de la suivre. Cette dernière, au fur et à mesure de la marche, commença à deviner là où son amante voulait l'emmener. Elle était heureuse d'avoir raison lorsqu'elles se retrouvèrent à l'ombre du cerisier à fleurs, là où elles s'étaient dévoilées leur amour il y a de cela quelques semaines. Mhaegen s'arrêta près du tronc et se retourna vers Lollys.


-J'aime énormément cet endroit comme tu t'en doutes. Il est beau et c'est là que nous nous sommes embrassées pour la première fois. Mais c'est aussi un endroit où peu d'oreilles peuvent nous entendre. Lollys. Je t'aime. Quand je te regarde, je me perds dans tes yeux, j'ai l'impression de me noyer. Lorsque je suis dans tes bras, j'oublie tous mes problèmes et je me sens exceptionnelle d'avoir le droit de connaître un tel sentiment que l'amour. Tu es la personne la plus adorable que je connaisse. Je ne sais ce qu'une personne comme toi fais dans un lieu si dangereux. Notre histoire est vouée à l'échec, nous le savons. Mais ce n'est pas une mauvaise chose. Cela nous donne en fait une solide motivation pour en profiter à fond comme nous l'a dit Olenna.


Lollys commençait à pleurer. Elle avait l'impression de savoir à quoi elle devait s'attendre. Mhaegen fourra une main dans sa robe et y sortit alors le sac qu'elle commença à ouvrir.


-Jamais je ne laisserais ce lieu te faire du mal. Continua-t-elle en laissant couler elle aussi ses premières larmes. Lollys, tu es désormais ce que j'ai de plus chère au monde. Je n'aurais jamais pensé que cela m'arriverait de nouveau mais tu as réussi à me faire accrocher à la vie. Ferme les yeux et tournes-toi.


Lollys obéit. Elle tenta d'essuyer ses larmes mais d'autres apparurent pour continuer de mouiller ses joues. Elle entendit derrière elle des pas approcher et sentit soudain un objet froid se poser au-dessus de sa poitrine et une chaîne entourer son cou. Mhaegen lui donna l'autorisation d'ouvrir les yeux. Lollys vit alors une petite plaque d'or sur laquelle était gravé le symbole de l'infini enchaîné à son cou. Mhaegen se trouvait devant elle.


-Lollys, acceptes-tu de me prendre pour épouse, jusqu'à ce que ce que la mort nous sépare?


Lollys prit une des mains de Mhaegen et la serra dans les siennes.


-Tu crois vraiment que je pourrais répondre autre chose que oui?


Lollys s'empressa alors d'embrasser sans plus attendre son amoureuse avec la plus grande tendresse qu'elle pouvait trouver au fond d'elle. Pour elle, ses larmes venaient pleinement d'un sentiment amoureux puissant. C'était également le cas pour Mhaegen mais il y avait quelque chose en plus pour cette dernière. De ses larmes de joies intenses, celles du pardon venaient de naître. Ce pardon était le résultat d'une découverte qu'elle avait fait la veille au soir. En faisant cette découverte, elle avait eu l'horrible sensation que la fin approchait dangereusement. Sa fin. Elle avait découvert la recette du poison idéal pour tuer le roi. Et elle comprit soudain que sa vengeance la mènerait à sa perte. L'histoire des deux amantes était vouée à l'échec. Mais ce n'est peut-être pas la fin à laquelle pensait Lollys. Mhaegen hurlait dans son esprit son pardon à Lollys et à ce que sa mort proche allait lui faire subir. Elle se força à ne pas y penser. Seul comptait à cette heure que le moment présent. Le temps était compté. Mieux valait en profiter.

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