La cour des grands

Chapitre 69 : Galmar

2908 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 20/11/2018 10:14



Galmar



Son cheval avait du mal à galoper aussi vite et aussi longtemps. Galmar sentait la respiration forte de sa monture qu'il avait appelé "Darius". Il voyait désormais toute la fumée s'élever dans le ciel devant lui. Il était bientôt arrivé. Au grand soulagement de son cheval, il décida de s'approcher des Jumeaux plus discrètement. Arrivant à l'orée du bois qu'il venait de traverser, il vit l'immense château dans lequel il avait vécu toute son enfance. Le soleil éclairait le château par l'arrière et du point de vue de Galmar, son ancienne demeure avait un air de géante structure ténébreuse. Mais ce spectacle n'était rien comparé à ce qu'il y avait entre lui et le château. La plaine d'habitude luxuriante et pure était remplacée par des cendres. Tout avait brûlé. Pas une seule tente n'avait survécu. De-ci de-là, quelques cadavres brûlés émergeaient des décombres du campement des Stark. Galmar, lentement, attacha son cheval à un tronc, dégaina son épée et commença à marcher sur les cendres, au beau milieu de la fumée encore dense. Le château avait l'air d'un fantôme sombre au milieu de ce chaos. Galmar tenait fermement son épée mais il ne la levait pas. La pointe de son arme glissait sur le sol et laissait une trace fine derrière elle, dans les cendres qui agissaient comme une nappe de neige grise.


Le château était plus sombre que jamais. À travers la fumée, les Jumeaux s'imposaient et faisaient presque peur à Galmar. Soudain, celui-ci s'arrêta. Une étrange et douloureuse sensation naquit en lui. Il sentit une larme couler sur sa joue. Il lâcha son arme et tomba à genoux. Il ne put se retenir de pleurer et d'abondantes larmes tombèrent sur le sol. C'était fini, il le savait. Olliver était mort. Tout le monde était mort. Il s'écroula sur le sol. Face à lui, le ciel embrumé le couvrait d'ombres mouvantes. Il ne savait plus quoi penser. Il ne pouvait plus sauver son frère. Il ne savait plus quoi faire. Faudrait-il rentrer à Viergétang et prendre en main la ville qui devait rester sous dominance des Hästrid afin d'honorer les idées d'Olliver? Galmar ne voulait pas prendre le pouvoir mais alors, qu'allait-il advenir de la ville? Il ne voulut pas encore penser à tout cela. Plongé dans le deuil, il sentit soudain une lueur l'apaiser. C'était Miranda. Il ne savait pas combien de temps il était resté couché sur les cendres mais lorsque le visage de Miranda lui apparu, il se leva. Il secoua ses vêtements pour se débarrasser des cendres et entendit soudain des bruits de sabots et des murmures près de l'entrée du château. Galmar se dépêcha de revenir vers son cheval et se mit en selle. Au loin, il vit un nombre assez important de cavaliers. Cachés derrière la fumée, Galmar n'arrivait pas à distinguer qui étaient ces hommes. Galmar renonça à le deviner et repartit dans les bois pour les contourner. Il arriva sur une colline et se retourna pour voir le château des Jumeaux. Ses larmes séchés, et le regard empli de détermination, il s'inclina.


-Adieu, mon frère. Proclama-t-il.


Alors qu'il allait repartir en direction de la route de Viergétang, il se retourna une nouvelle fois vers le château pour ajouter:


-Mon Roi.


Galmar partit pour de bon et prit la direction de la Route Royale au triple galop, à la grande déception de son cheval Darius. Au cours de sa chevauchée dans les bois, Galmar laissa échapper ses dernières larmes. Il n'était pas seulement triste pour son frère, ni même pour le Nord qui venait de perdre la guerre. Il pleurait également pour lui. Ce qui coulait sur ses joues étaient des larmes de colère. Envers son père, certes, mais également envers lui-même. Il trouvait misérable que le destin l'ait choisi pour être le spectateur de tant de morts. Newt, Darius et maintenant Olliver. Tous les êtres qui lui étaient proches mourraient à son contact. Il avait l'impression d'être la cible d'une malédiction. Alors que son cheval le conduisait à toute allure, Galmar ne put s'empêcher de hurler. Un cri empli de colère. Il n'avait même pas pour but de se venger. Il avait juste envie de tout arrêter. À quoi bon vivre s'il devait continuer seul, où toutes ses relations étaient condamnées à mourir? Il n'envisagea pas de se tuer mais cependant, il se demandait s'il ne serait pas sage de s'éloigner de Miranda. Il ne voulait pas la quitter mais si elle devait mourir à cause de lui, il ne se le pardonnerait pas.


Après une trentaine de minutes, il accorda à son cheval une pause bien méritée. Il avait réussi à sortir du bois et voyait la Route Royale à l'horizon. Sa monture partit boire à une source d'eau à quelques pas du campement que Galmar s'était fait et s'en délecta comme s'il s'agissait du plus fabuleux nectar que puisse s'accorder un cheval. Galmar sortit d'un sac ses dernières vivres et commença à manger. Après plus d'une heure où Galmar eut le temps de réfléchir à la suite des événements, il se remit en selle sur sa monture qui était complètement revigoré. Alors qu'il commençait à galoper vers la Route Royale, il vit soudain une troupe s'y diriger. Il en était persuadé. C'était la même troupe que celle qu'il avait vu à l'entrée des Jumeaux. Maintenant qu'il la voyait sans la fumée qui l'aveuglait auparavant, il discerna en plissant les yeux de quelle maison appartenait ces soldats qui galopaient à vive allure. C'était des Frey. Le blason dessiné sur les bannières représentant les deux tours jumelles des Frey ne pouvait le tromper. Galmar estima que cette troupe contenait environ trois cents soldats. Aucun doute possible. C'était un effectif parfait pour attaquer quelque chose. Celle-ci n'allait pas en direction de Port-Réal pour aller voir le roi en personne ni vers Winterfell pour reprendre le château qui était actuellement vide. Ils prenait la direction de l'Est. Galmar se mit à les suivre de loin afin d'écarter ses craintes. Il avait du mal à les suivre mais il vit après trois heures de poursuite où ces soldats allaient. Ils étaient en train de commencer à longer le littoral de la Baie des Crabes et Galmar n'avait plus aucun doute possible sur leur destination: Viergétang. Walder Frey allait reprendre la ville que lui avait volé Olliver. Galmar s'éloigna alors de la troupe et tenta de trouver un chemin afin de la contourner et de prendre un chemin plus rapide. Mais c'était impossible, les Frey avaient déjà pris le chemin le plus rapide. Galmar galopa alors à travers-champ et pria Darius d'aller le plus vite possible. Le temps lui manquait et Galmar s'engagea dans une course qu'il savait perdu d'avance. De plus, il ne pouvait négliger les capacités d'endurance limitées d'un cheval et dût faire une pause alors que la nuit battait déjà son plein. Il laissa son cheval dormir tandis que, lui, n'arrivait pas à fermer l’œil. Il vit la ville assiéger et garda l'espoir qu'Azénor, responsable de la défense de la ville en l'absence du roi, réussisse à écarter les Frey jusqu'à son arrivée. Imaginant des scènes de combat sanglantes sur les remparts et Miranda se cachant dans une des salles du château, il finit enfin par s'endormir.


Il se maudit plusieurs fois à son réveil lorsqu'il vit le soleil qui était déjà presque à son zénith. C'est Darius qui l'avait réveillé en lui donnant quelques coups de tête légers. Galmar le remercia tout en lui disant qu'il aurait dû le réveiller plus tôt et se remit en route le plus vite possible. Il galopa toute la journée et vit enfin le château de Viergétang au loin quand l'après-midi se terminait. Il s'arrêta sur une colline et constata alors avec effroi que de la fumée s'échappait de la ville. Prêt à foncer vers les portes de Viergétang, il entendit soudain une voix crier:


-STOP!


Cette voix se trouvait derrière lui et elle lui était familière. Il retourna son cheval et vit Azénor, accompagnée de trois soldats, arc à la main.


-Azénor! S'exclama Galmar en descendant de son cheval.


Les deux compères se donnèrent une accolade, tous deux réjouit que l'autre soit en vie. Soudain, la panique s'empara du cœur de Galmar.


-Dis-moi que vous n'êtes pas les seuls survivants!


-Non, ne t'inquiètes pas. Nous nous sommes trouvés un campement à quelques lieus d'ici.


-La ville a donc été prise…. Conclut Galmar.


-Oui…. Répondit Azénor, dépité. Ils nous sont tombés dessus en pleine nuit et nous avons été surpris. J'ai n'ai rien pu faire, ils étaient trop nombreux. J'ai dû sonner la retraite et faire fuir mes soldats de leur propre ville. Leur famille sont toujours là-bas, gouvernées par les Frey.


-Et...et Miranda?


-Elle est restée là-bas…. Désolée, Galmar.


Galmar sentit son cœur s'accélérer. Il se répéta maintes fois qu'il aurait dû arriver plus vite mais il ne pouvait plus revenir en arrière. En se tournant vers le château, il promit à Miranda de venir la sauver. Pourvu que les Frey ne sachent pas qu'elle était liée à lui.


Galmar et Azénor marchèrent vers le campement des survivants. Jusqu'à ce qu'ils arrivent, Azénor lui raconta le déroulement de l'attaque des Frey. Ils ont attaqué en pleine nuit. Les archers sur les remparts n'eurent pas même le temps de sonner l'alerte. Celle-ci fut enclenchée par un soldat qui avait entendu des cris de douleur. Mais il était déjà trop tard. Les Frey avaient placé des échelles et montaient vers les remparts. Lorsqu'Azénor et la grande majorité de la troupe était rassemblé au centre de la ville, tous les Frey avaient réussi à entrer dans la ville et avaient ouvert la grande porte. La bataille qui en suivit se déroula comme toutes les autres sauf que cette fois, Azénor et ses soldats n'avaient pas l'avantage. La commandante des troupes civiles, face aux effectifs des Frey, dût sonner la retraite et abandonner la ville aux mains des Frey. La ville ne s'était toujours pas remise de la bataille de la Baie des Crabes et Olliver avait emmené plusieurs soldats pour aller aux Jumeaux. Viergétang était donc affaibli.


-Mais maintenant que tu es là, Galmar, on va pouvoir reprendre la ville. Réconforta Azénor.


-Je ne pense pas que moi seul puisse faire la différence.


Galmar et Azénor arrivèrent enfin au campement. Situé à une quinzaine de lieus de la ville, les survivants avaient trouvés refuge dans une petite clairière, près de la berge de la Baie des Crabes. Un grand feu de camp au centre et plusieurs petits autres feux autour rassemblaient tout le monde. Les survivants étaient environ une cinquantaine. Tous étaient des soldats aux regards perdus dans le vide, à imaginer ce qu'étaient devenus leurs épouses, leurs époux, leurs enfants, leurs parents et le reste de leur famille et de leurs amis, alors actuellement dans une ville qui n'était plus la leur. Il y avait même quelques uns qui pleuraient. L'atmosphère du lieu sentait le désespoir et la tristesse. Au fond, Galmar les comprenait. À l'approche de Galmar et Azénor, plusieurs soldats se levèrent et saluèrent le frère de feu le roi Hästrid. Galmar voyait même le blason Hästrid sur les boucliers et les bannières, ce qui le rendait nostalgique d'une époque bien récente.


Certains soldats qui étaient partis chasser revinrent au campement et le dîner pût ainsi commencer. Galmar discuta avec la plupart des soldats et tous racontaient la même chose. Leurs proches étaient encore à Viergétang, ils étaient bien inférieurs lors de la bataille et ils avaient tous un sentiment de honte d'avoir abandonner leur ville. Azénor et les autres étaient au courant de la mort de leur roi mais personne ne voulait y croire, pensant que l'annonce de cette mort était un subterfuge des Frey pour les affaiblir. Lorsque certains osèrent poser la question à Galmar, celui-ci ne put leur répondre directement. Alors, au beau milieu du repas, il se leva et ordonna à toute l'assemblée:


-Rassemblez-vous! Vous continuerez de manger plus tard, j'ai à vous parler!


Tous se levèrent et Galmar se positionna sur une branche basse d'un grand chêne où il pouvait facilement tenir debout sans qu'elle ne se brise. Tous les soldats se rassemblèrent autour de cette branche où Galmar se trouvait et attendirent le discours inévitable de celui-ci. Azénor imposa le calme et Galmar commença donc à parler.


-J'ai… une nouvelle à vous faire parvenir. Oui, c'est vrai. Mon frère, votre roi, Olliver Hästrid, est mort aux Jumeaux, victime de la trahison de Walder Frey qui as mis fin à la guerre des Cinq Rois.


À cette annonce, tous baissèrent la tête et même des larmes silencieuses coulèrent sur les joues d'Azénor.


-Mais la guerre n'est pas terminée! Car la dernière bataille est encore à venir! Nous allons reprendre ce qui nous revient! Nous allons le faire pour vos frères, vos sœurs et tous vos proches! Moi aussi, j'ai quelqu'un piégé là-bas. Et je n'abandonnerais pas jusqu'à ce que je puisse la mettre en sûreté! N'ayez pas honte! Vous êtes partis pour revenir plus fort encore. Nous allons faire payer aux Frey ce qu'ils nous ont fait! Je vous le promet! Alors allez-vous rester ici à vous morfondre ou allez-vous punir ceux qui vous ont fait du mal?! Ne le faîtes pas pour la ville! Ne le faîtes même pas pour mon défunt frère ou pour votre honneur! Faîtes-le pour tous ceux qui vous sont chers! Si vous vous battez pour eux, je vous assure que nous allons gagner! Êtes-vous prêts à gagner, mes frères?!


Galmar remarqua plusieurs regards gagner de la détermination et Azénor sécher ses larmes. Galmar dégaina son épée et la leva.


-Pour la justice! Pour vous tous! Et pour tous les habitants de Viergétang, je vous jure que nos ennemis ne resteront pas bien longtemps dans notre ville!


Plusieurs soldats dégainèrent également leurs armes et la levèrent fièrement. Galmar était très fier d'avoir réussi son coup. Soudain….


-Quel magnifique discours!


Tous avaient entendus cette voix dans l'ombre des bois, accompagné d'applaudissements et de plusieurs bruits de pas. Éclairé par la lumière des torches, une silhouette massive s'approcha le sourire aux lèvres vers le campement des résistants. Derrière lui, plus d'une centaine de soldats l'accompagnaient. Galmar ne savait pas qui était cette personne menant cette troupe et, par doute, descendit de sa branche et pointa l'épée vers cet inconnu. Parmi les soldats qui le suivaient, certains portaient une bannière que Galmar eut du mal à reconnaître. Il représentait un fermier portant une charrette sur un fond marron. C'était la maison de….


-Lord Darry! S'exclama Azénor à côté de Galmar.


-Lord Darry? Celui qui a aidé Olliver dans la bataille de la Baie des Crabes? Demanda Galmar.


-Oui. Je lui ai envoyé un corbeau pour qu'il vienne nous aider. Répondit Azénor.


Lord Darry s'approcha de Galmar et baissa son épée avec ses doigts.


-Je vois que vous avez autant de fougue que votre frère. Plaisanta Lord Darry en souriant. Content de vous rencontrer, ser Galmar.


Galmar sourit à son tour, rangea son épée dans son fourreau et serra la main de celui qui allait sans doute être son nouvel ami.


-Vous…vous allez vraiment nous aider? Osa à peine demander Galmar.


-Oh non, je passais juste vous saluer, je pars emmener mes hommes prendre un navire au port.


Lord Darry laissa un petit silence avant de faire sursauter toute l'assemblée:


-Mais bien entendu que je vais vous aider, idiot! Cria-t-il en s'esclaffant de rire. Allez, nous avons une ville à reprendre. Je tuerais tous les Frey pour ce qu'ils ont fait aux Noces Pourpres!


Galmar sourit de nouveau et se retourna vers les soldats Hästrid devenus de fiers résistants.


-Vous avez entendu?! Demain, nous élaborerons un plan et nous nous préparons pour la libération et le sauvetage des habitants!


Peu après, les résistants Hästrid et les soldats Darry discutèrent plus joyeusement autour du feu. Galmar se lia d'amitié avec Lord Darry et Azénor s'entraîna avec les soldats qui avaient l'audace de s'attaquer à la plus puissante guerrière de Viergétang. Cette nuit-là, Galmar se coucha face aux étoiles. L'une d'elles brillaient ardemment et il chuchota:


-Nous allons réussir, Olliver. Je te le promet.

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